Qu'est-ce que l'addiction et comment devient-on dépendant ?

Héraud, Psychologue Clinicienne)

par Philippine Héraud, Psychologue Clinicienne
le 2020-02-04

Qu'est-ce que l'addiction et comment devient-on dépendant ?

     Différents types d’addiction


 Il y a les consommations dites « avec produit » et celles dites « sans produit ».

 Les consommations avec produit concernent toutes les substances fumées, ingérées ou injectées - 3 modes de consommation - qui vont modifier le fonctionnement habituel du notre cerveau, aussi appelé système nerveux central. Par exemple, un verre d’alcool viendra engourdir le cerveau : c’est ce que les scientifiques appellent l’effet dépresseur. Un joint de cannabis perturbera nos sensations en déformant nos perceptions. Une cigarette ou un rail de cocaïne, chacun à un degré différent, stimuleront notre cerveau en l’excitant. Les produits peuvent donc avoir 3 types d’effet sur le système nerveux central : dépresseur, perturbateur ou stimulant.

 Les consommations sans produit concernent, quant à eux, tous les comportements qui finissent par prendre une place excessive dans nos vies. Par exemple, jouer à des jeux vidéo de manière trop importante peut avoir des conséquences sur notre vie scolaire ou professionnelle, sur notre santé (sommeil et alimentation affectés) et sur nos relations (isolement familial et amical). Même si la question est débattue dans la communauté scientifique, on pourrait alors parler de « dépendance aux écrans ». C’est la même chose pour les jeux de hasard et d’argent, pour la sexualité, le sport… Parmi les consommations sans produit, seule celle au jeu de hasard et d’argent est reconnue comme une addiction.

                  

     Comment devient-on dépendant ?

 Lorsque l’on consomme un produit, on cherche à obtenir un certain effet. Ce faisant, on déséquilibre le fonctionnement de notre cerveau et de notre corps. Une fois l’effet recherché atteint, le corps pour retrouver son équilibre va passer par une phase de récupération. Si vous avez déjà consommé de l'alcool c’est ce qu’on appelle couramment “la gueule de bois”. Ainsi, l’effet recherché et ressenti en prenant un produit ou en ayant un comportement sera suivi d’un contre-effet.    

 Quand un produit ou un comportement s’invite dans nos vies, il peut y avoir une accroche forte en fonction du caractère de chacun, de son histoire, de sa personnalité, de sa physiologie…Le contexte singulier dans lequel nous sommes viendra alors inscrire ce produit ou ce comportement dans notre quotidien. C’est ce qu’on appelle la loi de l’effet ; l’expérience = individu + produit ou comportement + contexte environnemental. Ainsi, telle personne sera plus sensible à l’alcool, tandis que telle autre au cannabis.

 A mesure que l’on prend l’habitude de consommer un produit, le corps et l’esprit s’habituent également. Or, avec une substance, le cerveau aura besoin d’une quantité toujours plus grande pour retrouver le même effet découvert lors de la première prise de produit - concept de tolérance. Peu à peu, le corps s’accoutume et la personne ne se laisse plus le temps de récupérer entre deux prises de produit. Rapidement cette personne peut perdre sa capacité à gérer une consommation car le circuit de la récompense et le circuit du contrôle présents dans le cerveau sont altérés. Plus les consommations sont rapprochées, moins le corps et l’esprit ont le temps de récupérer de cette perturbation et plus la dépendance s’installe, faisant entrer la personne dans une spirale.

Au début, c’est pour se sentir mieux que l’on consomme un produit ou que l’on a un certain comportement ; mais, lorsque la dépendance est là, c’est pour arrêter de se sentir mal que l’on doit répéter ces consommations ou ce comportement.

 

     Quand est-ce que je suis dépendant ?


 Selon les manuels de psychiatrie, on parlera de trouble lié à l’usage de substance avec une intensité plus ou moins importante (DSM V) ou de types d’usage (CIM 10). Les professionnels disposent de ces ouvrages comme des références théoriques mais c’est leur appréciation clinique de la situation d’une personne et la souffrance associée qui permettra de parler d’addiction.

 Toutefois, chacun d’entre nous a également une représentation et une idée de ce qu’est l’addiction.

 Pour certains, la consommation quotidienne d’un produit, même dans des doses limitées, sera déjà une forme addiction : par exemple, un somnifère tous les soirs ou une cigarette par jour.

 Pour d’autres, c’est la perte de contrôle qui va être considérée comme une dépendance. Une consommation d’alcool ponctuelle, en soirée par exemple, qui se soldera systématiquement par une ivresse, avec un nombre de verres que l’on ne contrôle plus et supérieur à ce que l’on envisageait initialement, pourra être le signe d’une addiction.

 Une dernière définition de l’addiction serait l’impact dans les sphères de vie (famille, ami, travail, judiciaire, santé, finances…).

Aussi longtemps que les consommations ou les comportements n’impacteront que peu les sphères de vie, alors on ne parlera pas de dépendance.

                 

     Que faire face à l'addiction ?


 Pour faire un point sur ses consommations, l’Etat a créé des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention des Addictions (CSAPA). Certains sont associatifs, d’autres sont rattachés à des hôpitaux, mais tous sont payés par nos impôts. Libre à vous d’aller y rencontrer un professionnel pour faire un état des lieux.

 Pour trouver le CSAPA le plus proche des chez vous : www.drogues-info-service.fr

 Si la question se pose pour un proche ou un patient, il est également possible d’aller demander conseils dans ces centres.

 En fonction du type d’addiction et de la sévérité de cette addiction, les réponses seront adaptées par les professionnels.

 

Philippine Héraud

Son Linkedin



Sources:

Morel A., Couteron J-P., Fouilland P., “Aide-mémoire d’addictologie en 47 notions” ed. Dunod, Paris 2019

Therrien A., “Quand le plaisir fait souffrir : La gestion expérientielle”, Editions Ario, 4ème édition, Montréal 2006

American Psychiatric Association, “ DSM V: Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux” Elsevier Masson, 2015