par Aude Mouton, Psychologue Clinicienne
le 2020-10-13
Pourquoi ce tapage à propos de la bienveillance ? Pourquoi punir et donner la fessée jusqu’alors le « bon » choix est aujourd’hui si décrié ? Comment l’enfant peut-il apprendre et comprendre les limites sans punition ?
Avant 6 ans, le cortex préfrontal n’est pas suffisamment développé pour faire son travail : réguler les émotions de façon efficace.
Nous avons tous vécu ce grand moment de solitude face à notre enfant en complète tempête émotionnelle devant… son biscuit cassé. Notre cerveau d’adulte analyse la situation et ne comprend pas que la frustration de ne pas avoir son gâteau comme on le veut, la déception de voir la cassure, puisse provoquer un tel comportement. L’émotion peut apparaître chez l’adulte mais elle est vite « contrôlée » par le cerveau et produit un comportement « a minima » car l’émotion est intériorisée.
Nous avons tous tenté d’expliquer avec calme que « non, il n’y a plus de raisins » devant un enfant qui nous répond sans relâche que « oui, mais moi j’en veux un maintenant ! »
Le cortex préfrontal qui permet d’accueillir une émotion et de la soumettre au concept de la réalité (= prendre du recul) n’est pas encore fonctionnel. L’enfant n’est donc pas en mesure de comprendre que son désir doit être soumis à une réalité concrète.
Tout cela pour dire que l’enfant avant 5 ou 6 ans n’est pas à même de contrôler un grand nombre de ses vécus émotionnels et cela se perçoit par des comportements qui ne sont pas « acceptables » socialement. (Vous pouvez lire “Au coeur des emotions de l’enfant” de Filliozat)
Tout d’abord, marchent-elles vraiment ? Il faut bien souvent un grand nombre de répétitions de punitions pour que le comportement disparaisse. Une punition inclut toujours une notion de peur. On propose un déplaisir, une peur, à l’enfant face à un comportement. C’est alors une autre partie du cerveau qui est mise en route. Le « système de récompense », qui comprend les récompenses et les punitions, provoquent des productions hormonales qui vont amener le sujet à répéter ou éviter un comportement. C’est la base du training animal.
Donc à long terme, il est vrai que le comportement s’accentue ou s’arrête mais cet entraînement n’est pas un apprentissage à long terme. L’enfant a du mal à faire le lien entre la punition et « l’intérêt » de la punition. Et même les adultes… combien d’entre nous râlent lorsqu’ils reçoivent un PV ? Un excès de vitesse est un danger pour tous… mais le PV reste une punition inacceptable et désagréable, qui change peu nos comportements sur la route. Les études montrent d’ailleurs un meilleur changement chez le conducteur après un stage qui explique les dangers plutôt qu’après une amende.
Les comportement qu’un parent veut faire cesser ou provoquer chez son enfant comporte généralement une notion d’acceptation sociale.
Si on réfléchit vraiment à la règle que l’on veut mettre en place, on devrait y trouver une logique, une rationalisation sociale, un intérêt dans le développement de l’enfant.Dans ce cas, il est toujours possible de trouver une solution intelligente de répondre à la situation.
L’obéissance est à différencier de la soumission. Dans une relation de confiance, l’enfant sera plus enclin à faire confiance à la personne qui le sécurise.
L’enfant qui a un comportement dangereux (mord, traverse la route, ne s’attache pas en voiture ..) n’est souvent pas en recherche de provocation. Cette compétence arrive plus tard (après 6/7 ans). Il est peut-être dans la recherche des limites, c’est-à-dire comprendre la différence bien/mal, acceptable/inacceptable, etc. mais il est surtout, le plus souvent, dans une recherche de relation, de rapproché à l’autre.
Ouvrir le dialogue, expliquer, rendre possible l’expression du sentiment est toujours une bonne idée. Un enfant est très rapidement dans le conflit quand il est en désarroi avec ses propres émotions. Un enfant va aussi chercher à « prendre le contrôle » pour se sentir puissant et fort.
Un enfant a très vite une sensation de frustration car il vit dans un monde de plaisirs et il n’est pas capable de se rendre compte de l’importance des demandes de la réalité.Tout ceci ne sont pas des excuses pour le laisser faire ! Tout ceci sont des connaissances essentielles pour lui verbaliser et l’amener à développer ces compétences.
Oui. Absolument vrai.
La parentalité bienveillante n’est pas l’absence de limite : la parentalité bienveillante est la tentative de poser des limites de façon respectueuse de l’enfant, de son développement et de son intégrité.
Les violences ordinaires sont nombreuses :
Demander à un enfant un contrôle émotionnel que son cerveau n’est pas capable de produire
Demander à un enfant une absence d’émotion ou une variation émotionnelle
Ne pas proposer de dialogue ou d’empathie
Les atteintes physiques (la fessée, la tape sur la main)
Les atteintes verbales, c’est-à-dire les insultes, le dénigrement, les menaces
Mais aussi :
Laisser tout faire à l’enfant, lui donner le choix sur tout
Ne pas avoir d’exigence et le laisser seul assumer ses comportements
Le laisser dominer l’autre, qu’il soit un autre enfant ou un autre adulte.
Ceci aussi sont des violences ordinaires car l’enfant rentre dans une toute puissance très anxiogène dont il est très dur de sortir.
Pour se sentir en sécurité l’enfant a besoin de sentir que son parent est stable, sûr de lui, qu’il est un guide fiable. Les adultes ont une supériorité intellectuelle, développementale, physique, d’expérience. Ils doivent absolument imposer un cadre de vie à l’enfant dans lequel celui-ci peut se développer en sécurité. Ce cadre est l’ensemble des règles de la société, de la famille que l’enfant doit apprendre à suivre pour être un membre actif de la communauté dans laquelle il vit. On peut choisir de l’aider à se développer par contrainte ou par coopération.
Vos buts à long terme
La première étape me semble être de réfléchir au long terme. Comment voulez-vous que vos enfants soient dans 20 ans ? En se projetant dans le futur, on trouve les réponses à nos demandes éducatives. Se tenir correctement à table est une demande classique, qui change d’un pays à l’autre mais qui reste une aptitude importante à apprendre. Si on imagine nos enfants dans le futur, on peut alors leur expliquer que manger correctement est une marque de respect de l’autre, c’est une compétence qui nous permet d’appartenir à un groupe, de respecter l’espace autour de nous et ceux qui nettoient après nous…
Éduquer par l’exemple.
Si vous voulez des enfants empathiques, soyez empathique envers eux. Si vous voulez des enfants attentifs, soyez attentifs à eux. Si vous voulez des enfants authentiques, soyez authentiques… Nos enfants se crient dessus, disent des gros mots et tapent parce qu’ils imitent ce qu’ils voient.
Un enfant imite jusqu’à tard dans son développement, et vous êtes sa principale source d’inspiration !
Comment un enfant peut-il comprendre qu’il est mal de taper… en se faisant taper ? C’est une ambivalence que le cerveau ne peut pas accepter. Et si les mots le disent, l’expérience physique reste la même : je suis dominé par la douleur physique, je dominerai par la douleur physique.
La punition
J’aimerais vous proposer ici de tenter la “coopération” à la place de la punition. Votre famille est une équipe, une communauté et suivre le chef du groupe est important pour que l’ensemble de la communauté fonctionne.
Expliquez vos besoins: "J’ai besoin que tu ailles te mettre en pyjamas pour avoir le temps de faire le dîner”. “J’ai besoin que tu ailles te laver les mains pour que nous profitions tous d’une maison propre”.
Proposez-lui de participer à la conversation éducative. Même très jeune vos enfants vous surprendront par leur capacité à analyser ce qu’ils vivent. Vous pouvez ainsi faire la liste de ses responsabilités dans le groupe (toujours en accord avec son âge)
Choisissez un sujet qui vous importe dans vos valeurs familiales et tentez de faire comprendre à vos enfants son importance. Ayez une discussion à propos de pourquoi on le fait, les conséquences de suivre ce principe et de ne pas suivre ce principe, comment le gérer en famille, qui est une petite communauté. Tentez le partenariat sur un sujet et voyez les effets rapides !
Enfin, vous pouvez rappeler à votre enfant qu’il a encore le choix devant vos ordres: il peut coopérer s’il se sent capable, ou exprimer son vécu. Un enfant a parfois un sentiment qui le bloque: il n’a pas fini son jeu et il voudrait quelques minutes supplémentaires, il ne se sent pas capable de faire la tâche demandée, il a besoin d’aide ou de soutien… en lui rappelant qu’il peut soit obéir, soit exprimer les raisons de sa “désobéissance”, vous continuez de construire une relation de confiance et non de soumission, vous créez un environnement de cohésion.
Pour mieux comprendre, je recommande les livres de Guéguen et Filliozat pour découvrir des outils techniques, ainsi que les livres de Faber & Mazlish. Enfin, parler de vos expériences pendant des ateliers ou groupes de paroles peut également être très efficaces.
Aude Mouton