Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.
Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.
L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.
Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.
Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.
Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.
Maintenant, à vous d’explorer !
par Hugues Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.
le 2020-03-17
Comment définir la psychanalyse ? C'est une question complexe et d'une brûlante actualité (une fois de plus). Les débats autour de la psychanalyse furent encore très endiablés dans la presse lors du 50ème anniversaire de la mort de Sigmund Freud l'année dernière.
Comme le rappelle Edgard Morin, si le monde pose des questions complexes, nous nous devons d'y apporter des réponses complexes. Les lignes qui vont suivre n'ont pas la prétention d'apporter ces réponses, ni l'objectif de défendre ou de montrer la supériorité de ce modèle sur un autre, mais plutôt d’approcher de manière « complexe » la psychanalyse, et en particulier la psychothérapie psychanalytique.
Replacer la psychanalyse dans son histoire
Un élément que nous n'aurons pas le temps de détailler au sein de cet article, mais qui nous paraît primordial pour bien comprendre ce que recouvre la psychanalyse, serait de replacer cette science ? Cet art ? Dans son histoire. Replacer en effet la psychanalyse dans son histoire nous permettrait de dessiner son contexte d'apparition, ses influences, mais aussi son évolution. La psychanalyse naissante, du début du XXème siècle à Vienne, était sûrement bien différente de celle des années 60 à Paris ou encore des théories psychanalytiques actuelles. Ce travail historique permettrait aussi de replacer la psychanalyse dans l'histoire de la psychologie, discipline finalement très récente (1889 en France avec Théodule Ribot) mais qui prend en revanche sa source depuis l'antiquité par un questionnement existentiel que l'on retrouve dans l'étymologie "Psyché-logos" : discours sur l'âme.
Tentative de définition : une ou des psychanalyses ?
Si nous laissons avec regret ce travail historique de côté, nous souhaitons nous concentrer sur une tentative de définition, car lorsque nous parlons de psychanalyse, finalement de quoi parlons-nous ?
De l'inconscient, de l'analyse des rêves, d'une vision de l'homme et de la femme, de la société, ou encore de la maladie mentale ? En effet, comme le rappelle Laplanche et Pontalis dans leur Vocabulaire de Psychanalyse, il y aurait « trois psychanalyses ».
La première serait ce procédé d'investigation de l'inconscient, une méthode pour accéder à cette partie "non-consciente" du sujet (comme disent d'autres modèles).
La deuxième : l'ensemble des théories psychologiques que recouvre la psychanalyse. D’ailleurs, elles aussi ont évolué au cours de l'histoire et sont parfois passées dans le langage courant : tel le complexe d'Œdipe, les lapsus, ou encore le refoulement (au risque d’être simplifiés et de perdre la complexité qui entoure ces éléments théoriques).
Enfin, et c'est ce point que nous détaillerons plus loin, lorsque nous parlons de psychanalyse nous évoquons aussi le modèle thérapeutique : la cure ou la psychothérapie psychanalytique ; avec ou sans le fameux divan.
Aujourd'hui, nous dénombrons plus de trois cents modèles de psychothérapies, alors comment s'y retrouver ? Si nous reprenons le troisième point de définition du Vocabulaire, les auteurs nous disent que la psychanalyse est : " une méthode psychothérapeutique fondée sur cette investigation (des processus inconscients) et spécifiée par l’interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir." Sans développer ces différents points théoriques ici, nous pourrions avancer dans un premier temps l’idée que, lorsqu’une psychothérapie s'appuie sur le modèle psychanalytique, cette psychothérapie s'attache plus à une vision holistique du sujet qu'à un travail sur une problématique spécifique.
Les autres modèles de psychothérapies ne s'occupent pas seulement du symptôme (ce serait les caricaturer) et écoutent bien évidemment le patient dans sa globalité, mais la spécificité du modèle psychanalytique tient dans son travail de compréhension de la subjectivité du sujet en étant à l'écoute de sa réalité psychique.Nous pourrions dire que ce type de psychothérapie est moins stratégique, moins "centrée sur le problème", mais qu'elle tente, à partir du problème posé par le patient, d'amener ce dernier à reprendre une prise sur son histoire, ses répétitions et donc son fonctionnement actuel, car tout serait lié. Comme toute psychothérapie, l'objectif reste le changement, mais ce changement est plus interne qu'externe. Cela entraîne évidemment des répercussions dans la vie externe du sujet, mais cela n'est peut-être pas l'objectif premier du travail thérapeutique ou le changement recherché à tout prix.
Le cadre de la psychothérapie psychanalytique
Pour terminer, nous pourrions rappeler rapidement le cadre de la psychothérapie psychanalytique (nous laissons de côté sciemment la cure psychanalytique moins présente aujourd'hui et plus spécifique). La première règle, que Freud avait détaillée en son temps et qui est restée comme un élément central de ce modèle, serait de dire tout ce qui nous passe par l’esprit sans rien n’omettre ni retenir - à la manière, rappellera le médecin viennois, d’un voyageur en train qui regarderait le paysage défiler et le décrirait à son compagnon de voyage. Ce principe de libre association donne en effet cette tonalité très ouverte et libre du discours. Enfin, la fréquence des rencontres est variable en fonction des patients et des demandes, mais on pourrait dire qu'une fois par semaine est un minimum, pouvant aller jusqu'à deux à trois fois par semaine dans le dispositif de la cure. Sur la durée, il n'y a pas de règle, l'objectif n'étant pas fixé sur une problématique précise, cela peut varier de plusieurs mois à plusieurs années.
Nous serions tous constitués de cette même réalité psychique façonnée par notre histoire passée, notre environnement et nos évènements de vie qui feraient bouger ce curseur.
par Damien Fouques, Psychologue clinicien et Maitre de Conférences. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre
le 2020-03-10
Damien Fouques est psychologue, psychothérapeute, pratiquant la TCC et la thérapie EMDR. Formateur et superviseur en TCC à l’AFTCC, il est actuellement Maître de conférences en psychologie clinique empirique et TCC à l’université de Paris Nanterre. Il y conduit des recherches sur les syndromes psychotraumatiques, le surpoids et l’obésité et la question de l’évaluation psychologique en général.
Il est diplômé de l’EPP (promotion 1997), et des universités de Nanterre et de Dijon. Il a exercé auprès d’adultes, à l’hôpital ainsi qu’en libéral. Il a enseigné à l’EPP Lyon et Paris pendant 18 ans le test de Rorschach en Système Intégré, la psychologie clinique et une initiation aux TCC.
Dans le cadre de PsyYou pourriez -vous nous aider à appréhender la TCC aujourd’hui par quelques repères historiques et épistémologiques, mais aussi méthodologiques, d’observations de pratique ?
La grande particularité de la TCC par rapport aux autres thérapies, est qu’elle est née dans le laboratoire. Ce n’est qu’ensuite qu’elle s’est exportée à la pratique clinique, auprès de patients. Les premiers travaux remontent au début du XXe siècle, durant les années 20, mais il faudra attendre beaucoup plus tard, vers les années 50, pour que les applications en clinique commencent à se diffuser. En France, l’AFTC (Association Française des Thérapies Comportementales) à l’époque, réunion de quelques rares cliniciens, psychologues et psychiatres, ne date que de 1971. Depuis, le développement de la TCC ne cesse de croître en France, même si nous conservons un certain retard par rapport à d’autres pays. Si, durant les années 80, la deuxième vague (approche cognitive) a permis au modèle de s’enrichir et de continuer à se développer, le réel boom de développement s’est produit, il me semble, il y a environ 10 ans, avec les thérapies TCC dites de 3ème vague incluant la Pleine Conscience ou encore la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT). Ce boom a permis une plus grande diffusion auprès du grand public et une meilleure connaissance des TCC.
Quels sont les troubles ou les types de patients pour lesquels vous conseilleriez une TCC ?
C’est une question délicate, que ce soit pour la TCC ou pour n’importe quelle forme de thérapie. Il me semble qu’il est très difficile de parler d’indication uniquement en termes de pathologie. Cette question est d’ailleurs un champ de recherche passionnant, insuffisamment défriché à ce jour.
Bien sûr, du fait de la filiation expérimentale de la TCC, cette dernière se prête beaucoup à une approche scientifique empirique et donc elle a tout de suite eu à cœur de tester son efficacité par le biais d’études scientifiques rigoureuses. Pour montrer l’efficacité, on a dû isoler des groupes de patients en fonction de leurs pathologies (Trouble Anxieux Généralisé, état de stress post traumatique ...). C’est grâce à ces études que l’on sait que les TCC sont efficaces pour les troubles anxieux, les troubles sexuels… On sait également, par exemple, que si on associe cette thérapie à un traitement par antidépresseur, on fait baisser nettement le risque de rechute chez des patients souffrant de dépression.
Pour des questions méthodologiques, on a dû écarter de ces études les patients présentant d’autres troubles au même moment (ce qu’on appelle des comorbidités). Ce qui fait que l’on a inclus dans ces études des patients “purs”, qui ne correspondent que partiellement aux patients rencontrés en pratique clinique institutionnelle ou libérale, pouvant eux présenter de l’anxiété et bien d’autres troubles (addiction, scarifications, trouble de la personnalité, etc). Il est alors plus difficile de se référer aux recherches existantes.
C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle un des nouveaux développements très prometteurs des TCC s’appuie sur l’approche dite transdiagnostique. Il s’agit non plus de se centrer sur les pathologies, mais sur les processus communs que l’on va retrouver dans différentes pathologies (ex. : l’évitement émotionnel, les biais attentionnels, les ruminations, …)
Au-delà de la question du diagnostic, les caractéristiques personnelles du patient (traits de personnalité, mécanismes de défenses, antécédents…) et notamment ce que l’on pourrait appeler son « épistémologie personnelle », doivent correspondre à la philosophie du traitement TCC.
Quels éléments expliquent l’efficacité de la TCC ?
En TCC, la démarche est très active du côté du patient comme du thérapeute. Un contrat s’établit donc entre eux avec une définition précise et consensuelle des objectifs thérapeutiques. On demande alors au patient de s’observer selon une grille d’apparence simple. Il aura ainsi à observer dans les situations qui lui sont problématiques ce qu’il pense (cognitions), ce qu’il ressent (sensations, émotions), et ce qu’il fait (comportement). Avec l’aide du thérapeute, les difficultés son conceptualisées, ce qui permet de définir une stratégie thérapeutique. Le patient devra alors s’impliquer dans des actions, des tâches définies ensemble pour permettre progressivement le changement, par le biais de nouveaux apprentissages, allant dans le sens des objectifs, d’un mieux-être.
On retrouve ici pleinement la démarche scientifique empirique dans la TCC. Avec le patient, on va construire si possible une hypothèse sur l’origine de son trouble (cela n’est cependant pas indispensable). Mais nous avons absolument besoin de faire des hypothèses expliquant pourquoi le comportement posant problème est toujours là aujourd’hui (quels sont les facteurs qui le maintiennent ?). Pour ce faire, on fait appel aux théories de l’apprentissage (issues de travaux de Pavlov, Skinner et Bandura, pour les principaux). Elles expliquent que bien que générant de la souffrance, si le symptôme est toujours présent, c’est qu’il y a des facteurs -échappant au contrôle du patients- qui le renforcent. Ce sont sur ces facteurs que nous allons essentiellement essayer d’intervenir de manière quasi expérimentale, en testant différents types de techniques ou exercices - dont on sait grâce aux études scientifiques qu’il ont une efficacité- dans le but de favoriser une amélioration, un changement dans le sens que le patient souhaite, en jouant sur les différents pôles : cognitif, émotionnel et comportemental. Il est aussi possible de travailler en amont, sur les facteurs qui déclenchent le comportement problème.
Cet esprit de collaboration, de participation active, dynamique et régulière est nécessaire pour s’engager dans les tâches prescrites. Les études montrent que les TCC marchent à condition que le patient s’engage dans les tâches proposées. C’est aussi le travail du thérapeute de favoriser l’engagement et la motivation du patient.
Un des éléments qui va favoriser cet engagement est qu’en TCC tout est partagé : la manière que l’on a de comprendre les difficultés, le choix des techniques thérapeutiques. Tout est expliqué au patient, discuté avec lui, adapté à sa propre situation. On lui explique par exemple les modèles de compréhension de son trouble. Cette collaboration est un des atouts majeurs de la TCC, même si on la retrouve dans d’autres thérapies.
Donc, en un mot, ce qui fait que la TCC est efficace c’est qu’elle favorise de manière expérientielle et concrète des nouvelles manières de voir, de ressentir et d’agir chez le patient.
Quelles sont les particularités de la TCC par rapport à d’autres formes de thérapie ?
Tout d’abord, son style relationnel, sa typicité, en tant qu’elle met au premier plan cet aspect collaboratif. Le fait que le patient ait le sentiment que le thérapeute s’implique dans la compréhension et la résolution de ses problèmes est un facteur de réussite de la thérapie. Le thérapeute n’est pas neutre : il est empathique bien sûr mais aussi chaleureux, impliqué. Il n’hésite pas à renforcer le patient, comme on dirait techniquement, à le féliciter quand il agit dans le sens du changement, ce qui est un ingrédient qui va favoriser ce dernier. Le thérapeute peut parfois être amené à accompagner le patient dans la réalisation de certains exercices, à l’extérieur du cabinet. L’autre aspect saillant, je crois, est le côté scientifique de la démarche (cf. plus haut).
Les TCC sont dites brèves. En 15 ou 20 séances, en général, on a déjà obtenu une amélioration bien sensible, voire la thérapie est terminée. Mais elle peut durer des mois, voire quelques années, selon le nombre et la nature des difficultés présentées par le patient. Quoi qu’il en soit, on fait régulièrement des points avec le patient pour savoir si on est sur la bonne voie ou pas, si le patient conserve sa motivation, s’il faut changer de cap, de méthode, d’objectifs, de thérapeute ou de thérapie. Au bout de quelques séances, s’il n’y pas déjà un changement significatif observable, c’est qu’il y a un problème à identifier et à résoudre. Parfois, certains patients arrivent avec une attente magique, croyant qu’en 3 à 5 séances, sans efforts particuliers de leur part, leur problème sera réglé. Il est aussi beaucoup question de l’engagement et de la motivation du patient, dont nous sommes en partie garants en tant que thérapeute bien sûr, mais que nous ne maîtrisons heureusement pas entièrement. Des études montrent qu’un thérapeute convaincu de la pertinence de son approche aura de meilleurs résultats qu’un thérapeute moins convaincu (cf. : travaux de Bruce Wampold). Il est vrai qu’un thérapeute convaincu est plus engagé, plus apte à amener le patient, dans son enthousiasme et avec espoir, vers les changements désirés.
Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit lorsque nous parlons de validation scientifique ?
C’est une question très vaste. La validation scientifique se décline à plusieurs niveaux, je n’en aborderai que quelques-uns. Qui dit validation scientifique dit nécessité de se prêter à une méthode d’obtention du savoir, qui repose sur la démarche scientifique (ou disons empirique) qui est bien différente d’une opinion ou d’une croyance. Cela implique une épistémologie qui est celle de l’objectivation, de la quantification, de la mesure. Notons que tout le monde ne partage pas cette vision.
Dans le champ des psychothérapies, tout d’abord, on tente de répondre à la question de l’efficacité : est-ce qu’il est mieux de proposer un traitement x plutôt que rien ? Pour cela, typiquement on compare un groupe de patients qui est en thérapie et un groupe de patients qui est sur liste d’attente.
Ensuite, est-ce que la thérapie x fait plus que l’effet placebo ou qu’une thérapie y ? Les groupes sont constitués de façon aléatoire et on propose à l’un la thérapie et à l’autre quelque chose qui n’en est pas ou l’autre thérapie. Il est difficile de trouver un placebo en thérapie, alors qu’en médecine on peut prescrire une pilule sans aucun principe actif.
Une autre manière de montrer l’efficacité, c’est en comparant avec le traitement “comme d’habitude”, c’est à dire que le patient voit son psychiatre, va aux divers groupes proposés par l’institution, etc. et on ajoute la thérapie pour savoir si on a un gain à l’ajouter. Cela n’écarte malheureusement pas tous les biais.
La méthode la plus reconnue pour faire des études sont les essais randomisés contrôlés. Des patients, comparables par ailleurs, et les groupes sont déterminés de façon aléatoire. Le problème c’est que pour cela il faut des patients assez “purs” comme je l’évoquais tout à l’heure, mais ce n’est pas une réalité clinique car très souvent le patient présente des comorbidités (NDLR : c’est-à-dire la présence d’un ou plusieurs troubles associés à un trouble ou une maladie primaire). Ces essais sont très complexes et coûteux à mettre en œuvre et sont de plus en plus controversés car jugés « non écologiques », ne correspondant pas à la réalité de la pratique clinique.
Un autre champ, très étudié aujourd’hui, concerne les études d’efficience, qui tentent de réponde à la question suivante : quels sont, au sein d’une thérapie, les ingrédients actifs ?
Un autre aspect de la validation scientifique concerne le modèle sous-jacent (les hypothèses que la thérapie propose pour expliquer le fonctionnement psychique, la santé, la maladie et le rétablissement). La TCC met aussi beaucoup cette forme de validité en avant par rapport aux autres thérapies. Elle dit que ce qu’elle propose est de plus en plus étayé par des données neurobiologiques. Il y a maintenant des études faites en IRM fonctionnelle, avant et après thérapie, qui montrent quelles zones ou aspects du fonctionnement du cerveau ont pu être modifiés, par exemple.
Quelles sont les critiques de la TCC et que répondriez-vous à cela ?
Historiquement, les critiques envers la TCC sont nées quasiment en même temps que la TCC. La première publication d'efficacité était sur la phobie, et tout de suite les psychanalystes ont critiqué, en cohérence avec leur propre modèle, que ce n’était pas possible, argumentant que seul le symptôme était pris en compte, pas sa source, et qu’il y allait avoir nécessairement un déplacement de celui-ci. Ce désaccord est-il une simple expression de querelle des chapelles ?
Quoi qu’il en soit, ne pourrait-on pas se dire que plusieurs modèles, plusieurs thérapies coexistent; que l’important est d’avoir plusieurs modèles et plusieurs armes à disposition pour aider nos différents types de patients, sachant qu’aucune thérapie ne présente à ce jour des résultats garantis pour tous les patients ?
Si cette critique sur la question du déplacement du symptôme a été battue en brèche par les données de la recherche longitudinale - il n’y aurait pas plus de déplacement que cela, en tout cas pas plus que dans d’autres thérapies - il y a quand même dans un certain nombre de cas, réapparition du symptôme ou de nouveaux symptômes qui apparaissent. Les querelles ou au mieux les débats se poursuivent, prenant parfois l’aspect d’une guerre, et parfois d’échanges plus apaisés.
Donc les critiques sont majoritairement de cet ordre : on ne traiterait en TCC que le symptôme, que la surface. Cette critique est cohérente quand on adhère au modèle psychanalytique qui postule qu’il faut aller chercher la cause refoulée d’un symptôme pour le voir se résorber. Mais c’est un modèle et aujourd’hui il en existe d’autres. Par exemple, l’approche systémique a aussi montré qu’un changement peut se produire au sein d’un système sans avoir eu besoin de faire l’archéologie intrapsychique du phénomène. A chacun alors de voir à quoi il adhère, et là il ne s’agit plus vraiment de science …
Certaines critiques étaient fondées. Il y a longtemps, pour valider les modèles des TCC, des chercheurs ont parfois accompli des choses pas du tout éthiques : par exemple, en créant des phobies chez des enfants en les jetant dans l’eau. Aujourd’hui heureusement, les thérapeutes TCC n’ont pas recours à ce genre de stratégies ! Mais cela a nourri l’idée que les thérapeutes TCC était des bourreaux, des sadiques, des personnes pas éthiques…
D’autres part, si certains reprochent aux thérapeutes TCC de ne pas considérer la personne dans son entièreté, de s’intéresser au « Sujet » comme on l’entend parfois, ils se trompent. Ce n’est pas parce que le traitement vise la diminution d’un symptôme (sachant que ce n’est d’ailleurs jamais l’unique but recherché) que la personne globale est ignorée. Nous prenons bien sûr en compte la personne dans sa totalité, mais pour la psychanalyse cela englobe l’Inconscient, au sens Freudien du terme. On ne nie pas qu’il existe des processus inconscients en TCC, mais on ne leur donne pas le même statut qu’en psychanalyse.
On a pu aussi entendre que la TCC était « pauvre intellectuellement ». Si le modèle peut se montrer simple en apparence (pensée, émotion, comportement, comme unité de base d’observation), les lois qui gouvernent les apprentissages et les modifications de ceux-ci sont en effet scientifiques. Les dimensions littéraires, philosophiques, esthétiques ne peuvent être retenues. Il s’agit de modélisations scientifiques pour lesquelles le principe de parcimonie est normalement recherché. Dirait-on de la physique de Newton qu’elle est pauvre intellectuellement ? Par ailleurs, la pratique des TCC n’est en aucun cas répétitive et nécessite adaptation et créativité.
Une autre critique est qu’il existe des protocoles “tout faits” en TCC, qui seraient appliqués de manière quasi « robotisée ». C’est vrai qu’il existe des protocoles, mais le thérapeute sait qu’on a besoin d’une importante souplesse pour la prise en charge de nos patients. Il est toujours question d'être inventif, et d’adapter ces protocoles. Je crois qu’aujourd’hui toutes les thérapies convergent vers une posture rogérienne* concernant la relation patient-thérapeute, avec une acceptation inconditionnelle de la personne dans sa singularité, qui implique à chaque fois de pratiquer du « sur mesure , ce qui n’empêche pas d’utiliser un patron, si on utilise une métaphore couturière. Par ailleurs, les nouvelles approches en TCC sont quasiment non-protocolaires, comme l’ACT (Thérapie de l’Acceptation et de l’Engagement).
D’autres critiques ont mis en avant le primat de la science. C’est vrai que la TCC met en avant son côté scientifique et ceci n’est pas forcément autant valorisé en France que dans la culture anglo-saxonne par exemple. Et c’est vrai que l’approche empirique n’est pas celle de toutes les psychothérapies, par exemple en psychanalyse, les concepts psychanalytiques étant spéculatifs, quels que soient leur pertinence ou leur intérêt, ils sont difficilement accessibles à la validation empirique. Si les études d’efficiences semblent alors complexes, cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible de montrer empiriquement l’efficacité de la psychanalyse. D’ailleurs, certains psychanalystes, Outre-Atlantique le plus souvent, ont œuvré en ce sens. Tout dépend du critère de mesure que l’on choisit comme marqueur d’amélioration (réduction des symptômes, meilleure qualité de vie, baisse de consommation de psychotropes,…).
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J’espère que les TCC vont continuer à se développer, à évoluer et à progresser, pour diversifier l’offre de soins psychiques en France. Je souhaite qu’elles restent scientifiques, sans dérive scientiste.
Gardons à l’esprit que certains patients ne sont pas améliorés par la TCC, comme d’autres ne le sont pas par une thérapie analytique et vice versa.
Il me semble nécessaire de rester humble, de garder l’esprit ouvert et de favoriser le dialogue entre thérapies et thérapeutes d’obédiences différentes. Il est aussi important que les personnes aient le choix, et il faut donc continuer à diffuser des informations sur cette thérapie-là et sur les autres, pour amplifier l’aide aux personnes à s’autodéterminer.
*La posture rogérienne est caractérisée par un contact très chaleureux et authentique. Le thérapeute pose un regard positif inconditionnel sur le patient et fait preuve de congruence, c’est à dire d’authenticité.