Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Faites votre bilan écran: Un guide pour les parents

Mouton, Psychologue Clinicienne)

par Aude Mouton, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14

Faites votre bilan écran: Un guide pour les parents

 La question des écrans est un sujet très actuel : les parents d’aujourd’hui ne peuvent pas se baser sur leurs expériences car les écrans, leurs formes et utilisations ont rapidement évolué. Vous, parents actuels, avez un vécu de votre rapport aux écrans dans votre enfance qui se limitait à la TV, aux consoles de salon ou peut-être aux débuts des consoles portables, lourdes et en noir et blanc. On est loin des tablettes, des consoles portables à haute définition et des réseaux sociaux toujours en mouvement !


Quels types d'écran ?


 Il existe deux types d’écrans : les « passifs » et les « actifs ». Mettons dans la catégorie « écrans passifs » les activités qui ne nécessitent pas d'action de la part de l'enfant, comme un programme télé par exemple, ou un film sur n'importe quel support.

 Les écrans actifs sont les activités interactives, qui demandent une participation de la part de l'enfant, typiquement les jeux vidéos. Les réseaux sociaux se retrouvent à la frontière de ces deux catégories puisque nous pouvons être consommateur ou acteur.

L'écran passif a un effet hypnotique qui met le cerveau sur « pause ». Adulte, il est possible de regarder une émission et de réfléchir, de se cultiver. Les enfants ne sont pas dans cette démarche, ils regarderaient n'importe quoi et l'effet hypnotique est bien agréable mais source de risques avérés pour le développement physique, cognitif et affectif (1). L’aspect récréatif du film peut-être bien entendu un moment de détente, de partage en famille, d’accès à la culture (culture générale et sociale). Toutefois, il doit se limiter à cela. La tendance actuelle de l’écran passif est de se débarrasser de l’aspect contraignant de l’enfant, au restaurant, en voiture, en soirée…

 Demandez-vous à quel moment vous donnez accès à vos enfants à cette activité passive de détente. Le faites-vous par souci de relaxation, de détente, de partage ou parce que cela est pratique pour vous ?

L’écran actif peut avoir un effet d’apprentissage tout en restant limité. Dans sa recherche sur l’apprentissage au travers de plusieurs modes (avec des vidéos, via un appel en visio ou en face à face), la chercheuse Kathy Hirsch-Pasek (2) montre que rien ne remplace l’échange réel dans le transfert de compétences et dans l’apprentissage d’une langue, par exemple. Il faut donc bien voir l’écran comme un outil d’apprentissage parmi tant d’autres. Apprendre l’anglais, par exemple, peut s’appuyer sur des applications pour comprendre la grammaire ou mémoriser du vocabulaire. Tant que cet apprentissage ne sera pas passé en conversation, avec une composante émotionnelle, une mémoire des évènements et des situations, la connaissance de cette langue sera limitée et plus fragile dans le temps. Les enfants vont pouvoir apprendre la « chanson » des lettres ou la « chanson » des nombres, cependant comprendre la profonde signification d’un mot, d’un son, du nombre, devra passer par l’expérience matérielle ou relationnelle. Il leur est plus difficile de passer d’une expérience 2D à une expérience 3D car ils n’ont pas les mêmes capacités s’agissant du transfert de compétences ou de conceptualisation. Un mot ne prend son sens que dans son emploi et sa compréhension tacite.


L’écran solitaire


 C'est ici une question cruciale et une question d'éducation. Mettre les enfants devant un film ou un jeu permet d'avoir un moment de calme. Un enfant ne devrait pas avoir accès à un écran lorsqu'il est seul et le cas échéant, il devrait y avoir une discussion à la suite de l'utilisation pour permettre que l'expérience soit positive.

 Beaucoup de parents d’adolescents mettent en avant l’aspect social de certains jeux ou de certains réseaux sociaux. Il est vrai que certains jeux peuvent permettre une certaine cohésion d’équipe, ou permettre à un jeune de se faire inclure dans un groupe de pairs. Le danger est la perte de regard du parent sur la situation. Lorsqu’on laisse son jeune aller à une fête ou chez un ami, il paraît évident de le faire selon certains critères définis avec lui au préalable (connaître les amis, règles quant aux horaires, etc.. ) alors que le jeu en ligne chez soi donne une fausse impression de sécurité et le parent est bien souvent incapable de décrire les jeux auxquels son enfant joue, les personnes avec qui il parle, etc… Si votre parti pris est de laisser votre enfant jouer, renseignez-vous, jouez avec lui, comprenez les règles du jeux mais aussi les règles du groupe auquel il appartient.  


Quelle durée ?


 Tentez de compter vraiment la durée d'utilisation de votre enfant sur une semaine. Même les études ont du mal à se mettre d’accord et estiment le temps d’utilisation moyen entre 2h et 4h30 pour les enfants de 2 à 5 ans. Il existe une fonctionnalité dans votre téléphone qui vous permet de voir votre consommation quotidienne. Je vous invite à l’ouvrir et à prendre conscience de ce nombre d’heures pris dans votre journée. L’expérience est toujours enrichissante !

 La durée que vous trouvez juste, de 0 à plusieurs heures dépend de votre propre vision de l’écran dans votre vie et votre famille. Serge Tisseron a d’ailleurs développé un outil très pratique en s’inspirant de multiples recherches, vous trouverez son site à la fin de l’article. (3)



Quand ? À quel moment de la journée votre enfant est-il devant son écran ?


 Il est facile de donner de grandes leçons éducatives et tout le monde diffère. Voici cependant deux grands principes biologiques, qui permettent d’encadrer vos choix selon des critères objectifs.

  1. Évitez le matin avant l'école. Nous avons besoin au réveil de nous préparer mentalement pour notre journée. Entamez au petit déjeuner la discussion avec votre enfant : Que va-t-il faire aujourd'hui ? En classe, avec les copains, après l'école. Quelles sont ses envies du jour et de la semaine. Ce moment de réveil est important et permet au cerveau de s'ouvrir aux possibilités du jour. Un enfant qui a fait une heure d'écran avant d'arriver en classe aura une longueur de retard sur le plan de la concentration et de l'énergie.

  2. Les écrans devraient être éteints et rangés après 17h. À partir de cette heure, le corps se prépare à se coucher et à dormir. Proposer un écran après 17h peut provoquer des troubles de l'endormissement ou du sommeil. Si cet horaire est vraiment trop tôt, tentez de proposer un arrêt après le repas, puis avant le repas en reculant graduellement l'horaire d'arrêt.


Trouvez votre équilibre


 Ne diabolisons pas : le mot clé étant équilibre. Il est toujours facile dans ces débats difficiles de santé publique de pencher d’un côté puis de son extrême opposé. Au même titre que tous les points de santé publique, il est du devoir des professionnels de mettre en garde. Idéalement, vous mangeriez bio, ni trop gras ni trop sucré, des produits locaux et frais, sans alcool, sans fumer, sans excès, avec du sport mais pas trop, en campagne sans pollution…

 Mais la vie est aussi faite pour profiter, pour avoir du plaisir, du bien-être, de la détente.

Trouvez un point d’équilibre par rapport à l’écran, sans diaboliser et sans être trop permissif.

Réfléchissez à la place que cette activité a dans votre vie et celle de vos enfants. Demandez vous si vous trouvez cela adapté, bon pour son développement, ses compétences sociales et son équilibre psychique. Et adaptez en fonction !

 
Aude Mouton 

Le Burn-out, syndrome d’épuisement professionnel

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2020-01-14

Le Burn-out, syndrome d’épuisement professionnel

 L’épuisement professionnel est-il le nouveau mal du siècle ? “Je suis au bord du burn-out”, l’expression depuis quelques années s’est immiscée dans notre langage courant et on y recourt à tout bout de champ, des unes des journaux aux conversations des dîners mondains. Si l’expression est utilisée à tort et à travers pour désigner des réalités parfois bien différentes, on se pose la question de la nature de ce mal qui ronge nos sociétés et tout particulièrement le monde du travail.

 Crise de sens, signe d’un ras-le-bol face à un monde du travail jugé violent, ou véritable maladie professionnelle, les spécialistes hésitent. 


En mai 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé, lors de sa 72ème assemblée, a rappelé que le burn-out était avant tout un phénomène lié au travail dont les conséquences s’étendaient à l’état de santé général des personnes, mais qui ne pouvait figurer en tant que maladie à proprement parler au sein de la classification internationale des maladies. 

Mais alors, comment comprendre ce mal qui semble gagner le monde du travail ?

 Rappelons tout d’abord que le burn-out, aussi appelé épuisement professionnel, n’est pas un mal, mais un syndrome: “Le burn-out, ou épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé comme résultat d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré” (1). Le syndrome d’épuisement professionnel peut alors se définir alors comme le résultat de ce stress chronique qui se manifeste à travers trois dimensions décrites par Christina Maslach (2), psychologue américaine : l’épuisement émotionnel, où le sujet ressent un véritable manque d’énergie psychique et physique, la déshumanisation des relations, c’est-à-dire une attitude de retrait et de détachement du sujet dans ses relations au niveau professionnel qui s’accompagne de cynisme, et enfin un ressenti de diminution de l’accomplissement personnel au travail, où un sentiment de perte d'efficacité s'immisce peu à peu en nous, s'accompagnant d'un sentiment d'échec, de frustration qui le conduit à une dévalorisation de soi au travail.

 Les conséquences de ce syndrome sont visibles à tous les niveaux : émotionnel, physique, cognitif, mais aussi dans les relations interpersonnelles. Le syndrome d’épuisement professionnel conduit la personne qui le vit de manière quasi-systématique vers un arrêt de travail allant de quelques jours, quelques semaines, à plusieurs mois. Dans certains cas, le burn-out peut s’accompagner de consommation de substances psychotropes, et peut même parfois mener son sujet jusqu’à un état psychique proche d’un tableau clinique psychiatrique.


 Le coût financier du burn-out est non-négligeable pour les entreprises et les systèmes de santé, notamment la sécurité sociale, qui couvrent les arrêts de travail. Mais c’est surtout au niveau psychologique que la note est salée pour les individus qui le vivent : effondrement physique et mental, émergence de pathologies liées, difficultés à se réinsérer professionnellement. Les séquelles se ressentent dans le temps et plusieurs années sont parfois nécessaires pour se remettre.


 Mais alors, pourquoi le burn-out n’est pas considéré comme une maladie à proprement parler ? Il semble en fait très difficile de poser un diagnostic clinique précis sur le burn-out, ses causes étant multiples et ses effets assez fluctuants. Un état d’épuisement professionnel se distingue très clairement d’une situation de stress au travail, qui ne s’accompagne pas nécessairement d’une remise en question du sens du travail et n’altère pas toujours la relation des personnes envers leur entourage professionnel. Il se distingue aussi clairement de la fatigue chronique, qui n’a pas pour objet principal le travail, et se déclenche après une période de stress généralisé. Il est aussi très important de bien le distinguer de la dépression qui, quant à elle, dépasse largement le cadre du travail pour s’étendre à tous les aspects de la vie, avec son propre tableau clinique bien précis.


C’est pour cela que l’on parle de syndrome : il existe en effet de signes cliniques et des symptômes divers qui coexistent sans pour autant qu’ils ne donnent naissance à une maladie à proprement parler. Les médecins du travail et les psychologues peuvent eux-mêmes attester de la variété et de la diversité des cas d’épuisement professionnel qu’ils reçoivent dans leurs cabinets, et privilégient souvent une approche multi-factorielle pour en expliquer l’origine.


 Alors, de quoi s’agit-il ? Peut-être que le burn-out ne peut s’expliquer qu’en rapport avec le contexte professionnel. Pour Herbert Freudenberger (3), psychiatre américain, le burn-out manifeste le décalage entre les besoins et idéaux d’une personne et la demande extérieure, ce qui entraîne une incapacité du sujet à répondre à cette demande.


Nos sociétés malades entreraient donc en collision avec les fragilités individuelles.
Christina Maslach développe cette théorie dans ces recherches, insistant sur la violence qui règne dans le monde du travail, qui possède en soi de moins en moins de valeur intrinsèque, ce qu’on observe notamment depuis la crise économique de 2008. Le monde du travail, traversé par les difficultés économiques, tend à exiger de plus en plus des personnes tout en les sécurisant moins : les restrictions budgétaires s’accompagnent d’une surcharge de travail, tirant chaque jour un peu plus sur la corde des individus qui ne trouvent plus de sens.


 Face à cette pression constante, les personnes mettent en place des stratégies d’adaptation dysfonctionnantes, jusqu’à un point de rupture. Le contexte professionnel agressif entre en collision avec la vulnérabilité des individus. Le burn-out s’installe et l’employé se retrouve contraint de quitter son travail, le temps de se remettre sur pied.


 Il demeure donc essentiel de faire la différence entre les implications personnelles des individus en souffrance, et celles liées au type de travail et à l’organisation au sein de laquelle ils évoluent.


 Aussi, pour sortir du burn-out, il semble adéquat de se diriger vers une prise en charge individuelle qui prenne aussi en compte le contexte de travail. Maslach insiste en parallèle de cela sur le besoin de "réparer" les entreprises et le monde du travail. Michel Delbrouck (4), médecin et psychothérapeute belge, insiste quant à lui sur la nécessité d’envisager la prise en charge par une approche médico-psycho-sociale dans la thérapie. Il propose aux psychologues d’adopter une posture spécifique entre le coaching et la psychothérapie, le médical et l’organisationnel, intégrant un maximum de facteurs ayant pu mener une personne au burn-out.


 Identifier et soigner les souffrances individuelles qui se cachent derrière l’épuisement professionnel, sans pour autant omettre le contexte psycho-social spécifique rempli de stresseurs qui l’a causé pourrait permettre aux individus de reprendre le contrôle de leur vie et de trouver de nouvelles stratégies d’adaptation au service de leur équilibre personnel et d’une vie professionnelle satisfaisante.

En parallèle de ça, un réel réveil du monde de l’entreprise reste nécessaire afin de transformer les systèmes pour éviter qu’ils ne mènent à de telles situations.


Cécile Pichon

Rendez-vous chez le psychologue : un rendez-vous avec soi-même ? Le chemin vers la première séance

Roustang-Jeglot, Psychologue clinicienne-psychothérapeute)

par Astrid Roustang-Jeglot, Psychologue clinicienne-psychothérapeute
le 2020-01-14

Rendez-vous chez le psychologue : un rendez-vous avec soi-même ? Le chemin vers la première séance

Prendre la décision d’aller consulter le psychologue ne va pas toujours de soi.


A quel moment le décider? Est-ce que cela va être « utile » de parler à un étranger? Est-ce que j’en ai vraiment besoin? A quoi bon parler des choses qu’on ne peut pas changer? Comment est-ce que cela va se passer? En quoi parler va-t-il me soigner? Combien de temps cela va-t-il durer? 


 Voici quelques-unes des questions légitimes et récurrentes qui interrogent, parfois, ceux et celles que cette idée traverse.

 Souvent - et sans doute pour une majorité de personnes - consulter s’accompagne de peurs, de craintes, d’appréhensions, de doutes, d’anxiété. Ces émotions freinent voire empêchent de prendre rendez-vous ou bien d’aller jusqu’à pousser la porte du cabinet du psychologue. Si ces questions attendent bien sûr des réponses, le déferlement de questions avant un premier rendez-vous traduit, d’abord et avant tout, l’appréhension face à une situation inconnue, inédite. La grande clinicienne qu’était Françoise Dolto a fait inscrire en épitaphe sur sa tombe l’injonction « N’ayez pas peur ! », sans doute le fruit de sa longue expérience.


 Si la question « Est-ce que j’ai besoin d’aller consulter un psychologue ? » a pu se former en vous ou si quelqu’un vous l’a conseillé et que vous y repensez, c’est que cette idée résonne. L’intuition est déjà là. On se demande si l’on doit ou non la suivre.

 Il est vrai que dans nos sociétés occidentales actuelles prime la pensée spéculative, la pensée logique et rationnelle sur une pensée plus intuitive, créative et associative. C’est l’erreur de Descartes (1) qui, dans une vision dualiste, en a séparé le corps et l’esprit. Sa célèbre phrase « Je pense donc je suis » néglige la question des affects. Pourtant « la dimension humaine est d’abord et avant tout corporelle" (2). Les émotions ont toujours à voir avec le corps.

« Je ressens donc je vis » ne pourrait-il pas aujourd’hui être substitué à la phrase du philosophe?

 Ressentir, se mettre à l’écoute de ses sens… pas si simple lorsque la souffrance est présente. C’est généralement ce qui amène une personne chez le psychologue : alléger ce qui pèse dans sa vie, permettre que cesse la douleur, éclaircir ce qui est obscur.

 Pour trouver cette nouvelle place confortable dans sa vie on entend souvent en cabinet libéral « Pour que « ça » change, il faut que je comprenne ». Il existe une croyance tenace que comprendre rime avec solution. L’implacable logique cartésienne « si je comprends ce qui se passe en moi, cela va aller mieux » n’est pas toujours tout à fait exacte en ce qui concerne le processus de changement en psychothérapie. Combien ont déjà analysé ce qui se passe pour eux, fait des liens avec leur histoire ou leur vécu sans que cela ne modifie grand-chose ? Et si comprendre suffisait pour soigner, alors on pourrait se contenter de vendre des livres et des manuels explicatifs ; les thérapeutes en tous genres mettraient alors la clef sous la porte ! Ce serait surtout omettre la place du corps et des émotions en psychologie (3).

 S’il ne suffit pas seulement de comprendre, il ne s’agit pas non plus d’envisager cet espace pour uniquement déverser un mal-être ou encore se complaire dans une sempiternelle plainte (4) dont on connaît les effets pervers d’enfermement.

 Au-delà des mots prononcés et échangés, chez le psychologue clinicien, une attention particulière est portée à l’écoute du corps qui exprime et ressent, aux mots chargés d’affects. (5)


 Prendre rendez-vous avec le psychologue demande de porter attention à ces ressentis douloureux, ce qui suppose d’avoir préalablement reconnu que « ça ne va pas » et que « ça pourrait être différent ». (Le « ça » chez Freud est une instance inconsciente, le siège des pulsions, des envies, réservoir premier de l’énergie psychique).


 Cette rencontre avec son mal-être peut constituer un frein à la consultation.

Consulter est donc déjà, en soi, un acte qui engage la personne physiquement et émotionnellement.
Il est question par cette prise de rendez-vous de reconnaître qu’on ne se sent pas bien, de donner une place à cette partie en soi qui souffre, d’asseoir un désir que quelque chose change, se modifie, se transforme, sans savoir tout à fait comment s’y prendre. La présence et l’écoute d’un professionnel de santé accompagnent ce mouvement avec une distance qu’il n’est généralement pas facile d’avoir sur soi-même.


 Le rendez-vous pris est donc déjà la concrétisation d’une intuition que ce qui est vécu pourrait l’être d’une autre manière peut-être plus légèrement, plus simplement, plus tranquillement. Il inscrit un premier mouvement vers autre chose. Autre chose, c’est ce qui pose difficulté à nos esprits rationnels qui voudraient déjà savoir comment cela va se passer, est-ce que cela va bien se passer, savoir ce qui va être vécu avant de l’avoir vécu. Ces questions normales et fréquentes, témoignent de notre peur devant l’inconnu (ce que je vais ressentir, quel sera le chemin à prendre, etc…). Lors de la séance, on se livre au départ à un inconnu (le psychologue), à l’inconnu (le processus de changement), à sa part d’inconnu (ce que l’on ne connaît pas encore de soi). On y évoque ce qui est confidentiel et qui relève de l’intimité de la vie personnelle.


 Rencontrer le psychologue demande d’une part, d’accepter cette part d’inconnu, d’autre part de faire confiance à l’autre à qui l’on choisit de s’adresser et que l’on ne connaît pas. C’est-à-dire faire confiance à l’accompagnement qu’il peut apporter et à notre faculté de nous en saisir pour en bénéficier.

 Christophe Colomb, aventurier voyageur, qui découvrit l’Amérique alors qu’il croyait se trouver en Inde, nous a laissé cette phrase qui pourrait bien s’appliquer au voyage intérieur réalisé au cours d’une psychothérapie.:

« On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l’on va. »

 Ainsi, celui qui consulte a déjà commencé l’aventure vers un ailleurs : Pourra-t-il la poursuivre ? À quel rythme ? Pour quelle durée ? Avec quels obstacles, quelles étapes sur son chemin? C’est la question de l’engagement et de l’implication personnelle plus ou moins forte dans ce type de démarche qui se manifestera au travers d’une relation (6) qui a toute son importance. En effet, quelles que soient les approches thérapeutiques (plus ou moins conscientes), quels que soient les « outils » thérapeutiques proposés, la dynamique du changement est d’abord portée par le sujet qui vient consulter.


 Le psychologue clinicien vient accompagner une personne pour l’aider à traduire ce qu’il vit et à le traverser. Il ne suffit pas de savoir qu’il faut aller sur une autre berge, encore faut-il traverser le ruisseau, le torrent, le fleuve -plus ou moins agité- qui nous en sépare.

 Le psychologue est celui qui tend la main pour passer de l’autre côté. Encore faut-il avoir envie d’y aller, de saisir la main du psychologue. De lui faire confiance. D’en sentir toute la présence, la bienveillance et la solidité. Quand et comment allez-vous saisir cette main ? C’est à vous d’en décider. La santé est aussi un choix :

« Le bonheur ne nous est pas donné, ni le malheur imposé. Nous sommes à chaque instant à une croisée des chemins, et il nous appartient de choisir la direction à prendre » dit Matthieu Ricard.

 Consulter un psychologue est, vous l’aurez compris, sans doute moins un lieu de compréhension -même si en soi il est toujours confortable et rassurant de comprendre pour les êtres rationnels que nous sommes-, qu’un espace pour vivre une expérience relationnelle et affective, source de changement.


Alors, si cette question de consulter un psychologue vous trotte encore tête, tentez l’expérience en découvrant une nouvelle place !


Astrid ROUSTANG-JEGLOT 

Les motifs de consultation chez l’enfant de l’école maternelle à l’élémentaire

Bailly, Psychologue Clinicienne)

par Roseline Bailly, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14

Les motifs de consultation chez l’enfant de l’école maternelle à l’élémentaire

 Aujourd’hui je vois un petit garçon de 5 ans. 

 La maman m’a demandé un rendez-vous car les nuits deviennent insupportables. Elle et le papa sont à bout, ils n’en peuvent plus.

 Elle me dit avoir tout testé. « On a essayé d’être fermes, de le punir, de le rassurer, le co-endormissement où on reste avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme. Rien ne marche. Éventuellement, il va s’endormir dans son lit mais deux heures après il pleure, il vient nous rejoindre. Si on l’en empêche, il se couche devant la porte de notre chambre». Les parents, inquiets de ce que le manque de sommeil fera du lendemain, finissent souvent par accepter qu’il vienne les rejoindre et dorme avec eux. Jusqu’au moment où, trop à l’étroit à trois, l’un des deux parents va finir la nuit dans le lit de l’enfant pour essayer d’avoir au moins deux bonnes heures de sommeil avant d’attaquer la journée.

 Les difficultés d’endormissement, cauchemars, réveils nocturnes, terreurs nocturnes sont parmi les raisons récurrentes de consultation. Dans le cabinet où je reçois des enfants à partir de 2 ans, la question du sommeil de l’enfant - si elle n’est pas la raison même de la demande d’aide - est toujours évoquée. C’est une question qui ponctue nos vies dès le plus jeune âge quand on demande si le nourrisson fait ses nuits ; jusqu’à l’âge adulte où le « As-tu bien dormi ? » est aussi commun dans les échanges quotidiens que le « As-tu passé une bonne journée ? ». Nous avons tellement conscience que le sommeil est une nécessité, que s’enquérir de la nuit de l’autre est aujourd’hui une politesse. Une façon de montrer à l’autre que nous lui portons de l’attention.

 Les besoins vitaux sont tous des alarmes qui résonnent jusqu’au cabinet de psychologie. Les troubles alimentaires chez l’enfant en font bien sûr partie. Moins récurrents, car nous avons une variété en terme d’offre alimentaire qui laisse la possibilité de trouver, souvent, au moins un repas que l’enfant accepte quand il refuse tout le reste. Cependant un enfant qui mange moins ou moins varié est un enfant qui devient « difficile » avec la nourriture.

Quand je demande à l’enfant s’il sait ce qu’est mon métier, souvent il n’en a pas une idée claire. La réponse la plus simple que j’ai trouvée c’est de lui dire qu’il vient me voir pour que j’essaie de l’aider. Pour que ce qui est compliqué pour lui devienne plus simple.
L’enfant avant l’adolescence n’a pas encore acquis la capacité d’analyse et de synthèse qui lui permet d’expliquer ce qui est compliqué pour lui. Il n’a par contre aucun mal à admettre que c’est compliqué et qu’il aimerait être aidé.

 En tant que psychologue j’interviens quand l’enfant devient difficile ; avec la nourriture, au moment du coucher, dans les interactions avec les parents, à l’école. « Il est difficile, elle est dure ». Les rapports se tendent. Les parents multiplient les tentatives de solution et arrivent souvent démunis devant nous. Nous voyons les enfants quand les parents inquiets ne savent plus quoi mettre en place.

 Au-delà des besoins vitaux, la question de l’école reste un des premiers motifs de consultation. Il serait difficile de donner une définition claire et concise de ce que sont les difficultés scolaires. Par contre, nous avons une idée plutôt bien définie de ce qu’est la réussite scolaire. Un enfant qui réussit à l’école est un enfant qui a de bons résultats, un bon comportement et des copains avec qui jouer. Vous enlevez n’importe lequel de ces éléments dans toutes ses déclinaisons possibles et cela génère de la tension. Pour l’enfant, pour les parents qui s’inquiètent, pour l’enseignant qui ne sait plus comment transmettre. « L’inadéquation scolaire » est aujourd’hui un des générateurs d’angoisse les plus actifs. Quand le lieu de la future réussite et survie sociale de nos enfants vient nous dire qu’il y a un problème, l’inquiétude est immédiate. Tous les adultes ont conscience qu’un échec scolaire handicape lourdement. Inquiétude pour un avenir professionnel encore lointain, incertain qui effraie déjà par son caractère inconnu, mais pas uniquement. L’actualité même de l’enfant inquiète. Le décrochage scolaire, le retard dans les apprentissages qui est si difficilement rattrapable. Cette phrase qui trop répétée alarme : « Je veux pas aller à l’école ». De loin en loin elle est entendue comme un signe de bonne santé. Après tout, avoir envie de temps, de liberté, de jeux, c’est merveilleusement sain pour un enfant. Pour un adulte aussi. Mais quand l’expression d’une frustration saine devient un refus ; quand ce qui est actuellement reconnu comme le passage unique et obligatoire vers le minimum de connaissances nécessaires pour survivre est obstrué, c’est le gyrophare qui s’allume.

 Aujourd’hui, nous parlons de comportement de l’enfant comme d’une jauge de bonne adaptation. Nous oublions souvent de l’entendre comme une manifestation directe de son état intérieur.

 

Un enfant qui ne se comporte pas comme l’adulte le lui demande n’est pas un enfant qui a de mauvaises intentions. C’est un enfant qui ne va pas bien.
 Un enfant va, en toutes circonstances, d’abord tenter de satisfaire la demande de l’adulte qu’il aime. Ce que nous qualifions d’opposition ne démarre pas comme un combat dans un ring de boxe. L’enfant cherche son plaisir et son bien-être et va tenter de changer les limites pour l’obtenir. Il ne cherche pas à les ignorer ou les éliminer. Au contraire, elles sont le cadre qui sécurise. Simplement si elles l’empêchent de se sentir bien, il tentera de les adapter. Si malgré un refus répété il persiste, alors c’est le signe qu’il ne peut pas tolérer la situation telle qu’elle est. Il y a quelque chose qui le dérange trop. Qu’il manque d’attention au point de chercher la réprimande plutôt que de se sentir seul ; qu’il manque de confiance en ses capacités au point de mettre en échec tout ce qui est entrepris plutôt que d’essayer ; dans ces situations, l’enfant vient par son comportement dire sa détresse.

 Combien de fois nous nous apercevons nous adultes, que nous nous sommes mal compris dans nos mots. Et nous parlons là du domaine du verbal. Domaine codifié pour permettre une compréhension mutuelle sur une base commune. Le non verbal est infiniment plus complexe. Le comportement d’un enfant sera interprété par l’adulte selon sa connaissance de l’enfant, son cadre de référence. Il sera influencé par ses attentes, perçu différemment en fonction de la fatigue de l’observateur. Si en plus l’enfant ne peut exprimer avec des mots ce qui le pousse à agir ainsi, se comprendre devient un jeu d’équilibriste.

 Alors nous intervenons. Pour poser les questions qui vont permettre de mettre en mots une situation dans laquelle les parents sont tellement impliqués qu’ils n’en voient plus les contours. Nous sommes des archéologues de l’explication, des révélateurs de liens qui sont invisibles pour ceux qui sont pris dans la toile.

 Parce qu’un enfant pour éviter de blesser ou de ne pas faire plaisir va se contorsionner comme seule le permet leur souplesse de petit être encore en devenir.

 Une petite fille prise dans un conflit de loyauté depuis la séparation a décidé, ne sachant plus comment faire plaisir à deux parents qui décidément n’étaient plus d’accord sur rien, de ne plus rien dire ou faire à l’école. Parce que l’école est le lieu neutre où il ne s’agit ni de papa ni de maman mais d’elle. C’est le lieu où elle ne blessera ni l’un ni l’autre donc c’est le lieu où elle exprime son désarroi. Le positif c’est que ses deux parents sont enfin d’accord pour dire que ça ne va pas. Le négatif c’est qu’ils sont d’accord pour la gronder. Ne sachant plus comment sortir de l’ornière elle y reste et la creuse. Les parents se sentant déjà coupables de n’avoir pas réussi à sauver l’unité familiale, portant le poids du quotidien en parent célibataire, ne comprennent pas qu’elle ne fasse plus aucun effort à l’école. Elle qui réussissait si bien, elle qui a pourtant toutes les capacités nécessaires. Chargés de la peur pour l’avenir scolaire de leur fille, la fatigue de la journée et le doute coupable d’avoir, par la séparation, bousculé l’équilibre de leur enfant, ils s’énervent. Puis ils s’en veulent de s’être énervés. Alors il faut démêler les fils. Aller donner une couleur et des mots au ressenti de chacun. Leur permettre de s’écouter eux-mêmes d’abord, puis d’entendre l’autre.

L’énurésie, l’encoprésie, la dyslexie, l’hyperactivité, les difficultés liées à la précocité, sont autant de troubles qui au-delà de leurs origines, qu’elles soient physiologique, génétique, développementale, psychologique, tissent une toile serrée et complexe de peurs, d’espoirs, de déceptions. Ajoutons à cela la frustration du parent impuissant qui ne sait plus comment aider son enfant. Autant de nœuds sur une corde qui rétrécit jusqu’à ne plus laisser aucune souplesse dans un quotidien déjà surchargé entre la préparation du matin, les trajets, le travail, les devoirs, la douche, le dîner, le temps de jeu nécessaire, les dents et le coucher (enfin).

Aller voir un psychologue, c’est déposer son paquet de nœuds dans un espace où le professionnel, lui bien extérieur à la pelote, va tirer des fils, refaire les chemins des entrelacements, expliquer les boucles pour recréer de la souplesse.

 Consulter un psychologue n’est pas affaire de folie ou de troubles graves. Il s’agit des torsions du quotidien, des pliures et des courbatures qui entravent et épuisent. Les demandes varient comme autant de motifs d’une même trame. La question de soi, de l’autre, et du respect est au cœur de notre travail. Comment faire de chaque groupe social, de la famille à la classe, de l’équipe de foot au groupe éphémère d’un dîner entre amis, un espace harmonieux de vivre ensemble dans lequel chacun s’épanouit.


Roseline Bailly

Son profil sur weppsy

 

Des pistes pour approfondir :

Alvarez, C. (2016). Les lois naturelles de l’enfant. Paris : Les Arènes.

Dolto, F. (1974). Le cas Dominique. Paris : Points.

Doukhan-Zyngierman, D. (2004). Une psy dans une cité. Paris : Leduc S.

Winnicott, D. W. (1975). Jeu et réalité. Paris : Gallimard.

 


Les “psys”: psychiatre, psychologue, psychanalyste, psychothérapeute : comment s’y retrouver ?

Raynaud de Lage, Psychologue Clinicienne)

par Claire Raynaud de Lage, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14

Les “psys”: psychiatre, psychologue, psychanalyste, psychothérapeute : comment s’y retrouver ?

 Il est déjà parfois difficile de « se faire suivre » ou « d’aller voir quelqu’un », il est souvent encore plus énigmatique de savoir vers qui se tourner. Un psychiatre ? Un psychologue ? Un psychothérapeute ? Un psychanalyste ?

Mais savons-nous bien qui est qui et à quoi sert chacun ?

 Le psychiatre est un médecin, qui a effectué des études de médecine complète. Il est spécialiste de la santé mentale, et seul praticien habilité à effectuer un diagnostic médical et à proposer une prise en charge médicale et médicamenteuse.

 Le psychologue : le titre de psychologue est un titre protégé par l’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985, et qui depuis le décret n°2005-97 du 3 février 2005 est utilisé uniquement par des personnes titulaires d’un Master 2 de psychologie, ou d’un diplôme d’études supérieures en psychologie.

 Il existe plusieurs branches dans la psychologie dont la psychologie clinique et la psychologie du travail.

 La psychologie clinique a pour but de s’intéresser aux difficultés, aux souffrances, et aux conflits de chaque sujet, et la manière dont il parvient à vivre avec, à son histoire. Le psychologue tente d’accompagner chaque personne afin de l’aider à faire face de la meilleure manière possible aux différents événements de vie douloureux qu’elle traverse, de soutenir et d’apaiser.

 La psychologie du travail est davantage centrée sur les conduites humaines au sein de l’entreprise, et s’intéresse au couple personne-travail au sein de son environnement de travail.

 Le psychothérapeute : il peut être psychologue, mais aussi psychiatre, médecin, ou professionnel certifié par des organismes agréés, justifiant avoir validé une formation universitaire de 400 heures en psychologie clinique et de 5 mois de stage professionnel dans une structure privée ou publique agréée. Ce titre est protégé en France par le décret du 7 Mai 2012.

 La psychothérapie pourrait se définir comme la boîte à outils du soignant en santé mentale. Au sein d’une relation d’aide entre le patient et le soignant, le psychothérapeute est formé à une ou plusieurs méthodes de soins, qu’il propose à son patient afin de l’accompagner vers un mieux-être. Il existe de nombreuses psychothérapies différentes qui correspondent aux différents courants de la psychologie. Certaines d’entre elles sont décrites dans notre rubrique “Dossier”.

 Parmi les professionnels de la santé mentale, le plus connu du grand public est souvent le psychanalyste. C’est un thérapeute qui pratique la psychanalyse, qui est un des courants de pensée de la psychologie. Elle se fonde sur l’étude des phénomènes inconscients. La psychanalyse comprend deux acceptions :

  • un corpus théorique qui permet d’étudier les fonctionnements psychiques du normal au pathologique,
  • une méthode thérapeutique qui se fonde sur la parole et l’association libre du patient.

 Le titre de psychanalyste n’est pas un titre protégé. Les pré-requis essentiels pour obtenir ce titre sont d’avoir soi-même fait une cure psychanalytique (allongé sur le divan) et d’avoir suivi une formation dans le cadre d’une association psychanalytique.


Bon à savoir : Il est possible de cumuler plusieurs casquettes. Ainsi un psychiatre peut être psychothérapeute. Un psychanalyste peut aussi être psychologue. Il est donc intéressant de se renseigner pour savoir si le praticien que nous allons voir est formé à la psychothérapie, par exemple.

 En outre, il est bon de préciser que depuis quelques années maintenant, tous les étudiants de l’Ecole de Psychologues Praticiens ont le double diplôme de psychologue et de psychothérapeute, grâce aux nombreux stages effectués durant leur cursus, et aux différents cours de psychopathologie qu’ils ont l’opportunité de suivre.

 

Claire Raynaud de Lage

Linkedin


Sources :

Agence Régionale de Santé. Usage du titre de psychothérapeute. 

Légifrance. Usage du titre de psychologue. 

Légifrance. Décret fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue. 


Savez-vous apprécier vos réussites ? La problématique du syndrome de l'imposteur

d'Heucqueville, Psychologue du travail)

par Pauline d'Heucqueville, Psychologue du travail
le 2020-01-14

Savez-vous apprécier vos réussites ? La problématique du syndrome de l'imposteur

 Alice a fait de brillantes études, elle est douée et n’a eu aucun mal à trouver le poste qu’elle souhaitait. Ses premières expériences en entreprise sont de véritables succès même si elle ne le reconnaitra jamais. Elle travaille beaucoup, s’investit et… ça marche : son manager vient de lui parler d’une mission complexe dont elle serait le chef de projet pour le mois de janvier.  

 Mais Alice ne lui fournit qu’une réponse évasive et fuyante. Elle est persuadée que son patron la surestime. Malgré les bons retours sur son travail, elle n’a pas, selon elle, les compétences suffisantes pour une telle tâche. C’est à Michel, son collègue, qu’il aurait dû proposer…

 Quelques jours plus tard, Alice vient consulter un psychologue qui lui a été recommandé. Le thérapeute découvre une jeune femme rongée par l’angoisse. La proposition qui lui a été faite la terrorise. Selon elle, cela ne fait aucun doute, l’image de la salariée sérieuse et brillante qu’elle renvoie n’a rien à voir avec ce qu’elle est vraiment : elle s’estime nulle et moins douée que ses collègues. Pour en arriver là, elle a eu de la chance, c’est tout.


“Trois critères qui permettent de l’identifier : l’incapacité de s’attribuer une réussite, l’impression d’être surestimé et la peur d’être démasqué”

 Pourtant, quand le psychologue renvoie Alice à son expérience, elle est bien incapable de vous donner des exemples d’échecs ou de faits qui pourraient rendre rationnel ce sentiment. Tout laisse à penser qu’Alice mérite son succès et qu’elle est à la hauteur.

 C’est en 1978, que deux chercheurs américains parlent du « syndrome de l’imposteur » pour la première fois et mettent en avant trois critères qui permettent de l’identifier : l’incapacité de s’attribuer une réussite, l’impression d’être surestimé et la peur d’être démasqué.

 Ces symptômes, quand ils sont éphémères, sont assez courants, 62% à 70% de la population aurait douté "ne serait-ce qu’une fois de la légitimité de leur statut" selon les données avancées par Chassangre en 2016 (1). Ce sentiment peut d’ailleurs s’exprimer seul et de manière isolée dans un fonctionnement psychique sain et pas uniquement dans le milieu professionnel. Pauline Rosa Clance, experte du sujet, préférera parler d’ailleurs « d’expérience de l’imposteur ».

 Au-delà de la question sémantique, ce trouble, même s’il a tendance à diminuer avec l’âge (2) peut persister chez certaines personnes engendrant une grande souffrance psychologique.

 

Alors, que se passe-t-il dans la tête d’Alice ?


 Les comportements que va mettre en place la jeune femme pour faire face à son illégitimité supposée peuvent être de deux types :

 Soit elle se prépare de manière excessive pour réussir à tenir la mission quitte à mettre en péril sa santé; soit elle procrastine concernant les tâches qu’elle doit accomplir.

 Dans les deux cas, si elle réussit elle aura tendance à attribuer son succès à des causes extérieures : « en travaillant autant, qui n’aurait pas réussi ?», « j’étais au bon endroit au bon moment ». Ce processus est l’attribution causale d’une réussite qui est généralement externe et instable chez les prétendus imposteurs. (3)

 Ce qu’il faut retenir, c’est l’irrationalité de la croyance d’Alice qui conditionne l’ensemble de ses comportements. A terme, elle pourrait avoir tendance à :

-       se fixer des objectifs moindres pour s’assurer de ne pas échouer : refuser cette mission par peur de l’échec par exemple ;

-       éviter toute situation susceptible de la mettre en avant par l’avenir ;

 La crainte d’Alice est d’être humiliée si elle échoue. (4)

 

Comment aider cette patiente ?


 La faible estime d’Alice pour sa propre personne est le résultat d’une évaluation dysfonctionnelle d’elle-même qui entraîne des états dépressifs et anxieux communs à la plupart des personnes souffrant du syndrome de l’imposteur. (5)

 Fort de ce constat, un accompagnement psychothérapeutique pourrait amener Alice vers une acceptation inconditionnelle d’elle-même qui l’aiderait à considérer sa personne avec ses failles et ses points forts.

 La réattribution causale de ses réussites peut se travailler grâce à un outil très simple (6) : 

  1. Tracez une ligne sur une feuille de papier
  2. Ecrivez à une extrémité le mot “imposteur” avec la définition réelle du terme (Personne qui trompe par de fausses apparences, qui se fait passer pour quelqu'un d'autre) (7)
  3. Inscrivez à l’autre extrémité “moi, mon masque” et définissez-le (savoir-faire, savoir-être, connaissances, compétences…)
  4. Placez-vous chaque jour sur cette ligne et en expliquant pourquoi vous pensez être à tel endroit

 Si vous souhaitez vous évaluer : le Clance impostor phenomenon scale (CIPS) est une échelle validée scientifiquement (en anglais et en français) composé de 20 items et accessible facilement sur internet. Elle mesure les manifestations qui peuvent être induites par ce syndrome. Les réponses sont graduées de 1 (pas du tout) à 5 (tout le temps). Plus le résultat est élevé, plus vous faites vraisemblablement l’expérience du syndrome.

 

Pauline d'Heucqueville

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Sources