par Margaux Jaillant, Psychologue clinicienne
le 2020-04-27
En cette période de confinement, les conditions et le stress exacerbent les tensions et les violences domestiques. Celles-ci peuvent être physiques mais aussi psychologiques, émotionnelles, sexuelles, ou encore financières … Elles n’ont pas de genre. Elles sont perpétrées par des hommes et des femmes et touchent les premiers comme les secondes.
Depuis le début du confinement, les signalements pour violences conjugales ont augmenté de +36% en région parisienne.
Le thème de cet article est de comprendre ce qu’est la violence afin de trouver des solutions pour s’en sortir.
Dans toute forme de relation : qu’est-ce qui est acceptable, qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Ce qui est acceptable dans toute forme de relation, ce sont tous les comportements qui vont dans le sens de l’amour de l’autre. C’est quoi aimer l’autre ? C’est respecter son intégrité physique et psychique. Le reconnaître comme un individu séparé, autonome, libre de penser, de ressentir et d’agir. L’accepter dans son entièreté, avec ses forces, ses faiblesses, son histoire. Et vouloir sincèrement son bonheur.
Ce qui n’est pas acceptable dans toute forme de relation, ce sont tous les comportements de violence physique et psychique. C’est-à-dire tous les comportements qui empêchent l’autre de vivre pleinement et sereinement. Tous les comportements de force, de contrainte, d’abus, de domination, de manipulation, d’oppression, de harcèlement, d’exploitation, de menace, de contrôle, d’emprise. Tous les comportements qui entraînent du stress et de la peur dans la relation.
Une relation saine d’amour est une relation où chacun est reconnu comme une personne unique et indépendante, avec ses propres besoins, ses propres désirs, et ses propres limites. C’est une relation où chacun a son espace dans lequel il se sent libre.
Les attentes sont liées à des besoins non satisfaits. Il est donc important de savoir reconnaître ses besoins (1), pour pouvoir les satisfaire (2) et les exprimer avec simplicité et sans reproches (3).
1. Comment reconnaître ses besoins ?
En s’offrant des moments de pause et de recentrage. Ces temps d’isolement offrent la possibilité de se reconnecter à soi et de se demander comment on se sent. Ils sont nécessaires pour prévenir du burnout.
Tous les êtres-humains ont des limites. Savoir les identifier et les respecter permet d’accepter celles des autres et d’être plus disponible pour eux.
En voulant trop en faire, la frustration et l’insatisfaction chronique augmentent entraînant avec elles des risque d’explosion (crises de colère et de larmes) et/ou d’implosion (épuisement physique, émotionnel, psychique).
2. Comment satisfaire ses besoins ?
Les moments de pause et d’intimité avec soi sont l’occasion de clarifier ses besoins.
Selon Manfred Max-Neef, économiste et environnementaliste chilien mort en 2019, les besoins humains fondamentaux sont regroupés dans les 9 catégories suivantes. Marshall Rosenberg a repris cette liste dans son concept de « Communication non Violente » (CNV).
Besoins physiologiques (santé physique et mentale, dormir, manger, marcher…)
Besoins de sécurité (avoir un lieu de confinement, partagé avec des personnes attentionnées, un travail assuré, etc.)
Empathie, compréhension (se sentir compris, entendu, reconnu dans ses états émotionnels)
Créativité (activités artistiques, écriture, danse, peinture…)
Amour, intimité (se sentir aimé, entretenir un lien de proximité avec un ami, le conjoint(e), une personne de la famille…)
Jeu, distraction (humour, rires)
Repos, détente, récupération (moments de calme et d’isolement)
Autonomie (se sentir libre de choisir, de décider, ne pas se sentir contraint)
Sens, spiritualité (trouver du sens à cette période de confinement, et agir en conséquence pour ne pas subir).
Reprendre cette liste sert à clarifier les besoins non satisfaits. Être à l’écoute de soi et prendre soin de ses besoins sans dépendre des autres facilite la communication avec eux.
3. Exprimer ses demandes sans reproche.
Une fois les besoins identifiés, ils peuvent être communiqués sans attente, ni reproche. Les attentes et reproches, implicites ou explicites, attisent les tensions en créant une pression chez l’un et un risque de déception chez l’autre. Il est donc préférable de parler de soi, de ses émotions et de ses besoins en utilisant le pronom « Je », plutôt que de se centrer sur l’autre et de multiplier les formules commençant par « tu ».
Cette attitude ouverte de partage laisse l’espace à l’autre pour parler à son tour de son expérience et de ses besoins sans être sur la défensive. L’écoute attentive, comme si c’était la première fois que l’autre s’exprimait, est importante dans la communication bienveillante.
A l’inverse, anticiper ce que va dire l‘autre ou prévoir sa réaction bloquent toute possibilité d’évolution.
Si l’autre n’agit pas en adulte responsable, chercher à le raisonner est peine perdue. Il vaut mieux dépenser son énergie dans la recherche de réponses créatives permettant de satisfaire ses besoins autrement, en ouvrant tous les champs des possibles.
En cette période de confinement, la solidarité est une ressource inestimable. Les proches sont souvent heureux d’offrir leur soutien. Demander de l’aide permet de se sentir moins seul. C’est aussi l’occasion de prendre du recul sur les situations problématiques.
Les activités physiques et de bien-être sont également indispensables pour se maintenir en forme et renforcer sa capacité d’adaptation face au stress. La méditation en pleine conscience, le yoga, la gym, le chant, la danse sont autant de pratiques qui apportent du calme et apaisent la réactivité dans les relations. Ces exercices peuvent aussi être l’opportunité de partager un moment agréable en famille.
L’affirmation de ses limites est nécessaire pour prendre soin de soi et de son entourage. Apprendre à dire « Non » - et quand le non n’est pas entendu, dire « Stop ! »- protège sa santé physique et psychique ainsi que celle de ses proches.
Si un sentiment d’insécurité est présent, des aides publiques sont mises en place par le gouvernement. Le 17 est à composer en cas d’urgence, un texto peut également être envoyé au 114. Un nom de code « masque 19 » peut être donné aux pharmaciens qui se chargeront d’alerter la police. Et il est aussi possible d’appeler le 3919 ou le 119 pour recevoir de l’aide anonyme et gratuite 24h/24, 7j/7.
La période de confinement peut être l’occasion de prises de conscience et d’actions pour créer du changement. Si le gouvernement demande à ce que les gens restent chez eux c’est pour protéger leur santé, pas pour les enfermer. Nous sommes dans un pays de droits, libres d’agir et de sortir quand cela est nécessaire, toujours dans cette démarche de protection de notre santé physique et psychologique. Si vous êtes victimes ou témoins de violences, rappelez-vous que vous n’êtes pas seuls, et soulevez-vous contre des comportements inacceptables.
Margaux Jaillant
Margaux Jaillant est psychologue clinicienne diplômée de l'Ecole de Psychologues Praticiens. Elle est spécialisée dans l'approche thérapeutique de l'intégration du Cycle de la Vie (ICV) et dans la pratique de la pleine conscience. Elle a créé un coaching pour sortir des relations toxiques, dont la sortie est prévue courant 2020, une fois le confinement levé ! Pour plus d'informations : https://www.mon-coaching-peppsy.com/sortir-relation-toxique