La neuropsychologie et le bilan neuropsychologique

Nassif, Psychologue clinicienne)

par Charlène Nassif, Psychologue clinicienne
le 2021-02-03

La neuropsychologie et le bilan neuropsychologique

Lorsque vous vous imaginez consulter un(e) psychologue en cabinet libéral ou au sein d’une institution, vous pensez sûrement d’emblée à un soutien psychologique ou à un suivi thérapeutique parmi les nombreuses spécialités qui existent (psychanalystes, thérapeutes cognitivo-comportementalistes, praticiens EMDR ou ICV…). Hors, tout dépend de la demande : en effet, le ou la psychologue formé(e) peut aussi proposer un bilan neuropsychologique.

La pratique du bilan neuropsychologique est assez répandue mais peut-être ne savez-vous pas dans quelle mesure celui-ci vous serait utile, ou pourrait l’être pour vos proches. Voici quelques éclairages…


Qu’est-ce que la neuropsychologie ?

La neuropsychologie est une discipline datant de la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est née de l’interaction entre la neurologie, la psychologie et la psychiatrie en plein essor des neurosciences.  

C’est une discipline scientifique qui étudie les fonctions cognitives* et leurs rapports avec les structures cérébrales.  


Qu’est-ce qu’un neuropsychologue ?  

Le neuropsychologue

« C’est un psychologue spécialiste des troubles neurologiques (de la mémoire, de la parole, de la marche, de la préhension, etc.) d’origine organique, ayant des incidences dans la vie de tous les jours »2.  

Lorsque j’étais stagiaire auprès d’une neuropsychologue, ma mission était d’identifier les troubles du patient, de tenter de détecter leur origine, et d’établir le lien avec les fonctions cérébrales atteintes. Par exemple, à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (service de Médecine Physique et de Réadaptation du Professeur Azouvi), nous recevions des patients ayant subi pour la plupart, un Accident de la Voie Publique (AVP). En fonction du type d’accident, la localisation des atteintes cérébrales était différente d’un patient à un autre, et donc la gravité des troubles également.  

Afin d’essayer de comprendre ces troubles et l’histoire de chaque patient, une anamnèse (c’est-à-dire le récit des antécédents d'un malade) était effectuée puis un bilan neuropsychologique, le tout sur une journée. Une prise en charge pouvait ensuite être proposée au sein du service de rééducation.  


Le travail du neuropsychologue 

Le neuropsychologue travaille de façon structurée et complète : c’est-à-dire qu’il intervient à partir d’un protocole et d’une démarche bien établis, en fonction du type de patient qu’on lui adresse. L’aspect relationnel est bien évidemment tout à fait essentiel.


Son intervention se décompose en trois temps :

1. Un temps d’entretien préalable ;

2. Un temps d’évaluation ;

3. Un nouvel entretien de restitution.


Il travaille donc de la manière suivante :

A. Évaluer la demande : quand réaliser un bilan neuropsychologique ?  

Chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, dans le cadre de trouble des apprentissages (les troubles « dys », exemple : dyslexie), de suspicion de haut potentiel intellectuel (HPI), de trouble du comportement (exemple : troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, TDA/H), suite à un traumatisme crânien (exemple : accident de la route) …


B. Évaluation des fonctions cognitives à l’aide de tests psychométriques standardisés :

On parle ici de « passation de tests » : le neuropsychologue a besoin de se représenter le mode de fonctionnement cognitif du patient, en tenant compte de sa façon de penser et d’analyser son environnement.  

À partir des éléments médicaux qu’il connaît, des lésions cérébrales observées et des hypothèses avancées, le neuropsychologue propose les tests adaptés (par exemple : les troubles de l’humeur peuvent être dus à des lésions organiques situées à un endroit spécifique du cerveau).  


C. Procéder à l’interprétation et à la rédaction du bilan :

Ensuite a lieu la « restitution des résultats » au patient. En fonction de la demande initiale, la restitution peut également être proposée à la famille et aux responsables de son lieu de travail. Cette restitution peut notamment être destinée aux rééducateurs, dans la perspective du retour à son domicile.  

Un travail de rééducation peut être proposé par le neuropsychologue suite au bilan neuropsychologique. « Il peut également participer aux expertises médico-légales (séquelles d’accidents survenus sur la voie publique, mise sous tutelle des personnes affaiblies sur le plan cognitif ou du comportement, reprise d’une activité professionnelle…) »2.


Quelles sont les compétences nécessaires pour effectuer ce travail ?

« Il faut savoir être organisé et structuré, avoir un esprit mathématique et de synthèse, être ouvert et curieux »2.  

La neuropsychologie se différencie de la psychologie clinique par son aspect plus scientifique. Appliquer un protocole n’est cependant pas suffisant : en effet, la clinique et la relation humaine sont primordiales dans la passation des tests. Ce sont des qualités et des compétences qui sont indispensables et intrinsèques au travail de passation mais aussi lors de la restitution des résultats. C’est ce qui permet d’obtenir une bonne qualité de soin. Aussi, il est important de savoir que seuls les psychologues sont habilités à faire de la psychométrie.


De quelles fonctions cognitives s’agit-il ?

L’attention, la mémoire de travail, la mémoire épisodique, la mémoire autobiographique, la mémoire sémantique, les praxies, les gnosies, les fonctions exécutives.  

Elles définissent les capacités du cerveau qui nous permettent « de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances »1.  

  • L’attention : lorsqu’on est attentif, on sélectionne les informations dont on a besoin pour traiter celles-ci. Il s’agit d’une action spontanée qui vise à orienter l’esprit vers une information précise. Il y a : l’attention « spontanée » d’une part, qui a une origine biologique et dépend de notre état et nos motivations, et l’attention « volontaire » d’autre part, qui est « le fruit de la civilisation et de l’éducation, volontairement dirigée vers les objets » 1.  Dans le fonctionnement humain, son rôle est essentiel car un grand nombre d’opérations mentales et comportementales, si ce n’est toutes, impliquent ces phénomènes attentionnels : « sélectionner les informations, focaliser l’attention, mobiliser ses ressources attentionnelles pour maintenir une concentration ou un effort… » 1. 2


  • La mémoire de travail : elle a une capacité limitée de stockage en maintenant et en manipulant les informations de façon temporaire pendant la réalisation de tâches cognitives diverses (Azouvi et al., 1995).  Dans la vie quotidienne, son rôle est également primordial : « toute activité a une durée pendant laquelle il faut se souvenir de son but. Comprendre un texte lu nécessite de se souvenir des informations précédentes pour comprendre la suite, prendre des notes, retenir l’objectif d’une action, etc ».  Si on présente un trouble de la mémoire de travail, toute la réalisation de ces tâches serait perturbée.  


  • La mémoire épisodique : elle permet de mémoriser des évènements en mobilisant des mécanismes cognitifs permettant la récupération des informations. C’est-à-dire que, pour récupérer ces informations stockées en mémoire, il est nécessaire de les re-situer dans un endroit (spatial) à un moment précis (temporel).


  • La mémoire autobiographique : il s’agit de la mémoire à long terme. Elle est définie comme un « ensemble d’informations et de souvenirs particuliers à un individu, accumulés depuis son plus jeune âge, et qui lui permettent de construire un sentiment d’identité et de continuité » (Piolino et al., 2000). Cette mémoire à long terme se focalise donc sur le passé : elle nous permet de se remémorer des souvenirs, se projeter dans le futur et redécouvrir certains événements personnels (Van der Linden, 2003).


  • La mémoire sémantique : elle correspond à nos connaissances générales (les mots et les concepts). On peut l’imaginer comme un large réseau où chaque mots et concepts sont liés les uns aux autres, et lorsque l’on active un de ces mots ou concepts, ceux-ci vont être associés à d’autres. Cela nous permet donc de faire des associations.  


  • Les praxies : elles désignent nos capacités à coordonner et à adapter des mouvements en fonction d’un but afin de pouvoir interagir avec le monde extérieur. Ces capacités sont issues d’un apprentissage (Piaget, 1936) « ce qui exclut donc les réflexes, les automatismes et les mouvements unitaires ». Grâce aux aires cérébrales, nous avons appris à automatiser des mouvements qui impliquent les aspects « moteurs, temporels, spatiaux, mnésiques et sensoriels de la motricité » 1. C’est à partir de l’étude des apraxies (perte des praxies) chez l’adulte que l’on a pu décrire les différents types de praxies ci-dessus.  


  • Les gnosies : elles correspondent à notre capacité à reconnaître (grâce à l’un des sens) « les images (gnosie visuelle), les sons (gnosie auditive), les odeurs (gnosie olfactive), les saveurs (gnosie gustative), ou les objets (gnosie tactile) 1 ».  


  • Les fonctions exécutives : au quotidien, nous sommes confronté(e)s à des situations complexes. Face à celles-ci, nous avons besoin de sélectionner les actions et stratégies nécessaires à mettre en place en vue de l’objectif à atteindre. Pour cela, on fait appel aux fonctions exécutives : « elles englobent une multitude d’habiletés, telles que la planification, la flexibilité cognitive et l’inhibition de comportements automatiques, toutes reconnues pour contribuer au contrôle d’actions dirigées vers un but » 1. Ces habiletés nous permettent d’accéder à des processus de contrôle afin de « faire des associations, de dégager et déduire des règles de notre environnement pour mieux anticiper le futur, et aider à prendre des décisions dans un contexte d’incertitude » 1. Notre environnement évoluant de façon continue, ces fonctions exécutives paraissent essentielles pour l’évolution et la survie de l’humain.


Pour conclure, si vous remarquez que certaines de vos capacités cognitives sont en déclin et affectent votre vie quotidienne (exemples : une perte de mémoire, une difficulté à s’orienter ou se repérer dans l’espace, des difficultés de concentration…), pensez à contacter un(e) psychologue formé(e) au bilan afin de discuter de la pertinence de celui-ci. 

Cela vous permettra de mieux vous connaître et de distinguer aussi un réel trouble cognitif d’un épisode passager ayant un impact sur vos capacités cognitives (exemple : il y a une différence entre une anxiété majeure conséquente au contexte sanitaire actuel pouvant perturber certaines de vos capacités cognitives et des troubles qui affectent une aire spécifique du cerveau provoquant un dysfonctionnement cérébral).


Charlène Nassif

Son profil Weppsy



1. S. MONTEL. 11 grandes notions de neuropsychologie clinique. Dunod, 2016.

2. S. CHÉNEAU, B. DURLIN. Métiers de la psychologie. L’Étudiant, 2009.