Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Episode 6 - Challenge confinement & weppsy - La « capacité à être seul » à l’épreuve du confinement

du Bouetiez, Psychologue clinicienne)

par Sophie du Bouetiez, Psychologue clinicienne
le 2020-03-31

Episode 6 - Challenge confinement & weppsy - La « capacité à être seul » à l’épreuve du confinement

 En tant que psychologue, la question du lien social est au cœur de notre réflexion clinique quotidienne. Nombre de nos patients nous sollicitent pour améliorer leur rapport aux Autres. Certains souhaitent comprendre pourquoi ils peinent à tisser des liens durables et épanouissants, d’autres aimeraient pouvoir mieux poser leurs limites face à leurs proches, d’autres encore cherchent à se sentir plus indépendants et à se dégager de l’emprise d’autrui... Autant d’objectifs thérapeutiques que de patients, chaque fois dans la lignée d’un questionnement unique et propre au parcours de vie de chacun.


 Ces axes de réflexion doivent bien sûr s’articuler dans une lecture globale de notre société et de notre époque : pendant la seconde moitié du XXème siècle, la quête d’indépendance a constitué un enjeu majeur dans la lutte pour l’égalité des droits. L’individu est revenu au centre de son existence, la recherche du bonheur individuel et de l’autonomie a été propulsée au premier plan. Ce tournant engagé par notre civilisation a permis l’émancipation identitaire, sociale et matérielle de toute une génération, en réaction aux modèles antérieurs.

 Mais aujourd’hui, cette quête d’autonomie atteint peut-être ses limites : plusieurs études suggèrent que le sentiment de solitude s'accroît de manière exponentielle dans la population depuis une trentaine d’années, et le nombre de personnes vivant seules ne cesse d’augmenter depuis vingt ans. Ainsi, une fois admise la nécessité de pouvoir s’épanouir seul, se pose aujourd’hui la question suivante : comment se réinscrire dans le groupe social sans renoncer à son indépendance ? Comment conjuguer notre besoin de liens socio-affectifs avec celui de l’affirmation de soi et de l’épanouissement individuel ? En consultation, on entend que ce compromis peut être difficile à trouver pour certains patients.

L’expression du sentiment de solitude peut leur apparaître comme une faiblesse, voire une honte : l’injonction à être bien seul étouffe quelquefois la capacité à reconnaître le besoin affectif.
Certains patients expriment même la peur de se trouver « dépendants » d’autrui et donc vulnérables s’ils s’investissent dans une relation affective. Comme si le lien d’attachement, à la fois craint et recherché, venait menacer le sentiment de stabilité personnelle et d’identité. Paradoxe apparemment insoluble !

 Et paradoxe d’autant plus douloureux quand on sait que l’être humain est un animal social : nous ne sommes pas faits pour être seuls, l’isolement prolongé active une détresse chez chacun d’entre nous, même si bien sûr nous n’avons pas tous le même seuil de tolérance à la solitude. Preuve en est, s’il le faut, dans ce contexte de confinement : l’isolement dans la durée exacerbe la souffrance de certains de nos patients, ce qui est tout à fait normal. Mais ce qui m’interroge le plus dans ces circonstances, c’est la réaction de honte et de culpabilité formulée par certains (« J’ai honte de si mal vivre la solitude, car ça signifie que je suis faible, que je n’ai pas de ressources »).

Il est temps de se réconcilier, je crois, avec nos besoins affectifs. Il est absolument normal de mal vivre la solitude, cela n’est en aucun cas un signe de fragilité ou de pathologie.
 De nombreuses études montrent que la solitude prolongée génère chez l’être humain des effets psychologiques douloureux : sensibilité exacerbée aux informations négatives, méfiance, affects anxieux et/ou dépressifs, altération des fonctions cognitives..., et ce quelle que soit la personnalité du sujet (extraverti ou introverti, anxieux ou non), quel que soit le contexte (contexte sérieux ou dérisoire, exclusion sociale intentionnelle ou non). On sait également que le sentiment d’isolement génère une souffrance proche de celle ressentie lorsque nous sommes blessés physiquement, et les manifestations physiologiques observées sont d’ailleurs similaires (augmentation de la pression sanguine, sécrétion de cortisol).

 D’autre part, de nombreuses recherches montrent à bien des niveaux les bienfaits du contact social : le lien à l’Autre provoque une libération d’endorphines qui génère une sensation de bien-être, la difficulté anticipée ressentie face à un obstacle est moindre lorsque l’on est accompagné par une autre personne (à fortiori lorsqu’il s’agit d’un proche), le fait d’être entouré diminue le sentiment de souffrance physique en cas de maladie ou de blessure, il aide à réduire le stress et donc à améliorer le système immunitaire et l’espérance de vie... Tout cela n’est pas si surprenant : le lien social a permis la survie de notre espèce. L’Homme a eu besoin du groupe pour s’adapter et survivre : il a pu ainsi partager ses connaissances et s’associer à ses pairs pour lutter contre les prédateurs, trouver de l’aide en cas de danger et être soigné si nécessaire... Il a appris que l’isolement pouvait être synonyme de danger. Ainsi, la solitude active un réflexe archaïque de peur et de détresse.

 Pas étonnant, donc, que le confinement actuel active un mal-être important chez certains, et surtout chez les personnes isolées présentant une prédisposition à l’anxiété ou à la dépression. Dans nos consultations, et plus précisément dans le contexte actuel de confinement social, je crois donc qu’il est primordial de repenser cette fameuse « capacité à être seul », et de redéfinir avec nos patients les enjeux qui y sont associés.

 

Être capable d’être seul ne veut pas dire être parfaitement heureux sans avoir besoin de personne et s’auto-suffire pour s’épanouir pleinement. La capacité à être seul, c’est accepter d’être seul en présence de l’autre. La différence est radicale.
 On passe de « Je n’ai besoin de personne pour être heureux » à « Je sais que j’ai besoin de l’autre pour être heureux, mais je sais aussi qu’il n’est pas loin et qu’il répondra à mes besoins si je l’appelle : donc je supporte bien de ne pas être en contact direct avec lui et d’investir agréablement une activité solitaire pour une durée limitée ».

 Cette nuance est très bien décrite par Christophe André et Rebecca Shankland dans leur ouvrage « Ces liens qui nous font vivre » : ils y évoquent avec justesse la distinction entre « autonomie » et « indépendance ». C’est cette nuance que nous pouvons travailler en thérapie avec nos patients : visons l’autonomie, c’est-à-dire la capacité fondamentale à mieux se connaître, à affirmer son identité, à savoir fonctionner par et pour soi-même (travailler, gagner sa vie, se nourrir, prendre soin de soi, accepter sereinement et avec plaisir les temps limités de solitude, investir des occupations agréables seul). En revanche, faisons la paix avec la notion de dépendance : acceptons que nous ayons besoin d’être en lien avec les autres, ne serait-ce qu’un minimum, pour être heureux.

 Et on peut absolument faire cohabiter l’autonomie avec les besoins affectifs : en travaillant avec nos patients la capacité à aller vers l’Autre tout en pouvant affirmer leur identité propre, leurs ressentis et leurs besoins. Encourageons-les ainsi à poser leurs limites et à se défendre si l’Autre menace leur intégrité et ne respecte pas leurs valeurs. Et en ces temps de confinement, plus que jamais, renforçons la capacité de nos patients isolés à accepter qu’il est difficile de traverser la solitude, à comprendre cela sans se juger. Aidons-les à se sentir plus légitimes dans leur souffrance et rassurons-les sur le fait que c’est justement cette souffrance qui fait d’eux des êtres sensibles et sociaux. Encourageons-les à accepter et nommer le manque affectif, et à solliciter (virtuellement pour l’instant !) leurs proches pour se sentir compris et soutenus avec bienveillance dans ce qu’ils vivent. Cette épreuve leur permettra peut-être d’ailleurs, une fois le confinement terminé, de mieux partir à la rencontre de leurs besoins affectifs profonds et de se diriger plus sereinement vers des rencontres nouvelles et riches !


Sophie du Bouëtiez

Sa fiche sur weppsy



Sources :

Bohler, S. (2009, novembre 4). Un gène de la solitude. Consulté le 25 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/un-gene-de-la-solitude-10390.php

Bohler, S. (2010, novembre 1). La solitude nuit au cerveau. Consulté le 23 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/science-societe/la-solitude-nuit-au-cerveau-10747.php

Dieguez, S. (2011, mai 14). Frankenstein : le drame de l’exclusion. Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/cognition/frankenstein-le-drame-de-lexclusion-6381.php

Dieguez, S. (2012, janvier 7). Robinson Crusoé, archétype de la solitude. Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/robinson-crusoe-archetype-de-la-solitude- 6607.php

Killam, K. (2020, mars 17). Confinement : comment surmonter la solitude ? Consulté le 26 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie-sociale/confinement-comment- surmonter-la-solitude-18968.php

Loneliness: Information, Resources and Support | Cigna. (s. d.). Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cigna.com/about-us/newsroom/studies-and-reports/combatting-loneliness/

Taly, V., Pesneau, A., Nagara, E., Riou-Bourdon, M., Clouët-Coudreuse, M. & Amar, M. (2013). Le développement de la capacité à être seul chez un enfant observé. La psychiatrie de l'enfant, vol. 56(2), 585-601. doi:10.3917/psye.562.0585.



Episode 5 - Challenge confinement & weppsy - "Tout le malheur de l'Homme c'est de ne pas pouvoir rester au repos dans une chambre". - Pascal.

d'Heucqueville, Psychologue du travail)

par Pauline d'Heucqueville, Psychologue du travail
le 2020-03-28

Episode 5 - Challenge confinement & weppsy - "Tout le malheur de l'Homme c'est de ne pas pouvoir rester au repos dans une chambre". - Pascal.

« Quête futile mais désespérée que de supprimer l’incertitude… » 

  Montaigne


Nous avons entendu de nombreux spécialistes début mars qui minimisaient les effets de l’épidémie du coronavirus en mettant en avant les ravages annuels de la grippe saisonnière.

La grippe est une maladie connue et gérée chaque année par les autorités de santé, la pandémie du coronavirus nous a surpris, et c’est cet effet de surprise qui a des effets psychologiques. Non seulement ce virus est inédit, mais il est également difficile à contenir par les plus hautes autorités de santé.


L’incertitude face à l’avenir est vécue comme un problème majeur pour l’être humain qui n’a de cesse de chercher à s’adapter pour conserver l’équilibre de son organisme. Nous cherchons naturellement l’homéostasie. C’est le manque de maîtrise sur les événements qui nous perturbe : Nous n’aimons pas être ignorants, Nous détestons être surpris.


Le fait de ne pas maîtriser les événements va générer chez nous un fort sentiment d’inconfort. Le gouvernement, pour notre sécurité, nous impose de changer notre routine et de remettre en cause nos projets : pendant le confinement, je perds ma liberté d’aller et venir et mon sentiment de sécurité. Nous comprenons les raisons de ces mesures mais la forte demande d’adaptation psychologique qu’elles génèrent rend difficile l’accès à nos ressources internes pour y faire face.


L’effet de surprise de l’annonce de la pandémie puis du confinement est un moment de violence émotionnel très fort : l’épreuve du confinement ou de la quarantaine pour certains mais aussi la crainte de la maladie voire de la mort pour d’autres. Au-delà des contraintes, ce virus nous met devant notre impuissance pour nous maintenir en pleine santé.


Par effet, la peur d’être contaminé et la contrainte du confinement peut faire renaître des souvenirs d’événements traumatiques vécus et ainsi réveiller de l’anxiété, du stress, des symptômes dépressifs. Selon le vécu individuel, le confinement peut réveiller des traumatismes de guerre, des épreuves d’une maladie vécue, un éloignement subi…


« La colère est un acide qui peut faire plus de mal au récipient qu’à celui qui le verse »

  Sénèque


Nous sommes confrontés à la frustration depuis notre plus jeune âge, malheureusement l’expérience ne nous aide pas toujours à la gérer !

En psychologie, elle est décrite comme l’état d'insatisfaction provoqué par le sentiment de n'avoir pu réaliser un désir. Dans le cas du confinement ou de la quarantaine, le désir entravé ici est est celui de la possibilité de jouir d’une liberté fondamentale pour endiguer collectivement un problème de santé. Dans cet unique but, je dois gérer la frustration de ne pas sortir comme je le voudrais, de ne pas participer à des réunions d’amis ou familiales, de mettre en pause mes sorties culturelles, etc.


Le vécu individuel et les ressources perçues par l’individu vont guider notre manière de gérer notre frustration.

Durant le confinement chinois, une enquête réalisée dans plus de 36 provinces révèle que 35% des répondants pendant la quarantaine présentaient un stress psychologique modéré et 5,14% présentaient un stress psychologique sévère.


Plus largement, lorsqu’on étudie les effets des quarantaines, on s’aperçoit que les changements comportementaux prédominants sont la mauvaise humeur et l'irritabilité (73% et 64% des personnes interrogées).


Les études menées sur le sujet montrent que les symptômes s’amoindrissent chez la plupart 4 à 6 mois après la quarantaine.


On peut aisément imaginer que l’irritabilité et la colère, au-delà d’avoir une conséquence sur notre santé, ont des effets néfastes sur la qualité des relations que vous pouvez entretenir avec vos compagnons de confinement… et six semaines c’est long … !



« Ah ! Si c'était un tremblement de terre ! Une bonne secousse et on n'en parle plus... on compte les morts, les vivants, et le tour est joué. Mais cette cochonnerie de maladie ! Même ceux qui ne l'ont pas la portent dans leur cœur. » 

  Camus s’exprimait ainsi à propos de la peste il y a plus d’un demi-siècle.


D’aucuns trouveront pourtant cette citation particulièrement d’actualité. La situation que nous vivons est hors temps, comme un souffle du passé qui viendrait nous rappeler la fragilité de la condition humaine.

L’expérience d’isolement n’est pas évidente surtout parce qu’elle est contrainte et qu’elle vient en totale rupture avec nos modes de vie qui mettent en avant le voyage, la découverte, le bien-être : le mouvement.

La solitude est associée à la tristesse si ce n’est au macabre : on s’isole quand on est tristes et historiquement pour se préparer à la mort.

En ces temps si particuliers, voir l’isolement autrement pourrait presque être un acte citoyen, à l’heure où le personnel médical met sa vie entre parenthèses pour sauver les nôtres.

    Apprenons à "demeurer au repos dans une chambre " !





Pauline d’Heucqueville,

Psychologue, consultante pour le cabinet Stimulus

Sa fiche sur weppsy

.

  1. Richard Lazarus et Susan Folkman, Stress, Appraisal and Coping, 1984

  2.  Louis Crocq, les traumatismes psychiques de guerre, 1999

  3. Dictionnaire de psychologie, Doron et Parot

  4.  The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapid review of evidence. Samantha K brook, Rebecca. K Webster, Louise E Smith, PHD, Lisa Woodland MSc,Simon Wessely, FMed Sci, Neil Greenberg et all, 2020

  5.  The experience of SARS-related stigma at Amoy Gardens, Sing Lee,Lydia Y.Y chan, Ami M Y Chau, Kathleen P.S Kwok, Arthur Kleinman, 2005

  6.  Mental health status of people isolated due to middle east respiratory syndrome, 2016



Episode 4 - Challenge confinement & weppsy - Trop de choix ! Pourquoi cette surabondance de propositions nous paralyse ?

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2020-03-27

Episode 4 - Challenge confinement & weppsy - Trop de choix ! Pourquoi cette surabondance de propositions nous paralyse ?

 Voilà désormais plusieurs jours que vous êtes confinés chez vous. Vous recevez de toutes parts des suggestions d’activités pour mettre à profit cette

période à la maison : sport en ligne, journal de bord, podcasts culturels, idées pour occuper les enfants, recettes de cuisines, activités solidaires… Vous vous êtes enthousiasmés pour toutes ces bonnes idées qui font clairement chaud au cœur, mais au final vous ne savez plus trop où donner de la tête…


 D’un côté, nous sommes tous heureux d’observer la créativité et le positivisme des gens dans une situation de crise telle que nous la traversons. Mais nous nous sentons peut-être un peu tétanisés face à cette multiplication de propositions... Comment choisir, et comment être sûr que tout cela va-t-il vraiment vous aider ?


Pourquoi la multiplication des options nous tétanise : comprendre les mécanismes du choix


 La première chose qui semble ralentir notre capacité de trancher est notre disponibilité mentale… Dans le contexte d’épidémie, nombreux sont ceux qui s’inquiètent un peu pour eux et pour leurs proches, et se posent des questions quant à l’évolution de la situation. On peut alors comprendre que malgré toutes nos envies de nous distraire et d’organiser ce confinement pour qu’il soit confortable, une grande partie de notre attention est captée par le suivi des événements… Les questionnements nous prennent pas mal d’énergie, nous laissant peu de bande passante pour réfléchir aux sujets qui semblent moins essentiels. Difficile alors de prendre des décisions dans ce contexte !


 De plus, il y a eu tellement d’idées géniales proposées que l’on ne sait pas nécessairement par quel bout commencer. Et c’est normal, car il semblerait qu’avoir trop de choix complique nettement le processus de décision chez l’homme. En effet, d’après une étude de l’American Marketing Association en 1974, la surabondance de choix aurait des effets négatifs sur les mécanismes de choix des personnes (Overchoice Effect). Un psychologue américain, Barry Schwartz a lui observé des phénomènes similaires. Il explique que la multiplication des options lorsqu’on doit faire un choix peut avoir deux effets négatifs :

  • Une paralysie : lorsque l’on fait face à trop d’options, il devient complexe de décider

  • Une insatisfaction : une fois la décision prise, les personnes qui avaient à choisir parmi de multiples options ont davantage tendance à regretter leurs choix

 C’est un réel paradoxe, car si on pense que plus d’opportunités sont pour nous le signe d’une plus grande liberté, le tri à faire pour traiter l’info nous tétanise. Un excès d’idées d’activités aurait alors tendance à provoquer… notre inactivité !


 Par ailleurs, d’après les psychologues William Edmund Hick et Ryan Hyman, il existe une relation de cause à effet entre le temps de réaction d’une personne et les possibilités de choix auxquelles elle fait face. Plus les choix possibles se multiplient, plus le temps de décision augmente. Normal dans ce cas-là que nous n’ayons peut-être pas encore réussi à faire le tri de notre côté. La bonne nouvelle, c’est que du temps, nous allons en avoir, alors nul besoin de nous précipiter pour choisir et décider.


Décider ou choisir ?


 Mais d’ailleurs, quelle différence entre choisir et décider ? Pour le philosophe français Charles Pépin, il existe une réelle différence entre les deux verbes :


  • Choisir : choisir se fait rationnellement, en analysant et examinant les données à disposition pour réduire l’incertitude et sélectionner celle qui présente le plus d’avantages. En neurosciences, on pourrait dire que cela correspondrait à favoriser l’option qui apporte le plus de récompense, ou réduirait au maximum l’inconfort ou le niveau de risque.


Ex : entre deux émissions de divertissement, vous choisirez probablement la plus distrayante ou la plus abordable en terme de contenus, afin d’être sûr de passer la meilleure soirée possible


  • Décider : si les différentes options sont également attirantes, c’est là que survient la nécessité de décider, explique le philosophe. Il n’y a alors pas d’élément objectif pour nous aider dans cette sélection; il va falloir agir sans être sûr de prendre la meilleure option ! Et c’est souvent là que nous bloquons…


 Ex : choisir entre deux parfums chez le glacier est une pure affaire de décision


 Il décrit très bien cette différence dans son livre consacré à la confiance en soi, qui est primordial à consolider en ce moment. En effet, pour lui, la confiance en soi est notre capacité à agir même quand tout n’est pas maîtrisé. C’est ce savant mélange entre maîtrise et abandon : on est suffisamment entraînés pour savoir faire face à l’inconnu, l’imprévu. On commence à bien connaître la notion de l’imprévu en ce moment en tout cas !

 Si la question vous intéresse, vous pouvez écouter son intervention sur le sujet dans cette émission de France Inter : écouter l'émission ici !



Faire le tri et suivre son intuition


Beaucoup de temps et pas mal d’idées ou de suggestions d’occupations ? Tant mieux ! Cependant, si le confinement doit durer longtemps, il n’y a pas d’urgence à se ruer sur mille activités. Vous avez le droit de prendre votre temps.
Vous pouvez déjà faire faire un tri dans les différentes propositions pour les réduire en grandes catégories qui les regroupent. Le choix s’en trouvera facilité. Et surtout, vous pouvez faire abstraction de ces informations extérieures pour vous recentrer et réfléchir à ce que vous avez généralement envie de faire en temps normal, de manière instinctive, si vous viviez l’un de ces weekends pluvieux d’hiver qui donnent envie d’hiberner…


 En vous fiant à votre instinct, votre intuition, vous y verrez sûrement plus clair... Pas très rationnel comme mode de décision ? Pas si sûr ! Si la pensée analytique résulte d’une étude détaillée des données pour produire un raisonnement, il semblerait que la pensée intuitive, elle, se forme en lien avec notre mémoire émotionnelle des choses. Donc en fonction de notre expérience, en quelque sorte. Elle a donc toute sa place dans nos mécanismes de décisions !

 Janet Metcalf, responsable du laboratoire métacognition et mémoire à l’université Columbia décrivent bien ces deux « routes cérébrales » : l’une analytique qui fonctionne par étape, et l’autre qui fonctionne à notre insu, à une vitesse remarquable et qui permet d’arriver à une conclusion très rapidement. Le dramaturge Henry Bernstein parle bien de ce phénomène :

« L’intuition est comme l’intelligence qui a commis un excès de vitesse ». Alors, appuyons un peu sur le champignon !

 Conclusion, restons à l’écoute de notre intuition, elle peut vraiment nous aider à y voir clair. Et si nous nous sentons envahis pas les informations, positives et négatives, n’hésitons pas à vous débrancher plusieurs heures par jour de l’actualité. Quitte à ne rien faire !



Cécile Pichon

Sa fiche sur weppsy




Sources :

https://nesslabs.com/overchoice

https://www.ted.com/talks/barry_schwartz_the_paradox_of_choice?language=fr

https://www.usabilis.com/definition-de-loi-de-hick-loi-de-hick-hyman/

https://www.scientificamerican.com/article/can-we-rely-on-our-intuition/

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/intuition-le-cerveau-en-roue-libre_104367

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cerveau-cerveau-prise-decision-predite-11-secondes-avance-75329/

Charles Pépin : La confiance en soi. Allary Editions. 2018



Episode 3 - Challenge confinement & weppsy - Comment bien vivre son télétravail ? Conseils pratiques de psy !

Psychologues cliniciennes)

par Hermine Béthune et Amélie Champeix, Psychologues cliniciennes
le 2020-03-24

Episode 3 - Challenge confinement & weppsy - Comment bien vivre son télétravail ? Conseils pratiques de psy !

 Finis les métros bondés ! Terminés les déplacements qui fatiguent ! Au revoir voisins de trains ayant oublié le déo ou qui se racontent les derniers gossips détaillés de leur soirée trop arrosée ! On pourrait penser qu’il s’agit de vacances anticipées mais non, nous parlons de notre situation actuelle. En effet les évènements liés à la pandémie du Covid-19 nous obligent à des changements, certes temporaires, mais conséquents dans notre organisation quotidienne. Le confinement est déclaré et l’ordre du jour : rester chez soi. On est en mercure rétrograde ou quoi ?


 Cette mesure prise à contre cœur par la France, nous permettra néanmoins d’aider nos soignants dans la gestion de cette crise et diminuer la contagion. Il en va ainsi de notre responsabilité et nous allons relever le défi collectivement.


Certains découvrent ainsi le télétravail, ou s’ils le connaissaient déjà de façon ponctuelle, vont le pratiquer aujourd’hui plus intensivement. Maintenant, vous êtes chez vous et vous êtes l’Amiral de votre espace de travail ! Bon pour l’instant - on ne va pas commencer à se mentir - on en est plus au stade du petit mousse. Alors nous avons réuni ici quelques avis de télétravailleurs aguerris et de psychologues s’étant penchés sur la question du télétravail dans le cadre de leurs recherches, afin d’accéder au moins au grade de capitaine, le plus vite possible.  


La morning routine, nous garderons :


 « Je me souviens de la fois où tu es arrivé au bureau en boxer, les dents pas lavées et la gueule enfarinée, tu es resté comme ça jusqu’à 16h, c’était fun ! » Voilà une phrase que normalement vous n’avez pas dû entendre souvent dans la bouche de vos collègues. Et bien figurez-vous que pour le home office, il est important de rester celui qu’on est habituellement. Préserver au maximum sa routine du matin, quelle qu’elle soit (douche, radio, tartine, etc) aidera à maintenir un bon équilibre mental (Kowalski et Swanson, 2005). En effet, cette routine et cette tenue vestimentaire qui sont les nôtres quand nous travaillons, nous aident à délimiter le temps personnel et le temps de travail (Larry Kim, CEO of Mobile Monkey, 2015).


 D’autant qu’en maintenant ce rythme, les week-ends resteront marqués par cette décontraction qu’on aime tant. Celle qui nous permet de redevenir un « nous » plus cool et plus zen. Alors oui, cela se passera dans un même espace, mais non, on n’est pas prêts à oublier le plaisir d’un réveil qui sonne plus tard et d’enfiler un T-shirt à la place du costume !


L’espace, nous délimiterons :


 Avant toute chose, tentez de prendre le temps seul ou avec votre coloc, conjoint, enfant, chat… de délimiter l’espace et l’organisation de votre temps de travail. Décidez d’un lieu précis pour travailler (pièce, bureau, table etc) et organisez-le pour vous y sentir au mieux : lumière, plante, stylos, feuilles, pas loin d’une prise pour l’ordinateur. “Les frontières sont des limites physiques, temporelles, émotionnelles, cognitives et relationnelles qui définissent une entité comme séparée d’une autre. Les frontières sont doubles, au travail et dans le hors travail. Une frontière marque le point où les comportements relatifs à un domaine commencent et s’achèvent. La frontière définit un périmètre qui délimite un rôle”. (Dumas, Ruiller, 2014, p. 76)


 Ainsi afin de définir ces frontières, vous pouvez échanger avec les personnes vivant avec vous sur la nouvelle « symbolique » de ce lieu. Si vous habitez dans un château, un étage chacun et on n’en parle plus. Si vous habitez comme nous autres - commun des mortels - dans un petit deux pièces avec balcon d’1 m2 carré (qui fait habituellement notre fierté), effectivement, cela demandera un peu plus de logistique. Ainsi, si nous n’avons pas le luxe de pouvoir varier les espaces, il convient donc d’organiser une routine de fin de journée : fermer l’ordinateur, fermer sa trousse, rassembler ses affaires et dossiers dans un coin jusqu’au lendemain, etc. L’important est de marquer cette différence pro / perso !


 Bonne nouvelle pour nous : l’autonomie dans l’emploi et la flexibilité des horaires de travail ont un effet modérateur du télétravail sur le conflit travail-famille (Golden, Veiga et Simsek 2006). Une des raisons permettant d’expliquer cela réside dans la flexibilité temporelle (Tremblay, Chevrier et Di Loreto, 2006) autorisant notamment la prise de rendez-vous dans la journée, une source de diminution du stress relatif à la gestion de rôles multiples (professionnels et parentaux).


Voici par ailleurs un site mettant à disposition des ressources pour réussir son télétravail: https://www.challengeteletravail.com/, vous y trouverez des petites pépites !


A portée de main, nous garderons le temps :


 Sans ce collègue qui d’un regard vous fait comprendre que la pause-café ou le déjeuner est i.m.m.i.n.e.n.t, il sera moins spontané de se mettre en « pause ». Cette fameuse quinzaine de minutes pendant lesquelles d’habitude vous vous levez, entretenez une conversation où finalement vous vous déconnectez. Cette pratique fait consensus pour tous les télétravailleurs : pensez à faire des pauses ! Vous en feriez sur votre lieu de travail, conservez-en quelques-unes (en plus de la pause déjeuner). Si vous réalisez beaucoup de travail sur écran, profitez de ces pauses pour regarder au loin, cela soulagera notamment vos yeux.


 Il paraît aussi pertinent de décider en concertation avec votre équipe et / ou responsable d’horaires minimum et maximum pendant lesquels vous devez être joignable (exemple : 09h-12h / 14h-16h30). En dehors de ces horaires, vous organisez votre travail comme vous le souhaitez et avez donc le droit de ne pas répondre à toutes les sollicitations.


 Comme nous le rappelle Shannon Belew (2020) : le suivi du temps ne vous encouragera pas seulement à interrompre efficacement votre journée de travail, cela vous aidera également à maintenir des heures de travail régulières.


 Pourquoi ? Et bien parce que des émotions négatives telles que l’irritabilité, la solitude, ou l’anxiété ou encore la culpabilité (Mann et Holdsworth, 2003) peuvent émerger pour certaines personnes et sont associées à un travail difficilement délimité ou à une difficulté à le stopper (Baines et Gelder, 2002 ; Derks et Bakker, 2010) et ce en raison de l’absence de repères temporels. Même si votre travail est à la maison, il faut trouver la force d’ouvrir cette porte le matin et de la fermer le soir. A ce titre, tentez d’organiser précisément quelques objectifs pour votre journée et anticipez si possible la semaine pour vous rendre compte de vos avancées.


Le lien social, nous cultiverons :


 En fonction de vos habitudes de travail, n’hésitez pas à proposer des points réguliers avec vos collègues et votre manager sur les tâches accomplies, les difficultés, les idées d’amélioration etc. Ce peut être un point rapide en début ou fin de journée ou tous les deux jours par exemple. Pour cela - outre whatsapp avec ses 20 conversations actives qui tonnent dans tous les sens - vous pouvez convenir ensemble d’un système de communication qui convienne à tout le monde (collaborateurs et manager), en fonction des moyens de communication à disposition : téléphone ? mail ? téléconférence possible ?


 Il existe aussi des applications permettant de faire des listes de tâches collaboratives, visibles et modifiables par tous les collaborateurs. Ceci permet aussi d’établir une forme de confiance avec les collègues, qui voient concrètement ce sur quoi on avance.


 Il est souvent relevé que plus le télétravail se fait de manière continue, régulière, plus il peut avoir des effets négatifs sur le sentiment d’appartenance du salarié au collectif mais aussi sur les marques de reconnaissance du collectif envers ce travailleur (Klein et Ratier, 2012). Si vous avez des collègues dont vous êtes proches, n’hésitez pas à garder vos habitudes avec eux : s’appeler quelques minutes lors d’une pause-café le matin ou l’après-midi, ou à la pause déjeuner. N’hésitez pas non plus lors de votre pause déjeuner ou le soir sur votre temps personnel à prendre des nouvelles de vos proches : téléphone, mail, skype, whatsapp, lettre manuscrite, hiboux : nous avons l’embarras du choix !


 Dans les études que nous avons consultées (bibliographie en fin d’article), le risque principal du télétravail en continu comme nous le vivons actuellement, semble être l’isolement. Ainsi rester en contact avec vos collègues et vos proches permettra de minimiser ce sentiment. Du sentiment d’isolement peuvent naître différentes manifestations telles qu’une tristesse grandissante, une impression de vide, d’être seul face à ses émotions. Donc n’hésitons pas à faire du lien, il s’agira d’un bon allié anti-dépresseur qui présente l’avantage de ne pas avoir d’effets secondaires et d’être particulièrement efficace !


 Certaines ressources mises en ligne par Simundia: https://www.simundia.com/inscription-gratuite?hs_preview=CsJJrcvk-27222137781 pourront vous éclairer à ce sujet !


La bonne respiration, nous utiliserons :


 C’est le moment de se reconnecter à l’instant présent, parfait allié pour gérer son stress et accompagner sa concentration. Redécouvrons le concept de « prendre du temps » pour aller faire vos courses alimentaires, sortir votre chien, descendre les poubelles, etc. Des exercices de pleine conscience autour des 5 sens sont intéressants pour redécouvrir notre environnement. On trouve toujours des choses nouvelles autour de soi !

 Les applications et vidéos tuto foisonnent sur le web afin de vous proposer le meilleur accompagnement dans ces pratiques. Nous y consacrerons un article mais voici déjà quelques recommandations d’applications et de vidéos:


En français :


  • Petit Bambou: programme gratuit de 8 jours (12 minutes par jour environ) avec des vidéos illustrant certains concepts.

  • Respirelax: une application gratuite de cohérence cardiaque qui permet d’accéder rapidement à la respiration relaxante.

  • https://sofrocay.com/, site présentant la Sophrologie Caycedienne et proposant des podcast pour commencer à pratiquer


En anglais :


  • Headspace : Un programme de méditation est maintenant déverrouillé dans l’application Headspace. Intitulé: Weathering the storm. Il comprend des exercices de méditation (en anglais et en français), de sommeil et de mouvement conçus pour vous guider à travers cela.

  • Buddhify

  • Une courte vidéo Youtube de Headspace pour faire une mini relaxation : à découvrir ici !

  • OpenMind : https://lab.omind.me/blog/ dont vous trouverz l’application smartphone via l’url: https://apps.apple.com/us/app/better-self/id1401877652 


Nous vous conseillons aussi vivement le programme de notre collègue Juliette Lachenal de Peppsy, qui propose un guide du confinement anti-stress avec une newsletter, une réelle mine d'or : Cliquez ici pour découvrir son site et s'inscrire !

 Finalement aujourd’hui, l’enjeu est d’organiser, de séparer temps de travail et temps de vie personnelle alors que tout se passe dans un même espace physique. Nous espérons que dans ces différentes suggestions vous piocherez et vous pourrez vous approprier ce qui vous convient le mieux.


 Même si chacun d’entre nous rencontrera des difficultés, n’oublions pas l’intérêt public de rester chez nous. Gardons en tête l’aspect « provisoire » de la situation. Plus nous serons rigoureux et plus nous pourrons rapidement reprendre la route de notre quotidien habituel !



Amélie Champeix et Hermine Béthune



Sources :


- BAINES, S. et GELDER U.(2002), “What is family friendly about the workplace in the home ? The case of self-employed parents and their children”, Technology, Work and Employment, Vol. 18, n° 3, p. 223-234.

- Dumas, M. & Ruiller, C. (2014). Le télétravail : les risques d'un outil de gestion des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle ?. Management & Avenir, 74(8), 71-95. doi:10.3917/mav.074.0071.

- DERKS, D. et BAKKER, A.(2010),“The Impact of E-mail Communication on Organizational Life. Cyber psychology”, Journal of Psychosocial Research on Cyberspace, 4(1), article 1. 

- GOLDEN, T.-D., VEIGA J.-F. et SIMSEK Z.(2006),“Telecommuting’s differential impact on work-family conflict : Is there no place like home ?”, Journal of Applied Psychology, Vol. 91, n° 6, p. 1340-1350.

 - KLEINT. et RATIER D.(2012), « L’impact des TIC sur les conditions de travail », Centre d’Analyse Stratégique, La documentation française, Rapports et documents, n° 49, 328 p.

 - MANN, S. et HOLDSWORTH L. (2003), “The psychological impact of teleworking  : Stress, emotions and health”, New Technology, Work and Employment, Vol. 18, p. 196-211

 - KOWALSKI, K.-B. et SWANSON J.-A. (2005), “Critical success factors in developing telework programs”, Benchmarking : An International Journal, vol. 12, p. 236-249.

 - TREMBLAY, D.-G., CHEVRIER C. et DI LORETO M. (2006), « Le télétravail à domicile : Meilleure conciliation emploi-famille ou source d’envahissement de la vie privée ? », Revue Interventions Economiques, Vol. 34, p. 1-16.



Episode 2 - Challenge confinement & weppsy - Comment la gratitude peut nourrir nos journées?

Ribeyre, Psychologue clinicienne)

par Laetitia Ribeyre, Psychologue clinicienne
le 2020-03-19

Episode 2 - Challenge confinement & weppsy - Comment la gratitude peut nourrir nos journées?

 La psychologie positive est un courant récent et passionnant qui pose une question nouvelle dans l’étude de la santé mentale : que font les gens qui vont bien pour maintenir cet état de contentement ou de bonheur ? Comment “améliorer des vies normales” ? Nos vies ne sont pas vraiment "normales" en ce moment, mais les apports de cette théorie vont nous faire du bien !

Martin Seligman, chef de file de ce mouvement né aux Etats Unis, n’était plus satisfait de “ramener ses patients dépressifs à zéro”, c’est-à-dire de leur apprendre à ne plus aller mal, mais sans qu’ils sachent profiter de la vie, ressentir du bonheur, savourer les moments, etc...

Pour comprendre son cheminement, voici sa conférence.


 Ainsi, avec ce que nous traversons tous actuellement, j'aimerais vous inviter via cet article à réaliser quelques exercices phares de la psychologie positive. Ils sont simples, très efficaces et validés scientifiquement.


Le premier est l’exercice de gratitude. 


 Gratitude en ces temps de confinement ? Je sais que cela peut paraître "dingue", mais écoutez-moi jusqu’au bout ! Vous connaissez peut-être déjà cet exercice grâce au livre de Florence Servan Schreiber, “3 kifs par jour”. Elle a été la première française à introduire cet exercice en France. “Je me rends compte de la quantité de merveilles qui proviennent de l’extérieur de nous”. Elle nous en parle dans cette vidéo


A quoi ça sert ?


 La proposition est simple : le soir, posez vous et trouvez trois choses pour lesquelles vous éprouvez de la gratitude aujourd’hui. L'intérêt de cet exercice est double :


  • nous avons la fâcheuse tendance à conclure nos journées en nous focalisant sur le négatif. Les émotions négatives retiennent davantage notre attention et prennent plus de place dans notre mémoire. Avec cette proposition, vous terminez la journée en vous focalisant sur le positif, l’essentiel. Je suis en bonne santé, ma famille aussi. J’ai eu un bel échange avec mon compagnon, mes enfants. C’est un confinement, mais il n’y a pas de zombies. J’ai réussi à travailler aujourd’hui, d’autres ne peuvent pas le faire, etc.

  • savoir que l’exercice va clore votre journée vous met dans un état de recherche durant la journée: qu’allez-vous noter ce soir ? Vous avez donc une attention toute particulière pour ces moments-là lorsqu’ils se déroulent, et vous les savourez d’autant plus.


 Pour Tal Ben Shahar, autre figure marquante de la psychologie positive, les effets de la gratitude sont exceptionnels ! Comparé à un groupe contrôle, le groupe qui faisait l’exercice de gratitude appréciait davantage sa vie et les gens qui le composaient étaient plus heureux, plus déterminés, plus énergiques et plus optimistes. On ne dit pas non à ça en ce moment, n'est-ce pas? Lui-même fait cet exercice tous les soirs à l’oral avec ses enfants, le transformant en moment de partage. A essayer avec vos enfants, vos colocs, votre compagnon ou vos amis !


 David Steindl-Rast est un moine qui prône aussi l’importance de la gratitude. Comment imaginons-nous notre bonheur, ce but que nous avons tous en commun ? Nous pensons que les gens heureux ont de la gratitude. Mais ce sont les gens qui ont de la gratitude qui sont heureux !

Il estime que la reconnaissance fondamentale vient du fait que chaque moment nous est “offert”, comme un cadeau et détient un immense potentiel, un immense champ des possibilités. Il nous rassure, on ne doit pas ressentir de la gratitude pour un évènement difficile (ouf, on est sauvés !), mais plutôt face à l’opportunité que ce moment difficile nous offre (écrire des articles pour aider le grand public pour nous par exemple !).
 Aujourd’hui, ce confinement fait émerger tellement de créativité, d’élans de solidarité : là est notre opportunité. Pourquoi pas se servir de cette épreuve et lui donner un sens? Au quotidien, cette gratitude nous fait tenir, et ce sens nous fera accepter cette difficulté sur la durée. “L’opportunité, la possibilité, est le cadeau au sein de chaque cadeau”. C’est-à-dire que chaque moment est un cadeau en soit, et que le potentiel qui existe au sein de ce moment est également un cadeau. On aura besoin de quelques jours de confinement pour méditer ces mots puissants ! Ici, pour regarder sa conférence.


Comment je fais cet exercice ?


Je me mets au calme, et j’essaie d'être dans l’instant présent. Je prends l’exercice au sérieux ! 

Un conseil est de visualiser ou d’essayer de tenter d’éprouver à nouveau l’expérience que l’on cite. Par exemple, si je note “mon apéro visio avec mes amis”, j’essaie de me focaliser sur ce moment et de ressentir à nouveau le sentiment de ce moment.

Si vous voulez une application, plutôt que de noter dans un carnet, pour répertorier vos listes de gratitudes vous en avez de nombreuses qui sont gratuites : Bliss, Presently, Gratitude Journal, etc. L’application vous enverra un petit rappel à l’heure que vous souhaitez !


Une chaîne Youtube très originale et drôle, Soul Pancake (Pancake de l'âme, oui oui !) propose des vidéos qui illustrent de nombreux exercices de la psychologie positive d’une façon ludique et souvent poignante. Voici l'exercice de gratitude en action !

Le psychologue norvégien, Atle Dyregrov, rappelle que pour mieux vivre la quarantaine, il faut savoir se rappeler que l’on est en train de mettre en place un comportement civique et altruiste en restant confinés, et nous devons en être fiers.


Laetitia Ribeyre

Profil weppsy de l'auteure

Episode 1 - Challenge confinement & weppsy - Et s'il y avait un cadeau ... bien caché ? Réflexion sur la notion de deuil.

Dufetel-Drouglazet, Psychologue Clinicienne)

par Tiffanie Dufetel-Drouglazet, Psychologue Clinicienne
le 2020-03-19

Episode 1 - Challenge confinement & weppsy - Et s'il y avait un cadeau ... bien caché ? Réflexion sur la notion de deuil.

 Nous sommes face à une situation inédite. Un confinement pour la majorité d’entre nous, avec quelques sorties autorisées. D’autres sont toujours sur le pont, avec autorisation de travail pour continuer un semblant de vie ou maintenir l’aide aux plus fragiles. Il nous faut alors renoncer à nos libertés individuelles au profit d’une cause plus grande que nous, limiter la propagation de ce virus et sauver des vies. Chaque jour apporte son lot de nouveaux cas, de vies volées…Il me semble que la confrontation même indirecte à la mort dans ce contexte mais aussi au renoncement à notre vie d’avant, même temporairement, justifie l’utilisation du mot deuil.


Dans ce contexte, quel cadeau ?


 Pour le comprendre, penchons nous sur les différentes étapes de deuil. En 1975, la psychologue Elisabeth Kübler-Ross, s’intéresse aux processus que nous traversons lorsque nous sommes confrontés à la mort. Elles permettent de comprendre le processus que nous traversons face à la perte. Dans ma clinique, je trouve que cette théorie des étapes du deuil, peut se transporter de manière très aidante, sur de nombreuses situations où nous sommes confrontées à une nouvelle brutale, parfois traumatique mais pas toujours, mais surtout à la situation de changement majeur ou de porte.

Et là nous y sommes…
 Malheureusement, parfois la perte d’un être proche. Et plus fréquemment une période de grande déstabilisation sociale qui induit des bouleversements psychiques : perte de nos repères, perte de nos certitudes, perte de nos convictions, perte de nos libertés, perte d’une forme de spontanéité…Freud ( 1915) définit le deuil : « Le deuil est régulièrement la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction venue à sa place, comme la patrie, la liberté, un idéal, etc… ».

 

Ces phases ne sont pas nécessairement linéaires, la personne peut réaliser des retours en arrière afin de poursuivre son cheminement. De même, des nuances existent. Cliquez ici pour voir un schéma qui permet de mieux comprendre.

Après l’annonce, vient la phase de déni. Il s’agit d’une manière pour le psychisme de se défendre face à un événement non élaborable dans un premier temps.Nous l’avons certains ont continué ou tentent de continuer leur vie comme si de rien n’était et que le coronavirus n’était pas là.


Survient ensuite la colère. Elle peut cibler différentes victimes. La sinophobie s’y inscrit.


Puis la négociation arrive, devant l’incapacité de la colère à solutionner le problème. Il s’agit de marchander avec une entité extérieure toute puissante : Dieu, le hasard, la chance. Peut-être les complotistes peuvent-ils être considérés comme étant bloqués dans cette phase ?


Puis l’impuissance face à la situation, entraine la personne dans une phase de dépression. L’avenir semble irrémédiablement compromis. Nécessaire, elle marque une phase de transition vers l’acceptation du deuil. Une fois la perte assimilée, notre ressenti est moins intense, même s’il peut rester des moments difficiles. Les yeux se tournent alors vers le futur. La situation devient acceptable pour le psychisme.


Puis vient le pardon, l'acceptation : se pardonner à soi-même, renoncer à l’illusion de la toute puissance, puis pardonner aux responsables de la perte.


Enfin, la quête du sens et du renouveau, permettent la révélation du Cadeau caché. Qu’est-ce que ce moment douloureux m’a permis ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Qu’est-ce que j’ai réalisé lors de cette période difficile? Grâce à …. j’ai pu…


Alors dans un premier temps, accueillons les émotions qui nous traversent quelles qu’elles soient. Elles sont légitimes et ont une fonction : nous accompagner vers un nouvel état de sérénité. 
Parlons-en avec nos proches, cela nous aidera à mieux les vivre. Puis, réfléchissons à ce cadeau caché. Trouver du sens aux évènements permet de diminuer le vécu d’impuissance très désagréable et parfois très déstructurant. Comment y voir un cadeau ? Quel sens ? Comment transformer cette situation qui nous est imposée en en faisant quelque chose dans lequel nous avons le « pouvoir » ? Comment agir pour ne plus subir ?


Voici ma réflexion.


 Cela fait des années plus particulièrement des mois, que la situation écologique me préoccupe voire m’alarme et m’angoisse. Malgré des actions concrètes sur le plan personnel et social, le découragement me guettait avec l’impression de vider la mer à la petite cuillère. Quels effets ? Si ce n’est celui d’avoir tenté, de ne pas être resté impassible.

 Aujourd’hui, dans ce quotidien source d’insécurité, de belles nouvelles nous rejoignent toutefois : la pollution atmosphérique a fortement diminué en Chine, en raison de l’arrêt des industries notamment ; nous n’entendons presque plus que le bruit des oiseaux et des rires des enfants ; les canaux de Venise sont propres et des poissons y nagent à nouveaux, des actions de solidarités émergent …


Ce joli texte de Catherine Testa diffusé sur les réseaux m’a beaucoup parlé :


                        "Et les français restèrent chez eux

                        Et ils se mirent à lire et à réfléchir.

                       Et ils n’oublièrent plus de prendre des

                         nouvelles de leurs proches.

                        Dans l’incertitude de demain, ils

                       comprirent enfin ce que voulait dire

                         profiter de l’instant présent.

                      Progressivement les publicités vantant des

                      produits dont ils n’avaient pas besoin leur

                         semblèrent bien vides.

                            Et ils comprirent.

                           Ils n’étaient pas en train 

                         de survivre mais bien de vivre.

                        On venait de leur faire un cadeau

                       incroyable : on leur avait offert du temps.

                       Et la terre les trouva digne d’elle et elle

                        commença à respirer à nouveau"


 Alors malgré les doutes, les incertitudes et la peur, c’est bien pour moi, étrangement peut être mais l’optimisme qui domine.Un autre monde serait-il possible ? Il aura fallu passer par cette pause imp(au)osée pour changer de paradigme : mettre les usines, les avions, les machines et le travail à l’arrêt.Et être forcé de s’arrêter, de ne plus circuler… Papiers s’il vous plaît !

 Se re-centrer sur le privé. Se pauser, penser, respirer… un air presque pur ! Prendre le temps de faire tout ce que l’on n’a jamais le temps de faire. Regarder, observer, être disponible… pour voir la beauté de notre nature, bourgeonnante.  Et alors quelle chance pour nos enfances ce bouton « pause » activé ! Préservons leur innocence de l’enfance, rassurons-les comme nous le pouvons. Malgré les difficultés de télétravailler à leur côté, nous allons pouvoir leur offrir le plus beau cadeau qui soit : la présence. Combien sommes-nous à regretter de ne pas être assez là, assez disponibles, de voir le temps filer et nous lui courir après ? Prenons le temps avec nos enfants. C’est ce qui va contribuer à remplir leur réservoir affectif et à leur permettre de faire grandir leur sécurité interne. C’est cette sécurité affective et émotionnelle qui va les guider toute leur vie durant.


Etre là, juste là.


 Les professionnels de l’enfance et de l’éducation s’accordent tous à dire : on ne peut s’improviser enseignant et un enfant ne peut perdre si rapidement son niveau scolaire. Il lui faudra peut être une semaine pour reprendre le rythme mais qu’importe, ce qu’il aura vécu est une expérience sans précédent. Alors quel cadeau de pouvoir profiter de nos enfants, les voir grandir et devenir sous nos yeux. Oui, c’est fatiguant, parfois éprouvant car l’enfant déstabilisé vient décharger auprès des figures qui sont ses parents, toutes ses ressentis.

 Alors comme nous avons accueilli nos émotions, accueillons les siennes, mettons des mots dessus : « Je vois que tu es…. », « C’est une grosse colère/tristesse »… Décrivez ce qu’il manifeste dans son corps, ce que vous observez. Soyons compréhensifs, c’est difficile aussi pour nous, alors pour nos enfants, dont le cerveau ne sera totalement mature qu’à…. 21 ans ! On imagine le tsunami émotionnel…La verbalisation en miroir, sans jugement, permet souvent un apaisement rapide des décharges émotionnelles intenses. Etre parent pour soi, présent, être là, juste là, malgré les incertitudes, les doutes, la tristesse et la peur parfois.

Être là…. Avec Sénèque qui nous dit dans une toute petite voix : La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie.


Tiffanie Dufetel-Drouglazet

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Sources :

- Kübler-Ross, E., 1975. Les derniers instants de la vie. Labor et Fides, Genève

- Freud, S., 1976. Deuil et Mélancolie. Métapsychologie. Gallimard, Paris.





Dossier Eclairage: Qu'est-ce que la Psychanalyse ?

Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.)

par Hugues Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.
le 2020-03-17

Dossier Eclairage: Qu'est-ce que la Psychanalyse ?

 Comment définir la psychanalyse ? C'est une question complexe et d'une brûlante actualité (une fois de plus). Les débats autour de la psychanalyse furent encore très endiablés dans la presse lors du 50ème anniversaire de la mort de Sigmund Freud l'année dernière.

 

Comme le rappelle Edgard Morin, si le monde pose des questions complexes, nous nous devons d'y apporter des réponses complexes. Les lignes qui vont suivre n'ont pas la prétention d'apporter ces réponses, ni l'objectif de défendre ou de montrer la supériorité de ce modèle sur un autre, mais plutôt d’approcher de manière « complexe » la psychanalyse, et en particulier la psychothérapie psychanalytique.


Replacer la psychanalyse dans son histoire


 Un élément que nous n'aurons pas le temps de détailler au sein de cet article, mais qui nous paraît primordial pour bien comprendre ce que recouvre la psychanalyse, serait de replacer cette science ? Cet art ? Dans son histoire. Replacer en effet la psychanalyse dans son histoire nous permettrait de dessiner son contexte d'apparition, ses influences, mais aussi son évolution. La psychanalyse naissante, du début du XXème siècle à Vienne, était sûrement bien différente de celle des années 60 à Paris ou encore des théories psychanalytiques actuelles. Ce travail historique permettrait aussi de replacer la psychanalyse dans l'histoire de la psychologie, discipline finalement très récente (1889 en France avec Théodule Ribot) mais qui prend en revanche sa source depuis l'antiquité par un questionnement existentiel que l'on retrouve dans l'étymologie "Psyché-logos" : discours sur l'âme.


Tentative de définition : une ou des psychanalyses ?


 Si nous laissons avec regret ce travail historique de côté, nous souhaitons nous concentrer sur une tentative de définition, car lorsque nous parlons de psychanalyse, finalement de quoi parlons-nous ? 

 De l'inconscient, de l'analyse des rêves, d'une vision de l'homme et de la femme, de la société, ou encore de la maladie mentale ? En effet, comme le rappelle Laplanche et Pontalis dans leur Vocabulaire de Psychanalyse, il y aurait « trois psychanalyses ». 

 La première serait ce procédé d'investigation de l'inconscient, une méthode pour accéder à cette partie "non-consciente" du sujet (comme disent d'autres modèles). 

 La deuxième : l'ensemble des théories psychologiques que recouvre la psychanalyse. D’ailleurs, elles aussi ont évolué au cours de l'histoire et sont parfois passées dans le langage courant : tel le complexe d'Œdipe, les lapsus, ou encore le refoulement (au risque d’être simplifiés et de perdre la complexité qui entoure ces éléments théoriques).

 Enfin, et c'est ce point que nous détaillerons plus loin, lorsque nous parlons de psychanalyse nous évoquons aussi le modèle thérapeutique : la cure ou la psychothérapie psychanalytique ; avec ou sans le fameux divan.

 Aujourd'hui, nous dénombrons plus de trois cents modèles de psychothérapies, alors comment s'y retrouver ? Si nous reprenons le troisième point de définition du Vocabulaire, les auteurs nous disent que la psychanalyse est : " une méthode psychothérapeutique fondée sur cette investigation (des processus inconscients) et spécifiée par l’interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir." Sans développer ces différents points théoriques ici, nous pourrions avancer dans un premier temps l’idée que, lorsqu’une psychothérapie s'appuie sur le modèle psychanalytique, cette psychothérapie s'attache plus à une vision holistique du sujet qu'à un travail sur une problématique spécifique.

 

Les autres modèles de psychothérapies ne s'occupent pas seulement du symptôme (ce serait les caricaturer) et écoutent bien évidemment le patient dans sa globalité, mais la spécificité du modèle psychanalytique tient dans son travail de compréhension de la subjectivité du sujet en étant à l'écoute de sa réalité psychique.
 Nous pourrions dire que ce type de psychothérapie est moins stratégique, moins "centrée sur le problème", mais qu'elle tente, à partir du problème posé par le patient, d'amener ce dernier à reprendre une prise sur son histoire, ses répétitions et donc son fonctionnement actuel, car tout serait lié. Comme toute psychothérapie, l'objectif reste le changement, mais ce changement est plus interne qu'externe. Cela entraîne évidemment des répercussions dans la vie externe du sujet, mais cela n'est peut-être pas l'objectif premier du travail thérapeutique ou le changement recherché à tout prix.


Le cadre de la psychothérapie psychanalytique


 Pour terminer, nous pourrions rappeler rapidement le cadre de la psychothérapie psychanalytique (nous laissons de côté sciemment la cure psychanalytique moins présente aujourd'hui et plus spécifique). La première règle, que Freud avait détaillée en son temps et qui est restée comme un élément central de ce modèle, serait de dire tout ce qui nous passe par l’esprit sans rien n’omettre ni retenir - à la manière, rappellera le médecin viennois, d’un voyageur en train qui regarderait le paysage défiler et le décrirait à son compagnon de voyage. Ce principe de libre association donne en effet cette tonalité très ouverte et libre du discours. Enfin, la fréquence des rencontres est variable en fonction des patients et des demandes, mais on pourrait dire qu'une fois par semaine est un minimum, pouvant aller jusqu'à deux à trois fois par semaine dans le dispositif de la cure. Sur la durée, il n'y a pas de règle, l'objectif n'étant pas fixé sur une problématique précise, cela peut varier de plusieurs mois à plusieurs années.

 En conclusion, nous avons tenté de montrer rapidement comment la psychanalyse renvoie en même temps à un modèle de psychothérapie avec ses spécificités, et à un ensemble de théories psychologiques. Si ces éléments sont indissociables, il reste parfois judicieux de les distinguer. Enfin, un des éléments théoriques de la psychanalyse réside dans l’idée qu'il n'y a pas de différence de nature entre le normal et le pathologique, mais une différence de degré.
Nous serions tous constitués de cette même réalité psychique façonnée par notre histoire passée, notre environnement et nos évènements de vie qui feraient bouger ce curseur. 
 Au-delà d'une vision holistique du sujet, nous retrouvons pour notre part une vision humaniste dans cette approche de la subjectivité et de la singularité humaine. Zweig, à sa manière, avait décrit en son temps une certaine vision du sujet que nous pouvons rapprocher de la posture que nous tentons d’avoir en tant que thérapeute : « Comprendre même ce qui est le plus étranger, juger toujours les peuples et les époques, les personnages et les œuvres uniquement sous leur aspect positif et créatif et, à travers ce vouloir comprendre, servir humblement mais fidèlement notre idéal indestructible : la compréhension humaine entre les hommes, les manières de penser, les cultures et les nations. » (Zweig, S. 1937)


Hugues Faucheux

Sources:



Dossier Eclairage : Qu'est-ce que la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC)?

Fouques, Psychologue clinicien et Maitre de Conférences. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre)

par Damien Fouques, Psychologue clinicien et Maitre de Conférences. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre
le 2020-03-10

Dossier Eclairage : Qu'est-ce que la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC)?

Damien Fouques est psychologue, psychothérapeute, pratiquant la TCC et la thérapie EMDR. Formateur et superviseur en TCC à l’AFTCC, il est actuellement Maître de conférences en psychologie clinique empirique et TCC à l’université de Paris Nanterre. Il y conduit des recherches sur les syndromes psychotraumatiques, le surpoids et l’obésité et la question de l’évaluation psychologique en général.

Il est diplômé de l’EPP (promotion 1997), et des universités de Nanterre et de Dijon. Il a exercé auprès d’adultes, à l’hôpital ainsi qu’en libéral. Il a enseigné à l’EPP Lyon et Paris pendant 18 ans le test de Rorschach en Système Intégré, la psychologie clinique et une initiation aux TCC.


Dans le cadre de PsyYou pourriez -vous nous aider à appréhender la TCC aujourd’hui par quelques repères historiques et épistémologiques, mais aussi méthodologiques, d’observations de pratique ?


 La grande particularité de la TCC par rapport aux autres thérapies, est qu’elle est née dans le laboratoire. Ce n’est qu’ensuite qu’elle s’est exportée à la pratique clinique, auprès de patients. Les premiers travaux remontent au début du XXe siècle, durant les années 20, mais il faudra attendre beaucoup plus tard, vers les années 50, pour que les applications en clinique commencent à se diffuser. En France, l’AFTC (Association Française des Thérapies Comportementales) à l’époque, réunion de quelques rares cliniciens, psychologues et psychiatres, ne date que de 1971. Depuis, le développement de la TCC ne cesse de croître en France, même si nous conservons un certain retard par rapport à d’autres pays. Si, durant les années 80, la deuxième vague (approche cognitive) a permis au modèle de s’enrichir et de continuer à se développer, le réel boom de développement s’est produit, il me semble, il y a environ 10 ans, avec les thérapies TCC dites de 3ème vague incluant la Pleine Conscience ou encore la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT). Ce boom a permis une plus grande diffusion auprès du grand public et une meilleure connaissance des TCC.


Quels sont les troubles ou les types de patients pour lesquels vous conseilleriez une TCC ?


 C’est une question délicate, que ce soit pour la TCC ou pour n’importe quelle forme de thérapie. Il me semble qu’il est très difficile de parler d’indication uniquement en termes de pathologie. Cette question est d’ailleurs un champ de recherche passionnant, insuffisamment défriché à ce jour.

 Bien sûr, du fait de la filiation expérimentale de la TCC, cette dernière se prête beaucoup à une approche scientifique empirique et donc elle a tout de suite eu à cœur de tester son efficacité par le biais d’études scientifiques rigoureuses. Pour montrer l’efficacité, on a dû isoler des groupes de patients en fonction de leurs pathologies (Trouble Anxieux Généralisé, état de stress post traumatique ...). C’est grâce à ces études que l’on sait que les TCC sont efficaces pour les troubles anxieux, les troubles sexuels… On sait également, par exemple, que si on associe cette thérapie à un traitement par antidépresseur, on fait baisser nettement le risque de rechute chez des patients souffrant de dépression.

 Pour des questions méthodologiques, on a dû écarter de ces études les patients présentant d’autres troubles au même moment (ce qu’on appelle des comorbidités). Ce qui fait que l’on a inclus dans ces études des patients “purs”, qui ne correspondent que partiellement aux patients rencontrés en pratique clinique institutionnelle ou libérale, pouvant eux présenter de l’anxiété et bien d’autres troubles (addiction, scarifications, trouble de la personnalité, etc). Il est alors plus difficile de se référer aux recherches existantes.

 C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle un des nouveaux développements très prometteurs des TCC s’appuie sur l’approche dite transdiagnostique. Il s’agit non plus de se centrer sur les pathologies, mais sur les processus communs que l’on va retrouver dans différentes pathologies (ex. : l’évitement émotionnel, les biais attentionnels, les ruminations, …)


 Au-delà de la question du diagnostic, les caractéristiques personnelles du patient (traits de personnalité, mécanismes de défenses, antécédents…) et notamment ce que l’on pourrait appeler son « épistémologie personnelle », doivent correspondre à la philosophie du traitement TCC.


Quels éléments expliquent l’efficacité de la TCC ?


 En TCC, la démarche est très active du côté du patient comme du thérapeute. Un contrat s’établit donc entre eux avec une définition précise et consensuelle des objectifs thérapeutiques. On demande alors au patient de s’observer selon une grille d’apparence simple. Il aura ainsi à observer dans les situations qui lui sont problématiques ce qu’il pense (cognitions), ce qu’il ressent (sensations, émotions), et ce qu’il fait (comportement). Avec l’aide du thérapeute, les difficultés son conceptualisées, ce qui permet de définir une stratégie thérapeutique. Le patient devra alors s’impliquer dans des actions, des tâches définies ensemble pour permettre progressivement le changement, par le biais de nouveaux apprentissages, allant dans le sens des objectifs, d’un mieux-être.

 On retrouve ici pleinement la démarche scientifique empirique dans la TCC. Avec le patient, on va construire si possible une hypothèse sur l’origine de son trouble (cela n’est cependant pas indispensable). Mais nous avons absolument besoin de faire des hypothèses expliquant pourquoi le comportement posant problème est toujours là aujourd’hui (quels sont les facteurs qui le maintiennent ?). Pour ce faire, on fait appel aux théories de l’apprentissage (issues de travaux de Pavlov, Skinner et Bandura, pour les principaux). Elles expliquent que bien que générant de la souffrance, si le symptôme est toujours présent, c’est qu’il y a des facteurs -échappant au contrôle du patients- qui le renforcent. Ce sont sur ces facteurs que nous allons essentiellement essayer d’intervenir de manière quasi expérimentale, en testant différents types de techniques ou exercices - dont on sait grâce aux études scientifiques qu’il ont une efficacité- dans le but de favoriser une amélioration, un changement dans le sens que le patient souhaite, en jouant sur les différents pôles : cognitif, émotionnel et comportemental. Il est aussi possible de travailler en amont, sur les facteurs qui déclenchent le comportement problème.

 Cet esprit de collaboration, de participation active, dynamique et régulière est nécessaire pour s’engager dans les tâches prescrites. Les études montrent que les TCC marchent à condition que le patient s’engage dans les tâches proposées. C’est aussi le travail du thérapeute de favoriser l’engagement et la motivation du patient.

Un des éléments qui va favoriser cet engagement est qu’en TCC tout est partagé : la manière que l’on a de comprendre les difficultés, le choix des techniques thérapeutiques. Tout est expliqué au patient, discuté avec lui, adapté à sa propre situation. On lui explique par exemple les modèles de compréhension de son trouble. Cette collaboration est un des atouts majeurs de la TCC, même si on la retrouve dans d’autres thérapies.

Donc, en un mot, ce qui fait que la TCC est efficace c’est qu’elle favorise de manière expérientielle et concrète des nouvelles manières de voir, de ressentir et d’agir chez le patient.


Quelles sont les particularités de la TCC par rapport à d’autres formes de thérapie ?


 Tout d’abord, son style relationnel, sa typicité, en tant qu’elle met au premier plan cet aspect collaboratif. Le fait que le patient ait le sentiment que le thérapeute s’implique dans la compréhension et la résolution de ses problèmes est un facteur de réussite de la thérapie. Le thérapeute n’est pas neutre : il est empathique bien sûr mais aussi chaleureux, impliqué. Il n’hésite pas à renforcer le patient, comme on dirait techniquement, à le féliciter quand il agit dans le sens du changement, ce qui est un ingrédient qui va favoriser ce dernier. Le thérapeute peut parfois être amené à accompagner le patient dans la réalisation de certains exercices, à l’extérieur du cabinet. L’autre aspect saillant, je crois, est le côté scientifique de la démarche (cf. plus haut).

 Les TCC sont dites brèves. En 15 ou 20 séances, en général, on a déjà obtenu une amélioration bien sensible, voire la thérapie est terminée. Mais elle peut durer des mois, voire quelques années, selon le nombre et la nature des difficultés présentées par le patient. Quoi qu’il en soit, on fait régulièrement des points avec le patient pour savoir si on est sur la bonne voie ou pas, si le patient conserve sa motivation, s’il faut changer de cap, de méthode, d’objectifs, de thérapeute ou de thérapie. Au bout de quelques séances, s’il n’y pas déjà un changement significatif observable, c’est qu’il y a un problème à identifier et à résoudre. Parfois, certains patients arrivent avec une attente magique, croyant qu’en 3 à 5 séances, sans efforts particuliers de leur part, leur problème sera réglé. Il est aussi beaucoup question de l’engagement et de la motivation du patient, dont nous sommes en partie garants en tant que thérapeute bien sûr, mais que nous ne maîtrisons heureusement pas entièrement. Des études montrent qu’un thérapeute convaincu de la pertinence de son approche aura de meilleurs résultats qu’un thérapeute moins convaincu (cf. : travaux de Bruce Wampold). Il est vrai qu’un thérapeute convaincu est plus engagé, plus apte à amener le patient, dans son enthousiasme et avec espoir, vers les changements désirés.



Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit lorsque nous parlons de validation scientifique ?


 C’est une question très vaste. La validation scientifique se décline à plusieurs niveaux, je n’en aborderai que quelques-uns. Qui dit validation scientifique dit nécessité de se prêter à une méthode d’obtention du savoir, qui repose sur la démarche scientifique (ou disons empirique) qui est bien différente d’une opinion ou d’une croyance. Cela implique une épistémologie qui est celle de l’objectivation, de la quantification, de la mesure. Notons que tout le monde ne partage pas cette vision.

 Dans le champ des psychothérapies, tout d’abord, on tente de répondre à la question de l’efficacité : est-ce qu’il est mieux de proposer un traitement x plutôt que rien ? Pour cela, typiquement on compare un groupe de patients qui est en thérapie et un groupe de patients qui est sur liste d’attente.

 Ensuite, est-ce que la thérapie x fait plus que l’effet placebo ou qu’une thérapie y ? Les groupes sont constitués de façon aléatoire et on propose à l’un la thérapie et à l’autre quelque chose qui n’en est pas ou l’autre thérapie. Il est difficile de trouver un placebo en thérapie, alors qu’en médecine on peut prescrire une pilule sans aucun principe actif.

 Une autre manière de montrer l’efficacité, c’est en comparant avec le traitement “comme d’habitude”, c’est à dire que le patient voit son psychiatre, va aux divers groupes proposés par l’institution, etc. et on ajoute la thérapie pour savoir si on a un gain à l’ajouter. Cela n’écarte malheureusement pas tous les biais.

 La méthode la plus reconnue pour faire des études sont les essais randomisés contrôlés. Des patients, comparables par ailleurs, et les groupes sont déterminés de façon aléatoire. Le problème c’est que pour cela il faut des patients assez “purs” comme je l’évoquais tout à l’heure, mais ce n’est pas une réalité clinique car très souvent le patient présente des comorbidités (NDLR : c’est-à-dire la présence d’un ou plusieurs troubles associés à un trouble ou une maladie primaire). Ces essais sont très complexes et coûteux à mettre en œuvre et sont de plus en plus controversés car jugés « non écologiques », ne correspondant pas à la réalité de la pratique clinique.

 Un autre champ, très étudié aujourd’hui, concerne les études d’efficience, qui tentent de réponde à la question suivante : quels sont, au sein d’une thérapie, les ingrédients actifs ?


 Un autre aspect de la validation scientifique concerne le modèle sous-jacent (les hypothèses que la thérapie propose pour expliquer le fonctionnement psychique, la santé, la maladie et le rétablissement). La TCC met aussi beaucoup cette forme de validité en avant par rapport aux autres thérapies. Elle dit que ce qu’elle propose est de plus en plus étayé par des données neurobiologiques. Il y a maintenant des études faites en IRM fonctionnelle, avant et après thérapie, qui montrent quelles zones ou aspects du fonctionnement du cerveau ont pu être modifiés, par exemple.



Quelles sont les critiques de la TCC et que répondriez-vous à cela ?


 Historiquement, les critiques envers la TCC sont nées quasiment en même temps que la TCC. La première publication d'efficacité était sur la phobie, et tout de suite les psychanalystes ont critiqué, en cohérence avec leur propre modèle, que ce n’était pas possible, argumentant que seul le symptôme était pris en compte, pas sa source, et qu’il y allait avoir nécessairement un déplacement de celui-ci. Ce désaccord est-il une simple expression de querelle des chapelles ?

Quoi qu’il en soit, ne pourrait-on pas se dire que plusieurs modèles, plusieurs thérapies coexistent; que l’important est d’avoir plusieurs modèles et plusieurs armes à disposition pour aider nos différents types de patients, sachant qu’aucune thérapie ne présente à ce jour des résultats garantis pour tous les patients ?

 Si cette critique sur la question du déplacement du symptôme a été battue en brèche par les données de la recherche longitudinale - il n’y aurait pas plus de déplacement que cela, en tout cas pas plus que dans d’autres thérapies - il y a quand même dans un certain nombre de cas, réapparition du symptôme ou de nouveaux symptômes qui apparaissent. Les querelles ou au mieux les débats se poursuivent, prenant parfois l’aspect d’une guerre, et parfois d’échanges plus apaisés.

Donc les critiques sont majoritairement de cet ordre : on ne traiterait en TCC que le symptôme, que la surface. Cette critique est cohérente quand on adhère au modèle psychanalytique qui postule qu’il faut aller chercher la cause refoulée d’un symptôme pour le voir se résorber. Mais c’est un modèle et aujourd’hui il en existe d’autres. Par exemple, l’approche systémique a aussi montré qu’un changement peut se produire au sein d’un système sans avoir eu besoin de faire l’archéologie intrapsychique du phénomène. A chacun alors de voir à quoi il adhère, et là il ne s’agit plus vraiment de science …

 Certaines critiques étaient fondées. Il y a longtemps, pour valider les modèles des TCC, des chercheurs ont parfois accompli des choses pas du tout éthiques : par exemple, en créant des phobies chez des enfants en les jetant dans l’eau. Aujourd’hui heureusement, les thérapeutes TCC n’ont pas recours à ce genre de stratégies ! Mais cela a nourri l’idée que les thérapeutes TCC était des bourreaux, des sadiques, des personnes pas éthiques…

 D’autres part, si certains reprochent aux thérapeutes TCC de ne pas considérer la personne dans son entièreté, de s’intéresser au « Sujet » comme on l’entend parfois, ils se trompent. Ce n’est pas parce que le traitement vise la diminution d’un symptôme (sachant que ce n’est d’ailleurs jamais l’unique but recherché) que la personne globale est ignorée. Nous prenons bien sûr en compte la personne dans sa totalité, mais pour la psychanalyse cela englobe l’Inconscient, au sens Freudien du terme. On ne nie pas qu’il existe des processus inconscients en TCC, mais on ne leur donne pas le même statut qu’en psychanalyse.

 On a pu aussi entendre que la TCC était « pauvre intellectuellement ». Si le modèle peut se montrer simple en apparence (pensée, émotion, comportement, comme unité de base d’observation), les lois qui gouvernent les apprentissages et les modifications de ceux-ci sont en effet scientifiques. Les dimensions littéraires, philosophiques, esthétiques ne peuvent être retenues. Il s’agit de modélisations scientifiques pour lesquelles le principe de parcimonie est normalement recherché. Dirait-on de la physique de Newton qu’elle est pauvre intellectuellement ? Par ailleurs, la pratique des TCC n’est en aucun cas répétitive et nécessite adaptation et créativité.

 Une autre critique est qu’il existe des protocoles “tout faits” en TCC, qui seraient appliqués de manière quasi « robotisée ». C’est vrai qu’il existe des protocoles, mais le thérapeute sait qu’on a besoin d’une importante souplesse pour la prise en charge de nos patients. Il est toujours question d'être inventif, et d’adapter ces protocoles. Je crois qu’aujourd’hui toutes les thérapies convergent vers une posture rogérienne* concernant la relation patient-thérapeute, avec une acceptation inconditionnelle de la personne dans sa singularité, qui implique à chaque fois de pratiquer du « sur mesure , ce qui n’empêche pas d’utiliser un patron, si on utilise une métaphore couturière. Par ailleurs, les nouvelles approches en TCC sont quasiment non-protocolaires, comme l’ACT (Thérapie de l’Acceptation et de l’Engagement).

 D’autres critiques ont mis en avant le primat de la science. C’est vrai que la TCC met en avant son côté scientifique et ceci n’est pas forcément autant valorisé en France que dans la culture anglo-saxonne par exemple. Et c’est vrai que l’approche empirique n’est pas celle de toutes les psychothérapies, par exemple en psychanalyse, les concepts psychanalytiques étant spéculatifs, quels que soient leur pertinence ou leur intérêt, ils sont difficilement accessibles à la validation empirique. Si les études d’efficiences semblent alors complexes, cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible de montrer empiriquement l’efficacité de la psychanalyse. D’ailleurs, certains psychanalystes, Outre-Atlantique le plus souvent, ont œuvré en ce sens. Tout dépend du critère de mesure que l’on choisit comme marqueur d’amélioration (réduction des symptômes, meilleure qualité de vie, baisse de consommation de psychotropes,…).


Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?


 J’espère que les TCC vont continuer à se développer, à évoluer et à progresser, pour diversifier l’offre de soins psychiques en France. Je souhaite qu’elles restent scientifiques, sans dérive scientiste.

 Gardons à l’esprit que certains patients ne sont pas améliorés par la TCC, comme d’autres ne le sont pas par une thérapie analytique et vice versa.

Il me semble nécessaire de rester humble, de garder l’esprit ouvert et de favoriser le dialogue entre thérapies et thérapeutes d’obédiences différentes. Il est aussi important que les personnes aient le choix, et il faut donc continuer à diffuser des informations sur cette thérapie-là et sur les autres, pour amplifier l’aide aux personnes à s’autodéterminer.

*La posture rogérienne est caractérisée par un contact très chaleureux et authentique. Le thérapeute pose un regard positif inconditionnel sur le patient et fait preuve de congruence, c’est à dire d’authenticité.



La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ?

Bailly, Psychologue Clinicienne)

par Roseline Bailly, Psychologue Clinicienne
le 2020-03-03

La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ?

 Chaque parent souhaite le meilleur pour son enfant. Mais qu’est-ce que le meilleur ? Quels outils veut-on leur transmettre pour leur donner les meilleures chances dans la vie qui sera la leur ? Et avec qui, quand, comment doit-on le partager pour s’assurer que c’est bien intégré ?


Les parents : guides rassurés-rassurants dans ce qui leur est connu


 Les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant. Ils sont ceux qui le voient grandir, évoluer, devenir un individu avec son caractère, ses envies, ses besoins et ses limites. Ce sont aussi ceux qui vont ouvrir des chemins, guider les premiers pas de l’enfant dans le monde. Ils vont faire des choix pour lui et - parfois souhaitons-le - accompagner aussi ses propres choix.

 Chaque parent va souhaiter le meilleur pour son enfant selon ses propres références. En effet nous désirons donner ce qui nous est précieux. Pour son enfant on ne veut pas se tromper. Et quoi de plus risqué que de donner de l’inconnu. Par définition, nous n’en avons pas les coordonnées et le résultat n’est pas garanti. L’inconnu est un risque dur à prendre pour son enfant tant l’on souhaite son bonheur. Mais nous sommes infiniment limités. Nous ne serons jamais qu’une personne constituée par l’ensemble de ses (nos) expériences. Et bien que nous puissions compléter, inventer, tenter, pour l’enfant, nous ne pouvons pas tout. Alors parfois on se retrouve coincé à ne plus comprendre sur quel fil tirer pour le sortir de l’ornière de l’incompréhension.

Trouver l’équilibre entre le connu et l’expérimentation, le degré d’adaptation nécessaire pour faire face quotidiennement aux défis que rencontre l’enfant, n’a rien d’aisé. Le connu rassure le parent, et un parent rassuré c’est un parent rassurant pour l’enfant.
 Mais l’enfant peut exprimer un besoin, une détresse à laquelle on ne sait pas comment répondre parce que celle-là on ne l’a pas rencontrée. Parce que dans notre boîte à outils il n’y a pas le bon tournevis. On a testé tous ceux que l’on avait mais aucun ne convient. Alors l’inconnu devient le lieu de la réponse et le parent se retrouve en terrain étranger avec plus ou moins d’inquiétude.


Quand l’école vient signaler une inadéquation


 Parmi les partenaires qui « cultivent » l’enfant il y a l’école. Le premier lieu où il y a un cadre, des règles à respecter. Ceci à un âge où l’on considère que l’enfant peut s’adapter, apprendre, faire et ne pas faire. Plus petit il nous semble naturel de nous, adultes, nous adapter. Parce que l’enfant ne peut pas choisir en conscience, prendre sur lui, temporiser. A partir de 3 ans, on estime que l’enfant est prêt à intégrer, progressivement, de l’ailleurs, de l’extérieur avec tout ce que cela engage. L’école est le lieu de cet apprentissage 8h par jour, au moins quatre jours par semaine, 36 semaines par an pour tous les enfants à partir de 3 ans.

 Le regard de l’enseignant est précieux. Ce qu’il perçoit de l’enfant n’a rien à voir avec ce que nous pouvons voir. Il a un référentiel de connaissances et d’expériences qui lui permettent de déceler des nuances et des reliefs que les parents ne peuvent pas relever. Et ceci simplement parce que le lieu de l’école est le même pour tous les enfants de la classe. Tandis que la famille, ses règles, son rythme, ses codes et ses valeurs diffèrent pour chacun.

Dans le tissage d’adaptation réciproque entre les parents et l’enfant, un tas de manques, de défauts de compréhension vont être absorbés parce que les parents ont cette écoute fine de leur enfant. Ils les anticipent, y parent, les préviennent, ce sont des pare-ents.
 Mais l’école n’est pas le lieu d’une écoute de cette nature. Il ne s’agit pas d’amortir le choc de la découverte du monde pour chaque graine fragile qui le découvre. Il s’agit du vivre ensemble dans la différence, la pluralité, et de la transmission d’un savoir formalisé. C’est intrinsèque à la façon dont est pensée l’école en France.

 Alors l’enseignant avec son regard plus global va repérer les besoins, les facilités et les difficultés de chacun. Il va tenter d’accompagner au mieux chaque enfant pour l’amener à trouver sa place dans le groupe classe, dans l’ensemble école et dans la société en tant qu’élève, apprenant, et individu en devenir.

C’est donc souvent l’école qui tire le signal d’alarme. Qui vient signaler que là, l’enfant ne peut plus, ne peut pas. Que quelque chose n’est pas en place. Dans les familles où il y a plusieurs enfants les parents peuvent comparer. Mais les enfants sont tellement différents, très vite il n’y a plus d’échelle qui donne la mesure. Et puis un parent entre le premier et le deuxième enfant n’est pas non plus le même parent. Il n’aura plus les mêmes craintes ni les mêmes exigences. Par contre l’enseignant demande à 25, 27, 30 enfants de faire la même chose. Certains y arrivent, d’autres non. C’est normal, il n’est attendu de personne de savoir ce que l’on ne lui a pas enseigné. Cependant, si en dépit du travail de pédagogie, d’apprentissage de l’enseignant, l’élève-enfant ne peut s’adapter, évoluer, s’enrichir et acquérir la capacité ; alors l’enseignant convoque les parents et leur fait part de son inquiétude.

 Et nous arrivons à la question de la responsabilité. Qui est chargé de former l’enfant au respect des règles ? Qui doit lui apprendre à rester assis, à lever la main, à respecter la parole et le corps de l’autre ? Qui doit s’assurer que la leçon est comprise ? Les enfants doivent-ils avoir des devoirs à faire à la maison ?

 Lorsqu’un enseignant convoque les parents c’est forcément un aveu d’impuissance. Qu’il soit de son ressort ou non de transmettre ces apprentissages, si l’on regarde simplement le résultat, en tant qu’adulte chargé d’enseigner, il échoue. Il vient dire l’imperméabilité de l’enfant à des apprentissages - qu’ils concernent le scolaire à proprement parler ou le vivre-ensemble – et l’échec de sa mission d’enseignement. Mais il s’agit aussi de l’échec de l’enfant qui comprend qu’il n’est pas comme il faut. Et enfin il s’agit de l’échec des parents qui n’ont pas pu éviter ça à leur enfant. Alors on peut essayer de définir des frontières de responsabilités. De faire des fiches de poste et des détails de missions. Mais surtout on peut réfléchir ensemble. C’est dans la co-construction que le meilleur travail se fait.

 Soit les parents et l’enseignant arrivent ensemble à rétablir le cap, à aider l’enfant à s’adapter à ce que l’on attend de lui. Si ce n’est pas le cas et que les difficultés perdurent, alors ils en viennent à demander de l’aide extérieure.


Quels leviers pour redonner élan à l’enfant et cap aux accompagnants


 Le cabinet d’un psychologue est un lieu de travail privilégié mais ce n’est pas le seul. Une activité de groupe peut tout à fait être le lieu de l’intégration d’un apprentissage que ni les parents ni l’enseignant n’arrivent à faire passer. Au judo, au foot, à la danse, les contraintes et les enjeux ne sont pas les mêmes. Il y a des règles, des objectifs. Le droit à l’erreur et l’attente d’un effort fourni.

Mais surtout l’activité est normalement choisie par l’enfant, et parce que c’est le lieu où réside son désir, il aura une écoute, un élan, une motivation qu’il n’aura pas ailleurs. Il récupère de la souplesse dans son fonctionnement et peut à nouveau absorber.
 Là où dans le milieu scolaire il produit déjà de tels efforts d’adaptation qu’il n’est plus en mesure de faire plus. Quant au milieu familial, il est le théâtre de quantité d’enjeux qui sont déjà difficiles à réguler dans le temps imparti entre les soirées et les weekends. Pour intégrer de nouvelles règles du vivre ensemble, encore faut-il en créer les circonstances qui les rendent nécessaires. Pour motiver un effort d’apprentissage en mathématiques, encore faut-il que l’enfant en voit l’utilité pour fournir l’effort supplémentaire nécessaire à l’intégration du savoir.

Les enfants ont cependant une capacité épatante à récupérer de l’élan. Un petit espace/temps de bien-être où ils sont regardés, valorisés, écoutés suffit à relancer toute la machine. C’est vite dit mais quand un enseignant ou un parent a-t-il le temps de se poser au calme avec l’enfant pour passer un moment où l’on fait ensemble l’activité qu’il souhaite ? Encore faut-il en avoir envie de cette activité. Sinon les mille choses à faire, à transmettre prennent vite le dessus. Et pourtant souvent elle est là, la clé du cadenas qui empêche de rouler.

 Le rôle de l’adulte quel qu’il soit est de faire en sorte d‘encourager l’épanouissement de l’enfant. D’accompagner son développement. Aucun d’entre nous ne peut donner à un enfant tout ce dont il aura besoin pour tracer toute sa route. Je ne suis pas enseignante, je ne pourrais pas faire de judo avec lui, quant à mes capacités de footballeuse, mieux vaut ne pas en parler. Je peux prendre le temps de l’écouter, faire avec lui une activité où je sais que l’on va toucher du doigt la question de l’échec, de la règle, du respect, de l’échange. Une activité qu’il souhaitera réussir et où il ne veut peut-être pas perdre. Mais surtout, parce que c’est une activité qu’il aura choisi, parce que l’on partagera un moment dont il aura défini un certain nombre de paramètres, il sera plus ouvert. L’élastique de sa capacité à absorber se détend et alors il peut entendre les mots que je pose sur ses maux.

Comme on vient tendre la main à un enfant qui ne sait plus vers où aller et qui n’est plus capable de faire ne serait-ce qu’un pas en avant ou un pas de côté pour se décaler et mieux voir ; je viens mettre des mots et le chercher là où il est bloqué sans visibilité ni direction. La boussole ne vous dit pas où aller, elle vous redonne le nord. Encore faut-il que l’on vous en donne une si vous avez perdu la vôtre.

 Espérons qu’ensemble nous puissions guider quand c’est nécessaire, encourager et soutenir quand manque le regard qui relance. Nous mobiliser pour que l’enfant se déploie au mieux en ayant toujours en tête que, par chance, nous ne sommes pas les seuls qui croiseront son chemin. L’enfant vivant apprend de tout, permettons-lui quand nous ne savons plus comment le guider, d’apprendre aussi de tous pour que son chemin s’étende plus loin encore et plus librement.


Roseline Bailly
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