Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.
Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.
L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.
Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.
Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.
Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.
Maintenant, à vous d’explorer !
par Pauline Faivre, Psychologue et Entrepreneuse, Co-fondatrice de Tom&Josette
le 2021-05-11
«Le lien intergénérationnel est l’ultime manière de nous rendre sensible l’idée d’éternité dans un monde marchand et désenchanté.»
Les liens intergénérationnels ont été le ciment de notre société pendant des générations. Alors pourquoi ne pas les créer sous une forme nouvelle, adaptée aux enjeux d’aujourd’hui ? Nous avons tout à gagner à valoriser l’expérience de ceux qui nous précèdent en les plaçant, dès que cela est possible, dans une situation de transmission.
L’importance des 1000 premiers jours de la vie d’un jeune enfant fait aujourd’hui consensus au sein de la communauté scientifique : du 4ème mois de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant, il connaît un rythme de croissance et de développement unique et rapide à l’échelle d’une vie humaine.
Le rôle des EAJE (Etablissements d'Accueil du Jeune Enfant), qui peuvent accueillir le jeune enfant dès l’âge de 10 semaines, est déterminant dans le développement de l’enfant au cours de ces 1000 premiers jours, et plus largement au cours des trois premières années de sa vie.
Une attention bienveillante et désintéressée
“Élever des enfants consiste essentiellement à les tourner vers les autres et à leur permettre de construire une relation de confiance en leur futur. Or, aujourd’hui, cette dynamique est renversée : nous sommes dans un climat de peur du futur et de suspicion envers la société”, expose le Rapport Giampino.
Or, la personne âgée peut porter sur l’enfant un regard neuf et désintéressé, là où la relation enfant-parent est aujourd’hui de plus en plus marquée par le stress, la pression qui repose sur les épaules des parents et les attentes projetées sur l’enfant. Par exemple, les parents d’un enfant dont l’acquisition du langage est plus tardive que celle d’autres enfants de leur entourage risqueront de s’en inquiéter et de sur-stimuler l’enfant. La personne âgée quant à elle, peut savoir d’expérience que le rythme d’acquisition langagière de chaque enfant lui est propre, et ainsi, ne pas s’en inquiéter.
La personne âgée peut alors apporter à l’enfant une attention bienveillante et désintéressée, qui l’accepte pour ce qu’il est et sans angoisse; et cette relation va favoriser la prise de conscience par le jeune enfant de sa propre individualité en renforçant sa confiance en lui-même.On peut d’ailleurs résumer cette phase du développement comme l’enfant exprimant son besoin vis-à-vis de l’adulte : “aide-moi à prendre conscience que je suis”.
La relation enfant-personne âgée fait expérimenter un rapport au temps apaisé à l’enfant
Le rapport au temps des parents n’est pas celui de l’enfant.
Le rapport Giampino souligne l’accélération du temps à laquelle les parents sont confrontés, et le décalage entre la temporalité du monde professionnel et celle de l’enfant : « Alors que les parents évoluent dans un monde professionnel où priment de plus en plus la rapidité, l’efficacité, la fluidité, les enfants sont comme des grains de sable qui bloquent les rouages de cette belle machinerie ». Dans ce cadre là, «souvent, les parents ne sont pas assez présents à la situation, à ce qu’ils font » (Béatrice Copper-Royer). On pourrait résumer en disant que la phrase que le jeune enfant entend le plus avant ses trois ans est “dépêche-toi !”.
L’équipe de la micro-crèche intergénérationnelle Tom&Josette à Rennes observe que les enfants, comme les adultes, sont plus calmes, sereins, patients, quand ils sont en présence des résidents. Pour 6 familles sur 10, l’enfant a pris confiance en lui.
Notre entretien avec Mme Elodie Masanet, la psychologue de l’EHPAD Péan (dans lequel est intégrée une micro-crèche) avait fait ressortir le cas d’une jeune enfant d’ordinaire peu persévérante dans les activités proposées : là où elle ne pratiquait d’habitude une activité coloriage que pendant une dizaine de minutes, la présence et les encouragements d’un résident de l’établissement, placé dans une position de “tuteur” au cours de l’activité, avait permis à l’enfant de rester concentrée sur cette activité pendant près de 45 minutes.
Enfants et personnes âgées partagent un besoin universel : besoin d’attention, de tendresse, de temps.
Le lien intergénérationnel crée ainsi une rupture dans un monde où on ne prend plus le temps : l’intergénérationnel c’est finalement prendre le temps pour l’autre, prendre le temps de prendre soin, et appréhender la différence.
Pour l’enfant et sa famille : la rencontre avec la différence
Le jeune enfant n’a pas peur de la personne âgée : il accepte ses différences telles qu’elles sont. La rencontre régulière avec des personnes âgées, notamment à l’âge où l’enfant consolide son identité en se confrontant à l’Autre et découvre la socialisation et la relation à l’autre (entre 2 et 3 ans), est un rempart de taille contre les peurs et préjugés associés à la différence.
Pour les parents de l’enfant, les contacts fréquents et ordinaires avec des personnes âgées conduisent à un changement de regard et de perception de la personne âgée. Le lien intergénérationnel, dans le cadre d’une valorisation des capacités de chacun, est donc un levier d’inclusivité et un rempart contre l’âgisme, cette forme de discrimination qui touche les personnes âgées.
Ajouter de la vie aux jours et retrouver un rôle social
“Les trois fléaux que sont la solitude, le sentiment d’impuissance et l’ennui constituent l’essentiel de ce qui contribue à la souffrance des personnes âgées”, énonce le manifeste de l’ONG américaine The EDEN Alternative, dédiée à la qualité de vie des seniors.
La relation avec un jeune enfant transforme le quotidien de la personne âgée par sa spontanéité et par l’absence de préjugés de l’enfant envers elle. La relation se noue alors d’abord par le regard, le sourire, le toucher, le jeu ou la transmission.
Ces relations, dans lesquelles la personne âgée adopte un rôle d’aîné ou de grand-parent, lui permettent de renouer avec le sentiment d’utilité sociale, de trouver un but et un rôle social valorisant, ce que le psychologue Cameron Camp traduit par la notion “d’engagement.” Les résultats de 3 études menées par Camp avec des activités intergénérationnelles mettant en relation des enfants et des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs montrent que les activités intergénérationnelles de type Montessori conduisent à davantage d’engagement : la personne âgée étant plus activement impliquée dans l’activité ou dans l’interaction avec le soignant que dans une condition standard d’activités.
La société doit prendre conscience de la richesse immense qu'il y a à impliquer les personnes âgées, adapter l’environnement pour leur donner un rôle.
C’est la clé de l’intergénérationnel qui repose sur la réciprocité dans la relation.
Ce sentiment de pouvoir donner, être utile est vital et il doit correspondre à une réalité.
Stimulation cognitive et motrice
La relation avec l’enfant peut stimuler la mémoire, des émotions, de l’attention de la personne âgée : elle fait appel à des souvenirs et des émotions enfouis et à la mémoire des gestes.
Cette relation s’accompagne généralement d’une stimulation physique quasi-inconsciente et spontanée (se baisser pour ramasser ce qui est tombé, se lever pour montrer quelque chose à l’enfant…), qui vient du fait que la personne âgée sent que l’enfant a besoin de lui.
Cette stimulation peut se révéler particulièrement pertinente en ce qui concerne les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Olivier de Ladoucette explique ainsi que “la maladie d’Alzheimer altère différentes fonctions cognitives, différentes mémoires. Néanmoins, la mémoire affective, celle des émotions et la capacité à entrer en relation avec l’autre demeurent longtemps conservées. C’est là-dessus qu’il faut capitaliser. Il est souvent vain de vouloir réanimer des fonctions cognitives très détériorées, mais on peut continuer à interagir au niveau émotionnel.”
En conclusion, développer davantage la relation intergénérationnelle répond aujourd’hui :
aux défis éducatifs que présente l’accélération dans notre rapport au temps dans le développement du jeune enfant,
au défi de la prise en charge de la dépendance et de l’entrée dans une société de la longévité : quel rôle social voulons-nous donner à nos aînés ?
au défi de société qu’est l’âgisme et la question du regard que nous portons en tant que société sur la personne âgée.
C’est sur cette vision forte que nous avons fondé avec mon associée, Astrid Parmentier, Tom&Josette.
Ce projet qui nous est cher se fonde sur les besoins que partagent le jeune enfant et la personne âgée (besoin de tendresse, d’un cadre rassurant qui favorise l’autonomie, d’un rapport au temps apaisé) et sur ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement.
Tom&Josette est un réseau de micro-crèches intergénérationnelles. Tom&Josette intègre des micro-crèches dans des établissements pour les personnes âgées avec un projet pédagogique basé sur la richesse du lien intergénérationnel au quotidien pour les enfants et les personnes âgées.
Tom&Josette est entouré d’un comité scientifique qui mène une recherche dans les crèches afin de montrer les bienfaits de ce lien au quotidien.
Le projet de liens intergénérationnels mené par Tom&Josette concerne d’abord des jeunes enfants à partir du moment où ils marchent et sont en train d’acquérir le langage, âgés d’environ 18 mois à la veille des 4 ans.
Son ossature est un projet de lien quotidien basé sur activités très simples. Certaines d’entre elles peuvent avoir en particulier la finalité de stimuler l’éveil sensoriel de l’enfant (éveil musical par exemple), sa mémoire et son attention (lecture de contes, histoire), la coordination oeil-main, etc. La durée de ces activités est d’environ une demi-heure. Toutes ces activités ont pour finalité la création de liens entre le jeune enfant et la personne âgée. Elles se fondent sur les piliers de la pédagogie développée par Maria Montessori : autonomie, libre-choix, apprentissage par l’expérience. Ainsi, l'activité n'est jamais imposée mais proposée à l'enfant et à la personne âgée. Ceux qui veulent participent avec leurs capacités, sans aucun objectif de rendement ou de production.
Pauline Faivre
Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot. La guerre des générations aura-t-elle lieu ?,Calmann Lévy (2017)
Rapport de Sylviane Giampino : Développement du jeune enfant – Modes d’accueil, Formation des professionnels (2016)
The Eden Alternative® is an international, non-profit 501(c)3 organization dedicated to creating quality of life for Elders and their care partners, wherever they may live.
Revolutionizing the Experience of Home by Bringing Well-Being to Life (The Eden Alternative) :
par Florence Jary, Senior Coach - Psychologue et Présidente Fondatrice d’Axomega-Care
le 2021-03-17
Et si le digital était vraiment au service de votre vie ? Est-ce bien le cas aujourd’hui à titre professionnel ou personnel ? Quelle place a-t-il pris pour nous et quelles transformations globales dans notre façon de vivre et de travailler?
Pour commencer, ré-explorons ce que l’on appelle le digital.
« Digitalis », c’est en latin l’épaisseur d’un doigt. En langue Française, le digital évoque les doigts qui courent sur un clavier. Le quotidien dans le monde actuel est rythmé pour nombre d’entre nous à cet exercice de nouvelle virtuosité … Au-delà, en Anglais « digit » signifie numérique. Concrètement le numérique s’appuie sur les données qui servent l’informatique et traitent l’information, mais en fait le digital englobe bien plus que cela : l’utilisation de toutes les nouvelles technologies et par extension tout l’écosystème de communication qui l’accompagne, les réseaux sociaux, la modélisation en 3D, l’intelligence artificielle …
La digitalisation et le numérique marquent le début d’une nouvelle révolution industrielle au XXIème siècle, après celles de la machine à vapeur au XVIIIème siècle, celle de l’électricité au XIXème siècle, et celle de l’informatique dans les années 1970.
Le digital nous impose dès lors une transformation sur tous les plans : il nous oblige à modifier nos modes de travail, nos pratiques, allant jusqu’à impacter notre pensée.
« Depuis plusieurs années, la révolution digitale concentre l’attention de toutes les entreprises et de tous les gouvernements. Au départ technologique, cette disruption est en fait beaucoup plus profonde. Elle est sociale parce qu’elle bouleverse nos interactions à la fois entre individus et entre individus et organisations : toute interaction doit être directe, fluide, rapide, plaisante et surtout pertinente. » (5).
Comment cela se traduit-il pour l’entreprise et les collaborateurs?
Au niveau de l’entreprise, la digitalisation a radicalement modifié nos usages ces dernières années. D’abord en permettant un accès plus rapide et plus large à l’information comme synonyme de gain de temps et d’argent : accès aux informations RH par l’intranet et les réseaux sociaux de l’entreprise, e-learning, télétravail…
Plus spécifiquement nous assistons à une transformation de la fonction Ressources Humaines. En premier lieu, l’ensemble des processus RH s’automatisant (gestion de la paie, des absences, gestion des arrêts maladie, gestion et animation de l’intranet/RSE, gestion prévisionnelle des départs, gestion des pics d’activité… ), le socle de base de « la gestion du personnel » s’ouvre à une réalisation par des tiers ou par les entités des métiers opérationnels.
Ainsi, la plupart des salariés bénéficient aujourd’hui, en self-service, d’une capacité d’accéder à tout moment aux informations utiles pour leur gestion administrative, à avoir une plus grande visibilité sur l’ensemble des projets de l’entreprise, à pouvoir interagir avec les autres dans le monde entier, à travailler et à se former à distance.
Les atouts pour les Ressources Humaines et le lien avec les collaborateurs
On peut facilement lister les avantages majeurs que permet la digitalisation des outils et processus RH. Tout d’abord les modes de communication sont rendus plus fluides avec une meilleure exploitation de toutes les compétences et connaissances disponibles, en évitant les déplacements coûteux et chronophages.
Avec l’émergence des outils de travail collaboratifs, les frontières s’effacent. Les réseaux sociaux d’entreprise permettent aux équipes de communiquer en temps réel, d’être plus réactives, de se coordonner plus efficacement. L’intention est d'accroître l’efficacité et la coopération.
Avec l’émergence de l’intelligence artificielle*, les processus s’automatisent pour recruter, gérer les carrières et les compétences des salariés. Par exemple, certains groupes industriels ont développé des chatbots (agents conversationnels) pour répondre à leurs collaborateurs sur divers sujets, de la gestion de leur planning en passant par leurs droits à la formation professionnelle ou encore leurs congés.
D’autres ont recours à ces mêmes chatbots pour informer les candidats, les sélectionnent sur les réseaux sociaux avec l’appariement des mots clés des CV et des profils de poste, voire tentent l’utilisation de robots pour les entretiens d’embauche. L’entreprise se dote de systèmes de « matching » par analyse sémantique entre référentiels métier et profils des collaborateurs pour faciliter les parcours de carrière. Autant d’avancées soutenues par les nouvelles technologies qui facilitent les tâches opérationnelles des RH.
Avec le recours au télétravail, la relation à l’espace-temps change. Le travail à distance que de nombreux salariés ont expérimenté pour la première fois durant le confinement, est un marqueur des nombreuses possibilités offertes par la digitalisation avec la réduction du temps passé dans les transports, du stress et de la fatigue qui en découlent.
Des dangers et des paradoxes
Pour autant, on voit se dessiner les risques du tout numérique, exacerbés ces derniers temps par la crise du Covid 19 qui a obligé violemment un nombre de travailleurs, pas toujours préparés à cela à y recourir systématiquement.
On voit bien les paradoxes se renforcer : le digital qui a créé une culture de l’instantanéité oblige à une réactivité permanente face au flux d’information (et à fortiori pour ceux qui travaillent à l’international). Le travail distanciel impose un rythme soutenu.
En hyper sollicitation, les salariés enchaînent les réunions, les réponses aux emails, les lectures de notifications et évidemment la réalisation de leurs missions. Le risque de submersion est réel avec ses dérives (risques psychosociaux, burn-out) qui font l’objet de nombreux débats et articles.
La digitalisation qui ouvre le champ de la communication et abolit les frontières, semble en même temps diminuer les échanges en présentiel, même quand les salariés se trouvent dans les mêmes locaux, du moins les contacts informels s’appauvrissent, les interactions humaines spontanées aussi.
Au niveau des RH elle-même, le recours systématique au digital peut engendrer l’impression qu’il n’est plus possible d’être vraiment accompagné par les personnes en charge des Ressources Humaines ou par son manager.
Le défi des Ressources Humaines
De nombreuses questions s’ouvrent quand ces changements de modalités de travail se font « à marche forcée », quand cette quête de performance au travers d’un recours au tout digital fait oublier l’essentiel : le rôle de l’Humain dans l’entreprise.
Jusqu’à présent, ce sont des règles et des processus qui ont indiqué la trajectoire de la création de valeur de manière rationalisée. Mais il semble que cela a étouffé la capacité des collaborateurs à être créatifs et agiles, contrairement aux injonctions que l’entreprise leur donne, un paradoxe de plus.
On le voit bien, plus que jamais, le grand défi des ressources Humaines est de s’envisager dans un nouveau positionnement au sein des organisations, centré sur l’appui auprès des managers du pilotage stratégique, de l’accompagnement du changement et du développement d’un environnement professionnel épanouissant pour les salariés, ce qui passe par la reconnaissance de leurs compétences et de leur motivation, par une plus grande autonomisation, et le développement d’une culture collaborative.
Pour une entreprise sur trois, le télétravail est désormais ancré dans les habitudes et seules 8% des entreprises disent en être seulement au stade de la réflexion. Dans ce contexte, le système pyramidal des entreprises ne peut que changer. Il faut créer une symétrie des attentions où on pense à son collaborateur autant qu’à son client.
De plus, le collaborateur est aujourd’hui inter-relié à une organisation verticale (sa structure hiérarchique dans l’entreprise), à une communauté interne horizontale (par exemple via un même métier, des projets communs), à des communautés professionnelles externes via les réseaux sociaux. La porosité entre l’interne et l’externe est totale et les limites de l’entreprise sont dépassées. On ne peut logiquement plus définir les collaborateurs d’une entreprise comme étant seulement ceux qui travaillent dans les locaux de l’entreprise avec un statut de CDI.
Dominique Turcq (Docteur en sciences sociales et en management), postule que le management de demain devra s’adapter aux attentes nouvelles des collaborateurs et aux nouveaux enjeux : économie du don, relations de confiance, partage nouveau des pouvoirs et des rôles. Le collaboratif sera demain le principal avantage compétitif. C’est lui qui favorisera l’engagement des collaborateurs, contribuera aux gains de productivité, à l’innovation. (6)
Le digital au service de l’humain, et non l’inverse
« Pour 9 DRH sur 10, le rôle de manager est impacté par l’introduction du digital : il est ainsi amené à évoluer loin des normes et repères habituels et à se réinventer avec la transformation digitale. Les organisations attendent de leurs managers qu’ils accompagnent cette transformation en prenant la posture de coach et de chef d’orchestre entre différentes équipes projet et en animant un portefeuille de compétences. » (7)
Une entreprise à la fois plus digitale et plus humaine est l’enjeu majeur qui se dessine pour les DRH dans les années à venir. Selon le journal du net (JDN) : « 79% des Français souhaite pouvoir s’entretenir avec une personne afin de résoudre un problème ou obtenir un conseil ». Le digital se doit donc bel et bien de rester au service de l’humain et non l’inverse. Le tout digital est un mirage qui met en exergue le fossé de tout automatiser et déshumaniser pour faire plus vite et moins cher. Or les prises de décisions justes ainsi que les solutions stratégiques ne peuvent, aujourd’hui encore, être exécutées que par l’intervention humaine et requièrent un minimum d’attention, de sensibilité à l’autre et de réflexion.
Pour Jacques-François Marchandise, directeur général de La Fing (un think tank qui étudie les transformations numériques), tout dépend de nous.
« Nous avons le choix de l’usage que nous faisons du numérique, des robots, de l’intelligence artificielle dans nos organisations : pour aider les hommes et les femmes, renforcer le capital humain qui est notre vraie richesse, plutôt que pour nous remplacer ou nous servir ».
La période actuelle a permis de replacer l’humain au premier plan et a mis toutes les entreprises face à leurs lacunes, leurs faiblesses et leurs contradictions. Si les conséquences de cette crise sanitaire à court terme semblent peut-être négatives, on voit à plus long terme apparaître leurs bénéfices secondaires. Elles peuvent être amplement positives pour les organisations qui sauront se servir des avantages du digital à bon escient, pour rendre le travail plus efficace, plus collaboratif, renforcer la confiance et l’engagement de leurs collaborateurs, contribuer à une meilleure qualité de vie au travail.
En synthèse, donner au digital sa vraie place : être au service de l’Humain !
Florence Jary,
Présidente-Fondatrice d’Axomega-Care et senior coach
Notions
*Intelligence artificielle : « capacité donnée à une machine d’aider l’homme à résoudre des problèmes complexes qui apprend et s’améliore de manière autonome » - Cuillandre (2018)
Pour aller plus loin ...
Bibliographie
2- Charlin, L. (2017). « Intelligence artificielle : une mine d’or pour les entreprises ».
4- Dejoux, C. (2015). « Compétences digitales du manager : un chantier pour les entreprises ». Revue Personnel, p. 48-49.
5 - Mallard, S. (2018). Disruption. Dunod, Paris.
6 - Baratoux, P. (2016). Qu'est-ce que digital signifie vraiment? RH Info
7 - Baudoin, E. (2019). Transformation digitale de la fonction RH. Dunod, Paris.
par Charlotte Papeians, Psychologue Clinicienne
le 2021-03-03
Même si le diagnostic de TDA/H (Trouble de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) est rarement posé avant l’entrée en CP, une prise en charge peut être mise en place dès le plus jeune âge. En effet, bien qu’à cet âge certaines fonctions telles que l’attention, l’inhibition, la planification ou la flexibilité sont en cours de développement, plus cette prise en charge est holistique et précoce, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant. Ce qui est d’autant plus important lorsque ce dernier présente un défaut d’inhibition, une gestion émotionnelle difficile et/ou des habiletés sociales peu développées.
Au vu de ces éléments de repérage précoce, que pouvons-nous proposer comme prises en charge à un enfant scolarisé en classe de maternelle ?
Voici quelques précisions afin d’approfondir ce sujet ensemble.
Qu’appelle-t-on les fonctions exécutives ? Qu’est-ce que l’inhibition, l’intelligence émotionnelle et les habiletés sociales ?
Les fonctions exécutives sont les fonctions supérieures du cerveau incluant l’activation, la planification, l’inhibition et la flexibilité. Or, pour l’enfant qui rentre au CP, elles sont encore « immatures », c’est-à-dire en cours d’acquisition.
L’inhibition est la capacité à contrôler ses pensées, ses émotions, son comportement, en centrant son attention sur ce qui est demandé. Bien évidemment, le développement de l’inhibition se fait progressivement et n’est pas optimal en maternelle mais, en tant que professionnels, nous pouvons d’ores et déjà accompagner l’enfant dans un meilleur contrôle de soi.
L’intelligence émotionnelle regroupe la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation interne, l’empathie et les compétences sociales.
Quant aux habiletés sociales, il s’agit d’un « ensemble de capacités qui nous permettent de percevoir et de comprendre les messages communiqués par les autres, de choisir une réponse à ces messages et de l’émettre par des moyens verbaux, de façon appropriée à une situation sociale » (Baghdadli & Brisot-Dubois, 2011). Ces habiletés se développent très fortement au cours des trois années de maternelle.
Dans le cadre d’un suivi psychologique, plusieurs orientations peuvent être envisageables, en individuel ou en groupe, avec ou sans les parents. Parmi toutes ces possibilités, comment s’y retrouver ?
Comprendre la demande précise
Dans un premier temps, le psychologue clinicien ou le neuropsychologue aura pour objectifs de comprendre la demande sous-jacente, de prendre le temps de s’intéresser à l’environnement de l’enfant à travers des entretiens avec l’enfant, ses parents et des échanges avec l’école pour proposer un accompagnement des plus adaptés et utiles à un instant T. Et la demande peut évoluer dans le temps compte-tenu des besoins des parents, de l’enfant et de son développement.
Aider à développer son intelligence émotionnelle
Dans un second temps, un accompagnement psychologique peut être mis en place afin d’aider l’enfant à développer son intelligence émotionnelle. C’est souvent par ce biais-là que l’enfant arrive en séance du fait de difficultés de comportement à la maison et/ou à l’école avec un débordement émotionnel que bien des parents qualifient de « crises ».
Il s’agit alors d’accompagner l’enfant dans la connaissance de soi afin qu’il repère notamment quelles émotions le traverse et pourquoi et quels sont ses besoins pour s’apaiser. L’aider à développer un regard positif sur soi en travaillant notamment sur l’estime de soi, l’autonomie physique et psychique apparaît également nécessaire dans l’accompagnement proposé.
Par ailleurs, des séances autour de la problématique d’inhibition sont souvent bien utiles en complément afin d’apprendre à attendre avant d’agir, à anticiper, à ne pas être impulsif et bien analyser ce que la personne peut lui demander.
De nombreux jeux pour des enfants de maternelle (Bazar Bizarre, Pippo, Cocotaki, Uno, etc.) vont dans ce sens et sont à utiliser, quand c’est possible, à la maison afin de généraliser ce qui est vu en séance.
Or, le programme INEMO (IN pour INhibition et EMO pour EMOtions) est une bonne illustration de ce qui peut être proposé aux enfants âgés entre 3 et 6 ans afin de les aider à développer leurs capacités d’inhibition et compétences socio-émotionnelles. Ce programme, développé en Belgique par Alexandra Volckaert et Marine Houssa, Docteures en psychologie, est à destination des enseignants et a pour visée de prévenir d’éventuelles difficultés comportementales telles que l’agitation, l’impulsivité, l’inadaptation sociale ou des difficultés émotionnelles en stimulant de manière ludique les capacités d’inhibition et en apprenant aux enfants à gérer leurs émotions et les situations de conflit, grâce à des outils scientifiquement validés, qui pourront également être utilisés à la maison. En effet, se préoccuper des émotions d’une part et de l’inhibition d’autre part est une manière d’agir de manière préventive mais aussi de commencer à rééduquer les difficultés que rencontre l’enfant et d’accompagner les parents dans leur ajustement compte-tenu des spécificités de l’enfant.
Les parents comme de vrais alliés thérapeutiques
Il apparaît souvent nécessaire de travailler avec le parent car il va pouvoir mettre en place un certain nombre d’outils à la maison et généraliser ce qui a été vu en séance. Les parents ont alors un grand rôle à jouer et leur coopération et leur confiance sont nécessaires si nous voulons que l’enfant évolue de manière positive. Un soutien à la parentalité, de manière ponctuelle, peut donc être associé à des séances individuelles. Il consiste en l’information sur les difficultés rencontrées par l’enfant et comment modifier son environnement, son éducation, l’enseignement ou l’adaptation de ceux-ci à l’enfant et à ses symptômes.
A eux seuls, les suivis psychologiques suffisent-ils ?
Bien souvent, une prise en charge en psychomotricité, surtout quand la prise en charge est précoce apparaît nécessaire et assez bien acceptée par les enfants car elle est ludique. Il s’agit de proposer une rééducation des fonctions mentales et motrices par l’intermédiaire du corps. Dans le cas d’enfants où nous suspectons un trouble de l’attention, le psychomotricien aura pour rôle, entre autres, d’aider l’enfant à développer ses stratégies de contrôle et de résolution de problèmes.
Par ailleurs, le psychologue peut orienter vers un orthophoniste si le langage met du temps à se mettre en place ou s’il y a des difficultés de prononciation. Par la suite, un suivi orthophonique peut être nécessaire dans le cas de présence d’un trouble spécifique des apprentissages (les fameux troubles « dys ») notamment dans le cas de dyslexie/dysorthographie.
Les rééducations orthoptiques apparaissent généralement nécessaires dans le cadre par exemple, de discrimination visuelle, de mémorisation de séquences visuelles, de discrimination figure/fond. Pour rappel, l’orthoptiste est spécialisé dans les troubles de la vision et peut aider un enfant présentant des difficultés d’attention à développer ses stratégies du regard, à améliorer son balayage visuel.
Le psychologue aura particulièrement à cœur de coordonner l’ensemble des prises en charge afin d’amener une cohésion dans les soins et rééducations apportés à l’enfant et de soutenir les parents. Le lien avec l’école est également primordial afin de comprendre de manière objective comment l’enfant gravite dans cet environnement et quels aménagements spécifiques peuvent être proposés.
Par la suite, compte-tenu du développement de l’enfant, qu’est-ce qui peut être proposé ?
Une fois que le diagnostic a été confirmé par un professionnel spécialisé dans le trouble de l’attention et que l’enfant a atteint un certain âge, d’autres prises en charge peuvent être mises en place.
Les bénéfices essentiels d’une approche multimodale
En effet, une approche multimodale avec plusieurs modalités d’intervention apparaît nécessaire à mettre en place pour un meilleur résultat.
De nombreux programmes sont développés notamment au Québec avec Pierre-Paul Gagné (MétoAction, MémoAction, Apprendre avec Reflecto) afin de comprendre les divers mécanismes et fonctionnements mentaux qui entrent en jeu de manière consciente dans tout apprentissage, qu’il soit concret ou abstrait. C’est une approche métacognitive de prise de conscience de ses stratégies mentales qui permet d’apprendre à apprendre. Ce type de prise en charge peut être une bonne entrée en matière quand l’enfant a les capacités métacognitives suffisamment développées à savoir vers 8-9 ans.
La remédiation cognitive
Une fois que l’enfant a pris conscience de sa façon de réfléchir, nous pouvons proposer de la remédiation cognitive (ou rééducation neuropsychologique) qui consiste en une approche cognitivo-comportementale où, par des exercices de stimulations spécifiques, l’enfant va d’une part apprendre à utiliser des aptitudes cognitives différentes pour contourner ses difficultés et d’autre part développer les fonctions où persistent des lacunes par de l’entraînement. Les interventions neurocognitives partent de l’hypothèse que l’entraînement de fonctions cognitives cibles (attention, mémoire de travail et fonctions exécutives) peut réduire les difficultés liées au TDA/H avec une prise de conscience des difficultés, la stimulation des fonctions déficitaires et la mise en place de stratégies de compensation adéquates.
L’importance de l’accompagnement des parents
En parallèle, l’accompagnement des parents, sous forme de coaching ou de soutien à la parentalité, apparaît toujours nécessaire en les aidant à mettre notamment en place un système éducatif propre à leur enfant. En groupe, les interventions psychoéducatives auprès des parents avec les groupes types Barkley sont un autre axe d’intervention, bien souvent complémentaires d’autres prises en charge. Ces approches apportent souvent une aide significative sur les comportements parentaux, les relations familiales et le fonctionnement psychosocial de l’enfant ayant un TDA/H.
Le groupe : un atout de choix pour les enfants
Toujours en groupe mais cette fois-ci à destination des enfants, le psychologue peut proposer notamment deux types de groupe.
Un groupe d’habiletés sociales aura pour objectifs, entre autres, d’améliorer la reconnaissance et l’expression des émotions, de favoriser l’expérimentation des relations sociales positives en apprenant notamment la coopération et les fonctionnements adaptatifs et d’exploiter les forces personnelles et remobiliser leur estime de soi. A chaque séance, la problématique inhibition/flexibilité est également traitée.
Un groupe de remédiation cognitive (comme peut le proposer Pifam, Programme d’Intervention sur les Fonctions Attentionnelles et Métacognitives développé par Francine Lussier) aura pour buts, à travers 12 séances, de développer la métacognition et d’acquérir des stratégies d’apprentissages propres et généralisables à l’école et à la maison afin notamment de développer son attention visuelle et auditive, sa mémorisation, sa flexibilité, sa planification, son contrôle de l’impulsivité et sa résistance à la distraction. L’idée sous-jacente est d’amener les enfants à une certaine autonomie et que les outils soient trouvés par eux-mêmes et non plus par leurs parents.
Ces interventions groupales amènent bien souvent une nouvelle dynamique dans la prise en charge et sont souvent bien vécues par les enfants ; ces derniers montrant souvent à partir d’un certain âge une certaine lassitude dans les prises en charge individuelles. Cela permet également de mettre en pratique ce qui a été perçu en séances individuelles et de développer notamment l’aspect habiletés sociales.
Les autres modalités thérapeutiques complémentaires
Par ailleurs, des séances de graphothérapie peuvent être mises en place. Il s’agit d’une rééducation de l’écriture auprès d’enfants ou d’adolescents dysgraphiques, c’est-à-dire présentant des difficultés de mise en place de l’écriture : écriture illisible et peu soignée, écriture trop lente, tenue anormale du stylo.
L’ergothérapie apparaît également bien souvent essentiel notamment avec l’entrée au collège : accompagnement des enfants atteints de TDA/H afin de préserver et développer leur indépendance et leur autonomie dans leur environnement quotidien et social, mise en place de l’outil informatique pour alléger l’effort cognitif qu’engendre la prise de note manuscrite.
Enfin, les méthodes pharmaceutiques (présentes depuis les années 50-60) sont une solution parmi d’autres. Ce sont généralement des traitements à base de psychostimulants (telles que le méthylphenidate ou l’atomoxétine qui sont deux types de molécules) afin d’augmenter la stimulation cérébrale. Les médicaments interagissent au niveau de la régulation hormonale en palliant le déficit. La méthylphenidate, par exemple, ralentit la destruction de dopamine ; celle-ci agit donc plus longtemps et stimule de manière plus efficace les cellules responsables du contrôle de l’attention.
En conclusion, le trouble de l’attention est un trouble qui dure depuis plusieurs mois et s’exprime dans différentes situations. Il n’est donc pas lié à un contexte (sanitaire par exemple) ou à une situation précise (maladie ou autres) du fait de sa durabilité et quand nous reprenons l’anamnèse de chaque enfant, nous retrouvons bien souvent des signes précurseurs assez tôt dans leur développement.
De fait, un accompagnement psychologique peut être mis en place même si l’enfant est jeune d’autant que plus cette prise en charge sera précoce et globale, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant même si, bien entendu, il faut tenir compte de la sévérité du trouble, des éventuelles comorbidités et du profil singulier de chaque enfant.
En effet, les trois symptômes du TDA/H que sont le déficit d’attention, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité ont des intensités et des manifestations qui varient selon l’enfant et ont des expressions différentes. Il faut noter qu’on ne peut pas guérir du trouble de l’attention mais que grâce à cet accompagnement sur mesure en collaboration avec les parents, l’école et les différents professionnels qui gravitent autour de l’enfant, nous pouvons pallier certaines difficultés de l’enfant et diminuer les répercussions négatives sur l’environnement familial, scolaire et social.
Charlotte Papéians
Ressources :
Pour les enfants
Mon cerveau a besoin de lunettes, Québecor, 2010, rédigé par le Dr Annick Vincent
Max est dans la lune de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch
See you later, Procrastinator! (Get it done) de Pamela Espeland et Elizabeth Verdick
Pour les parents
Try and Make me! de Ray Levy, Bill O’Hanlon et Tyler Norris Goode
Mon enfant s’oppose. Que dire ? Que faire ? du Dr Gisèle George
Cent idées pour mieux gérer les troubles de l’attention de Francine Lussier
Vivre et communiquer avec un enfant hyperactif du Pr François Bange
Comment aider mon enfant hyperactif ? de Marie-Claude Saiag, Stéphanie Bioulac et Manuel Bouvard
Pour les professionnels
Troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) du Dr Anne Gramond
Cent idées pour mieux gérer les troubles de l’attention de Francine Lussier
Plan d’intervention pour les difficultés d’attention de Cristiane Drouin et d’André Huppé
par Anaïs Roux, Psychologue
le 2021-02-17
Nous sommes à peu près tous d’accord pour dire que le stress et l’anxiété sont les maux de notre siècle. La décennie 2020 que nous venons d’entamer ne semble pas vouloir nous contredire sur ce fait : le nombre de traitements anxiolytiques délivrés entre mars et septembre 2020 est de + 1,1 millions par rapport à l’attendu (1).
Chaque année, et ce, depuis plus de 20 ans, nous voyons se développer des innovations pour soigner ce stress. Ces derniers temps, ces innovations sont centrées autour des nouvelles technologies.
En effet, le Moi quantifié est arrivé. Partout et à tout moment, nous pouvons avoir accès à une abondance d’informations sur nous, notamment par le biais d’objets connectés, d’applications mobiles, d’internet etc. Nous pouvons surveiller notre sommeil, notre rythme cardiaque, nos calories brûlées, nos nombres de pas, nos états de concentration et tant d’autres de nos données physiologiques.
Alors pourquoi ne pourrions-nous pas mettre les mesures de ces données au service de la gestion de nos émotions et notamment du stress ?
LA MESURE DES SIGNAUX CORPORELS DU STRESS
En effet, un des aspects fondamentaux de la régulation du stress est la conscience intéroceptive, c’est-à-dire notre capacité à détecter et interpréter les signaux physiologiques internes du stress. Le stress, au-delà d’impacter nos compétences cognitives, a des conséquences physiques et émotionnelles. Le stress modifie le fonctionnement de notre corps.Face à une situation stressante ou une pensée anxieuse, notre corps va libérer des hormones, l’adrénaline et le cortisol, ce qui aura pour conséquence entre autres d’entraîner une augmentation du rythme cardiaque, de la pression sanguine, de la fréquence respiratoire. Si le stress est ponctuel, cette réaction physiologique va nous permettre d’affronter la situation stressante. Mais si l’exposition au stress est prolongée, ces hormones peuvent entraîner une usure excessive du corps, du système immunitaire et des capacités cognitives, et impacter la santé mentale (burn out, dépression, usure émotionnelle etc.)
Le fait de quantifier, mesurer, nos réactions physiologiques nous aiderait à en prendre conscience, à être attentif aux signaux faibles de notre corps sous stress pour travailler dessus avant qu’il ne soit trop tard.
Et c’est exactement là-dessus que le biofeedback est innovant et pertinent.
QU’EST-CE-QUE LE BIOFEEDBACK ?
Pour faire bref, le biofeedback est un processus non-invasif qui consiste à mesurer les états physiologiques d'un individu et à lui fournir ces informations en temps réel afin qu'il puisse apprendre à modifier son activité physiologique dans le but d'améliorer sa santé.
Les mesures de l’état physiologique passent par des captations de l'activité électrodermale (réaction sudatoire de la peau), de la respiration, du rythme cardiaque, de la variabilité du rythme cardiaque, de la pression artérielle, ou encore de l'activité électrique du cerveau. Nous ne sommes pas obligés de tout mesurer lorsque nous faisons du biofeedback, nous pouvons choisir seulement 3 ou 4 mesures. Les réactions physiologiques mesurées par les capteurs sont affichées sur un écran que l’individu et le psychologue peuvent voir. Le retour sur les réactions du corps est donc instantané.
Armé de ses capteurs physiologiques, l’individu échange avec le psychologue sur une situation particulièrement stressante ou une pensée générant particulièrement de l’anxiété.
L’objectif est que l’individu puisse percevoir visuellement les réactions de son corps pour aider à identifier les déclencheurs du stress. Puis, l’individu travaille avec le psychologue à l’identification de stratégies permettant de gérer le stress et de retrouver un niveau de calme. Cela peut passer par des techniques basées sur la pleine conscience, la relaxation, la respiration etc.
La personne améliore ainsi la conscience qu’elle a d’elle-même et de son corps et acquiert un certain contrôle sur ses réactions physiologiques pouvant être néfastes à long terme. Le biofeedback est donc un outil d’apprentissage.Il se met en place sur plusieurs séances pour permettre à la personne de devenir de plus en plus sensible aux réactions de son corps, jusqu’à ne plus avoir besoin des informations visuelles qu’offrent les capteurs.
POURQUOI LE BIOFEEDBACK EST UN SUCCÈS ?
Parce qu’il permet un apprentissage
Le simple fait de faire regarder à un individu ses réactions physiologiques à travers des capteurs et un écran est clairement insuffisant. C’est pour cela qu’il est essentiel que la pratique du biofeedback soit couplée à une interaction avec un professionnel de la santé mentale. A travers une élaboration autour de la situation stressante et la pratique d’exercices pour atteindre le calme, l’individu voit son état physiologique se modifier sous ses yeux. Le ralentissement de son rythme cardiaque, l’apaisement de sa respiration, la baisse de la réaction sudatoire de sa peau… ces signaux positifs agissent comme une récompense. Ce renforcement positif va avoir comme effet d’ancrer le bon comportement ou la bonne pensée venant calmer le stress.
De plus, il arrive souvent que le renforcement positif permis par la simple vision des signaux physiologiques positifs soit accentué par une musique agréable ou des couleurs encourageantes par exemple.
Parce qu’il permet un engagement
L’entraînement par biofeedback donne un feedback continu à l’individu sur sa capacité à réguler son stress physiologiquement. Ce feedback continu est un aspect crucial car c’est grâce à lui que l’individu va pouvoir être témoin de ses progrès session après session. Ce suivi de leur progrès va maintenir les individus engagés pendant toute la durée de l’entraînement.
Parce qu’il offre un sentiment de contrôle
Lorsqu’une personne parle de son stress ou de son anxiété, on entend souvent la panique associée au manque ou à la perte de contrôle sur ses émotions. Par exemple : « Je me suis laissé.e envahir par le stress », « J’ai été angoissé.e toute la journée, je n’ai pas pu travailler ou faire quoique ce soit », ou encore « Mes pensées tournaient en boucle et m’empêchaient de dormir ».
Un des atouts les plus significatifs du biofeedback est le fait qu’il redonne un sentiment de contrôle et d’efficacité personnelle aux personnes sujettes au stress. Lorsque la personne prend conscience que sa respiration ou un changement de pensées a un impact positif sur son état physiologique, elle ne subit plus son stress, mais apprend à le maîtriser par elle-même. Une sensation de contrôle plus importante, diminue la détresse que provoque le stress ou l’anxiété.
Pour conclure, l’innovation thérapeutique du biofeedback permet de créer du lien entre le corps et l’esprit, de prendre la mesure de l’impact de ses émotions sur son corps et sa santé. Grâce à l’apprentissage permis par le biofeedback, l’individu détecte en amont les signaux faibles du stress et de l’anxiété afin d’agir rapidement avant qu’ils ne s’imposent.
Par conséquent, le biofeedback lui permet sur le long terme de maîtriser soi-même ses états de stress et d’anxiété. En ce sens, le biofeedback apparaît comme une technique d'autonomisation et une alternative aux traitements médicamenteux du stress et de l’anxiété.
L’ESSENTIEL DU MESSAGE
Le biofeedback est une “evidence based practice”, c’est-à-dire une pratique testée et validée scientifiquement, qui répond aux exigences de certains établissements de soins de santé et entreprises pour soigner le stress et l’anxiété. Armé de plusieurs capteurs mesurant son état physiologique, l’individu prend conscience de l’impact de ses pensées et des éléments stressants sur son corps. Grâce à un feedback en direct, l’individu peut apprendre à calmer ses états physiologiques à travers des exercices de relaxation ou encore de pleine conscience.
Anaïs Roux
Ref 1 - Ebook Doctolib, Santé mentale des français : agir face aux impacts de la Covid-19, 202
SÉLECTIONS DE RECHERCHES PROUVANT L'EFFICACITÉ DU BIOFEEDBACK
par Charlène Nassif, Psychologue clinicienne
le 2021-02-03
Lorsque vous vous imaginez consulter un(e) psychologue en cabinet libéral ou au sein d’une institution, vous pensez sûrement d’emblée à un soutien psychologique ou à un suivi thérapeutique parmi les nombreuses spécialités qui existent (psychanalystes, thérapeutes cognitivo-comportementalistes, praticiens EMDR ou ICV…). Hors, tout dépend de la demande : en effet, le ou la psychologue formé(e) peut aussi proposer un bilan neuropsychologique.
La pratique du bilan neuropsychologique est assez répandue mais peut-être ne savez-vous pas dans quelle mesure celui-ci vous serait utile, ou pourrait l’être pour vos proches. Voici quelques éclairages…
Qu’est-ce que la neuropsychologie ?
La neuropsychologie est une discipline datant de la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est née de l’interaction entre la neurologie, la psychologie et la psychiatrie en plein essor des neurosciences.
C’est une discipline scientifique qui étudie les fonctions cognitives* et leurs rapports avec les structures cérébrales.
Qu’est-ce qu’un neuropsychologue ?
Le neuropsychologue
« C’est un psychologue spécialiste des troubles neurologiques (de la mémoire, de la parole, de la marche, de la préhension, etc.) d’origine organique, ayant des incidences dans la vie de tous les jours »2.
Lorsque j’étais stagiaire auprès d’une neuropsychologue, ma mission était d’identifier les troubles du patient, de tenter de détecter leur origine, et d’établir le lien avec les fonctions cérébrales atteintes. Par exemple, à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (service de Médecine Physique et de Réadaptation du Professeur Azouvi), nous recevions des patients ayant subi pour la plupart, un Accident de la Voie Publique (AVP). En fonction du type d’accident, la localisation des atteintes cérébrales était différente d’un patient à un autre, et donc la gravité des troubles également.
Afin d’essayer de comprendre ces troubles et l’histoire de chaque patient, une anamnèse (c’est-à-dire le récit des antécédents d'un malade) était effectuée puis un bilan neuropsychologique, le tout sur une journée. Une prise en charge pouvait ensuite être proposée au sein du service de rééducation.
Le travail du neuropsychologue
Le neuropsychologue travaille de façon structurée et complète : c’est-à-dire qu’il intervient à partir d’un protocole et d’une démarche bien établis, en fonction du type de patient qu’on lui adresse. L’aspect relationnel est bien évidemment tout à fait essentiel.
Son intervention se décompose en trois temps :
1. Un temps d’entretien préalable ;
2. Un temps d’évaluation ;
3. Un nouvel entretien de restitution.
Il travaille donc de la manière suivante :
A. Évaluer la demande : quand réaliser un bilan neuropsychologique ?
Chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, dans le cadre de trouble des apprentissages (les troubles « dys », exemple : dyslexie), de suspicion de haut potentiel intellectuel (HPI), de trouble du comportement (exemple : troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, TDA/H), suite à un traumatisme crânien (exemple : accident de la route) …
B. Évaluation des fonctions cognitives à l’aide de tests psychométriques standardisés :
On parle ici de « passation de tests » : le neuropsychologue a besoin de se représenter le mode de fonctionnement cognitif du patient, en tenant compte de sa façon de penser et d’analyser son environnement.
À partir des éléments médicaux qu’il connaît, des lésions cérébrales observées et des hypothèses avancées, le neuropsychologue propose les tests adaptés (par exemple : les troubles de l’humeur peuvent être dus à des lésions organiques situées à un endroit spécifique du cerveau).
C. Procéder à l’interprétation et à la rédaction du bilan :
Ensuite a lieu la « restitution des résultats » au patient. En fonction de la demande initiale, la restitution peut également être proposée à la famille et aux responsables de son lieu de travail. Cette restitution peut notamment être destinée aux rééducateurs, dans la perspective du retour à son domicile.
Un travail de rééducation peut être proposé par le neuropsychologue suite au bilan neuropsychologique. « Il peut également participer aux expertises médico-légales (séquelles d’accidents survenus sur la voie publique, mise sous tutelle des personnes affaiblies sur le plan cognitif ou du comportement, reprise d’une activité professionnelle…) »2.
Quelles sont les compétences nécessaires pour effectuer ce travail ?
« Il faut savoir être organisé et structuré, avoir un esprit mathématique et de synthèse, être ouvert et curieux »2.
La neuropsychologie se différencie de la psychologie clinique par son aspect plus scientifique. Appliquer un protocole n’est cependant pas suffisant : en effet, la clinique et la relation humaine sont primordiales dans la passation des tests. Ce sont des qualités et des compétences qui sont indispensables et intrinsèques au travail de passation mais aussi lors de la restitution des résultats. C’est ce qui permet d’obtenir une bonne qualité de soin. Aussi, il est important de savoir que seuls les psychologues sont habilités à faire de la psychométrie.
De quelles fonctions cognitives s’agit-il ?
L’attention, la mémoire de travail, la mémoire épisodique, la mémoire autobiographique, la mémoire sémantique, les praxies, les gnosies, les fonctions exécutives.
Elles définissent les capacités du cerveau qui nous permettent « de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances »1.
Pour conclure, si vous remarquez que certaines de vos capacités cognitives sont en déclin et affectent votre vie quotidienne (exemples : une perte de mémoire, une difficulté à s’orienter ou se repérer dans l’espace, des difficultés de concentration…), pensez à contacter un(e) psychologue formé(e) au bilan afin de discuter de la pertinence de celui-ci.
Cela vous permettra de mieux vous connaître et de distinguer aussi un réel trouble cognitif d’un épisode passager ayant un impact sur vos capacités cognitives (exemple : il y a une différence entre une anxiété majeure conséquente au contexte sanitaire actuel pouvant perturber certaines de vos capacités cognitives et des troubles qui affectent une aire spécifique du cerveau provoquant un dysfonctionnement cérébral).
Charlène Nassif
1. S. MONTEL. 11 grandes notions de neuropsychologie clinique. Dunod, 2016.
2. S. CHÉNEAU, B. DURLIN. Métiers de la psychologie. L’Étudiant, 2009.
par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2021-01-13
Perte d’un emploi, chômage longue durée, recherche de nouvelles opportunités, les périodes de transition professionnelle s'accompagnent parfois d’une perte de confiance en soi pour les personnes qui les traversent. Pourquoi notre estime de soi se trouve-t-elle fragilisée quand on est en recherche d’emploi ? Que se passe-t-il de si spécial pendant ces transitions pour que notre équilibre en soit bouleversé ?
Les périodes de transitions professionnelles sont des périodes d’incertitude. Qu’allons-nous faire, où postuler, et comment continuer à payer son loyer, son emprunt, ses charges ? L’inconfort s’installe. Au-delà d’une préoccupation concrète, matérielle, voire économique, une inquiétude plus profonde et diffuse peut émerger : mais au fond, quelle est ma valeur sur le marché du travail ? Qui va m’embaucher et à quel prix ? Qu’ai-je de plus que les autres candidats ? Mon projet n’est-il pas trop ambitieux, présomptueux, ou au contraire, est-ce que je me sous-estime ?
C’est notre valeur et nos capacités qui peuvent être directement remis en question...
La fin d’un emploi peut ébranler notre image de nous. Dans une société où nous avons tendance à nous définir socialement par le travail, il est parfois difficile de se constituer une image de soi satisfaisante en dehors d’un statut préétabli : “je suis étudiant, salarié, retraité”, etc. Notre identité se trouve comme fragilisée en l’absence d’activité. Ainsi que l’expliquait le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott, notre image de soi se construit dans l'altérité, à travers le regard de l’autre et notamment, au tout début de l’enfance, à travers celui de notre mère ; on imagine aisément que l’on continue de s’observer sous le regard de nos pairs.
Quand nous quittons un emploi, les interactions sociales professionnelles qui nous permettaient de recevoir des feedbacks sur nous de la part de nos collègues, de notre direction, s’arrêtent. L’image de soi est à redéfinir. Cette période de changement s’accompagne souvent d’une perte de repères et peut être vécue comme un deuil à faire : c’est la fin de l’appartenance à un groupe (l’ancien employeur, l’ancienne équipe, etc... ) et l’on ne sait parfois plus comment se définir. Certaines personnes vivent même la période de chômage comme une disqualification sociale. Dans ces situations, l’image de soi est alors modifiée négativement puisque la nouvelle donne sociale - l’absence d’emploi - vient restructurer l’identité au niveau cognitif.
Mais au fait, qu’est ce que c’est que l’estime de soi, et comment peut-on dire que l’on a - ou non, confiance en soi ? Faut-il enchaîner les succès professionnels et personnels pour pouvoir dire que l’on a une bonne estime de soi ? Existe-t-il des personnes qui ont, dans l’absolu, confiance en eux, et d’autres qui n’y parviennent jamais ? La notion est en fait complexe, fluctuante, et l’on peut tous être affectés par un manque de confiance en soi à certains moments ou dans certains aspects de notre vie ...
Identité, image de soi, estime de soi, confiance en soi, les termes sont imbriqués...
La psychologue américaine H.R. Markus, a introduit la notion d'un schéma de soi, c’est-à-dire une image, subjective, évolutive et dynamique qui se modifie à travers l’ensemble des connaissances que l’on a à propos de soi, au fur et à mesure des expériences que l’on vit.L’estime de soi, constitutive de ce schéma de soi, fonctionne alors dans ce système comme un jugement de valeur - positif ou négatif- que l’on porte sur soi-même.
La confiance en soi, quant à elle, est une composante de l’estime de soi. C’est la confiance que nous accordons en notre capacité à nous en sortir, à réussir, à atteindre le but qu’on s’est fixé. Elle est rarement absolue, mais plutôt appliquée à des domaines, dans des situations données : “je me sens capable d’exécuter cette figure de danse”, “je doute de ma faculté à retrouver un emploi si je démissionne”. Finalement, cette confiance pourrait se définir comme une sorte d'optimisme, qui nous aide à croire en nos ressources. Elle se construit généralement dès l’enfance et se consolide via le cumul d’expériences considérées comme “satisfaisantes” ou “réussies”. Mais alors, comment garder confiance quand on vit l’épreuve d’un chômage, qui vient directement nous questionner sur nos capacités ? Même si elle ne touche que la sphère professionnelle, l’expérience de difficultés au travail peut contaminer plus largement notre confiance, la baisse de l’estime de soi gagnant progressivement les autres sphères de l’image de soi...
Pour le philosophe Charles Pépin, si la confiance en soi est composée d’une confiance en ses capacités, elle se construit aussi grâce à notre faculté d’accorder notre confiance aux autres, et grâce à une confiance plus générale dans la vie. Même si elle ne remet pas nécessairement en question vos compétences, une transition professionnelle peut venir questionner notre capacité à faire confiance au monde qui vous environne : “Vais-je être reconnu à ma juste valeur ? Vais-je trouver autour de moi un environnement bienveillant ?” “La vie va-t-elle me sourire dans cette prochaine étape ?”
Cette idée du philosophe d’une confiance construite en fonction des autres va dans le même sens que les modèles développementaux de l’estime de soi de certains théoriciens de l’attachement. Nicole Guédeney, pédopsychiatre à l’Institut Mutualiste Montsouris de Paris apporte dans l’un de ses articles un éclairage sur la dimension développementale de l’estime de soi, construite en lien avec nos expériences primaires d’attachement. Le monde qui m'entoure est-il sécurisant et me met-il en confiance ? Me rassure-t-il ou non sur ma valeur ? Notre capacité à nous faire confiance se construit alors sous le regard plus ou moins bienveillant que notre environnement (parents, entourage, éducateurs...) porte sur nous et sur nos actes.
Quand l'entourage est bienveillant, nous avons tendance à projeter que les autres relations à venir seront similaires, simples et rassurantes. Puis, au fur et à mesure de notre vie, les expériences que nous traversons viennent renforcer ou fragiliser notre confiance.Dans le cadre d’une transition professionnelle, l’inquiétude peut être d’autant plus grande que la dernière transition avait été compliquée, ou que vous avez été confronté à plusieurs reprises à des environnements malveillants ou stressants.
On constate donc un lien entre difficultés passées et difficultés auxquelles on peut faire face dans le présent. La période de transition peut s’accompagner d’une résurgence des blessures du passé, lorsque la confiance en ses compétences n’a pas été bien établie de façon sécurisante. C’est alors que peuvent resurgir ces peurs qui nous tétanisent : peur de ne pas être la hauteur, peur de décevoir, peur de l’échec, etc.
Pour gagner en confiance, nous avons besoin de sentir que nous avons les moyens d’agir et les capacités nécessaires pour rebondir durant les situations incertaines que sont les transitions professionnelles. Plus nous nous sentons en mesure de nous adapter à ce monde mouvant, plus nous sommes confiants dans notre capacité de résilience, c’est-à-dire, notre aptitude à faire face aux événements, quels qu’ils soient. La confiance en soi se manifeste comme une confiance en notre sentiment d’efficacité personnelle : face aux difficultés, nous saurons rebondir. Les expériences antérieures d’échec et de difficultés surmontées sont alors de belles illustrations de cette capacité de “coping” dans l’adversité. Sur ce sujet, l’ensemble des expériences de vie surmontées peuvent être relues pour nous rassurer dans notre disposition à prendre les bonnes décisions et rester à flots dans les différentes tempêtes que nous avons traversées.
Dans ces temps de transition, il peut être intéressant de soigner tout particulièrement notre estime de nous en nous investissant dans d’autres domaines que le travail : la confiance grandit aussi dans les succès sportifs, les relations humaines gratifiantes, l’expression des talents artistiques, relationnels, etc... Autant de sphères à ne pas négliger lorsque l’on recherche un travail, car cela peut avoir un réel impact sur notre motivation et confiance !
Les transitions professionnelles sont des périodes de réorganisation de l’image de soi qui peuvent donner lieu à de l’inconfort. L’identité est à redéfinir, cela peut être véritablement l’occasion de se la réapproprier. Un accompagnement peut permettre de mieux vivre le passage et être l’occasion de travailler sur l’image de soi, les schémas ancrés et les identités professionnelles. Prendre soin de soi, en restant actif et en s’investissant dans des activités extra-professionnelles peut aussi permettre de renforcer notre confiance tout en rééquilibrant les différentes parties qui cohabitent en nous pour créer une image globale satisfaisante qui permette d’oser et d’avancer ! Car la confiance en soi n’est pas la capacité à enchaîner les succès, mais plutôt la disposition à rebondir et à remettre en selle après les difficultés.