Quand nos transitions professionnelles viennent questionner notre confiance en soi

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2021-01-13

Quand nos transitions professionnelles viennent questionner notre confiance en soi

Perte d’un emploi, chômage longue durée, recherche de nouvelles opportunités, les périodes de transition professionnelle s'accompagnent parfois d’une perte de confiance en soi pour les personnes qui les traversent. Pourquoi notre estime de soi se trouve-t-elle fragilisée quand on est en recherche d’emploi ? Que se passe-t-il de si spécial pendant ces transitions pour que notre équilibre en soit bouleversé ?


Ce que l’absence d’activité professionnelle fragilise en nous : Pourquoi on a mal à l’image de soi ?



Les périodes de transitions professionnelles sont des périodes d’incertitude. Qu’allons-nous faire, où postuler, et comment continuer à payer son loyer, son emprunt, ses charges ? L’inconfort s’installe. Au-delà d’une préoccupation concrète, matérielle, voire économique, une inquiétude plus profonde et diffuse peut émerger : mais au fond, quelle est ma valeur sur le marché du travail ? Qui va m’embaucher et à quel prix ? Qu’ai-je de plus que les autres candidats ? Mon projet n’est-il pas trop ambitieux, présomptueux, ou au contraire, est-ce que je me sous-estime ?

C’est notre valeur et nos capacités qui peuvent être directement remis en question...

La fin d’un emploi peut ébranler notre image de nous. Dans une société où nous avons tendance à nous définir socialement par le travail, il est parfois difficile de se constituer une image de soi satisfaisante en dehors d’un statut préétabli : “je suis étudiant, salarié, retraité”, etc. Notre identité se trouve comme fragilisée en l’absence d’activité. Ainsi que l’expliquait le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott, notre image de soi se construit dans l'altérité, à travers le regard de l’autre et notamment, au tout début de l’enfance, à travers celui de notre mère ; on imagine aisément que l’on continue de s’observer sous le regard de nos pairs.

Quand nous quittons un emploi, les interactions sociales professionnelles qui nous permettaient de recevoir des feedbacks sur nous de la part de nos collègues, de notre direction, s’arrêtent. L’image de soi est à redéfinir. Cette période de changement s’accompagne souvent d’une perte de repères et peut être vécue comme un deuil à faire : c’est la fin de l’appartenance à un groupe (l’ancien employeur, l’ancienne équipe, etc... ) et l’on ne sait parfois plus comment se définir. Certaines personnes vivent même la période de chômage comme une disqualification sociale. Dans ces situations, l’image de soi est alors modifiée négativement puisque la nouvelle donne sociale - l’absence d’emploi - vient restructurer l’identité au niveau cognitif.  


Estime de soi et confiance en soi : des constituants de notre identité en mouvement permanent



Mais au fait, qu’est ce que c’est que l’estime de soi, et comment peut-on dire que l’on a - ou non, confiance en soi ? Faut-il enchaîner les succès professionnels et personnels pour pouvoir dire que l’on a une bonne estime de soi ? Existe-t-il des personnes qui ont, dans l’absolu, confiance en eux, et d’autres qui n’y parviennent jamais ? La notion est en fait complexe, fluctuante, et l’on peut tous être affectés par un manque de confiance en soi à certains moments ou dans certains aspects de notre vie ...

Identité, image de soi, estime de soi, confiance en soi, les termes sont imbriqués...

La psychologue américaine H.R. Markus, a introduit la notion d'un schéma de soi, c’est-à-dire une image, subjective, évolutive et dynamique qui se modifie à travers l’ensemble des connaissances que l’on a à propos de soi, au fur et à mesure des expériences que l’on vit.
L’estime de soi, constitutive de ce schéma de soi, fonctionne alors dans ce système comme un jugement de valeur - positif ou négatif- que l’on porte sur soi-même.

La confiance en soi, quant à elle, est une composante de l’estime de soi. C’est la confiance que nous accordons en notre capacité à nous en sortir, à réussir, à atteindre le but qu’on s’est fixé. Elle est rarement absolue, mais plutôt appliquée à des domaines, dans des situations données : “je me sens capable d’exécuter cette figure de danse”, “je doute de ma faculté à retrouver un emploi si je démissionne”. Finalement, cette confiance pourrait se définir comme une sorte d'optimisme, qui nous aide à croire en nos ressources. Elle se construit généralement dès l’enfance et se consolide via le cumul d’expériences considérées comme “satisfaisantes” ou “réussies”. Mais alors, comment garder confiance quand on vit l’épreuve d’un chômage, qui vient directement nous questionner sur nos capacités ? Même si elle ne touche que la sphère professionnelle, l’expérience de difficultés au travail peut contaminer plus largement notre confiance, la baisse de l’estime de soi gagnant progressivement les autres sphères de l’image de soi...


La confiance en soi pousse ses racines dans notre perception du monde qui nous environne



Pour le philosophe Charles Pépin, si la confiance en soi est composée d’une confiance en ses capacités, elle se construit aussi grâce à notre faculté d’accorder notre confiance aux autres, et grâce à une confiance plus générale dans la vie. Même si elle ne remet pas nécessairement en question vos compétences, une transition professionnelle peut venir questionner notre capacité à faire confiance au monde qui vous environne : “Vais-je être reconnu à ma juste valeur ? Vais-je trouver autour de moi un environnement bienveillant ?” “La vie va-t-elle me sourire dans cette prochaine étape ?”

Cette idée du philosophe d’une confiance construite en fonction des autres va dans le même sens que les modèles développementaux de l’estime de soi de certains théoriciens de l’attachement. Nicole Guédeney, pédopsychiatre à l’Institut Mutualiste Montsouris de Paris apporte dans l’un de ses articles un éclairage sur la dimension développementale de l’estime de soi, construite en lien avec nos expériences primaires d’attachement. Le monde qui m'entoure est-il sécurisant et me met-il en confiance ? Me rassure-t-il ou non sur ma valeur ? Notre capacité à nous faire confiance se construit alors sous le regard plus ou moins bienveillant que notre environnement (parents, entourage, éducateurs...) porte sur nous et sur nos actes.

Quand l'entourage est bienveillant, nous avons tendance à projeter que les autres relations à venir seront similaires, simples et rassurantes. Puis, au fur et à mesure de notre vie, les expériences que nous traversons viennent renforcer ou fragiliser notre confiance.
Dans le cadre d’une transition professionnelle, l’inquiétude peut être d’autant plus grande que la dernière transition avait été compliquée, ou que vous avez été confronté à plusieurs reprises à des environnements malveillants ou stressants.

On constate donc un lien entre difficultés passées et difficultés auxquelles on peut faire face dans le présent. La période de transition peut s’accompagner d’une résurgence des blessures du passé, lorsque la confiance en ses compétences n’a pas été bien établie de façon sécurisante. C’est alors que peuvent resurgir ces peurs qui nous tétanisent : peur de ne pas être la hauteur, peur de décevoir, peur de l’échec, etc.


Rebondir : construire et renforcer sa confiance grâce à la résilience



Pour gagner en confiance, nous avons besoin de sentir que nous avons les moyens d’agir et les capacités nécessaires pour rebondir durant les situations incertaines que sont les transitions professionnelles. Plus nous nous sentons en mesure de nous adapter à ce monde mouvant, plus nous sommes confiants dans notre capacité de résilience, c’est-à-dire, notre aptitude à faire face aux événements, quels qu’ils soient. La confiance en soi se manifeste comme une confiance en notre sentiment d’efficacité personnelle : face aux difficultés, nous saurons rebondir. Les expériences antérieures d’échec et de difficultés surmontées sont alors de belles illustrations de cette capacité de “coping” dans l’adversité. Sur ce sujet, l’ensemble des expériences de vie surmontées peuvent être relues pour nous rassurer dans notre disposition à prendre les bonnes décisions et rester à flots dans les différentes tempêtes que nous avons traversées.

Dans ces temps de transition, il peut être intéressant de soigner tout particulièrement notre estime de nous en nous investissant dans d’autres domaines que le travail : la confiance grandit aussi dans les succès sportifs, les relations humaines gratifiantes, l’expression des talents artistiques, relationnels, etc... Autant de sphères à ne pas négliger lorsque l’on recherche un travail, car cela peut avoir un réel impact sur notre motivation et confiance !


Les transitions professionnelles sont des périodes de réorganisation de l’image de soi qui peuvent donner lieu à de l’inconfort. L’identité est à redéfinir, cela peut être véritablement l’occasion de se la réapproprier. Un accompagnement peut permettre de mieux vivre le passage et être l’occasion de travailler sur l’image de soi, les schémas ancrés et les identités professionnelles. Prendre soin de soi, en restant actif et en s’investissant dans des activités extra-professionnelles peut aussi permettre de renforcer notre confiance tout en rééquilibrant les différentes parties qui cohabitent en nous pour créer une image globale satisfaisante qui permette d’oser et d’avancer ! Car la confiance en soi n’est pas la capacité à enchaîner les succès, mais plutôt la disposition à rebondir et à remettre en selle après les difficultés.


Cécile Pichon


Définitions

 Schéma de soi : notion définie comme une “généralisation des connaissances sur soi issues de l'expérience passée”, décrit par Hazel Rose Markus, Psychologue américaine dans Self-Schemata and processing information about the self, Journal of personality and social psychology, 1977
- Résilience : capacité à surmonter les événements traumatiques, notion mise en lumière et développée par le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik : « La résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité
- Coping : stratégie d'adaptation pour faire face au stress

Sources 

Donald W. Winnicott, Le rôle de miroir de la mère et de la famille, dans Jeu et réalité, 1971 : « Que voit le bébé quand il tourne son regard vers la mère ? Généralement ce qu'il voit c'est lui même. En d'autres termes, la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu'elle voit. »