Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), quand l’angoisse se traduit en actions

Ricaux, Psychologue clinicienne certifiée TCC)

par Valentine Ricaux, Psychologue clinicienne certifiée TCC
le 2020-11-12

Au cours de la vie, 2,3% de la population serait touchée par des troubles obsessionnels compulsifs, dit TOC. Ils font partie des troubles anxieux. Alors que 80% ou 100% de la population générale présenterait des obsessions sans retentissement pathologique, les obsessions vécues dans le TOC se démarquent en fonction de leur fréquence, de leur durée et de la capacité de la personne à la rejeter.

Le TOC se caractérise par la présence de quatre composants principaux : les obsessions, les compulsions, les conduites d’évitement et l’anxiété associée. La principale conséquence est une détresse psychologique importante et un retentissement dans la vie sociale des personnes touchées.


Comment peut-on comprendre les TOC?

Il faut partir du concept de l'obsession.

Elle se définit comme une pensée ou une image mentale consciente et involontaire qui s’impose à notre esprit de façon répétitive et persistante (Sauteraud, 2005). Celle-ci est la plupart du temps constante de par ses thèmes et provoque une anxiété importante dont le rituel ou la compulsion a pour but de la faire disparaître
La compulsion apparaît ainsi comme un acte moteur (souvent de lavage, de vérification ou de rangement) ou mental (comptage, répétition) répétée de façon ritualisée et “donnant réponse” à une obsession. La personne reconnaît le caractère infondé de son comportement mais tend vers une réduction rapide de l’anxiété associée.

Les compulsions de lavage associées à des obsessions de malheur, ou la peur obsédante de commettre un acte impulsif contre soi ou les autres (comme c’est le cas dans le cadre de la phobie d’impulsion, retrouvée fréquemment dans la dépression post-partum) sont des TOC fréquemment vécus.

Plusieurs hypothèses ont pu être mises en évidence afin de comprendre le développement d’un trouble obsessionnel compulsif chez une personne. Explorons-les ensemble.


  • Hypothèses du modèle comportemental

La théorie du conditionnement opérant de Skinner permet d’expliquer le fonctionnement et surtout le maintien du trouble dans le temps en s’appuyant sur la notion de renforçateur. En effet, un renforçateur pérennise ou rend plus fréquent une pensée, une émotion ou un comportement. Ainsi, un renforcement négatif (dans le sens de la soustraction de quelque chose de désagréable) de l’anxiété et de la souffrance qui découlent de l’obsession va être observé par les conduites de compulsion.

Les rituels et conduites d’évitement de la personne vont s’installer de façon adaptative, c’est-à-dire pour juguler l’angoisse, mais vont également avoir pour conséquence la mise en place d’une sensibilisation et d’une aggravation de la perception négative des nouvelles confrontations à la situation (Sauteraud, 2005). Les conduites d’évitement et les rituels de la personne entraînent certes un apaisement de l’obsession à court terme mais la renforcent à long terme. Ce qui conduit au maintien du trouble.


  • Hypothèse du modèle cognitif

Un dysfonctionnement du traitement de l’information apparaît au cœur de l’hypothèse cognitive d’explication du maintien du TOC dans le temps. En effet, on retrouverait chez les personnes atteintes de TOC une fixation excessive aux pensées obsessionnelles et intrusives par rapport à la population générale, également sujette à l’apparition de ce phénomène normal. On retrouve ici une activation du fonctionnement cognitif de danger et d’hyper-vigilance menant à l’apparition de distorsions cognitives responsables d'erreurs de raisonnement et de pensées automatiques sources d’anxiété.


  • Hypothèse du modèle physiopathologique

Concernant les influences bio-génétiques sur le TOC, Cottraux (2004) met en évidence les prédispositions générales à développer des troubles anxieux chez les sujets souffrants de TOC. Cette vulnérabilité serait une conséquence des événements de vie, du type d’éducation et des facteurs environnementaux du sujet ainsi que les impacts de ces derniers sur ce dernier.

Le développement du TOC surviendrait alors généralement à la suite d’un événement majeur ayant perturbé le fonctionnement habituel de la personne. Si seulement 30% des cas identifient formellement un facteur déclenchant, on retrouve pour les autres une situation moins précise étant à l’origine du développement du TOC (mariage, burn-out, accouchement, accident…).

Ducasse et Fond (2013) rappellent que les caractéristiques du TOC sont habituellement associées à un mauvais fonctionnement du système sérotoninergique ayant pour conséquence une fragilité et une vulnérabilité du sujet au stress. Ce dysfonctionnement aurait également pour conséquence une hypersensibilité des récepteurs post-synaptiques en réponse au déficit initial de sérotonine et provoquant un déficit d’habituation.


Quelles sont les possibilités thérapeutiques à ce jour?

La thérapie cognitive et comportementale est souvent utilisée dans le cadre du traitement du TOC. 

Selon cette approche, l’exposition graduée avec prévention de la réponse (EPR) apparaît comme un outil central dans la prise en charge du trouble obsessionnel-compulsif (Meyer, 1966) de par l’habituation à une confrontation progressive à l’anxiété provoquée par la venue de l’obsession sans réponse compulsionnelle.

Ce phénomène d’habituation peut permettre une réduction de la fréquence et de l’intensité des obsessions ainsi que de l’anxiété associée à ces dernières.

Dans le cadre de cette prise en charge, une évaluation par l’échelle d’obsession-compulsion de Yale-Brown (Y-BOCS) permet d’obtenir une mesure de la sévérité par la durée, le retentissement, l’anxiété associée, la résistance et le contrôle de la personne sur les symptômes obsessionnels et compulsifs.

La combinaison médicamenteuse et psychothérapeutique a également démontré son efficacité : les antidépresseurs démontreraient à eux seuls une efficacité dans 30 à 40% des cas (Chaloult, Goulet & Ngô, 2014).
Les principaux utilisés étant les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) ainsi que les antidépresseurs imipraminiques.


Quelles sont les conséquences pour la vie sociale?

Le retentissement social, familial, professionnel apparaît important. Il est souvent source d’une souffrance importante pour la personne et son entourage. Dès lors, le niveau de conséquences des Toc avec les activités de la vie quotidienne varie en fonction de la sévérité des troubles vécus.

Si vivre avec une personne atteinte de TOC peut être difficile, la tolérance et la compréhension permettent un meilleur accompagnement de celui qui en souffre, que ce soit dans ses efforts et sa prise en charge.
L’association AFTOC propose dans ce sens soutien, information aux personnes et familles atteintes par ce trouble.


Valentine Ricaux

Son profil weppsy



Références


Site de l’association AFTOC : 
http://www.aftoc.org

Cassin, S., Richter, M., Zhang, K.A., Rector, N (2009). Quality of Life in Treatment-Seeking Patients With Obsessive-Compulsive Disorder With and Without Major Depressive Disorder. Can psychiatry, 54 (7).

Chaloult, L., Goulet, J., Ngô, T.L (2014). Guide pratique pour l’évaluation et le traitement cognitif et comportemental du trouble obsessionnel-compulsif. Polyclinique médicale Concorde (1)

Cottraux, J. (2004). Trouble Obsessionnel-Compulsif. EMC-Psychiatrie, 1 (1), 52-74

Ducasse, G. & Fond,G. (2013) Troubles obsessionnels compulsifs résistants et antipsychotiques : données neurobiologiques et thérapeutiques actuelles. Annales Médico-Psychologiques 171, 725–732

Meyer, V., 1966, Modifications of expectations in cases with obsessional rituals, Behaviour Research and Therapy, 4, 273-280

Ruscio, A., Stein,D., Chiu, W., Kessler, R (2010). The Epidemiology of Obsessive-Compulsive Disorder in the National Comorbidity Survey Replication. Mol Psychiatry, 15 (1)

Sauteraud, A. (2002). Je ne peux pas m'arrêter de laver, vérifier, compter - Mieux vivre avec un TOC. Paris: Odile Jacob.

Sauteraud, A. (2005). Le trouble obsessionnel compulsif. Paris: Odile Jacob

Schoendorff, B., Purcell-Lalonde, M., & O’Connor, K. (2013). Les Thérapies de Troisième Vague dans le Traitement du Trouble Obsessionnel-Compulsif : Application de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement. Santé Mentale au Québec, 38, 153-173.