Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.
Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.
L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.
Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.
Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.
Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.
Maintenant, à vous d’explorer !
par Charlène Nassif, Psychologue clinicienne
le 2021-02-03
Lorsque vous vous imaginez consulter un(e) psychologue en cabinet libéral ou au sein d’une institution, vous pensez sûrement d’emblée à un soutien psychologique ou à un suivi thérapeutique parmi les nombreuses spécialités qui existent (psychanalystes, thérapeutes cognitivo-comportementalistes, praticiens EMDR ou ICV…). Hors, tout dépend de la demande : en effet, le ou la psychologue formé(e) peut aussi proposer un bilan neuropsychologique.
La pratique du bilan neuropsychologique est assez répandue mais peut-être ne savez-vous pas dans quelle mesure celui-ci vous serait utile, ou pourrait l’être pour vos proches. Voici quelques éclairages…
Qu’est-ce que la neuropsychologie ?
La neuropsychologie est une discipline datant de la seconde moitié du XIXème siècle. Elle est née de l’interaction entre la neurologie, la psychologie et la psychiatrie en plein essor des neurosciences.
C’est une discipline scientifique qui étudie les fonctions cognitives* et leurs rapports avec les structures cérébrales.
Qu’est-ce qu’un neuropsychologue ?
Le neuropsychologue
« C’est un psychologue spécialiste des troubles neurologiques (de la mémoire, de la parole, de la marche, de la préhension, etc.) d’origine organique, ayant des incidences dans la vie de tous les jours »2.
Lorsque j’étais stagiaire auprès d’une neuropsychologue, ma mission était d’identifier les troubles du patient, de tenter de détecter leur origine, et d’établir le lien avec les fonctions cérébrales atteintes. Par exemple, à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (service de Médecine Physique et de Réadaptation du Professeur Azouvi), nous recevions des patients ayant subi pour la plupart, un Accident de la Voie Publique (AVP). En fonction du type d’accident, la localisation des atteintes cérébrales était différente d’un patient à un autre, et donc la gravité des troubles également.
Afin d’essayer de comprendre ces troubles et l’histoire de chaque patient, une anamnèse (c’est-à-dire le récit des antécédents d'un malade) était effectuée puis un bilan neuropsychologique, le tout sur une journée. Une prise en charge pouvait ensuite être proposée au sein du service de rééducation.
Le travail du neuropsychologue
Le neuropsychologue travaille de façon structurée et complète : c’est-à-dire qu’il intervient à partir d’un protocole et d’une démarche bien établis, en fonction du type de patient qu’on lui adresse. L’aspect relationnel est bien évidemment tout à fait essentiel.
Son intervention se décompose en trois temps :
1. Un temps d’entretien préalable ;
2. Un temps d’évaluation ;
3. Un nouvel entretien de restitution.
Il travaille donc de la manière suivante :
A. Évaluer la demande : quand réaliser un bilan neuropsychologique ?
Chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, dans le cadre de trouble des apprentissages (les troubles « dys », exemple : dyslexie), de suspicion de haut potentiel intellectuel (HPI), de trouble du comportement (exemple : troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, TDA/H), suite à un traumatisme crânien (exemple : accident de la route) …
B. Évaluation des fonctions cognitives à l’aide de tests psychométriques standardisés :
On parle ici de « passation de tests » : le neuropsychologue a besoin de se représenter le mode de fonctionnement cognitif du patient, en tenant compte de sa façon de penser et d’analyser son environnement.
À partir des éléments médicaux qu’il connaît, des lésions cérébrales observées et des hypothèses avancées, le neuropsychologue propose les tests adaptés (par exemple : les troubles de l’humeur peuvent être dus à des lésions organiques situées à un endroit spécifique du cerveau).
C. Procéder à l’interprétation et à la rédaction du bilan :
Ensuite a lieu la « restitution des résultats » au patient. En fonction de la demande initiale, la restitution peut également être proposée à la famille et aux responsables de son lieu de travail. Cette restitution peut notamment être destinée aux rééducateurs, dans la perspective du retour à son domicile.
Un travail de rééducation peut être proposé par le neuropsychologue suite au bilan neuropsychologique. « Il peut également participer aux expertises médico-légales (séquelles d’accidents survenus sur la voie publique, mise sous tutelle des personnes affaiblies sur le plan cognitif ou du comportement, reprise d’une activité professionnelle…) »2.
Quelles sont les compétences nécessaires pour effectuer ce travail ?
« Il faut savoir être organisé et structuré, avoir un esprit mathématique et de synthèse, être ouvert et curieux »2.
La neuropsychologie se différencie de la psychologie clinique par son aspect plus scientifique. Appliquer un protocole n’est cependant pas suffisant : en effet, la clinique et la relation humaine sont primordiales dans la passation des tests. Ce sont des qualités et des compétences qui sont indispensables et intrinsèques au travail de passation mais aussi lors de la restitution des résultats. C’est ce qui permet d’obtenir une bonne qualité de soin. Aussi, il est important de savoir que seuls les psychologues sont habilités à faire de la psychométrie.
De quelles fonctions cognitives s’agit-il ?
L’attention, la mémoire de travail, la mémoire épisodique, la mémoire autobiographique, la mémoire sémantique, les praxies, les gnosies, les fonctions exécutives.
Elles définissent les capacités du cerveau qui nous permettent « de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances »1.
Pour conclure, si vous remarquez que certaines de vos capacités cognitives sont en déclin et affectent votre vie quotidienne (exemples : une perte de mémoire, une difficulté à s’orienter ou se repérer dans l’espace, des difficultés de concentration…), pensez à contacter un(e) psychologue formé(e) au bilan afin de discuter de la pertinence de celui-ci.
Cela vous permettra de mieux vous connaître et de distinguer aussi un réel trouble cognitif d’un épisode passager ayant un impact sur vos capacités cognitives (exemple : il y a une différence entre une anxiété majeure conséquente au contexte sanitaire actuel pouvant perturber certaines de vos capacités cognitives et des troubles qui affectent une aire spécifique du cerveau provoquant un dysfonctionnement cérébral).
Charlène Nassif
1. S. MONTEL. 11 grandes notions de neuropsychologie clinique. Dunod, 2016.
2. S. CHÉNEAU, B. DURLIN. Métiers de la psychologie. L’Étudiant, 2009.
par Valentine Ricaux, Psychologue clinicienne certifiée TCC
le 2020-11-12
Au cours de la vie, 2,3% de la population serait touchée par des troubles obsessionnels compulsifs, dit TOC. Ils font partie des troubles anxieux. Alors que 80% ou 100% de la population générale présenterait des obsessions sans retentissement pathologique, les obsessions vécues dans le TOC se démarquent en fonction de leur fréquence, de leur durée et de la capacité de la personne à la rejeter.
Le TOC se caractérise par la présence de quatre composants principaux : les obsessions, les compulsions, les conduites d’évitement et l’anxiété associée. La principale conséquence est une détresse psychologique importante et un retentissement dans la vie sociale des personnes touchées.
Comment peut-on comprendre les TOC?
Il faut partir du concept de l'obsession.
Elle se définit comme une pensée ou une image mentale consciente et involontaire qui s’impose à notre esprit de façon répétitive et persistante (Sauteraud, 2005). Celle-ci est la plupart du temps constante de par ses thèmes et provoque une anxiété importante dont le rituel ou la compulsion a pour but de la faire disparaître.
La compulsion apparaît ainsi comme un acte moteur (souvent de lavage, de vérification ou de rangement) ou mental (comptage, répétition) répétée de façon ritualisée et “donnant réponse” à une obsession. La personne reconnaît le caractère infondé de son comportement mais tend vers une réduction rapide de l’anxiété associée.
Les compulsions de lavage associées à des obsessions de malheur, ou la peur obsédante de commettre un acte impulsif contre soi ou les autres (comme c’est le cas dans le cadre de la phobie d’impulsion, retrouvée fréquemment dans la dépression post-partum) sont des TOC fréquemment vécus.
Plusieurs hypothèses ont pu être mises en évidence afin de comprendre le développement d’un trouble obsessionnel compulsif chez une personne. Explorons-les ensemble.
Hypothèses du modèle comportemental
La théorie du conditionnement opérant de Skinner permet d’expliquer le fonctionnement et surtout le maintien du trouble dans le temps en s’appuyant sur la notion de renforçateur. En effet, un renforçateur pérennise ou rend plus fréquent une pensée, une émotion ou un comportement. Ainsi, un renforcement négatif (dans le sens de la soustraction de quelque chose de désagréable) de l’anxiété et de la souffrance qui découlent de l’obsession va être observé par les conduites de compulsion.
Les rituels et conduites d’évitement de la personne vont s’installer de façon adaptative, c’est-à-dire pour juguler l’angoisse, mais vont également avoir pour conséquence la mise en place d’une sensibilisation et d’une aggravation de la perception négative des nouvelles confrontations à la situation (Sauteraud, 2005). Les conduites d’évitement et les rituels de la personne entraînent certes un apaisement de l’obsession à court terme mais la renforcent à long terme. Ce qui conduit au maintien du trouble.
Hypothèse du modèle cognitif
Un dysfonctionnement du traitement de l’information apparaît au cœur de l’hypothèse cognitive d’explication du maintien du TOC dans le temps. En effet, on retrouverait chez les personnes atteintes de TOC une fixation excessive aux pensées obsessionnelles et intrusives par rapport à la population générale, également sujette à l’apparition de ce phénomène normal. On retrouve ici une activation du fonctionnement cognitif de danger et d’hyper-vigilance menant à l’apparition de distorsions cognitives responsables d'erreurs de raisonnement et de pensées automatiques sources d’anxiété.
Hypothèse du modèle physiopathologique
Concernant les influences bio-génétiques sur le TOC, Cottraux (2004) met en évidence les prédispositions générales à développer des troubles anxieux chez les sujets souffrants de TOC. Cette vulnérabilité serait une conséquence des événements de vie, du type d’éducation et des facteurs environnementaux du sujet ainsi que les impacts de ces derniers sur ce dernier.
Le développement du TOC surviendrait alors généralement à la suite d’un événement majeur ayant perturbé le fonctionnement habituel de la personne. Si seulement 30% des cas identifient formellement un facteur déclenchant, on retrouve pour les autres une situation moins précise étant à l’origine du développement du TOC (mariage, burn-out, accouchement, accident…).
Ducasse et Fond (2013) rappellent que les caractéristiques du TOC sont habituellement associées à un mauvais fonctionnement du système sérotoninergique ayant pour conséquence une fragilité et une vulnérabilité du sujet au stress. Ce dysfonctionnement aurait également pour conséquence une hypersensibilité des récepteurs post-synaptiques en réponse au déficit initial de sérotonine et provoquant un déficit d’habituation.
Quelles sont les possibilités thérapeutiques à ce jour?
La thérapie cognitive et comportementale est souvent utilisée dans le cadre du traitement du TOC.
Selon cette approche, l’exposition graduée avec prévention de la réponse (EPR) apparaît comme un outil central dans la prise en charge du trouble obsessionnel-compulsif (Meyer, 1966) de par l’habituation à une confrontation progressive à l’anxiété provoquée par la venue de l’obsession sans réponse compulsionnelle.
Ce phénomène d’habituation peut permettre une réduction de la fréquence et de l’intensité des obsessions ainsi que de l’anxiété associée à ces dernières.
Dans le cadre de cette prise en charge, une évaluation par l’échelle d’obsession-compulsion de Yale-Brown (Y-BOCS) permet d’obtenir une mesure de la sévérité par la durée, le retentissement, l’anxiété associée, la résistance et le contrôle de la personne sur les symptômes obsessionnels et compulsifs.
La combinaison médicamenteuse et psychothérapeutique a également démontré son efficacité : les antidépresseurs démontreraient à eux seuls une efficacité dans 30 à 40% des cas (Chaloult, Goulet & Ngô, 2014).Les principaux utilisés étant les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) ainsi que les antidépresseurs imipraminiques.
Quelles sont les conséquences pour la vie sociale?
Le retentissement social, familial, professionnel apparaît important. Il est souvent source d’une souffrance importante pour la personne et son entourage. Dès lors, le niveau de conséquences des Toc avec les activités de la vie quotidienne varie en fonction de la sévérité des troubles vécus.
Si vivre avec une personne atteinte de TOC peut être difficile, la tolérance et la compréhension permettent un meilleur accompagnement de celui qui en souffre, que ce soit dans ses efforts et sa prise en charge.L’association AFTOC propose dans ce sens soutien, information aux personnes et familles atteintes par ce trouble.
Valentine Ricaux
Son profil weppsy
Références
Cassin, S., Richter, M., Zhang, K.A., Rector, N (2009). Quality of Life in Treatment-Seeking Patients With Obsessive-Compulsive Disorder With and Without Major Depressive Disorder. Can psychiatry, 54 (7).
Chaloult, L., Goulet, J., Ngô, T.L (2014). Guide pratique pour l’évaluation et le traitement cognitif et comportemental du trouble obsessionnel-compulsif. Polyclinique médicale Concorde (1)
Cottraux, J. (2004). Trouble Obsessionnel-Compulsif. EMC-Psychiatrie, 1 (1), 52-74
Ducasse, G. & Fond,G. (2013) Troubles obsessionnels compulsifs résistants et antipsychotiques : données neurobiologiques et thérapeutiques actuelles. Annales Médico-Psychologiques 171, 725–732
Meyer, V., 1966, Modifications of expectations in cases with obsessional rituals, Behaviour Research and Therapy, 4, 273-280
Ruscio, A., Stein,D., Chiu, W., Kessler, R (2010). The Epidemiology of Obsessive-Compulsive Disorder in the National Comorbidity Survey Replication. Mol Psychiatry, 15 (1)
Sauteraud, A. (2002). Je ne peux pas m'arrêter de laver, vérifier, compter - Mieux vivre avec un TOC. Paris: Odile Jacob.
Sauteraud, A. (2005). Le trouble obsessionnel compulsif. Paris: Odile Jacob
Schoendorff, B., Purcell-Lalonde, M., & O’Connor, K. (2013). Les Thérapies de Troisième Vague dans le Traitement du Trouble Obsessionnel-Compulsif : Application de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement. Santé Mentale au Québec, 38, 153-173.
par Arthur Durif Meunier, Psychologue clinicien
le 2020-10-27
En cette période hors du commun, quelques-uns d’entre nous ont effectivement pu trouver en l’humour un moyen de s’aérer l’esprit, de s’évader en échappant brièvement à la réalité dans laquelle nous nous trouvions. Mieux encore, ce mécanisme nous offre la possibilité de partager cette escapade avec ceux qui nous entourent et à un prix bien moins élevé que celui de nos compagnies aériennes.
Sur le papier, l’efficacité de l’humour semble imbattable : il rayonne sur soi comme sur les autres, il peut être utilisé dans un grand nombre de situations et ne nécessite d’aucun matériel particulier. Pourtant, telle la poudre noire, son usage peut participer à l’embellissement de nos vies comme à l’assombrissement de notre existence.
Du feu d’artifice à la poudre à canon, l’humour dispose d’un fabuleux pouvoir tantôt protecteur et tantôt destructeur.
Je vous propose, dans un premier temps, de commencer par un bref résumé des bienfaits et des méfaits de l’humour. Nous aborderons par la suite le rôle qu’il peut jouer pour notre survie en agissant sur notre rapport à la réalité et au sens que nous lui accordons.
« La faculté de rire aux éclats est preuve d'une âme excellente » Jean Cocteau
Sur le plan physiologique, le rire aurait une quantité d’effets bénéfiques ; Fry en décrit un certain nombre. Le rire agirait sur le système musculo-squelettique en contractant par exemple les muscles du visage ou ceux de la ceinture abdominale. Il aurait un impact sur le système cardio-vasculaire. Lyttle comparera même les bénéfices du rire à ceux d’un jogging. Selon Fry le rire stimulerait aussi le système endocrinien, le fonctionnement immunitaire et le système nerveux. Plus difficile à mettre en évidence, de nombreux bienfaits physiologiques occasionnés par l’humour découlent de la réduction du stress que l’on sait aujourd’hui responsable d’une grande quantité de maladies.
Sur le plan psychologique, plusieurs auteurs (Martin, Kuiper, Olinger et Dance) considèrent l’humour comme une stratégie de coping, une stratégie d’adaptation contre le stress. En psychologie positive (Peterson et Seligman), il est d’ailleurs considéré comme l’une des forces qui transcendent la réalité quotidienne. Mais l’humour a aussi sa place dans le référentiel psychanalytique où il fut décrit par Freud comme un mécanisme de défense particulièrement efficace et dont il dira « L’humour, lui, peut être conçu comme la plus haute [...] réalisation de défense » (Freud). Il est en effet le moyen d’extérioriser une problématique dans une forme socialement acceptable et de la rendre agréable à son public. Nous conclurons la partie des bienfaits psychologiques de l’humour sur son lien avec la résilience. En effet, Cyrulnik le considère comme « […] un des plus précieux facteurs de résilience : l’humour ». Il est, selon l’auteur, le moyen de dépasser certains évènements difficiles voire traumatiques, en leur proposant une autre interprétation, une interprétation qui prête à rire.
Passons maintenant aux bénéfices sociaux. L’humour serait selon Guibert, Paquerot et Roques un facteur puissant de cohésion sociale, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement il facilite la communication en renforçant l’interaction et en améliorant la compréhension mutuelle d’un groupe. Deuxièmement il traduit une attention particulière à autrui, ce qui développerait la confiance et faciliterait la création d’un réseau social. Pour Bottega l’humour permet de jouer avec les représentations et ainsi de proposer un autre point de vue, une autre façon de concevoir la même réalité.
Abordons maintenant les bienfaits cognitifs apportés par l’humour. D’après la théorie Jungienne, l’humour peut constituer une source d’énergie. En effet son aspect social ainsi que le plaisir occasionné par son usage permettent de lutter contre l’épuisement professionnel. L’un des meilleurs exemples, est l’humour parfois décalé que l’on entend dans des milieux professionnels difficiles comme celui du secteur médical. De nombreuses recherches comme celle de Rambaud tendent à montrer que son usage dans les milieux hospitaliers est un mécanisme de défense qui sert à protéger les équipes de la souffrance à laquelle elles sont exposées. Il permet d’après Lyttle de court-circuiter les modèles de pensée fermés et improductifs, ce qui conduirait d’après Isen, Daubman et Nowicki à des méthodes de résolution de problèmes créatives et innovantes.
« Tout ce qui permet de guérir, peut également être utilisé à mauvais escient » Platon.
Les méfaits de l’humour vont du simple quiproquo aux manipulations perverses et malveillantes. Le meilleur moyen de différencier la simple maladresse de la volonté de nuire consiste à s’intéresser à la question de l’intentionnalité. Si le droit parle d’homicide involontaire ou volontaire pour définir l’intention qui se cache derrière un acte, Freud parle au sujet de l’humour de contenus « innocents » et « tendancieux ». Ce n’est pas parce que l’intention n’est pas mauvaise en soi que l’humour ne peut pas blesser. Même le plus petit malentendu, par manque de tact, de délicatesse ou par naïveté, une fois dit, ne peut être retiré. Mais le plus grand danger que peut représenter l’humour réside dans sa forme « hostile », selon Freud, qui consiste à « exploiter le ridicule » pour discréditer et rabaisser un individu.
Rien ne semble mieux représenter le pouvoir salvateur de l’humour que la citation suivante :
« If I had no sense of humor, I would long ago have committed suicide » Mahatma Gandhi
(Si je n’avais pas le sens de l’humour, je me serais suicidé depuis longtemps)
Nous avons vu précédemment que l’humour est un excellent mécanisme de défense, il est aussi un excellent facteur de résilience ; mais concrètement, comment agit-il, quel est son mécanisme permettant de préserver la santé mentale d’un individu ? Pour trouver un élément de réponse, je vous propose de nous pencher sur l’ambiguïté que suggère l’humour. Pour reprendre les écrits de Freud à ce sujet, l’humour est constitué d’un contenu manifeste (explicite) et un contenu latent (implicite). C’est la superposition de ces deux sens qui permet de créer l'ambiguïté. Prenons un exemple tout simple :
Mon collègue me demande comment je trouve sa nouvelle chemise, ce à quoi je lui réponds « Oui, oui, oui, elle est très belle. Probablement l’une des plus belles que tu n’as jamais portée ». Nul doute que pour certains d’entre vous, cette réponse passe pour de l’ironie, mais elle induit chez d’autre le doute. Suis-je alors parfaitement franc (contenu manifeste), ou purement ironique (contenu latent) ?
Explorons encore un peu plus le pouvoir qu’a l’humour dans sa capacité à créer l’alternative, car c’est là qu’en réside la clef de voûte. L’humour semble avoir ce pouvoir créateur, pouvoir qui en dépit des normes sociales, métaphysiques, voire même éthiques, peut proposer une compréhension, une interprétation alternative à la réalité rencontrée. Un existentialiste qui passerait par là évoquerait très certainement la capacité de l’humour à créer du sens et nous savons pertinemment ce à quoi mène l’absence de sens :
Que ce soit au travail dans ces “bullshit jobs” menant au burn-out.
Ou bien lors d’un traumatisme quand le sens des faits se révèle si insoutenable pour l’esprit qu’il mène au déni.
Quand la frustration de subir une situation non choisie et sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir mène au désespoir ou à la dépression.
Alors oui, l’humour avec sa capacité à créer un sens, même fantasmé ou illusoire, peut servir de parade à une situation dénuée de toute logique, de toute explication rationnelle ou simplement insupportable.
Il y a cependant un deuxième mécanisme qui se met en place à la suite de cette création de sens : l’apparition d’un choix.L’humour semble alors incarner l’une des armes dont nous disposons pour faire face à la fatalité de la vie en nous donnant le choix d’en changer le sens. Je vous propose ici un exemple permettant d’illustrer mon propos :
Lors d’un groupe d’analyse de pratique post-confinement, je rappelle en début de séance la nécessité de porter le masque, ce à quoi l’une des participante répond : « Ça y est, ça repart en bal masqué ! ». Nous avons tous expérimenté le déplaisir qu’occasionne le port du masque, mais par une habile pirouette elle sut changer la représentation que nous nous faisions de cette directive. Je vous rassure tout de suite, nous ne nous sommes pas mis à faire la danse des canards pour autant. Mais l’espace d’un instant, elle a su nous proposer un voyage en pleine renaissance italienne.
Partant d’un non choix, d’une situation subie sur laquelle nous n’avions aucun pouvoir (le port du masque), ce trait d’humour a su créer un choix alternatif, nous accordant de ce fait la possibilité de ne plus subir en faisant un choix. Si pour de nombreuses raisons nous avons collectivement retenu le choix le plus réaliste à savoir celui de se remettre au travail, cette décision nous appartenait !
Si l’humour dispose de fabuleux pouvoirs, comme ceux de créer du sens en s’exemptant de toutes règles rationnelles ou d’introduire la notion de choix face à des situations semblant sans issue, il incarne aussi l’outil parfait pour fuir. Quand l’humour est au service du désengagement, de la déresponsabilisation, quand il est utilisé pour fuir la réalité, la dégrader ou bien la cacher, son usage devient profondément toxique. Il existe un certain nombre d’indicateurs permettant d’identifier ce type d’usage. D’abord sa fréquence : une utilisation systématique de l’humour peut traduire une forme de rigidité dans la manière d’appréhender certaines situations. Puis son intensité, un humour trop lourd, trop artificiel voire disproportionné peut révéler un malaise face la situation rencontrée. Enfin, il est souhaitable de prendre en compte les formes de cet humour, car certaines d’entre elles comme la dérision, le sarcasme ou l’ironie peuvent s’avérer nocives tant pour l’auteur que pour son entourage.
Pour conclure sur le rôle que peut jouer l’humour dans la survie d’un individu, nous pouvons retenir les choses suivantes. D’abord les bienfaits de l’humour rayonnent aussi bien sur la santé psychique que physique. Ensuite, il agit directement sur l’appropriation d’une situation ou d’un évènement en y proposant dans un premier temps un autre sens, puis en créant un choix. Enfin, si l’humour a pour effet de soulager les individus se trouvant face à une situation désagréable ou subie (soit par manque de sens, soit par manque de choix), il peut le faire de deux manières :
Soit par un processus sain permettant l’acceptation puis le dépassement de la situation.
Soit par un processus toxique menant au déni, à la fuite ou à l’évitement.
Pour plus d’informations sur les bienfaits et méfaits de l’humour je vous invite à consulter des études comme « Etude exploratoire sur les usages de l’humour en milieu professionnel » (Durif Meunier 2019) ou d’autres méta-analyses du même type.
Arthur Durif Meunier
Sa fiche sur weppsy
Sources :
Bottega, C. (2008). L'humour est-il un outil de management ?. Humanisme et Entreprise, 288(3), 21-34. doi:10.3917/hume.288.0021.
Cyrulnik, B. (2001). Les Villains Petits Canards. Paris : Odile Jacob
Durif Meunier, A. (2019). Etude exploratoire sur les usages de l’humour en milieu professionnel. (Mémoire mention très bien, école de psychologues praticiens, Paris).
Freud, S., (1992). Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Paris: Gallimard
Fry, W. F. (1994). The biology of humor. Humor: International Journal of Humor Research, 7(2), 111-126. Repéré à : http://dx.doi.org/10.1515/humr.1994.7.2.111
Guibert, N., Paquerot, M., & Roques, O., (2002) L’humour en management : un essai de structuration du domaine, Congrès des IAE, Paris
Isen, A.M., Daubman, K.A., & Nowicki, G.P. (1987), Positive affect facilitates creative problem saving, Journal of personality and social psychology, vol.52, p.1122-1131
Jung, C.G., (1991) Les types psychologiques, 7ème édition, Genève : Georg Ed.
Lyttle, J. (2007). The judicious use and management of humor in the workplace. Business Horizons, 50 (3), 239-245. Repéré à: https://doi.org/10.1016/j.bushor.2006.11.001
Martin, R. A., Kuiper, N. A., Olinger, L. J., & Dance, K. A (1993). Humor, coping with stress, self-concept, and psychological well-being. Humor: international Journal of Humor Research, 6, 89-104.
Peterson, C., & Seligman, M. E. P. (2004). Character strengths and virtues: A handbook and classification. Oxford, England: Oxford University Press.
Rambaud, A. C. (2016). L’humour aux frontières de la vie et de la mort. (Mémoire mention très bien, École de psychologues praticiens, Paris) Repéré à : http://www.psycho-prat.fr/e/bibliotheque?w[bibliotheque_l][where]=#form_bibliotheque_l
par Sophie du Bouëtiez, Psychologue clinicienne
le 2020-09-15
Aujourd’hui dans les cabinets de psychologie, on observe une explosion des consultations autour du Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Que ce soient des parents inquiets du comportement de leur enfant ou des adultes en recherche d’une explication quant à leurs difficultés, le HPI apparaît de plus en plus comme l’hypothèse principale à explorer pour mettre du sens sur des troubles scolaires/professionnels, relationnels, émotionnels...
Si la terminologie varie depuis quelques décennies (surdoué, précoce, HPI, EIP...), le concept du HPI renvoie aujourd’hui à une série de caractéristiques communément admises dans la littérature scientifique : un fonctionnement cérébral singulier caractérisé par une activité très intense et des connexions plus importantes que la moyenne (et ce tant entre les deux hémisphères qu’au sein d’un même hémisphère cérébral). En découlent de puissantes capacités de raisonnement, de mémoire, de langage et de compréhension, mais aussi une aptitude remarquable à associer, conceptualiser et organiser ses idées.
Au quotidien, chez l’enfant comme chez l’adulte, le HPI se manifeste alors par une pensée rapide et foisonnante, une grande créativité et sensibilité, une forte lucidité dans le rapport aux autres et au monde, ou encore une curiosité insatiable.
On considère qu’un peu plus de 2% de la population est concernée par le HPI : ce chiffre est stable dans le temps, les tests psychométriques étant régulièrement réétalonnés pour tenir compte de l’effet Flynn (augmentation des capacités intellectuelles des individus au fil des générations). Ce taux ne varie pas non plus en fonction du milieu socioculturel : le HPI concerne des personnes de tout âge, de tout milieu social, de toute profession...
Aujourd’hui le HPI est un mode de pensée de plus en plus reconnu, tant chez les professionnels que chez le grand public. Mais dans la pratique psychothérapeutique, on peut être surpris par les représentations anxiogènes véhiculées autour de ce sujet.
Beaucoup de patients identifiés HPI viennent ainsi consulter, pétris d’angoisses : inquiétude d’être différents, de ne jamais trouver leur place, d’être « condamnés » à l’anxiété ou à la dépression...On observe également une tendance chez les patients HPI à envisager leur fonctionnement intellectuel comme la « cause unique » de leurs difficultés. Certainement parce que c’est ce qu’ils ont lu ou entendu.
Or, aujourd’hui, certaines études tendent à montrer qu’il existe la même proportion d’individus épanouis dans la population tout-venant que chez les personnes présentant un HPI. Le mythe du « surdoué qui va mal » est principalement porté par un biais de représentativité énorme : les patients que nous recevons en consultation sont par définition ceux qui sont en souffrance. En consultation, nos patients HPI sont donc souvent anxieux ou déprimés. Mais parmi la population HPI non-consultante, beaucoup se portent bien et même très bien !
Cela signifie-t-il que le HPI n’a aucune incidence sur la vie émotionnelle et relationnelle ? Non, bien sûr. On peut considérer que ce mode de pensée favorise notamment une plus grande réactivité émotionnelle et une forte recherche de sens. S’en suivent une grande empathie, un besoin permanent de comprendre les règles et les attentes extérieures, un souci aigu de l’équité et de la justice... D’autre part du fait de sa rareté (seuls 2% de la population sont concernés), le HPI peut avoir une répercussion relationnelle puisqu’il induit un sentiment de décalage social : l’impression de ne pas raisonner comme ses pairs, de ne pas se reconnaître dans leurs centres d’intérêts, de ne pas être compris dans ses émotions et ses réactions.
Mais ces particularités ne sont pas systématiquement synonymes de souffrance. L’empathie peut par exemple favoriser la qualité des relations humaines ! La quête de sens et d’équité peut constituer un système de valeurs qui va guider l’individu vers des choix personnels et professionnels particulièrement épanouissants, ou encore le sentiment de décalage peut amener à mobiliser des capacités imaginatives et créatives pour transmettre des idées novatrices ou atypiques à travers l’art par exemple.
En fait, le HPI peut être vécu durablement dans la souffrance lorsqu’il vient cohabiter avec des difficultés d’ordre psycho-affectif préexistantes (tels qu’un manque de confiance en soi, une carence affective, des difficultés de gestion émotionnelle...). Il agit alors comme un accélérateur de particules qui amplifie les affects douloureux. Chez un adulte qui peine à trouver sa place avec autrui par exemple, le sentiment de différence induit par le HPI renforce la difficulté relationnelle initiale et devient synonyme de solitude. De la même manière, ce fonctionnement intellectuel, caractérisé par l’hypersensibilité, peut accroître l’intensité des affects douloureux à l’œuvre dans les troubles anxieux ou les troubles de l’humeur. Ainsi, le HPI peut accentuer la souffrance de patients en difficulté, mais ne semble pas en constituer la cause unique.
Cette distinction est primordiale, car elle porte avec elle un remaniement des enjeux psychothérapeutiques. Le risque de considérer avec le patient que ses difficultés sont générées uniquement par son HPI, dans un lien direct de cause à effet, c’est de l’enfermer dans une représentation tronquée de sa souffrance, en délaissant les aspects psychoaffectifs pourtant centraux (qualité de l’image de soi, des relations sociales et affectives, de la gestion émotionnelle...).Chez des patients évitants ou avec une image de soi fragilisée, on risque en outre de renforcer des mécanismes de défense puissants (déni, intellectualisation), délétères pour le travail thérapeutique. Enfin, le HPI étant une particularité cérébrale stable (on l’est ou on ne l’est pas, cela ne change pas au cours de la vie), considérer cela comme une cause de souffrance induit une notion de fatalité très angoissante pour le patient (« Toute ma vie je serai en souffrance, en décalage et incompris ! »).
Avec les patients HPI, l’accompagnement psychothérapeutique peut alors consister à les aider à s’approprier leur mode de fonctionnement pour en faire une force. Il ne s’agit pas de nier les particularités de leur pensée et les répercussions émotionnelles et sociales qui en découlent. Mais plutôt d’identifier leur système de valeurs et leurs besoins pour s’épanouir pleinement, en s’appuyant sur la puissance, l’originalité de leur pensée et leur grande sensibilité.
Faire de ce mode de pensée atypique une ressource pour tisser des liens d’une grande richesse avec autrui et s’engager dans des projets de vie porteurs de sens.Les amener à relire leur parcours à la lumière de ce HPI, accepter et reconnaître les difficultés qui ont pu en découler, mais aussi observer toutes les ressources qui pourront en émerger. On choisit ainsi de focaliser sur les problématiques d’ordre psycho-affectif, en s’appuyant sur le HPI comme sur un outil formidable pour étayer le mieux-être et la résilience.
Une intelligence élevée peut constituer un facteur de protection pour faire face aux épreuves de la vie : meilleure capacité d’analyse et de remise en question, meilleures capacités d’élaboration émotionnelle (mise en mots, identification des déclencheurs et des besoins...). Ainsi, chez mes patients présentant un HPI, je suis souvent stupéfaite par leur créativité pour rebondir et faire preuve de résilience face aux souffrances. L’accompagnement psychothérapeutique des patients ayant un HPI est alors souvent passionnant, car on trouve chez ces patients des qualités émotionnelles, humaines et intellectuelles qui permettent d’avancer à pas de géant, dans la créativité, le plaisir et l’audace.
Sophie du Bouëtiez
Sources :
Gauvrit, N., & Ramus. F. (2017). La légende noire des surdoués. Consulté à l’adresse https://www.researchgate.net/publication/314096481_La_legende_noire_des_surdoues
par Marie Rengade, Psychologue clincienne
le 2020-07-22
Dans l’art-thérapie on considère que la créativité est le moteur de toute chose et notamment du changement. L’écriture même de cet article est un acte créatif qui peut laisser place aux mêmes fantasmes et peurs qu’à un patient devant une toile, un étudiant devant un projet de mémoire ou encore un entrepreneur avant une conférence. La peur de mal faire touche nombre d’entre nous. Pour autant, c’est dans le faire que l’on se rencontre. Dans cet article, je vais vous présenter l’art-thérapie qui est un moyen de se découvrir ou de se laisser découvrir par d’autres modes d’expression que le face à face classique entre deux personnes au sein d’un suivi.
En effet, l’art-thérapie intègre un tiers dans la prise en charge, une médiation artistique. La création déclenche un processus de transformation de la personne. A vrai dire, nous sommes tous nés d’un acte créateur. Et par la création, c’est-à-dire l’utilisation de toutes nos palettes internes (émotions, doutes, peurs, angoisses, fantasmes, besoins…), notre univers psychique et biologique, nous pouvons sortir quelque chose de nous-mêmes. Pour le psychiatre Jean-Pierre Klein, l’art-thérapie est un « accompagnement thérapeutique de personnes mises en position de création de telle sorte que leur parcours d’œuvre en œuvre fasse processus de transformation d’elle-même ». C’est un moyen de se connecter à la vie qui bouillonne en nous. L’art-thérapie ne demande pas à ceux qui la pratique d’être des De Vinci, des Van Gogh ou des Picasso, il n’y pas de notion de beau ou de laid. Elle est donc accessible à tous.
Cette approche permet de remettre la pensée en mouvement pour stimuler la verbalisation qui, elle-même, doit amener à l’action et au changement.
L’art a toujours été utilisé à des fins curatives pour le corps et l’esprit. Néanmoins, l’utilisation de l’art comme thérapie construite est relativement récente. A la fin du XIXe siècle, des psychiatres proposent à leurs patients de s’exprimer par des dessins ou des peintures pour pouvoir analyser par la suite leurs productions. Par ailleurs, au sein des institutions (psychiatrique, scolaire ou communautaire) des artistes, dont certains appartenant au courant de l’art brut, y travaillaient. L’art brut est souvent considéré comme étant le terreau de l’art-thérapie bien que ce soit une pratique tout autre. L’art brut est un courant artistique développé au XXe siècle par le sculpteur et peintre Jean Dubuffet. Ce dernier s’intéressait tout particulièrement aux œuvres de patients qu’il trouvait uniques, n’étant pas des créations d’artistes professionnels. Comme Dubuffet voyait dans ces œuvres une beauté naïve et spontanée, il décida de les exposer au grand public pour faire connaître cette nouvelle forme d’art. D’autres professionnels de l’art ont ensuite adhéré à cette vision. Ces artistes ont constaté les effets bénéfiques de la pratique artistique chez les personnes souffrant de troubles psychiques, physiques ou mentaux.
L’art-thérapie a également été investie par la psychanalyse avec Jung qui considérait que seule la personne elle-même a le pouvoir de se guérir et que l’activité artistique permet de mettre la personne en mouvement.Il y a une grande variété d’approches en art-thérapie (humaniste, systémique, psychodynamique, behavioriste…), néanmoins elles se rejoignent sur l’aspect thérapeutique du processus de création.
Aujourd’hui, le métier d’« art-thérapeute » est un titre reconnu par l’état.
L’art thérapie est indiquée pour des personnes présentant des fragilités psychiques ou en demande de développement personnel. Elle peut être pratiquée auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes ou de personnes âgées.
Par ailleurs, cette médiation est utilisée au sein d’institutions diverses comme des EHPAD, des entreprises, des prisons, des hôpitaux et peut s’adapter au public accompagné. Le public peut présenter une maladie neurodégénérative liée à l’âge (Alzheimer, parkinson), un handicap psychique ou mental (Autisme, trisomie, trouble dys), une maladie mentale (schizophrénie, anorexie etc.) ou encore des difficultés psychiques passagères ou cycliques de plus ou moins longue durée et intensité (deuil, dépression, bipolarité…). Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de présenter un « trouble » pour pratiquer l’art-thérapie. C’est également un moyen de mieux se connaître et de s’exprimer par d’autres voies.
Les médiations artistiques sont nombreuses et utilisent l’ensemble de notre corps. Cela peut être de l’expression vocale (chant, théâtre, slam, conte…), de l’expression corporelle (danse, yoga, clown…), des ateliers plastiques (dessin, peinture, collage), la photographie, les vidéos, l’écriture ou encore le travail d’une matière comme l’argile. Le patient se rencontre dans l’interaction avec la médiation artistique. Il y a un apprivoisement, la personne investit son œuvre et y dépose des émotions, des angoisses, des aspirations qui lui appartiennent. Il n’est plus question d’un « je » direct mais d’un « il » qui parle de soi.
Pour l’art-thérapeute Sylvain Bridet-Lamoureux, qui travaille dans un centre de santé mentale à Madagascar, l’art-thérapie ouvre les portes et les fenêtres de l’individu. Cela laisse entrer la lumière, les parfums et les couleurs.
C’est une ouverture vers l’intérieur (vers soi) et vers l’extérieur (l’Autre).Par les activités proposées dans le centre (Yoga, slam, peinture, danse, expression corporelle…), les intervenants autorisent les patients à être. Les rapports entre thérapeute et patients sont horizontaux. Le terme même de « patient » est questionné et sera remplacé par celui « d’ami ». Le matin, avant de commencer les activités, il y a un temps de parole qui s’appuie sur une œuvre artistique présentée à tous. Pour exemple, le tableau « Le Baiser » de Klimt pourra être projeté à l’écran pour que les amis puissent investir le sujet des relations entre hommes et femmes, de la sexualité et s’autoriser à parler de cela. L’œuvre devient un tremplin à la verbalisation.
Lorsque je travaillais dans ce centre, j’ai pu accompagner une adolescente en rupture avec sa famille. Elle avait fait plusieurs tentatives de suicide et lors de nos entretiens elle était très défensive, ce qui ne lui permettait pas d’être authentique avec elle-même et avec moi. Cependant, lors d’un atelier de slam, elle a pu sortir quelque chose de congruent, un texte fort sur ses ressentis, sur son parcours. C’étaient des éléments qu’elle n’avait pas pu amener en entretien. Elle a tenu à me faire écouter son œuvre et cela nous a permis d’avancer ensemble vers son rétablissement. C’est à travers des expériences comme celle-ci que j’ai pu constater l’utilité de l’art-thérapie et à quel point cela peut être complémentaire avec un suivi individuel. La relation d’une personne avec son œuvre permet de faire émerger des ressentis qui peuvent ensuite être verbaliser et élaborer. Ainsi, l’art amène la personne à puiser en elle en se connectant à ses ressources internes pour être dans l’autodétermination et se réinventer dans la vie.
Sources :
Entretien avec l’art-thérapeute Sylvain Bridet-Lamoureux le 01/03/2020
Hamel, J. & Labrèche, J. (2010). Art-thérapie. Larousse.
Klein, J. (2019). L’Art-thérapie. Paris : Presse Universitaire de France.
par Astrid Roustang-Jeglot, Psychologue clinicienne-psychothérapeute
le 2020-07-16
L’hypnose est une pratique très ancienne, dans la continuité des traditions des guérisseurs et des chamans. A la fin du XIXème siècle, l’hypnose est l’une des deux sources (avec la psychologie morale Paul Charles Dubois dans un tout autre registre) à l’origine de toutes les psychothérapies. Freud, lui-même la pratiqua, puis l’abandonna pour créer la psychanalyse.
Approche classée dans les thérapies dites « brèves », elle s’intéresse à l’unité corps-psyché.
Son champ d’intervention est large et peut convenir aux adultes comme aux enfants et adolescents qui s’y montrent souvent très réceptifs.
Actuellement, parmi les approches thérapeutiques existantes, beaucoup portent l’héritage de l’hypnose ou s’en inspirent sans trop la nommer (psychanalyse, relaxation, sophrologie, EMDR, ICV, Mindfulness …).
Longtemps, l’hypnose a souffert de l’image de l’hypnose de spectacle qui peut encore la faire craindre et d’un certain mystère persistant qui l’entoure. Ce sont des figures emblématiques telles que Milton Erickson aux Etats-Unis dans les années 1950 qui l’ont mieux fait connaître dans le domaine de la santé. La brièveté avec laquelle elle peut aider à faire surgir le changement sans délibération aucune, mais aussi son étude scientifique et rigoureuse lui a permis de retrouver ses lettres de noblesse. En France, elle revient dans les années 1980 ( L. Chertok, D. Michaux, J. Godin, J.A. Malarewicz) avec à la clef, un ouvrage fondateur de François Roustang dans cette renaissance : Qu’est-ce que l’hypnose ?
Depuis maintenant quelques dizaines d’années, l’hypnose s’est refait une place dans le milieu médical avec différents champs d’intervention avec notamment la création de plusieurs diplômes universitaires en hypnose médicale dans les facultés de médecine : Paris Salpêtrière (AFEHM), Université Sorbonne, Université Bourgogne, Université de Bordeaux,…
A l’hôpital, elle accompagne la sédation médicamenteuse (pour la réduire) lors d’anesthésie, elle facilite la gestion de la douleur dans des pathologies dites chroniques, ou encore elle est proposée pour accompagner des sevrages tabagiques, faire face à des phobies (araignées, piqûre, …) ou accompagner des situations de stress (prise de parole en public, examen).
Si l’on peut être plus ou moins réceptif à l’hypnose, et si elle peut être plus ou moins profonde (le degré de profondeur n’est pas en lien avec son efficacité thérapeutique), elle repose toutefois sur une potentialité commune à chaque être humain : faire une expérience subjective, celle d’expérimenter un état dit modifié de conscience que l’on nomme la transe hypnotique. Attention ! Ce n’est pas la conscience qui est modifiée mais bien l’état : comme lorsque, concentré sur un sujet, on se met à rêvasser. D’ailleurs, la transe vous en avez déjà sûrement fait involontairement l’expérience en lisant, ou en écrivant (transe de l’écrivain), en dansant (transe du danseur), en conduisant lorsque vous étiez au volant tout en étant ailleurs…
L’approche de l’hypnose dont on parle le plus est celle qui vise la dissociation : lorsqu’on a mal, on cherche plutôt à se couper de la sensation douloureuse. Mais l’hypnose peut aussi être pratiquée dans une visée réassociative lorsque l’hypnothérapeute (vous réserverez le terme d’hypnotiseur à ceux qui font du spectacle et non du soin) aide à rétablir la relation entre des parties de soi qui s’ignorent les unes les autres comme c’est le cas dans les troubles psychosomatiques, dans certaines problématiques d’addiction ou encore pour les traumatismes qui ont été encapsulés.
Enfin, en dehors du soin médical, certains sportifs y recourent pour améliorer leur performance, d’autres encore pour permettre de développer leur intuition, leur créativité, leur ouverture au monde notamment par l’apprentissage de l’auto-hypnose.
Astrid ROUSTANG-JEGLOT
Sources :
- HALEY, J. (2007). Un thérapeute hors du commun : Milton H. Erickson, Paris : Desclée de Brouwer.
- ROUSTANG, R. (1994). Qu’est-ce que l’hypnose ?, Paris : Les Editions de minuit.
- FAYMONVILLE, ME : https://www.hypnosium.com/video/interview-pr-me-faymonville-lieges-belgique/
- CAZARD-FILIETTE, C., WOOD, C. & BIOY, A. (2016). Vaincre la douleur par l’hypnose et l’auto-hypnose, Paris : Vigot-Maloine.
- BELLEGROUX J. (2018). Autohypnose et performance sportive, Paris : Amphora.
- Revue TRANSES, La créativité, N° 6, Janvier 2019, Paris : Dunod.
- BENHAIEM, J-M. (2019). Hypnose toi toi-même- L’auto-hypnose l’expérience de la liberté, Paris : Flammarion.
par Ondine Peyron, Psychologue Clinicienne
le 2020-07-08
Lorsque l’on parle de groupe de thérapie, l’esprit associe souvent cela à groupe de parole ou groupe des AA (Alcooliques Anonymes). Or, depuis la création des AA il y a près d’un siècle, le champ de la thérapie a su s’approprier le groupe comme un riche outil thérapeutique, que l’on soit alcoolique ou non !
Il existe de nombreuses façons de travailler en groupe. En effet, c’est une pratique assez jeune et ses vertus reconnues en ont permis un développement rapide dans le champ de la psychothérapie. Certains parlent d’ailleurs d’« accélérateur de thérapie ». On retrouve des groupes de psychothérapie en psychanalyse, en analyse transactionnelle, en Gestalt, il existe aussi le psychodrame par exemple.
La taille du groupe varie en fonction du thérapeute et de la place disponible dans l’espace thérapeutique. Cependant, il est récurrent en analyse transactionnelle de trouver des groupes entre 6 et 10 clients. Ce groupe peut être animé par un thérapeute ou deux. Ici aussi, cela va dépendre du type de groupe à animer et le nombre de personnes présentes. Par exemple, au nombre de 18, il sera bien plus pertinent d’avoir deux thérapeutes présents dans l’espace.
Dans ma pratique de psychologue et psychopraticienne, la thérapie de groupe est un élément clé. En effet, en analyse transactionnelle, le travail en groupe a autant sa place que celui de couple, ou la thérapie individuelle. Ce qui paraît d’ailleurs assez logique : c’est une théorie de la communication et l’analyse des transactions sera encore plus riche in vivo.
En groupe, naturellement et assez rapidement se rejouent les problématiques personnelles de chacun. On va se sentir exclu, avoir des difficultés à prendre sa place, ou bien au contraire vouloir prendre toute la place et faire le plus de bruit possible.Je prends des situations extrêmes, mais qui sont assez récurrentes. Si l’on regarde de plus près, cette posture adoptée en séance semble bien connue de chacun. Elle ressemble étrangement à celle que l’on prenait enfant aux repas de famille, ou celle si inconfortable, retrouvée au quotidien au bureau…
Le fait de retrouver ces sensations bien désagréables pourraient être une bonne raison de ne pas vouloir intégrer un groupe de thérapie ! Mais je vais vous convaincre du contraire. En effet, comme énoncé précédemment, l’espace thérapeutique va permettre de ressentir ou reproduire de façon inconsciente des schémas bien connus. Cette libération facilitera la prise de conscience et la mise au travail. Pour moi, le groupe est un peu comme un petit laboratoire d’expériences où presque tout est possible du fait du cadre et des règles établies.
Dans mon cabinet, il s’agit d’un groupe, constitué de 6 ou 7 personnes avec qui j’ai déjà commencé un travail thérapeutique en individuel. En fonction d’un planning défini à l’avance, nous nous réunissons une à deux fois par mois et nous nous mettons au travail avec ce qui arrive dans l’ici et le maintenant le fameux hic et nunc. Autrement dit, dans un état de pleine conscience, chacun se met à l’écoute de ses pensées, ses émotions, ses ressentis puis les partage dans le groupe. Ceci peut prendre du temps, ou pas.
Voici un exemple :
Il est 19h16. Chacun est installé et a choisi le fauteuil, le petit canapé ou le grand canapé (dans mon cabinet, plusieurs types de sièges sont présents). Le groupe commence normalement à 19h15. C’est parti pour trois heures ensemble. Personne ne sait encore très bien ce qui va se passer mais tout le monde se connaît maintenant. À force de se réunir toutes les deux semaines et de partager des choses personnelles certains liens se sont déjà formés.
J’arrive à mon fauteuil, toujours le même, et exprime dans mon attitude non verbale que la séance peut commencer. Un moment de silence s’installe mais rapidement la parole prend place.
Ingrid : Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir je me sens un peu stressée de venir. J’avais d’ailleurs oublié la séance, mais mon téléphone me l’a rappelée et depuis je sens le stress monter.
Stéphanie : Ah oui c’est drôle ! Moi pas du tout. Au contraire, j’étais contente de vous retrouver ce soir. Avec les vacances qui sont passées, j’avais l’impression qu’une éternité nous avait séparé.
Silence.
Le thérapeute : Ingrid, est-ce que tu veux nous parler un peu de ce stress ?
Ingrid : En fait, la dernière fois on a parlé de mon père et j’ai eu l’impression qu’on n’était pas allé jusqu’au bout. Et je crois que je n’ai pas envie d’en parler…
Voici 5 minutes d’un début de groupe qui vont ouvrir sur de nombreux potentiels de travail. Certains décideront de faire leur cheminement en silence, d’autres pourront ou se sentiront dans le besoin de le partager dans le groupe. Le processus est en place et continue son chemin.
Pour développer l’alliance de confiance permettant le travail thérapeutique, certaines règles sont essentielles :
La règle de discrétion : Tout ce qui est dit dans le groupe reste dans le groupe. Peuvent être partagés des ressentis ou des vécus personnels, mais on ne parle pas des autres en dehors du groupe.
La règle de non-passage à l’acte : On ne touche pas son voisin ou sa voisine sans lui demander au préalable. Parfois on peut avoir l’envie par compassion ou sympathie de prendre l’autre dans ses bras, de lui tenir la main. C’est tout à fait possible mais : on demande ! En revanche, même si on demande, on n’a pas le droit de se frapper ou d’avoir de relations sexuelles.
La règle de sobriété : Chacun vient dans le groupe sans avoir bu ou fumé des substances qui altèrent la conscience.
En groupe, du fait d’être présent aux discours des autres, notre champ de conscience va s’élargir et permettre d’avoir accès à des zones encore non explorées.
Aussi, ce format est propice à la régression et donc à l’affaiblissement de nos défenses psychiques. Ce qui est certes parfois assez bouleversant, mais bénéfique à l’avancée personnelle.
La force du groupe est aussi un contenant important. Chacun fait partie intégrante du groupe et participe à son bon fonctionnement. Le fait de ne plus être seul face à ses blocages ou ses peurs rassure et réconforte. C’est ici que l’on voit l’effet thérapeutique que le groupe prend à lui seul du fait d’exister. Autrement dit, le fait de prendre part à une aventure commune est en elle-même thérapeutique et permet d’aller plus loin dans une démarche d’avancée personnelle avec en renfort et en soutien : le groupe.
Ondine Peyron
Raconte-moi ton groupe, Actualités en analyse transactionnelle 2015/3 (n° 151)
Edmond Marc, Christine Bonnal, Le groupe thérapeutique, Approche intégrative, 2014.
par Christine Pane, Psychologue Clinicienne
le 2020-07-01
L’approche thérapeutique de l’Intégration du cycle de la vie (ICV, en anglais LI c'est-à-dire Lifespan Integration) a été créée par Peggy Pace, une psychothérapeute américaine, au début des années 2000. Elle utilisait alors l’EMDR (Eye Movement desensitization and reprocessing), méthode qui consiste à traiter un souvenir traumatique pour en diminuer la charge émotionnelle. Un jour, dans son cabinet, alors qu’elle soignait un souvenir de la petite enfance d’une patiente, celle-ci resta bloquée dans cet évènement passé, comme si elle avait de nouveau 6 ans alors qu’elle était adulte. Peggy Pace lui demanda alors de se remémorer un souvenir à 7 ans puis 8 ans et ainsi de suite jusqu’à un événement récent. En aidant cette patiente à retraverser les évènements de sa sa vie, elle observa une amélioration de ses symptômes et de sa perception émotionnelle du traumatisme initial. L’ICV était né !
Peggy Pace partit du principe que « les personnes victimes de traumatisme savent (dans leur tête) que l’évènement est passé mais ne ressentent pas ceci comme vrai dans leur corps, et imagina une technique astucieuse pour faire faire à ses patients l’expérience, dans leur corps, de la sensation du temps qui a passé entre l'événement traumatique et aujourd’hui » (Joanna Smith).
La méthode de l’Intégration du Cycle de la Vie est donc une méthode psycho-corporelle qui se base sur les recherches récentes en neurosciences affectives portant sur le trauma et l’attachement :
Lorsqu'une personne vit un événement douloureux ou traumatisant, elle peut se sentir débordée et totalement impuissante à le gérer en fonction des circonstances, de son histoire, de son jeune âge et de son niveau de sécurité affective. Le cerveau est débordé et a du mal à traiter l’information. Il isole alors le souvenir traumatique dans un réseau neuronal peu connecté aux autres réseaux afin qu'il soit réactivé le moins possible, un peu comme s’il “l’encapsulait” dans un coin. Le souvenir est parfois tellement isolé qu’on peut développer une amnésie partielle ou totale de l’évènement. C’est un moyen tout à fait normal de survie, qui permet de se protéger de l’effraction psychique. Cependant, une image, un bruit, une odeur, une date, une situation, une émotion peuvent réactiver le trauma, comme si l'événement allait de nouveau se produire. Ainsi, une situation qui ne nécessite pas l’activation du système de stress en apparence peut tout de même déclencher certains comportements, pensées ou émotions parce qu’un élément semble similaire à la situation traumatique vécue parfois plusieurs dizaines d’années plus tôt.
Ces événements du passé continuent d’influencer notre comportement, consciemment ou non, et nous réagissons dans le présent de façon inadaptée aux enjeux actuels, comme si nous cherchions à résoudre la ou les situations du passé non résolues.
L’exemple typique est celui d’une personne ayant vécu un traumatisme lors d’un accident de voiture : elle se met à avoir des sueurs, palpitations, à chaque fois qu’elle remonte dans une voiture, même des années après l’accident. Même si elle sait que l’accident est loin derrière elle, son corps réagit comme s’il ne le savait pas.
Dans des situations comme celles-ci, la source de la réactivation semble évidente mais il est parfois plus difficile de faire le lien, comme par exemple dans le cas d’attaques de panique qui peuvent trouver leur source dans les premiers liens d’attachement teintés d’une forte anxiété.
A la naissance, notre cerveau est immature et très fragile. Un bébé humain ne peut rien faire tout seul, il ne peut survivre sans sa ou ses figures d’attachements.
Les structures plus « rationnelles », comme le cortex préfrontal, qui vont servir à réguler les émotions ne sont pas encore développées chez le tout petit.
Le rôle de la figure principale d’attachement est de se substituer à ces structures pour réguler les émotions de son enfant.Ce dernier pourra ainsi faire régulièrement l’expérience d’apaisement lors de situations stressantes, ce qui lui permettra d’acquérir petit à petit les capacités pour réguler ses émotions lui-même.
Parfois, la figure d’attachement n’est pas suffisamment disponible pour répondre et moduler les besoins émotionnels de l’enfant qui développe alors des croyances et des schémas sur la vie et dans ses relations tels que : le manque de confiance en l’autre, la peur d’être rejeté, les difficultés de séparation, le sentiment d’insécurité, les difficultés de régulation de ses émotions…
Une des perspectives intéressantes de la thérapie ICV est de travailler sur cette période du début de vie. Il ne s’agit pas de transformer la qualité de l’attachement originel à nos parents mais de développer un autre attachement à nous-même et, par là-même, aux autres. Le thérapeute va amener l’adulte à entendre qu’il n’est plus dans l’environnement de l’époque et qu’il est un bébé digne d’attention et d’amour. « Cette compréhension de son histoire rend alors possible la désactivation des réseaux neuronaux ayant inscrit psychiquement et dans son corps la croyance qu’il n’en vaut pas la peine ou qu’il y a un danger à être dans une relation intime et de confiance » (Eric Binet).
L’objectif, grâce à l’imagination active et à la posture du thérapeute, est de vivre des expériences positives afin que le patient puisse développer une auto-compassion vis à vis du tout-petit qu’il a été et qu’il porte en lui.
L’outil principal de la thérapie est la ligne du temps. Il s’agit d’une liste chronologique de souvenirs marquants élaborée par le patient pour chaque année de sa vie, de son premier souvenir jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, la sieste en maternelle / le lapin dans la classe / la visite à la maternité /…./premier job/divorce/.../ le début du confinement /et un souvenir tout récent pour revenir dans le présent.
Pour un trauma récent, on demande au patient de se rappeler d’une quinzaine de souvenirs depuis le choc jusqu’à aujourd’hui.
Ce « voyage » dans le passé permet de remettre chaque souvenir à sa place et par la même diminue la charge émotionnelle qui était associée à ces évènements douloureux.
Au fil des répétitions, certains souvenirs sortent de leur isolement, d’autres émergent spontanément et s’intègrent à l’histoire, connectés aux autres.
Divers protocoles existent avec des objectifs différents : améliorer la régulation émotionnelle, traiter les conséquences d’un événement traumatique, traiter une relation douloureuse, faire vivre au patient des expériences réparatrices en rejouant les interactions précoces que le patient aurait dû vivre à ce moment-là.
L’ICV est donc une méthode douce qui permet la « digestion » des émotions du passé en reconnectant les réseaux neuronaux les uns aux autres afin de dater les événements passés et faire en sorte que le système corps-esprit n’y réagisse plus malgré nous. Sentir dans son corps que le passé est terminé est ce qui assure le changement. L’originalité et la profondeur de cette approche est de pouvoir aussi engager un travail de réparation minutieux des enjeux relationnels précoces.
Cette thérapie est principalement indiquée pour le traitement des traumatismes récents ou anciens, avec ou sans troubles de stress post-traumatique, des difficultés de régulation émotionnelle et des troubles de l’attachement.
L’ICV permet de travailler autour des relations précoces lorsque celles-ci ont été marquées par des séparations, une hospitalisation, une dépression, des négligences ou de la maltraitance.
Sources
- Joanna Smith, (2018), A la rencontre de son bébé intérieur, Dunod.
- Eric Binet, (2017), Le présent au secours du passé, Satas.
- Peggy Pace, (2019), Pratiquer l’ICV, Dunod.
Pour aller plus loin et rechercher un thérapeute
https://integrationcyclevie.com/
par Emmanuelle Vaux Lacroix, Psychologue clinicienne. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre
le 2020-06-10
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est l’EMDR ?
Cela veut dire Eye Movement Desensitization and Reprocessing. En français, on dit EMDR ou Désensibilisation et Retraitement par les mouvements oculaires. C’est une thérapie créée par Francine Shapiro en 1987 et qui a pour but de traiter des souvenirs traumatiques qui restent actifs. Quand je dis “actif”, je parle par exemple d’une personne qui fait des cauchemars ou pense à l'événement traumatique fréquemment sans en avoir l’intention. L’EMDR permet au cerveau de digérer quelque chose de façon naturelle grâce, entre autres, à ce que l’on appelle des stimulations bilatérales alternées (SBA), le fameux mouvement des doigts devant les yeux. Ces SBA peuvent également être produits de façon sonore (avec un casque) ou tactile (ce que l’on appelle du tapping).
La théorie qui sous-tend cela en EMDR est ce que l’on appelle le Traitement Adaptatif de l’Information (TAI). L’hypothèse de Shapiro est que notre corps et notre cerveau sont faits pour traiter de l’information de manière adaptée de façon naturelle. Normalement, je sais classer les informations et souvenirs dans mon cerveau : un bon repas avec des amis le samedi soir où il ne s’est rien passé d’extraordinaire se range dans les souvenirs types “soirées entre amis”. Je ne me pose pas la question et je traite.
Les souvenirs difficiles peuvent être classés dans la boite « je suis nulle » ou « souvenirs tristes » ou « souvenirs trop difficiles à traiter », mais je peux ne pas me souvenir que cette boite (symbolique) des « souvenirs trop difficiles » existe…
Les souvenirs agréables ou douloureux, mais traités (par exemple le deuil d’un grand-parent ou d’un échec professionnel ou d’une rupture amoureuse) vont constituer la mémoire autobiographique, et je saurai parler de ce qui m’est arrivé dans la vie en y faisant référence, tout en ayant conscience que ces événements sont dans le passé.
On se souvient mieux des souvenirs très douloureux, quand ils n’ont pas pu être traités par notre cerveau, car on ne sait pas toujours où les classer dans la bibliothèque à souvenirs. C’est ce que l’on appelle une mémoire traumatique : j’ai l’impression que c’est encore actuel, je n’arrive pas à le mettre dans le passé. Le travail de mise en mémoire ne se fait pas naturellement. Quand un souvenir est très désagréable et traumatique (ce qui veut dire qu’il y a une confrontation directe ou indirecte avec la mort) ou quand il y a une répétition d’évènements moins dramatiques mais très répétitifs (par exemple : un parent qui régulièrement fait des commentaires sur le physique de l’enfant ; un supérieur hiérarchique qui dénigre le travail ; une mise à l’écart par plusieurs groupes d’amis…), le cerveau ne sait pas traiter cette information. Le souvenir reste donc actif et peut être activé par des déclencheurs. Par exemple, si j’ai été agressé par quelqu’un portant un pull rouge, les pulls rouges vont me faire peur mais je ne sais pas forcément pourquoi. Je peux ne pas me souvenir de ce genre de détails, donc ne pas comprendre pourquoi j’ai peur du rouge et parfois ne pas me souvenir de l’évènement dans sa totalité, ce que l’on appelle alors une amnésie dissociative.
Le fait d’être “déclenchés” par des choses apparemment neutres, est un phénomène qui a été très présents chez ceux qui avaient vécu le Bataclan : dès qu’ils entendaient des bruits forts, comme des feux d’artifice, ils étaient paniqués.
L’histoire officielle est que Francine Shapiro faisait des études de littérature, a traversé un cancer et voulait ensuite donner sens à sa vie. Elle s’est donc réorientée pour faire des études de psychologie. Elle devait faire sa thèse et un jour, elle est dans les bois, et elle se rend compte qu’en faisant des balayages oculaires (en regardant les arbres), quelque chose qui l'inquiétait ne l’inquiète plus. Elle décide de tester cela sur des amis psys, mais en se rendant compte qu’ils n’arrivent pas à balayer spontanément, elle invente la stimulation avec le balayage des doigts. Elle remarque que chez eux aussi, l’inquiétude liée à un événement peut baisser. Au début ça ne s’appelait que EMD, car elle ne faisait que la désensibilisation oculaire dans un premier temps. Elle propose d’évaluer cette technique et d’en faire un sujet de thèse en rencontrant des vétérans de la guerre du Vietnam. Tous présentaient un TSPT, ou Trouble de Stress Post-Traumatique. Elle a des résultats très prometteurs, et c’est comme ça que tout démarre.
Elle va ensuite ajouter le Retraitement. C’est l’idée qu’à chaque trauma s'ajoute une pensée négative qu’on a sur nous-mêmes : “Je suis responsable, je suis une mauvaise personne”, par exemple.
L’EMDR permet donc non seulement de désensibiliser, c’est-à-dire parvenir à parler du souvenir traumatique sans s’effondrer car il n’est plus “actif”, mais en plus de retraiter les pensées dysfonctionnelles qui y sont associées.On comprend grâce à cela que l’on n’est pas responsable, que l’on n’est plus en danger face à nos déclencheurs. Ces souvenirs resteront difficiles, ce ne seront jamais des souvenirs joyeux mais il sera possible d’en parler sans avoir cette sensation de peur, de tristesse, ou de honte et il n’y aura plus de manifestations corporelles.
Les évolutions de l’EMDR sont infinies. L’EMDR est reconnue par l’OMS et la HAS (Haute Autorite de Santé) comme étant la thérapie la plus efficace, avec les TCC, pour traiter le trauma. Cette reconnaissance permet d’avoir accès à des fonds importants pour la recherche, rendue plus facile car l’EMDR est protocolisé. Ceux qui font de l’EMDR sont tous psychologues ou psychiatres mais viennent souvent de courants thérapeutiques différents au départ et donc ça donne une communauté de thérapeutes riche, que je respecte beaucoup.
Le trauma est classiquement défini comme la confrontation directe ou indirecte avec la mort mais cette définition est réductrice. Le trauma peut aussi être constitué d’une accumulation de petits traumatismes, de la part des parents par exemple. Quelqu’un qui a subi des moqueries incessantes durant son enfance pourra aussi avoir un vécu dit traumatique. En anglais, nous utilisons l’expression “Big T and little t trauma”, c’est à dire trauma avec une majuscule ou une minuscule, pour bien souligner cette différence. L’EMDR peut donc s’adresser à tout le monde. Je reçois des personnes pour tous types de problématiques : divorce, burn out, dépression ou encore phobies car nous avons des protocoles spécialisés pour répondre à différents besoins.
Les gens pensent que c’est une thérapie seulement destinée au trauma, mais c’est en fait une thérapie intégrative. L’EMDR n’est pas que l’outil de désensibilisation, mais c’est aussi le TAI c’est à dire le Traitement Adaptatif de l’Information.Je me demande : qu’est-ce que mon patient n’a pas pu traiter dans son expérience ? Nous traitons beaucoup de choses encore méconnues du grand public comme la maltraitance par négligence émotionnelle : étant enfant, le parent répondait aux besoins matériels mais sans prendre en compte les besoins affectifs.
L’EMDR est composé de 8 phases, et tout le monde se représente bien la phase 3 à 7 car ce sont les phases de désensibilisation. Avant cela, on fait un travail d’anamnèse et de stabilisation, où on aide les patients à travailler leurs ressources. La phase 8 est dédiée à ce que l’on appelle la réévaluation et les scénarios du futur. Elle permet de nous assurer que le traitement a tenu d’une séance sur l’autre. Puis nous proposons à nos patients de se visualiser dans une situation similaire dans le futur pour bien ancrer le changement (par exemple, quelqu’un qui avait une phobie de la conduite suite à un accident de voiture ; une fois le souvenir de l’accident retraité, nous allons lui proposer de se visualiser en train de conduire tranquillement… et après de le faire dans la vraie vie évidemment !)
Durant la phase de stabilisation, l’EMDR puise dans d’autres courants comme l’hypnose, les TCC, ou encore la sophrologie. On renforce d’abord le patient et ses ressources avant de traiter le trauma car sinon le retraverser pourrait être trop difficile, selon la complexité de l’histoire du patient. Cependant ce n’est pas magique, ça ne se fait pas en 3 séances. Les seuls traumas qui se traitent facilement sont les traumas récents simples, comme un accident récent mais sans séquelle et sans que le patient n'ait eu des traumas antérieurs. Ce n’est pas comme de l’hypnose, on ne fait pas une séance isolée d’EMDR.
Nous n’avons pas besoin d’avoir les détails des événements pour pouvoir soigner le trauma. Quand on demande de raconter plusieurs fois le trauma, Janet et Ferenczi le disaient déjà à leur époque, on finit par retraumatiser le patient. Ils gardent trop dans le présent ce qui appartient au passé, ce qui peut parfois être le cas dans des thérapies classiques lorsque que l’on réaborde de nombreuses fois les mêmes traumatismes.
On ne sort pas d’une séance secoué car on restabilise le patient à la fin de la séance. On travaille toujours en attention double, c’est-à-dire avec un pied dans le passé et un dans le présent. C’est une situation très inconfortable mais je m’assure que mon patient n’a pas deux pieds dans le présent, car dans ce cas nous ne sommes que dans le cognitif. Et si le patient a les deux pieds dans le passé, il risque d’être trop déstabilisé. A la fin de la séance cependant, on a de nouveau deux pieds dans le présent. On travaille avec ce que l’on appelle la fenêtre de tolérance. On fait attention au fait que nos patients ne soient surtout pas en hyperactivation (fight or flight, c’est à dire qu’ils veulent fuir ou combattre) ou en hypoactivation (freeze, la sidération). Si tel est le cas, c’est qu’on est allés trop loin. J’ai des personnes qui viennent à 8h du matin et qui vont travailler ensuite, donc une séance d’EMDR n’est pas plus bouleversante qu’une autre forme de thérapie.
Aujourd’hui sur internet on trouve beaucoup de vidéos de séances d’EMDR, pour ceux qui sont intéressés par le fait de mieux comprendre ce qu’il s’y passe.
Ils me demandent souvent : A quoi ça sert d’aller remuer le passé ?
Je leur réponds que quelque chose qui vous dérange ou s’active trop dans le présent, fait forcément écho à quelque chose dans le passé. Ils ne comprennent pas certaines de leurs réactions, ils se voient faire mais n’arrive pas à s'arrêter.J’ai souvent l’exemple de parents qui se mettent trop en colère contre leurs enfants mais ils n’arrivent pas à se maîtriser. Ils ont des réactions disproportionnées car l'événement fait écho à leur histoire. Je vois aussi des personnes qui n’arrivent jamais à avoir une relation amoureuse stable, les choses se passent toujours mal. Dans leur cas, il y a un manque de sécurité dans l’attachement au départ. Ils ont des formes d’attachement anxieux, évitant ou encore désorganisé et on travaille sur cela avec eux.
Dans 85% des cas, le trauma unique évolue positivement sans problème. Le plus dur à traiter, c’est le viol ou encore le trauma complexe qui démarre dans la petite enfance et vient des figures d’attachement. Ce trauma de l’enfance est difficile car ce sont les personnes qui doivent assurer notre sécurité qui génèrent le trauma. Muriel Salmona explique bien cela sur son site (lien en bas de l’article).
Sur le site EMDR France, il y a un annuaire. Pour y être on a été accrédités, donc supervisés. Tous les 5 ans, on se fait réaccrédités. C’est une des forces de l’EMDR. Pour être maintenir ce titre, les praticiens doivent faire de la formation continue.
Sur les sites EMDR, il y a des petits booklets qui détaillent bien les choses pour les patients et il y a accès à pleins de vidéos de séances d’EMDR.
Il y aussi EMDR Europe pour ceux qui sont à l’étranger. Chaque pays a son site, que je vous encourage à découvrir.
par Hermine Béthune, Psychologue clinicienne
le 2020-06-03
Vous venez de vivre un évènement choquant, un évènement auquel vous n’étiez pas préparé ? De par sa nature brutale et menaçante pour la vie
psychique et/ou physique, ce dernier peut devenir un traumatisme.“On peut définir le traumatisme psychique, ou trauma, comme un phénomène d’effraction du psychisme et de débordement de ses défenses par les excitations violentes afférentes à la survenue d’un événement agressant ou menaçant pour la vie ou l’intégrité (physique ou psychique) d’un individu, qui y est exposé comme victime, témoin ou acteur”. (Chidiac & Crocq, 2010).
Revenons succinctement sur différentes réactions pouvant être observées et décrites durant le temps de l'événement traumatique. En tant que psychologue, nous recevons fréquemment des impliqués** animés d’une grande culpabilité d’avoir agi ou de ne pas avoir agi lors de l'événement vécu. Néanmoins ces différentes réactions ne sont pas le fruit de la volonté. Il s’agit de réponses instinctives régies par nos structures cérébrales qui concentrent leur activité afin d'accroître la vigilance pour se défendre face à la menace perçue. Cette défense s’organise en fonction de la personne que vous êtes. A savoir : un être unique de par votre génétique et de par les multiples expériences vécues tout au long de votre vie. Il n’existe pas de « bonne » ou « mauvaise » réaction, il s’agit de la vôtre et c’est une réaction qui ne peut être contrôlée par la conscience.
Certaines réactions vous sont déjà familières, elles sont connues sous les termes « fight or flight » ou réponse “combat-fuite”.
Ici, nous vous en exposons deux autres qui sont intéressantes à savoir repérer si vous ou un proche, êtes victime d’un événement traumatique. Elles font partie d’une troisième réponse : « freeze », littéralement « se geler », physiquement ou psychiquement.
Il s’agit d’une part de la sidération qui est un « état de stupeur émotive dans lequel le sujet, figé, inerte, donne l’impression d’une perte de connaissance ou réalise un aspect catatonique par son importante rigidité, voire pseudoparkinsonien du fait des tremblements associés » (Buffet, 2014). La sidération est une réaction qui s’apparente à une anesthésie. Nous pouvons l’observer aussi chez certains animaux qui vont simuler un état de mort afin de leurrer un prédateur menaçant. Ce phénomène a toujours existé et a vocation de protéger le psychique notamment en distanciant la souffrance et les émotions.
Une autre réaction pouvant être observée : la dissociation. Elle est caractérisée par une perturbation et/ou discontinuité dans l’intégration normale des émotions, de la conscience, de l’identité et de la mémoire (DSM-5***, 2013). Elle peut prendre différentes formes telles que l’amnésie dissociative (l’oubli d’éléments spécifiques liés à l’évènement ou encore la totalité de l’évènement), la dépersonnalisation (impression de sortir de son corps, de s’observer) ou la déréalisation (expérience d’irréalité de l’environnement).
C’est notamment en raison de ces réactions que certaines interventions précoces existent. Si vous venez d’être confronté à un événement potentiellement traumatique, vous pourrez être amené à rencontrer dès la fin de l’évènement des psychologues, médecins, infirmiers (Constantin-Kuntz et al., 2004). Ces interventions auront pour vocation de contenir le stress et d’essayer de recréer une cohérence dans le discours afin de sortir d’un état de sidération et/ou de dissociation.
L’expérience traumatique peut être vécue directement (témoins, victimes), ou indirectement (présents aux alentours, proches). La prise en charge psychologique était dans un premier temps, centrée autour des impliqués directs avec comme objectif de limiter les répercussions psychologiques à court, moyen ou long terme comme par exemple les Troubles de Stress Post-Traumatique (TSPT). L’expérience des différentes interventions menées a permis de faire le constat que tous les impliqués directs ne développent pas automatiquement de TSPT. En revanche on peut observer que les personnes n’ayant pas vécu l'événement physiquement mais ayant été au contact d’impliqués directs (famille, collègues, amis) pouvaient développer une symptomatologie traumatique (Constantin-Kuntz et al., 2004). Cela sous-tend alors l’importance de la prise en charge des impliquées indirects en sensibilisant notamment sur leur légitimité à recevoir des soins au même titre que les personnes impliquées directement.
A la suite de l’événement, il se peut que des manifestations de stress surviennent. Il s’agit d’un temps de digestion de ce qui vient de vous arriver. Vos réactions (trouble du sommeil, de l’alimentation, d’irritabilité, souffrance psychique et somatique, etc.) sont des réactions normales à la suite d’un événement dit anormal. Néanmoins, s’il est naturel de traverser ces états pendant un temps, prendre conscience de l’intérêt d’une prise en charge psychologique semble primordial afin de limiter l’enkystement dans ces manifestations de stress.
Des suites d’un événement traumatique peuvent naître des marqueurs et des manifestations psychologiques et physiologiques témoignant d’un état de stress qui ne s’estompe pas, malgré le temps qui passe (DSM-5, 2013).
On peut observer :
Des reviviscences : souvenirs répétitifs, envahissants, involontaires.
Des flashbacks : des dissociations pendant lesquelles l’évènement traumatique est revécu provoquant une importante détresse.
Des terreurs nocturnes ou cauchemars : des rêves répétitifs liés à l’évènement traumatique un sentiment intense ou prolongé de détresse psychique lors de l’exposition à des indices externes pouvant évoquer un des aspects de l’expérience traumatique (odeurs, couleurs).
Des conduites d’évitement : en raison de cette détresse ressentie, on peut observer alors des conduites d’évitement visant à limiter l’exposition à des rappels externes qui pourraient éveiller des souvenirs ou des pensées liés à l’évènement (contourner des lieux, limiter les sorties, ne plus voir certaines personnes).
Par ailleurs on peut aussi observer :
Des altérations négatives des cognitions et de l’humeur (difficulté de mémorisation, de concentration, humeur négative persistante, diminution de l’intérêt portée aux activités de loisirs, irritabilité, incapacité à éprouver des émotions positives ou de plaisir, sentiment de détachement d’autrui).
D’autres marqueurs, tels que des accès de colères, des comportements autodestructeurs, de l’hypervigilance peuvent aussi émerger.
Quelle que soit la durée entre l'événement et l’apparition de certains de ces symptômes (des semaines, des mois ou parfois même des années), s’ils s’installent au-delà d’un mois, ils manifestent d’un état de stress directement liés à l’exposition traumatique (DSM-5, 2013).
Vivre ces manifestations est particulièrement difficile et quotidiennement éprouvant. Leur installation dans le temps, signe de futures difficultés dans les différentes sphères de la vie d’une personne (familiale, relationnelle, professionnelle).
Ainsi la prise en charge thérapeutique a pour vocation d’aider à sortir de cette souffrance infernale venant perturber l’organisation psychique, somatique et personnelle.
L’addiction : On observe un lien fort entre l’addiction et le psychotraumatisme. En effet, lorsqu’on vit une telle souffrance on peut se tourner vers des « anxiolytiques » naturels (drogues, alcools, antidouleurs) qui peuvent avoir provisoirement l’effet de contenir l’angoisse en permettant notamment de trouver le sommeil. L’addiction s’installe insidieusement et constituera une difficulté supplémentaire importante à long terme. L’effet recherché reste le même (en moins ciblé et en provoquant de graves addictions) que celui dont vous pourriez bénéficier par un traitement prescrit par un médecin pour soulager ces angoisses. Les avantages de passer par un médecin sont que les effets et la durée du traitement seraient contrôlés afin d’éviter les addictions. Ces traitements seraient choisis et adaptés spécifiquement pour vous.
La dépression : Le stress vécu de manière prolongée (adrénaline, hyper activation de l'amygdale) épuise certaines régions cérébrales, telles que celles permettant notamment de sécréter des hormones dites de « bonheur » (dopamine, sérotonine). Il s’agit alors d’une entrée dans la dépression avec de nouveaux symptômes surgissant et paralysant un peu plus encore la vie psychique, sociale, familiale et professionnelle. L’expérience de ces symptômes et de cette souffrance peut aboutir à des idées suicidaires pouvant conduire au passage à l’acte.
Ne pas s’enfermer dans le silence et la souffrance.
Le tableau clinique décrit ci-dessus est inquiétant et handicapant. On n’en soupçonne l’existence qu’une fois qu’on en fait l’expérience. Ainsi en revenant au point de départ de ces manifestations et pathologies, on en revient au vécu du stress suite à l'événement traumatique. On peut alors prendre la mesure de l’intérêt de ne pas s’enfermer dans le silence et la souffrance. Il est toujours plus accessible et efficace de travailler sur ces manifestations dès l’apparition des symptômes plutôt qu’en situation d’épuisement psychologique extrême. Malheureusement, en tant que psychologue, on observe une grande tendance à ne pas vouloir ou oser initier des prises en charges. Cela peut être liée à un déni des troubles apparus ou la conviction que rien ne peut être fait pour soulager ces souffrances. C’est pourquoi il semble important d’être sensibilisé et d’être vigilant à son entourage pour aider et accompagner une personne dans cette démarche. Car même si une personne développe un TSPT, sombre dans la dépression et/ ou dans une addiction: il est possible grâce au travail thérapeutique, aux ressources personnelles et aux ressources de l’entourage, de sortir de ces souffrances et de pouvoir recommencer à vivre, en se retrouvant.
De nombreux intervenants se mobilisent et proposent des thérapies ayant démontré leur intérêt dans la prise en charge de personnes exposées à un événement traumatique.
Les Cellules d’Urgences Médico Psychologiques (CUMP) se mobilisent dès lors qu’un évènement grave impliquant plusieurs victimes survient. Constituées de médecins, psychologues, psychomotriciens, infirmiers, elles sont une source de soutien et de transmission d’informations importantes tels que les centres et numéros qui peuvent être contactés pour une prise en charge. L’un des objectifs de ces interventions, dites de « defusing » et de « debriefing » , est de permettre de recréer une cohérence dans le discours afin de pouvoir sortir d’un éventuel état dissocié ou sidéré et de permettre une conscientisation ainsi qu’une élaboration de l’expérience vécue.
Par ailleurs, dix centres nationaux de psychotraumatologie coordonnés par le Centre National de Ressource et de Résilience (CN2R) ont ouvert leurs portes récemment suite à un appel à projet ministériel. Leur vocation est d’améliorer les connaissances et la prise en charge de personnes ayant vécu un événement traumatique.
Faîtes-vous confiance et prenez en considération le droit que vous avez à vivre un accompagnement, sans que cela ne rime avec échec personnel ou faiblesse morale. Accordez à vos proches la confiance de vous faire part de leurs inquiétudes s’il en existe à votre égard et entendez-les. L’entourage est une ressource particulièrement aidante en cas de difficulté, essayez de ne pas vous isoler dans votre souffrance.
Pour finir, il est toujours possible d’évoluer et de bénéficier rapidement d’un mieux-être, notamment concernant les symptômes tels que les reviviscences, les troubles du sommeil et les flashbacks qui peuvent s’apaiser rapidement grâce à des outils thérapeutiques ciblés et conçus pour. Il est conseillé de tenter des approches thérapeutiques qui sont élaborées et scientifiquement reconnues par l’OMS et l’HAS pour la prise en charge du traumatisme, comme l’EMDR et l’ICV, proposées par des psychiatres et des psychologues.
Lexique:
* Somatique: traduction physique d’un stress psychique (ex: maux de tête, de dos, trouble du sommeil, eczéma).
** Impliqué: Mot utilisé pour désigner une personne ayant vécu un événement traumatique.
*** DSM-5: Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié en 2013 par l’Association Américaine de Psychiatrie (APA).
Sources :
American Psychiatric Association. (2013). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (5 e éd.). Arlington, VA: American Psychiatric Publishing.
Buffet, A.-L. (2014, septembre 24). État de sidération—Définition. Consulté, à l’adresse https://cvpcontrelaviolencepsychologique.com/2014/09/24/etat-de-sideration-definition/
Chidiac, N., & Crocq, L. (2010). Le psychotrauma. Stress et trauma. Considérations historiques. Annales Médico-Psychologiques, Revue Psychiatrique, 168(4), 311– 319. doi:10.1016/j.amp.2010.03.013
Constantin-Kuntz, M., Samba, F., Zoute, C., Moreau, P., & Chaumet, F. (2004). Des traitements psychologiques des impliqués indirects dans les situations d’urgence psychologique. Pratiques Psychologiques, 10(4), 335‑347. https://doi.org/10.1016/j.prps.2004.09.002
par Hugues Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.
le 2020-03-17
Comment définir la psychanalyse ? C'est une question complexe et d'une brûlante actualité (une fois de plus). Les débats autour de la psychanalyse furent encore très endiablés dans la presse lors du 50ème anniversaire de la mort de Sigmund Freud l'année dernière.
Comme le rappelle Edgard Morin, si le monde pose des questions complexes, nous nous devons d'y apporter des réponses complexes. Les lignes qui vont suivre n'ont pas la prétention d'apporter ces réponses, ni l'objectif de défendre ou de montrer la supériorité de ce modèle sur un autre, mais plutôt d’approcher de manière « complexe » la psychanalyse, et en particulier la psychothérapie psychanalytique.
Replacer la psychanalyse dans son histoire
Un élément que nous n'aurons pas le temps de détailler au sein de cet article, mais qui nous paraît primordial pour bien comprendre ce que recouvre la psychanalyse, serait de replacer cette science ? Cet art ? Dans son histoire. Replacer en effet la psychanalyse dans son histoire nous permettrait de dessiner son contexte d'apparition, ses influences, mais aussi son évolution. La psychanalyse naissante, du début du XXème siècle à Vienne, était sûrement bien différente de celle des années 60 à Paris ou encore des théories psychanalytiques actuelles. Ce travail historique permettrait aussi de replacer la psychanalyse dans l'histoire de la psychologie, discipline finalement très récente (1889 en France avec Théodule Ribot) mais qui prend en revanche sa source depuis l'antiquité par un questionnement existentiel que l'on retrouve dans l'étymologie "Psyché-logos" : discours sur l'âme.
Tentative de définition : une ou des psychanalyses ?
Si nous laissons avec regret ce travail historique de côté, nous souhaitons nous concentrer sur une tentative de définition, car lorsque nous parlons de psychanalyse, finalement de quoi parlons-nous ?
De l'inconscient, de l'analyse des rêves, d'une vision de l'homme et de la femme, de la société, ou encore de la maladie mentale ? En effet, comme le rappelle Laplanche et Pontalis dans leur Vocabulaire de Psychanalyse, il y aurait « trois psychanalyses ».
La première serait ce procédé d'investigation de l'inconscient, une méthode pour accéder à cette partie "non-consciente" du sujet (comme disent d'autres modèles).
La deuxième : l'ensemble des théories psychologiques que recouvre la psychanalyse. D’ailleurs, elles aussi ont évolué au cours de l'histoire et sont parfois passées dans le langage courant : tel le complexe d'Œdipe, les lapsus, ou encore le refoulement (au risque d’être simplifiés et de perdre la complexité qui entoure ces éléments théoriques).
Enfin, et c'est ce point que nous détaillerons plus loin, lorsque nous parlons de psychanalyse nous évoquons aussi le modèle thérapeutique : la cure ou la psychothérapie psychanalytique ; avec ou sans le fameux divan.
Aujourd'hui, nous dénombrons plus de trois cents modèles de psychothérapies, alors comment s'y retrouver ? Si nous reprenons le troisième point de définition du Vocabulaire, les auteurs nous disent que la psychanalyse est : " une méthode psychothérapeutique fondée sur cette investigation (des processus inconscients) et spécifiée par l’interprétation contrôlée de la résistance, du transfert et du désir." Sans développer ces différents points théoriques ici, nous pourrions avancer dans un premier temps l’idée que, lorsqu’une psychothérapie s'appuie sur le modèle psychanalytique, cette psychothérapie s'attache plus à une vision holistique du sujet qu'à un travail sur une problématique spécifique.
Les autres modèles de psychothérapies ne s'occupent pas seulement du symptôme (ce serait les caricaturer) et écoutent bien évidemment le patient dans sa globalité, mais la spécificité du modèle psychanalytique tient dans son travail de compréhension de la subjectivité du sujet en étant à l'écoute de sa réalité psychique.Nous pourrions dire que ce type de psychothérapie est moins stratégique, moins "centrée sur le problème", mais qu'elle tente, à partir du problème posé par le patient, d'amener ce dernier à reprendre une prise sur son histoire, ses répétitions et donc son fonctionnement actuel, car tout serait lié. Comme toute psychothérapie, l'objectif reste le changement, mais ce changement est plus interne qu'externe. Cela entraîne évidemment des répercussions dans la vie externe du sujet, mais cela n'est peut-être pas l'objectif premier du travail thérapeutique ou le changement recherché à tout prix.
Le cadre de la psychothérapie psychanalytique
Pour terminer, nous pourrions rappeler rapidement le cadre de la psychothérapie psychanalytique (nous laissons de côté sciemment la cure psychanalytique moins présente aujourd'hui et plus spécifique). La première règle, que Freud avait détaillée en son temps et qui est restée comme un élément central de ce modèle, serait de dire tout ce qui nous passe par l’esprit sans rien n’omettre ni retenir - à la manière, rappellera le médecin viennois, d’un voyageur en train qui regarderait le paysage défiler et le décrirait à son compagnon de voyage. Ce principe de libre association donne en effet cette tonalité très ouverte et libre du discours. Enfin, la fréquence des rencontres est variable en fonction des patients et des demandes, mais on pourrait dire qu'une fois par semaine est un minimum, pouvant aller jusqu'à deux à trois fois par semaine dans le dispositif de la cure. Sur la durée, il n'y a pas de règle, l'objectif n'étant pas fixé sur une problématique précise, cela peut varier de plusieurs mois à plusieurs années.
Nous serions tous constitués de cette même réalité psychique façonnée par notre histoire passée, notre environnement et nos évènements de vie qui feraient bouger ce curseur.
par Damien Fouques, Psychologue clinicien et Maitre de Conférences. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre
le 2020-03-10
Damien Fouques est psychologue, psychothérapeute, pratiquant la TCC et la thérapie EMDR. Formateur et superviseur en TCC à l’AFTCC, il est actuellement Maître de conférences en psychologie clinique empirique et TCC à l’université de Paris Nanterre. Il y conduit des recherches sur les syndromes psychotraumatiques, le surpoids et l’obésité et la question de l’évaluation psychologique en général.
Il est diplômé de l’EPP (promotion 1997), et des universités de Nanterre et de Dijon. Il a exercé auprès d’adultes, à l’hôpital ainsi qu’en libéral. Il a enseigné à l’EPP Lyon et Paris pendant 18 ans le test de Rorschach en Système Intégré, la psychologie clinique et une initiation aux TCC.
Dans le cadre de PsyYou pourriez -vous nous aider à appréhender la TCC aujourd’hui par quelques repères historiques et épistémologiques, mais aussi méthodologiques, d’observations de pratique ?
La grande particularité de la TCC par rapport aux autres thérapies, est qu’elle est née dans le laboratoire. Ce n’est qu’ensuite qu’elle s’est exportée à la pratique clinique, auprès de patients. Les premiers travaux remontent au début du XXe siècle, durant les années 20, mais il faudra attendre beaucoup plus tard, vers les années 50, pour que les applications en clinique commencent à se diffuser. En France, l’AFTC (Association Française des Thérapies Comportementales) à l’époque, réunion de quelques rares cliniciens, psychologues et psychiatres, ne date que de 1971. Depuis, le développement de la TCC ne cesse de croître en France, même si nous conservons un certain retard par rapport à d’autres pays. Si, durant les années 80, la deuxième vague (approche cognitive) a permis au modèle de s’enrichir et de continuer à se développer, le réel boom de développement s’est produit, il me semble, il y a environ 10 ans, avec les thérapies TCC dites de 3ème vague incluant la Pleine Conscience ou encore la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT). Ce boom a permis une plus grande diffusion auprès du grand public et une meilleure connaissance des TCC.
Quels sont les troubles ou les types de patients pour lesquels vous conseilleriez une TCC ?
C’est une question délicate, que ce soit pour la TCC ou pour n’importe quelle forme de thérapie. Il me semble qu’il est très difficile de parler d’indication uniquement en termes de pathologie. Cette question est d’ailleurs un champ de recherche passionnant, insuffisamment défriché à ce jour.
Bien sûr, du fait de la filiation expérimentale de la TCC, cette dernière se prête beaucoup à une approche scientifique empirique et donc elle a tout de suite eu à cœur de tester son efficacité par le biais d’études scientifiques rigoureuses. Pour montrer l’efficacité, on a dû isoler des groupes de patients en fonction de leurs pathologies (Trouble Anxieux Généralisé, état de stress post traumatique ...). C’est grâce à ces études que l’on sait que les TCC sont efficaces pour les troubles anxieux, les troubles sexuels… On sait également, par exemple, que si on associe cette thérapie à un traitement par antidépresseur, on fait baisser nettement le risque de rechute chez des patients souffrant de dépression.
Pour des questions méthodologiques, on a dû écarter de ces études les patients présentant d’autres troubles au même moment (ce qu’on appelle des comorbidités). Ce qui fait que l’on a inclus dans ces études des patients “purs”, qui ne correspondent que partiellement aux patients rencontrés en pratique clinique institutionnelle ou libérale, pouvant eux présenter de l’anxiété et bien d’autres troubles (addiction, scarifications, trouble de la personnalité, etc). Il est alors plus difficile de se référer aux recherches existantes.
C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle un des nouveaux développements très prometteurs des TCC s’appuie sur l’approche dite transdiagnostique. Il s’agit non plus de se centrer sur les pathologies, mais sur les processus communs que l’on va retrouver dans différentes pathologies (ex. : l’évitement émotionnel, les biais attentionnels, les ruminations, …)
Au-delà de la question du diagnostic, les caractéristiques personnelles du patient (traits de personnalité, mécanismes de défenses, antécédents…) et notamment ce que l’on pourrait appeler son « épistémologie personnelle », doivent correspondre à la philosophie du traitement TCC.
Quels éléments expliquent l’efficacité de la TCC ?
En TCC, la démarche est très active du côté du patient comme du thérapeute. Un contrat s’établit donc entre eux avec une définition précise et consensuelle des objectifs thérapeutiques. On demande alors au patient de s’observer selon une grille d’apparence simple. Il aura ainsi à observer dans les situations qui lui sont problématiques ce qu’il pense (cognitions), ce qu’il ressent (sensations, émotions), et ce qu’il fait (comportement). Avec l’aide du thérapeute, les difficultés son conceptualisées, ce qui permet de définir une stratégie thérapeutique. Le patient devra alors s’impliquer dans des actions, des tâches définies ensemble pour permettre progressivement le changement, par le biais de nouveaux apprentissages, allant dans le sens des objectifs, d’un mieux-être.
On retrouve ici pleinement la démarche scientifique empirique dans la TCC. Avec le patient, on va construire si possible une hypothèse sur l’origine de son trouble (cela n’est cependant pas indispensable). Mais nous avons absolument besoin de faire des hypothèses expliquant pourquoi le comportement posant problème est toujours là aujourd’hui (quels sont les facteurs qui le maintiennent ?). Pour ce faire, on fait appel aux théories de l’apprentissage (issues de travaux de Pavlov, Skinner et Bandura, pour les principaux). Elles expliquent que bien que générant de la souffrance, si le symptôme est toujours présent, c’est qu’il y a des facteurs -échappant au contrôle du patients- qui le renforcent. Ce sont sur ces facteurs que nous allons essentiellement essayer d’intervenir de manière quasi expérimentale, en testant différents types de techniques ou exercices - dont on sait grâce aux études scientifiques qu’il ont une efficacité- dans le but de favoriser une amélioration, un changement dans le sens que le patient souhaite, en jouant sur les différents pôles : cognitif, émotionnel et comportemental. Il est aussi possible de travailler en amont, sur les facteurs qui déclenchent le comportement problème.
Cet esprit de collaboration, de participation active, dynamique et régulière est nécessaire pour s’engager dans les tâches prescrites. Les études montrent que les TCC marchent à condition que le patient s’engage dans les tâches proposées. C’est aussi le travail du thérapeute de favoriser l’engagement et la motivation du patient.
Un des éléments qui va favoriser cet engagement est qu’en TCC tout est partagé : la manière que l’on a de comprendre les difficultés, le choix des techniques thérapeutiques. Tout est expliqué au patient, discuté avec lui, adapté à sa propre situation. On lui explique par exemple les modèles de compréhension de son trouble. Cette collaboration est un des atouts majeurs de la TCC, même si on la retrouve dans d’autres thérapies.
Donc, en un mot, ce qui fait que la TCC est efficace c’est qu’elle favorise de manière expérientielle et concrète des nouvelles manières de voir, de ressentir et d’agir chez le patient.
Quelles sont les particularités de la TCC par rapport à d’autres formes de thérapie ?
Tout d’abord, son style relationnel, sa typicité, en tant qu’elle met au premier plan cet aspect collaboratif. Le fait que le patient ait le sentiment que le thérapeute s’implique dans la compréhension et la résolution de ses problèmes est un facteur de réussite de la thérapie. Le thérapeute n’est pas neutre : il est empathique bien sûr mais aussi chaleureux, impliqué. Il n’hésite pas à renforcer le patient, comme on dirait techniquement, à le féliciter quand il agit dans le sens du changement, ce qui est un ingrédient qui va favoriser ce dernier. Le thérapeute peut parfois être amené à accompagner le patient dans la réalisation de certains exercices, à l’extérieur du cabinet. L’autre aspect saillant, je crois, est le côté scientifique de la démarche (cf. plus haut).
Les TCC sont dites brèves. En 15 ou 20 séances, en général, on a déjà obtenu une amélioration bien sensible, voire la thérapie est terminée. Mais elle peut durer des mois, voire quelques années, selon le nombre et la nature des difficultés présentées par le patient. Quoi qu’il en soit, on fait régulièrement des points avec le patient pour savoir si on est sur la bonne voie ou pas, si le patient conserve sa motivation, s’il faut changer de cap, de méthode, d’objectifs, de thérapeute ou de thérapie. Au bout de quelques séances, s’il n’y pas déjà un changement significatif observable, c’est qu’il y a un problème à identifier et à résoudre. Parfois, certains patients arrivent avec une attente magique, croyant qu’en 3 à 5 séances, sans efforts particuliers de leur part, leur problème sera réglé. Il est aussi beaucoup question de l’engagement et de la motivation du patient, dont nous sommes en partie garants en tant que thérapeute bien sûr, mais que nous ne maîtrisons heureusement pas entièrement. Des études montrent qu’un thérapeute convaincu de la pertinence de son approche aura de meilleurs résultats qu’un thérapeute moins convaincu (cf. : travaux de Bruce Wampold). Il est vrai qu’un thérapeute convaincu est plus engagé, plus apte à amener le patient, dans son enthousiasme et avec espoir, vers les changements désirés.
Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit lorsque nous parlons de validation scientifique ?
C’est une question très vaste. La validation scientifique se décline à plusieurs niveaux, je n’en aborderai que quelques-uns. Qui dit validation scientifique dit nécessité de se prêter à une méthode d’obtention du savoir, qui repose sur la démarche scientifique (ou disons empirique) qui est bien différente d’une opinion ou d’une croyance. Cela implique une épistémologie qui est celle de l’objectivation, de la quantification, de la mesure. Notons que tout le monde ne partage pas cette vision.
Dans le champ des psychothérapies, tout d’abord, on tente de répondre à la question de l’efficacité : est-ce qu’il est mieux de proposer un traitement x plutôt que rien ? Pour cela, typiquement on compare un groupe de patients qui est en thérapie et un groupe de patients qui est sur liste d’attente.
Ensuite, est-ce que la thérapie x fait plus que l’effet placebo ou qu’une thérapie y ? Les groupes sont constitués de façon aléatoire et on propose à l’un la thérapie et à l’autre quelque chose qui n’en est pas ou l’autre thérapie. Il est difficile de trouver un placebo en thérapie, alors qu’en médecine on peut prescrire une pilule sans aucun principe actif.
Une autre manière de montrer l’efficacité, c’est en comparant avec le traitement “comme d’habitude”, c’est à dire que le patient voit son psychiatre, va aux divers groupes proposés par l’institution, etc. et on ajoute la thérapie pour savoir si on a un gain à l’ajouter. Cela n’écarte malheureusement pas tous les biais.
La méthode la plus reconnue pour faire des études sont les essais randomisés contrôlés. Des patients, comparables par ailleurs, et les groupes sont déterminés de façon aléatoire. Le problème c’est que pour cela il faut des patients assez “purs” comme je l’évoquais tout à l’heure, mais ce n’est pas une réalité clinique car très souvent le patient présente des comorbidités (NDLR : c’est-à-dire la présence d’un ou plusieurs troubles associés à un trouble ou une maladie primaire). Ces essais sont très complexes et coûteux à mettre en œuvre et sont de plus en plus controversés car jugés « non écologiques », ne correspondant pas à la réalité de la pratique clinique.
Un autre champ, très étudié aujourd’hui, concerne les études d’efficience, qui tentent de réponde à la question suivante : quels sont, au sein d’une thérapie, les ingrédients actifs ?
Un autre aspect de la validation scientifique concerne le modèle sous-jacent (les hypothèses que la thérapie propose pour expliquer le fonctionnement psychique, la santé, la maladie et le rétablissement). La TCC met aussi beaucoup cette forme de validité en avant par rapport aux autres thérapies. Elle dit que ce qu’elle propose est de plus en plus étayé par des données neurobiologiques. Il y a maintenant des études faites en IRM fonctionnelle, avant et après thérapie, qui montrent quelles zones ou aspects du fonctionnement du cerveau ont pu être modifiés, par exemple.
Quelles sont les critiques de la TCC et que répondriez-vous à cela ?
Historiquement, les critiques envers la TCC sont nées quasiment en même temps que la TCC. La première publication d'efficacité était sur la phobie, et tout de suite les psychanalystes ont critiqué, en cohérence avec leur propre modèle, que ce n’était pas possible, argumentant que seul le symptôme était pris en compte, pas sa source, et qu’il y allait avoir nécessairement un déplacement de celui-ci. Ce désaccord est-il une simple expression de querelle des chapelles ?
Quoi qu’il en soit, ne pourrait-on pas se dire que plusieurs modèles, plusieurs thérapies coexistent; que l’important est d’avoir plusieurs modèles et plusieurs armes à disposition pour aider nos différents types de patients, sachant qu’aucune thérapie ne présente à ce jour des résultats garantis pour tous les patients ?
Si cette critique sur la question du déplacement du symptôme a été battue en brèche par les données de la recherche longitudinale - il n’y aurait pas plus de déplacement que cela, en tout cas pas plus que dans d’autres thérapies - il y a quand même dans un certain nombre de cas, réapparition du symptôme ou de nouveaux symptômes qui apparaissent. Les querelles ou au mieux les débats se poursuivent, prenant parfois l’aspect d’une guerre, et parfois d’échanges plus apaisés.
Donc les critiques sont majoritairement de cet ordre : on ne traiterait en TCC que le symptôme, que la surface. Cette critique est cohérente quand on adhère au modèle psychanalytique qui postule qu’il faut aller chercher la cause refoulée d’un symptôme pour le voir se résorber. Mais c’est un modèle et aujourd’hui il en existe d’autres. Par exemple, l’approche systémique a aussi montré qu’un changement peut se produire au sein d’un système sans avoir eu besoin de faire l’archéologie intrapsychique du phénomène. A chacun alors de voir à quoi il adhère, et là il ne s’agit plus vraiment de science …
Certaines critiques étaient fondées. Il y a longtemps, pour valider les modèles des TCC, des chercheurs ont parfois accompli des choses pas du tout éthiques : par exemple, en créant des phobies chez des enfants en les jetant dans l’eau. Aujourd’hui heureusement, les thérapeutes TCC n’ont pas recours à ce genre de stratégies ! Mais cela a nourri l’idée que les thérapeutes TCC était des bourreaux, des sadiques, des personnes pas éthiques…
D’autres part, si certains reprochent aux thérapeutes TCC de ne pas considérer la personne dans son entièreté, de s’intéresser au « Sujet » comme on l’entend parfois, ils se trompent. Ce n’est pas parce que le traitement vise la diminution d’un symptôme (sachant que ce n’est d’ailleurs jamais l’unique but recherché) que la personne globale est ignorée. Nous prenons bien sûr en compte la personne dans sa totalité, mais pour la psychanalyse cela englobe l’Inconscient, au sens Freudien du terme. On ne nie pas qu’il existe des processus inconscients en TCC, mais on ne leur donne pas le même statut qu’en psychanalyse.
On a pu aussi entendre que la TCC était « pauvre intellectuellement ». Si le modèle peut se montrer simple en apparence (pensée, émotion, comportement, comme unité de base d’observation), les lois qui gouvernent les apprentissages et les modifications de ceux-ci sont en effet scientifiques. Les dimensions littéraires, philosophiques, esthétiques ne peuvent être retenues. Il s’agit de modélisations scientifiques pour lesquelles le principe de parcimonie est normalement recherché. Dirait-on de la physique de Newton qu’elle est pauvre intellectuellement ? Par ailleurs, la pratique des TCC n’est en aucun cas répétitive et nécessite adaptation et créativité.
Une autre critique est qu’il existe des protocoles “tout faits” en TCC, qui seraient appliqués de manière quasi « robotisée ». C’est vrai qu’il existe des protocoles, mais le thérapeute sait qu’on a besoin d’une importante souplesse pour la prise en charge de nos patients. Il est toujours question d'être inventif, et d’adapter ces protocoles. Je crois qu’aujourd’hui toutes les thérapies convergent vers une posture rogérienne* concernant la relation patient-thérapeute, avec une acceptation inconditionnelle de la personne dans sa singularité, qui implique à chaque fois de pratiquer du « sur mesure , ce qui n’empêche pas d’utiliser un patron, si on utilise une métaphore couturière. Par ailleurs, les nouvelles approches en TCC sont quasiment non-protocolaires, comme l’ACT (Thérapie de l’Acceptation et de l’Engagement).
D’autres critiques ont mis en avant le primat de la science. C’est vrai que la TCC met en avant son côté scientifique et ceci n’est pas forcément autant valorisé en France que dans la culture anglo-saxonne par exemple. Et c’est vrai que l’approche empirique n’est pas celle de toutes les psychothérapies, par exemple en psychanalyse, les concepts psychanalytiques étant spéculatifs, quels que soient leur pertinence ou leur intérêt, ils sont difficilement accessibles à la validation empirique. Si les études d’efficiences semblent alors complexes, cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible de montrer empiriquement l’efficacité de la psychanalyse. D’ailleurs, certains psychanalystes, Outre-Atlantique le plus souvent, ont œuvré en ce sens. Tout dépend du critère de mesure que l’on choisit comme marqueur d’amélioration (réduction des symptômes, meilleure qualité de vie, baisse de consommation de psychotropes,…).
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J’espère que les TCC vont continuer à se développer, à évoluer et à progresser, pour diversifier l’offre de soins psychiques en France. Je souhaite qu’elles restent scientifiques, sans dérive scientiste.
Gardons à l’esprit que certains patients ne sont pas améliorés par la TCC, comme d’autres ne le sont pas par une thérapie analytique et vice versa.
Il me semble nécessaire de rester humble, de garder l’esprit ouvert et de favoriser le dialogue entre thérapies et thérapeutes d’obédiences différentes. Il est aussi important que les personnes aient le choix, et il faut donc continuer à diffuser des informations sur cette thérapie-là et sur les autres, pour amplifier l’aide aux personnes à s’autodéterminer.
*La posture rogérienne est caractérisée par un contact très chaleureux et authentique. Le thérapeute pose un regard positif inconditionnel sur le patient et fait preuve de congruence, c’est à dire d’authenticité.
par Astrid Roustang-Jeglot, Psychologue clinicienne-psychothérapeute
le 2020-02-18
Conduite par un professionnel de santé reconnu (psychologue, psychomotricien, infirmier ou médecin), cette proposition psychothérapique est généralement bien acceptée.
Elle peut être réalisée en individuel ou en groupe. Elle convient aussi bien pour les enfants, les adolescents que les adultes ce qui en fait une pratique très intéressante.
Pratique psychothérapique transversale dans le champ de la psychologie, elle peut, selon la formation du praticien, être utilisée dans différents cadres et avec des objectifs variés.
A côté des thérapies verbales, il s’agit d’une thérapie dite « à médiation corporelle » où il est proposé au patient de « vivre une expérience » de relaxation et de se mettre à l’écoute de ses sens. Ce premier temps est souvent suivi d’un temps de parole.
Du soulagement d’un état de tension physique à l’amélioration de la gestion émotionnelle ou du stress quotidien, la pratique de la relaxation peut être soit plutôt « recouvrante » en se focalisant sur le symptôme et en se concentrant sur cette tâche, ou plutôt « découvrante », en offrant toute liberté d’expression à la créativité.
L’intérêt de la relaxation thérapeutique est aussi d’offrir du temps et une attention centrée sur le corps.Dans notre société actuelle, il n’est en effet plus fréquent ni spontané de mettre son flux de pensées en pause au profit d’une écoute bienveillante et centrée sur ce qui se passe au niveau corporel.
De nombreuses indications sont possibles, notamment lorsque le « corps parle ». On peut observer parfois des manifestations somatiques (troubles du sommeil, mal de dos, migraines) qui peuvent être l’expression physique d’une cause psychologique telle qu’un stress ou une angoisse non-conscientisés. “Tout va bien, pourtant je dors de moins en moins bien, je ne comprends pas”.
L’attention portée au corps lors de la relaxation permettra à la personne qui consulte de déposer ce qu’il porte en lui de souffrant tout en favorisant une reconnexion corps-esprit source d’apaisement.
Il est à noter que toutes les relaxations qui existent ne sont pas psychothérapiques. Parmi celles qui se situent dans cette visée on a :
Certaines relaxations psychothérapiques sont plus adaptées pour travailler avec les enfants comme la relaxation activo-passive de Wintrebert et la relaxation Bergès.
D’autres relaxations sont dites plus "conscientes". Elles sont basées sur des exercices comme pour la relaxation de la méthode Vittoz.
Enfin, certaines s’intéressent aussi à ce qui est inconscient comme celle de la méthode Ajuriaguerra ou la relaxation analytique méthode Sapir.
L’intérêt de la relaxation est globalement aussi neuro-physiologique. En effet, la littérature scientifique a mis en lumière que les activités contemplatives telles que la relaxation et la méditation permettent le renforcement de ce qu’on appelle le système nerveux parasympathique. Ce système nerveux permet de doser la réaction face à un stress.
Ainsi en pratiquant la relaxation, la personne reprend contact avec un potentiel de ressources souvent insoupçonnées dont nous sommes tous détenteur sans toujours en avoir conscience.
Enfin, il existe d’autres pratiques de relaxation qui peuvent avoir des effets thérapeutiques sans pour autant s’inscrire dans le champ des psychothérapies. Nous n’allons pas les développer mais nous pouvons les citer rapidement : la sophrologie (souvent ce sont des sortes d’exercices à base de respiration), la méthode Fedenkreis en kinésithérapie, ou encore toutes les pratiques venant de l’orient : Taï chi, Qi Gong, Yoga nidra (relaxation profonde) Hatha Yoga avec la posture de Savasana, ou encore toutes les pratiques de méditation dont la plus en vogue chez nous - car adaptée au monde occidental par Jon Kabat-Zinn - est le Mindfulness (la pleine conscience).
Ci-dessous quelques-unes de ces associations pour vous renseigner et trouver un thérapeute :
ou via weppsy ( type d'approche "Thérapie psycho-corporelle")
Astrid Roustang-Jeglot
par Ondine Peyron, Psychologue Clinicienne
le 2020-02-11
L’Analyse Transactionnelle, ou AT, est un courant de psychothérapie qui naît dans les années 70 dans le champ des thérapies dites humanistes. C’est une théorie de la communication créée par le psychiatre Eric Berne aux Etats-Unis. Ce dernier travaillait à l’hôpital en Californie et cherchait un moyen de soigner ses patients par la psychothérapie. Très inspiré par les travaux de la psychanalyse, il a décidé d’y apporter un vocabulaire plus clair, plus pragmatique et donc plus accessible à tous. Ainsi, il a développé la théorie des États du Moi.
Il part du postulat que nous évoluons de notre naissance à notre mort avec ces trois États du Moi dans notre psychisme, qui interagissent ensemble et avec autrui. L’analyse de ces transactions permet d’observer des schémas répétitifs ou bloquants. En effet, les Etats du Moi ont un aspect complémentaire, et souvent un Enfant appelle un Parent en face dans la communication, tout comme un Parent appelle un Enfant.
Les différents États du Moi sont :
Le Parent : qui se réfère aux valeurs, aux règles avec lesquels nous avons grandi. Il existe deux types de Parents : tout d’abord le Parent Normatif dont la fonction est la protection et la transmission de valeurs. Il peut être positif ou négatif (lorsqu’il est dans la critique). Il y a également le Parent Nourricier ou Bienveillant qui a une fonction de permission et de soutien. Il est positif lorsqu’il encourage, négatif lorsqu’il infantilise et surprotège.
L’Adulte : qui se réfère à l’ici et le maintenant dans l'environnement qui nous entoure et de nos capacités internes d’analyse et de traitement d’information.
L’Enfant : qui se réfère aux vécus et souvenirs de l’enfance. Cet État du Moi rejoue les désirs, les envies et peurs : ce sont les émotions qui priment. Il peut être Rebelle (dans l’opposition légitime), Adapté (qui s’adapte au contexte) ou Libre (qui est dans les émotions avant tout, naturel et intuitif).
Il est 18h15. Pierre rentre pour une fois avant sa compagne. Il est ravi de pouvoir se détendre dans son canapé et d’alterner entre télécommande et smartphone. Le temps passe et il prend beaucoup de plaisir à se prélasser en attendant Marie.
19h30. Sa compagne rentre ! Elle est étonnée de le voir déjà rentré. Épuisée de sa journée de travail, elle a pris le temps d’aller faire des courses pour le dîner et faire plaisir à son homme.
Pierre (détendu): Salut chérie ! Ça va ? Tu as passé une bonne journée ?
Marie (tendue) : Bah t’es déjà rentré ?!
Pierre (sur la défensive) : Wow ! Du calme !
Marie (agressive) : Comment ça du calme ?! J’ai passé une journée exténuante, je rentre des courses et tu ne me proposes même ton aide pour porter les sacs ! Tu restes affalé là comme un pacha !
Pierre (agressif, il se lève d’un bond) : Un pacha ?! Non mais tu racontes n’importe quoi ! Qui a fait les courses toute la semaine dernière et a préparé une pizza maison hier soir ??
Marie (elle craque et commence à pleurer) : On est en train de faire les comptes c’est ça ? (Elle fond en larmes) Et moi qui t’avais acheté ton dessert préféré pour ce soir…
Pierre (toujours énervé) : Voilà il faut toujours que tu te victimises !
À la base, Pierre et Marie n’avaient rien à se reprocher en apparence mais se sont quand même disputés comme à l’accoutumée et terminent chacun dans leur coin.
Note: EDM signifie État du Moi.
Pierre (détendu): Salut chérie ! Ça va ? Tu as passé une bonne journée ? C’est l’EDM Adulte de Pierre vers l’EDM Adulte de Marie – Pierre parle à Marie en fonction de ce qu’il est et de ce qui se passe dans l’ici et le maintenant.
Marie (tendue) : Bah t’es déjà rentré ?! EDM Parent Critique Négatif de Marie qui vise l’Enfant Adapté de Pierre.
Pierre (sur la défensive) : Wow ! Du calme ! EDM Enfant Rebelle de Pierre qui vise le Parent de Marie.
Les transactions continuent de se croiser. Marie ne va plus répondre via son Parent mais va rentrer dans la plainte de l’Enfant en visant le Parent Nourricier de son compagnon.
Marie (agressive) : Comment ça du calme ?! J’ai passé une journée exténuante, je rentre des courses et même pas tu me proposes de l’aide pour porter les sacs ! Tu restes affalé là comme un pacha !
Le compagnon va encore prendre cette transaction comme une critique et va continuer à se défendre depuis son EDM Enfant Rebelle en visant l’EDM Parent de sa compagne.
Pierre (agressif, il se lève d’un bond) : Un pacha ?! Non mais tu racontes n’importe quoi ! Qui a fait les courses toute la semaine dernière et a préparé une pizza maison hier soir ??
Elle qui recherchait de l’attention et du soutien se sent incomprise et va chercher à attendrir/culpabiliser son compagnon depuis son EDM Enfant en visant toujours l’EDM Parent Nourricier.
Marie (elle craque et commence à pleurer) : On est en train de faire les comptes c’est ça ? (elle fond en larmes) Et moi qui t’avais acheté ton dessert préféré pour ce soir…
Sauf que ça ne fonctionne toujours pas… C’est bien le Parent qui répond mais c’est le Critique Négatif !
Pierre (dépité et impuissant) : Voilà il faut toujours que tu te victimises !
On peut observer ici ce qu’on appelle un Jeu Psychologique. Marie a joué à « Pauvre de moi ».
On peut imaginer que c’est un jeu familier rejoué régulièrement depuis son enfance. Pierre lui aussi a appris à jouer à ce jeu où il termine en se sentant impuissant et triste. Malgré l’issue bien connue, Marie et Pierre ne peuvent s’empêcher de jouer et rejouer à ce jeu qui pourtant leur fait du mal et vient renforcer leurs croyances négatives sur eux-mêmes.
Pour éviter qu’une situation comme celle-ci ne se reproduise nous pourrions proposer à ce couple d’essayer de déceler l’appât qui a permis à ce jeu de se mettre en place. Ici, l’appât serait la transaction de Marie « Bah t’es déjà rentré ?! ». Ici, elle ne répond pas à la transaction directe de Pierre mais sous entend beaucoup de choses derrière cette phrase. On peut imaginer : « Pourquoi tu ne m’as pas prévenue que tu rentrais plus tôt ? – Tu sais que je n’aime pas les surprises de ce genre ! – Tu rentres plus tôt et tu ne m’aides pas ? » .
Bref on peut imaginer beaucoup de choses ! Ici pour éviter à Pierre de rentrer dans le jeu psychologique, une option aurait pu être de répondre à Marie quelque chose comme « Ta réaction vient me dire que toi, t’es tendue. Qu’est-ce qu’il se passe ? ».
Le principe est de répondre à ce qu’il se passe dans l’instant et non aux petites lignes induites.
La thérapie en AT, en décortiquant ces jeux et ces répétitions, peut permettre au client de mettre à jour des croyances très anciennes, que l’on appelle croyances de scénario. Cette analyse l’aidera à sortir de ce scénario qui ne semble plus adapté dans sa vie d’adulte.
Cette analyse des États du Moi, des Transactions, des Jeux et du Scénario s’effectue dans un cadre décrit dès le premier RDV avec le thérapeute. En effet, l’AT est une thérapie dite "contractuelle". Ensemble, client et psychologue établiront ensemble le cadre de leur travail : le lieu, le rythme, le coût des séances, le contrat de thérapie. La thérapie prendra fin lorsque le contrat est rempli. Ce qui n’empêche pas d’en établir de nouveaux ou même de le changer en cours de travail. Il est important de préciser la souplesse de l’espace qui est permis grâce à la parole. En effet, tout est bon à dire et est matière au travail : mettre des mots sur les pensées, les émotions et les comportements.
Pour conclure, l’Analyse transactionnelle est une psychothérapie qui peut être pratiquée en individuel, en couple et en groupe. Elle est particulièrement recommandée pour toute personne rencontrant des problématiques de type relationnelles, de place ou de conflit.Le but de ce travail analytique en face à face, est de retrouver, comme le disait Sigmund Freud, la capacité à aimer et à travailler.
Ondine Peyron
France Brécard, Laurie Hawkes, Le grand livre de l'analyse transactionnelle, Librairie Eyrolles.
Éric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?
Éric Berne, Des jeux et des hommes.
https://www.ifat-asso.org/concepts-base/
par Astrid Roustang-Jeglot, Psychologue clinicienne-psychothérapeute
le 2020-01-14
Prendre la décision d’aller consulter le psychologue ne va pas toujours de soi.
A quel moment le décider? Est-ce que cela va être « utile » de parler à un étranger? Est-ce que j’en ai vraiment besoin? A quoi bon parler des choses qu’on ne peut pas changer? Comment est-ce que cela va se passer? En quoi parler va-t-il me soigner? Combien de temps cela va-t-il durer?
Voici quelques-unes des questions légitimes et récurrentes qui interrogent, parfois, ceux et celles que cette idée traverse.
Souvent - et sans doute pour une majorité de personnes - consulter s’accompagne de peurs, de craintes, d’appréhensions, de doutes, d’anxiété. Ces émotions freinent voire empêchent de prendre rendez-vous ou bien d’aller jusqu’à pousser la porte du cabinet du psychologue. Si ces questions attendent bien sûr des réponses, le déferlement de questions avant un premier rendez-vous traduit, d’abord et avant tout, l’appréhension face à une situation inconnue, inédite. La grande clinicienne qu’était Françoise Dolto a fait inscrire en épitaphe sur sa tombe l’injonction « N’ayez pas peur ! », sans doute le fruit de sa longue expérience.
Si la question « Est-ce que j’ai besoin d’aller consulter un psychologue ? » a pu se former en vous ou si quelqu’un vous l’a conseillé et que vous y repensez, c’est que cette idée résonne. L’intuition est déjà là. On se demande si l’on doit ou non la suivre.
Il est vrai que dans nos sociétés occidentales actuelles prime la pensée spéculative, la pensée logique et rationnelle sur une pensée plus intuitive, créative et associative. C’est l’erreur de Descartes (1) qui, dans une vision dualiste, en a séparé le corps et l’esprit. Sa célèbre phrase « Je pense donc je suis » néglige la question des affects. Pourtant « la dimension humaine est d’abord et avant tout corporelle" (2). Les émotions ont toujours à voir avec le corps.
« Je ressens donc je vis » ne pourrait-il pas aujourd’hui être substitué à la phrase du philosophe?
Ressentir, se mettre à l’écoute de ses sens… pas si simple lorsque la souffrance est présente. C’est généralement ce qui amène une personne chez le psychologue : alléger ce qui pèse dans sa vie, permettre que cesse la douleur, éclaircir ce qui est obscur.
Pour trouver cette nouvelle place confortable dans sa vie on entend souvent en cabinet libéral « Pour que « ça » change, il faut que je comprenne ». Il existe une croyance tenace que comprendre rime avec solution. L’implacable logique cartésienne « si je comprends ce qui se passe en moi, cela va aller mieux » n’est pas toujours tout à fait exacte en ce qui concerne le processus de changement en psychothérapie. Combien ont déjà analysé ce qui se passe pour eux, fait des liens avec leur histoire ou leur vécu sans que cela ne modifie grand-chose ? Et si comprendre suffisait pour soigner, alors on pourrait se contenter de vendre des livres et des manuels explicatifs ; les thérapeutes en tous genres mettraient alors la clef sous la porte ! Ce serait surtout omettre la place du corps et des émotions en psychologie (3).
S’il ne suffit pas seulement de comprendre, il ne s’agit pas non plus d’envisager cet espace pour uniquement déverser un mal-être ou encore se complaire dans une sempiternelle plainte (4) dont on connaît les effets pervers d’enfermement.
Au-delà des mots prononcés et échangés, chez le psychologue clinicien, une attention particulière est portée à l’écoute du corps qui exprime et ressent, aux mots chargés d’affects. (5)
Prendre rendez-vous avec le psychologue demande de porter attention à ces ressentis douloureux, ce qui suppose d’avoir préalablement reconnu que « ça ne va pas » et que « ça pourrait être différent ». (Le « ça » chez Freud est une instance inconsciente, le siège des pulsions, des envies, réservoir premier de l’énergie psychique).
Cette rencontre avec son mal-être peut constituer un frein à la consultation.
Consulter est donc déjà, en soi, un acte qui engage la personne physiquement et émotionnellement.Il est question par cette prise de rendez-vous de reconnaître qu’on ne se sent pas bien, de donner une place à cette partie en soi qui souffre, d’asseoir un désir que quelque chose change, se modifie, se transforme, sans savoir tout à fait comment s’y prendre. La présence et l’écoute d’un professionnel de santé accompagnent ce mouvement avec une distance qu’il n’est généralement pas facile d’avoir sur soi-même.
Le rendez-vous pris est donc déjà la concrétisation d’une intuition que ce qui est vécu pourrait l’être d’une autre manière peut-être plus légèrement, plus simplement, plus tranquillement. Il inscrit un premier mouvement vers autre chose. Autre chose, c’est ce qui pose difficulté à nos esprits rationnels qui voudraient déjà savoir comment cela va se passer, est-ce que cela va bien se passer, savoir ce qui va être vécu avant de l’avoir vécu. Ces questions normales et fréquentes, témoignent de notre peur devant l’inconnu (ce que je vais ressentir, quel sera le chemin à prendre, etc…). Lors de la séance, on se livre au départ à un inconnu (le psychologue), à l’inconnu (le processus de changement), à sa part d’inconnu (ce que l’on ne connaît pas encore de soi). On y évoque ce qui est confidentiel et qui relève de l’intimité de la vie personnelle.
Rencontrer le psychologue demande d’une part, d’accepter cette part d’inconnu, d’autre part de faire confiance à l’autre à qui l’on choisit de s’adresser et que l’on ne connaît pas. C’est-à-dire faire confiance à l’accompagnement qu’il peut apporter et à notre faculté de nous en saisir pour en bénéficier.
Christophe Colomb, aventurier voyageur, qui découvrit l’Amérique alors qu’il croyait se trouver en Inde, nous a laissé cette phrase qui pourrait bien s’appliquer au voyage intérieur réalisé au cours d’une psychothérapie.:
« On ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l’on va. »
Ainsi, celui qui consulte a déjà commencé l’aventure vers un ailleurs : Pourra-t-il la poursuivre ? À quel rythme ? Pour quelle durée ? Avec quels obstacles, quelles étapes sur son chemin? C’est la question de l’engagement et de l’implication personnelle plus ou moins forte dans ce type de démarche qui se manifestera au travers d’une relation (6) qui a toute son importance. En effet, quelles que soient les approches thérapeutiques (plus ou moins conscientes), quels que soient les « outils » thérapeutiques proposés, la dynamique du changement est d’abord portée par le sujet qui vient consulter.
Le psychologue clinicien vient accompagner une personne pour l’aider à traduire ce qu’il vit et à le traverser. Il ne suffit pas de savoir qu’il faut aller sur une autre berge, encore faut-il traverser le ruisseau, le torrent, le fleuve -plus ou moins agité- qui nous en sépare.
Le psychologue est celui qui tend la main pour passer de l’autre côté. Encore faut-il avoir envie d’y aller, de saisir la main du psychologue. De lui faire confiance. D’en sentir toute la présence, la bienveillance et la solidité. Quand et comment allez-vous saisir cette main ? C’est à vous d’en décider. La santé est aussi un choix :
« Le bonheur ne nous est pas donné, ni le malheur imposé. Nous sommes à chaque instant à une croisée des chemins, et il nous appartient de choisir la direction à prendre » dit Matthieu Ricard.
Consulter un psychologue est, vous l’aurez compris, sans doute moins un lieu de compréhension -même si en soi il est toujours confortable et rassurant de comprendre pour les êtres rationnels que nous sommes-, qu’un espace pour vivre une expérience relationnelle et affective, source de changement.
Alors, si cette question de consulter un psychologue vous trotte encore tête, tentez l’expérience en découvrant une nouvelle place !
par Claire Raynaud de Lage, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14
Il est déjà parfois difficile de « se faire suivre » ou « d’aller voir quelqu’un », il est souvent encore plus énigmatique de savoir vers qui se tourner. Un psychiatre ? Un psychologue ? Un psychothérapeute ? Un psychanalyste ?
Mais savons-nous bien qui est qui et à quoi sert chacun ?
Le psychiatre est un médecin, qui a effectué des études de médecine complète. Il est spécialiste de la santé mentale, et seul praticien habilité à effectuer un diagnostic médical et à proposer une prise en charge médicale et médicamenteuse.
Le psychologue : le titre de psychologue est un titre protégé par l’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985, et qui depuis le décret n°2005-97 du 3 février 2005 est utilisé uniquement par des personnes titulaires d’un Master 2 de psychologie, ou d’un diplôme d’études supérieures en psychologie.
Il existe plusieurs branches dans la psychologie dont la psychologie clinique et la psychologie du travail.
La psychologie clinique a pour but de s’intéresser aux difficultés, aux souffrances, et aux conflits de chaque sujet, et la manière dont il parvient à vivre avec, à son histoire. Le psychologue tente d’accompagner chaque personne afin de l’aider à faire face de la meilleure manière possible aux différents événements de vie douloureux qu’elle traverse, de soutenir et d’apaiser.
La psychologie du travail est davantage centrée sur les conduites humaines au sein de l’entreprise, et s’intéresse au couple personne-travail au sein de son environnement de travail.
Le psychothérapeute : il peut être psychologue, mais aussi psychiatre, médecin, ou professionnel certifié par des organismes agréés, justifiant avoir validé une formation universitaire de 400 heures en psychologie clinique et de 5 mois de stage professionnel dans une structure privée ou publique agréée. Ce titre est protégé en France par le décret du 7 Mai 2012.
La psychothérapie pourrait se définir comme la boîte à outils du soignant en santé mentale. Au sein d’une relation d’aide entre le patient et le soignant, le psychothérapeute est formé à une ou plusieurs méthodes de soins, qu’il propose à son patient afin de l’accompagner vers un mieux-être. Il existe de nombreuses psychothérapies différentes qui correspondent aux différents courants de la psychologie. Certaines d’entre elles sont décrites dans notre rubrique “Dossier”.
Parmi les professionnels de la santé mentale, le plus connu du grand public est souvent le psychanalyste. C’est un thérapeute qui pratique la psychanalyse, qui est un des courants de pensée de la psychologie. Elle se fonde sur l’étude des phénomènes inconscients. La psychanalyse comprend deux acceptions :
Le titre de psychanalyste n’est pas un titre protégé. Les pré-requis essentiels pour obtenir ce titre sont d’avoir soi-même fait une cure psychanalytique (allongé sur le divan) et d’avoir suivi une formation dans le cadre d’une association psychanalytique.
Bon à savoir : Il est possible de cumuler plusieurs casquettes. Ainsi un psychiatre peut être psychothérapeute. Un psychanalyste peut aussi être psychologue. Il est donc intéressant de se renseigner pour savoir si le praticien que nous allons voir est formé à la psychothérapie, par exemple.
En outre, il est bon de préciser que depuis quelques années maintenant, tous les étudiants de l’Ecole de Psychologues Praticiens ont le double diplôme de psychologue et de psychothérapeute, grâce aux nombreux stages effectués durant leur cursus, et aux différents cours de psychopathologie qu’ils ont l’opportunité de suivre.
Claire Raynaud de Lage
Sources :
Agence Régionale de Santé. Usage du titre de psychothérapeute.
Légifrance. Usage du titre de psychologue.