Les troubles de l’attention chez l’enfant. Vers une prise en charge idéale

Papeians, Psychologue Clinicienne)

par Charlotte Papeians, Psychologue Clinicienne
le 2021-03-03

Les troubles de l’attention chez l’enfant. Vers une prise en charge idéale

Même si le diagnostic de TDA/H (Trouble de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) est rarement posé avant l’entrée en CP, une prise en charge peut être mise en place dès le plus jeune âge. En effet, bien qu’à cet âge certaines fonctions telles que l’attention, l’inhibition, la planification ou la flexibilité sont en cours de développement, plus cette prise en charge est holistique et précoce, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant. Ce qui est d’autant plus important lorsque ce dernier présente un défaut d’inhibition, une gestion émotionnelle difficile et/ou des habiletés sociales peu développées.


Au vu de ces éléments de repérage précoce, que pouvons-nous proposer comme prises en charge à un enfant scolarisé en classe de maternelle ?


Voici quelques précisions afin d’approfondir ce sujet ensemble.

Qu’appelle-t-on les fonctions exécutives ? Qu’est-ce que l’inhibition, l’intelligence émotionnelle et les habiletés sociales ?

Les fonctions exécutives sont les fonctions supérieures du cerveau incluant l’activation, la planification, l’inhibition et la flexibilité. Or, pour l’enfant qui rentre au CP, elles sont encore « immatures », c’est-à-dire en cours d’acquisition.

L’inhibition est la capacité à contrôler ses pensées, ses émotions, son comportement, en centrant son attention sur ce qui est demandé. Bien évidemment, le développement de l’inhibition se fait progressivement et n’est pas optimal en maternelle mais, en tant que professionnels, nous pouvons d’ores et déjà accompagner l’enfant dans un meilleur contrôle de soi.

L’intelligence émotionnelle regroupe la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation interne, l’empathie et les compétences sociales.

Quant aux habiletés sociales, il s’agit d’un « ensemble de capacités qui nous permettent de percevoir et de comprendre les messages communiqués par les autres, de choisir une réponse à ces messages et de l’émettre par des moyens verbaux, de façon appropriée à une situation sociale » (Baghdadli & Brisot-Dubois, 2011). Ces habiletés se développent très fortement au cours des trois années de maternelle.



Dans le cadre d’un suivi psychologique, plusieurs orientations peuvent être envisageables, en individuel ou en groupe, avec ou sans les parents. Parmi toutes ces possibilités, comment s’y retrouver ?


Comprendre la demande précise

Dans un premier temps, le psychologue clinicien ou le neuropsychologue aura pour objectifs de comprendre la demande sous-jacente, de prendre le temps de s’intéresser à l’environnement de l’enfant à travers des entretiens avec l’enfant, ses parents et des échanges avec l’école pour proposer un accompagnement des plus adaptés et utiles à un instant T. Et la demande peut évoluer dans le temps compte-tenu des besoins des parents, de l’enfant et de son développement.  


Aider à développer son intelligence émotionnelle

Dans un second temps, un accompagnement psychologique peut être mis en place afin d’aider l’enfant à développer son intelligence émotionnelle. C’est souvent par ce biais-là que l’enfant arrive en séance du fait de difficultés de comportement à la maison et/ou à l’école avec un débordement émotionnel que bien des parents qualifient de « crises ».


Il s’agit alors d’accompagner l’enfant dans la connaissance de soi afin qu’il repère notamment quelles émotions le traverse et pourquoi et quels sont ses besoins pour s’apaiser. L’aider à développer un regard positif sur soi en travaillant notamment sur l’estime de soi, l’autonomie physique et psychique apparaît également nécessaire dans l’accompagnement proposé.


Par ailleurs, des séances autour de la problématique d’inhibition sont souvent bien utiles en complément afin d’apprendre à attendre avant d’agir, à anticiper, à ne pas être impulsif et bien analyser ce que la personne peut lui demander.


De nombreux jeux pour des enfants de maternelle (Bazar Bizarre, Pippo, Cocotaki, Uno, etc.) vont dans ce sens et sont à utiliser, quand c’est possible, à la maison afin de généraliser ce qui est vu en séance.


Or, le programme INEMO (IN pour INhibition et EMO pour EMOtions) est une bonne illustration de ce qui peut être proposé aux enfants âgés entre 3 et 6 ans afin de les aider à développer leurs capacités d’inhibition et compétences socio-émotionnelles. Ce programme, développé en Belgique par Alexandra Volckaert et Marine Houssa, Docteures en psychologie, est à destination des enseignants et a pour visée de prévenir d’éventuelles difficultés comportementales telles que l’agitation, l’impulsivité, l’inadaptation sociale ou des difficultés émotionnelles en stimulant de manière ludique les capacités d’inhibition et en apprenant aux enfants à gérer leurs émotions et les situations de conflit, grâce à des outils scientifiquement validés, qui pourront également être utilisés à la maison. En effet, se préoccuper des émotions d’une part et de l’inhibition d’autre part est une manière d’agir de manière préventive mais aussi de commencer à rééduquer les difficultés que rencontre l’enfant et d’accompagner les parents dans leur ajustement compte-tenu des spécificités de l’enfant.


Les parents comme de vrais alliés thérapeutiques

Il apparaît souvent nécessaire de travailler avec le parent car il va pouvoir mettre en place un certain nombre d’outils à la maison et généraliser ce qui a été vu en séance. Les parents ont alors un grand rôle à jouer et leur coopération et leur confiance sont nécessaires si nous voulons que l’enfant évolue de manière positive. Un soutien à la parentalité, de manière ponctuelle, peut donc être associé à des séances individuelles. Il consiste en l’information sur les difficultés rencontrées par l’enfant et comment modifier son environnement, son éducation, l’enseignement ou l’adaptation de ceux-ci à l’enfant et à ses symptômes.



A eux seuls, les suivis psychologiques suffisent-ils ?


Bien souvent, une prise en charge en psychomotricité, surtout quand la prise en charge est précoce apparaît nécessaire et assez bien acceptée par les enfants car elle est ludique. Il s’agit de proposer une rééducation des fonctions mentales et motrices par l’intermédiaire du corps. Dans le cas d’enfants où nous suspectons un trouble de l’attention, le psychomotricien aura pour rôle, entre autres, d’aider l’enfant à développer ses stratégies de contrôle et de résolution de problèmes.


Par ailleurs, le psychologue peut orienter vers un orthophoniste si le langage met du temps à se mettre en place ou s’il y a des difficultés de prononciation. Par la suite, un suivi orthophonique peut être nécessaire dans le cas de présence d’un trouble spécifique des apprentissages (les fameux troubles « dys ») notamment dans le cas de dyslexie/dysorthographie.


Les rééducations orthoptiques apparaissent généralement nécessaires dans le cadre par exemple, de discrimination visuelle, de mémorisation de séquences visuelles, de discrimination figure/fond. Pour rappel, l’orthoptiste est spécialisé dans les troubles de la vision et peut aider un enfant présentant des difficultés d’attention à développer ses stratégies du regard, à améliorer son balayage visuel.


Le psychologue aura particulièrement à cœur de coordonner l’ensemble des prises en charge afin d’amener une cohésion dans les soins et rééducations apportés à l’enfant et de soutenir les parents. Le lien avec l’école est également primordial afin de comprendre de manière objective comment l’enfant gravite dans cet environnement et quels aménagements spécifiques peuvent être proposés.



Par la suite, compte-tenu du développement de l’enfant, qu’est-ce qui peut être proposé ?


Une fois que le diagnostic a été confirmé par un professionnel spécialisé dans le trouble de l’attention et que l’enfant a atteint un certain âge, d’autres prises en charge peuvent être mises en place.


Les bénéfices essentiels d’une approche multimodale

En effet, une approche multimodale avec plusieurs modalités d’intervention apparaît nécessaire à mettre en place pour un meilleur résultat.

De nombreux programmes sont développés notamment au Québec avec Pierre-Paul Gagné (MétoAction, MémoAction, Apprendre avec Reflecto) afin de comprendre les divers mécanismes et fonctionnements mentaux qui entrent en jeu de manière consciente dans tout apprentissage, qu’il soit concret ou abstrait. C’est une approche métacognitive de prise de conscience de ses stratégies mentales qui permet d’apprendre à apprendre. Ce type de prise en charge peut être une bonne entrée en matière quand l’enfant a les capacités métacognitives suffisamment développées à savoir vers 8-9 ans.


La remédiation cognitive

Une fois que l’enfant a pris conscience de sa façon de réfléchir, nous pouvons proposer de la remédiation cognitive (ou rééducation neuropsychologique) qui consiste en une approche cognitivo-comportementale où, par des exercices de stimulations spécifiques, l’enfant va d’une part apprendre à utiliser des aptitudes cognitives différentes pour contourner ses difficultés et d’autre part développer les fonctions où persistent des lacunes par de l’entraînement. Les interventions neurocognitives partent de l’hypothèse que l’entraînement de fonctions cognitives cibles (attention, mémoire de travail et fonctions exécutives) peut réduire les difficultés liées au TDA/H avec une prise de conscience des difficultés, la stimulation des fonctions déficitaires et la mise en place de stratégies de compensation adéquates.


L’importance de l’accompagnement des parents

En parallèle, l’accompagnement des parents, sous forme de coaching ou de soutien à la parentalité, apparaît toujours nécessaire en les aidant à mettre notamment en place un système éducatif propre à leur enfant. En groupe, les interventions psychoéducatives auprès des parents avec les groupes types Barkley sont un autre axe d’intervention, bien souvent complémentaires d’autres prises en charge. Ces approches apportent souvent une aide significative sur les comportements parentaux, les relations familiales et le fonctionnement psychosocial de l’enfant ayant un TDA/H.


Le groupe : un atout de choix pour les enfants

Toujours en groupe mais cette fois-ci à destination des enfants, le psychologue peut proposer notamment deux types de groupe.


Un groupe d’habiletés sociales aura pour objectifs, entre autres, d’améliorer la reconnaissance et l’expression des émotions, de favoriser l’expérimentation des relations sociales positives en apprenant notamment la coopération et les fonctionnements adaptatifs et d’exploiter les forces personnelles et remobiliser leur estime de soi. A chaque séance, la problématique inhibition/flexibilité est également traitée.


Un groupe de remédiation cognitive (comme peut le proposer Pifam, Programme d’Intervention sur les Fonctions Attentionnelles et Métacognitives développé par Francine Lussier) aura pour buts, à travers 12 séances, de développer la métacognition et d’acquérir des stratégies d’apprentissages propres et généralisables à l’école et à la maison afin notamment de développer son attention visuelle et auditive, sa mémorisation, sa flexibilité, sa planification, son contrôle de l’impulsivité et sa résistance à la distraction. L’idée sous-jacente est d’amener les enfants à une certaine autonomie et que les outils soient trouvés par eux-mêmes et non plus par leurs parents.


Ces interventions groupales amènent bien souvent une nouvelle dynamique dans la prise en charge et sont souvent bien vécues par les enfants ; ces derniers montrant souvent à partir d’un certain âge une certaine lassitude dans les prises en charge individuelles. Cela permet également de mettre en pratique ce qui a été perçu en séances individuelles et de développer notamment l’aspect habiletés sociales.



Les autres modalités thérapeutiques complémentaires

Par ailleurs, des séances de graphothérapie peuvent être mises en place. Il s’agit d’une rééducation de l’écriture auprès d’enfants ou d’adolescents dysgraphiques, c’est-à-dire présentant des difficultés de mise en place de l’écriture : écriture illisible et peu soignée, écriture trop lente, tenue anormale du stylo.


L’ergothérapie apparaît également bien souvent essentiel notamment avec l’entrée au collège : accompagnement des enfants atteints de TDA/H afin de préserver et développer leur indépendance et leur autonomie dans leur environnement quotidien et social, mise en place de l’outil informatique pour alléger l’effort cognitif qu’engendre la prise de note manuscrite.


Enfin, les méthodes pharmaceutiques (présentes depuis les années 50-60) sont une solution parmi d’autres. Ce sont généralement des traitements à base de psychostimulants (telles que le méthylphenidate ou l’atomoxétine qui sont deux types de molécules) afin d’augmenter la stimulation cérébrale. Les médicaments interagissent au niveau de la régulation hormonale en palliant le déficit. La méthylphenidate, par exemple, ralentit la destruction de dopamine ; celle-ci agit donc plus longtemps et stimule de manière plus efficace les cellules responsables du contrôle de l’attention.



En conclusion, le trouble de l’attention est un trouble qui dure depuis plusieurs mois et s’exprime dans différentes situations. Il n’est donc pas lié à un contexte (sanitaire par exemple) ou à une situation précise (maladie ou autres) du fait de sa durabilité et quand nous reprenons l’anamnèse de chaque enfant, nous retrouvons bien souvent des signes précurseurs assez tôt dans leur développement.

De fait, un accompagnement psychologique peut être mis en place même si l’enfant est jeune d’autant que plus cette prise en charge sera précoce et globale, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant même si, bien entendu, il faut tenir compte de la sévérité du trouble, des éventuelles comorbidités et du profil singulier de chaque enfant.

En effet, les trois symptômes du TDA/H que sont le déficit d’attention, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité ont des intensités et des manifestations qui varient selon l’enfant et ont des expressions différentes. Il faut noter qu’on ne peut pas guérir du trouble de l’attention mais que grâce à cet accompagnement sur mesure en collaboration avec les parents, l’école et les différents professionnels qui gravitent autour de l’enfant, nous pouvons pallier certaines difficultés de l’enfant et diminuer les répercussions négatives sur l’environnement familial, scolaire et social.


Charlotte Papéians

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