Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Le pari de l’intergénérationnel

Faivre, Psychologue et Entrepreneuse, Co-fondatrice de Tom&Josette)

par Pauline Faivre, Psychologue et Entrepreneuse, Co-fondatrice de Tom&Josette
le 2021-05-11

Le pari de l’intergénérationnel

«Le lien intergénérationnel est l’ultime manière de nous rendre sensible l’idée d’éternité dans un monde marchand et désenchanté.»

Serge Guérin, “La guerre des générations aura-t-elle lieu?” 

Les liens intergénérationnels ont été le ciment de notre société pendant des générations. Alors pourquoi ne pas les créer sous une forme nouvelle, adaptée aux enjeux d’aujourd’hui ? Nous avons tout à gagner à valoriser l’expérience de ceux qui nous précèdent en les plaçant, dès que cela est possible, dans une situation de transmission.

L’importance des 1000 premiers jours de la vie d’un jeune enfant fait aujourd’hui consensus au sein de la communauté scientifique : du 4ème mois de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant, il connaît un rythme de croissance et de développement unique et rapide à l’échelle d’une vie humaine.

Le rôle des EAJE (Etablissements d'Accueil du Jeune Enfant), qui peuvent accueillir le jeune enfant dès l’âge de 10 semaines, est déterminant dans le développement de l’enfant au cours de ces 1000 premiers jours, et plus largement au cours des trois premières années de sa vie.



Les bienfaits de la relation intergénérationnelle avec une personne senior pour l’enfant


Une attention bienveillante et désintéressée


“Élever des enfants consiste essentiellement à les tourner vers les autres et à leur permettre de construire une relation de confiance en leur futur. Or, aujourd’hui, cette dynamique est renversée : nous sommes dans un climat de peur du futur et de suspicion envers la société”, expose le Rapport Giampino.


Or, la personne âgée peut porter sur l’enfant un regard neuf et désintéressé, là où la relation enfant-parent est aujourd’hui de plus en plus marquée par le stress, la pression qui repose sur les épaules des parents et les attentes projetées sur l’enfant. Par exemple, les parents d’un enfant dont l’acquisition du langage est plus tardive que celle d’autres enfants de leur entourage risqueront de s’en inquiéter et de sur-stimuler l’enfant. La personne âgée quant à elle, peut savoir d’expérience que le rythme d’acquisition langagière de chaque enfant lui est propre, et ainsi, ne pas s’en inquiéter.  

La personne âgée peut alors apporter à l’enfant une attention bienveillante et désintéressée, qui l’accepte pour ce qu’il est et sans angoisse; et cette relation va favoriser la prise de conscience par le jeune enfant de sa propre individualité en renforçant sa confiance en lui-même.
On peut d’ailleurs résumer cette phase du développement comme l’enfant exprimant son besoin vis-à-vis de l’adulte : “aide-moi à prendre conscience que je suis”.


La relation enfant-personne âgée fait expérimenter un rapport au temps apaisé à l’enfant

Le rapport au temps des parents n’est pas celui de l’enfant.

Le rapport Giampino souligne l’accélération du temps à laquelle les parents sont confrontés, et le décalage entre la temporalité du monde professionnel et celle de l’enfant : « Alors que les parents évoluent dans un monde professionnel où priment de plus en plus la rapidité, l’efficacité, la fluidité, les enfants sont comme des grains de sable qui bloquent les rouages de cette belle machinerie ». Dans ce cadre là, «souvent, les parents ne sont pas assez présents à la situation, à ce qu’ils font » (Béatrice Copper-Royer). On pourrait résumer en disant que la phrase que le jeune enfant entend le plus avant ses trois ans est “dépêche-toi !”.


L’équipe de la micro-crèche intergénérationnelle Tom&Josette à Rennes observe que les enfants, comme les adultes, sont plus calmes, sereins, patients, quand ils sont en présence des résidents.  Pour 6 familles sur 10, l’enfant a pris confiance en lui.


Notre entretien avec Mme Elodie Masanet, la psychologue de l’EHPAD Péan (dans lequel est intégrée une micro-crèche) avait fait ressortir le cas d’une jeune enfant d’ordinaire peu persévérante dans les activités proposées : là où elle ne pratiquait d’habitude une activité coloriage que pendant une dizaine de minutes, la présence et les encouragements d’un résident de l’établissement, placé dans une position de “tuteur” au cours de l’activité, avait permis à l’enfant de rester concentrée sur cette activité pendant près de 45 minutes.


Enfants et personnes âgées partagent un besoin universel : besoin d’attention, de tendresse, de temps.

Le lien intergénérationnel crée ainsi une rupture dans un monde où on ne prend plus le temps : l’intergénérationnel c’est finalement prendre le temps pour l’autre, prendre le temps de prendre soin, et appréhender la différence.



Pour l’enfant et sa famille : la rencontre avec la différence

Le jeune enfant n’a pas peur de la personne âgée : il accepte ses différences telles qu’elles sont. La rencontre régulière avec des personnes âgées, notamment à l’âge où l’enfant consolide son identité en se confrontant à l’Autre et découvre la socialisation et la relation à l’autre (entre 2 et 3 ans), est un rempart de taille contre les peurs et préjugés associés à la différence.


Pour les parents de l’enfant, les contacts fréquents et ordinaires avec des personnes âgées conduisent à un changement de regard et de perception de la personne âgée. Le lien intergénérationnel, dans le cadre d’une valorisation des capacités de chacun, est donc un levier d’inclusivité et un rempart contre l’âgisme, cette forme de discrimination qui touche les personnes âgées.


Les bienfaits de la relation intergénérationnelle avec un jeune enfant pour une personne âgée


Ajouter de la vie aux jours et retrouver un rôle social


“Les trois fléaux que sont la solitude, le sentiment d’impuissance et l’ennui constituent l’essentiel de ce qui contribue à la souffrance des personnes âgées”, énonce le manifeste de l’ONG américaine The EDEN Alternative, dédiée à la qualité de vie des seniors.


La relation avec un jeune enfant transforme le quotidien de la personne âgée par sa spontanéité et par l’absence de préjugés de l’enfant envers elle. La relation se noue alors d’abord par le regard, le sourire, le toucher, le jeu ou la transmission.


Ces relations, dans lesquelles la personne âgée adopte un rôle d’aîné ou de grand-parent, lui permettent de renouer avec le sentiment d’utilité sociale, de trouver un but et un rôle social valorisant, ce que le psychologue Cameron Camp traduit par la notion “d’engagement.” Les résultats de 3 études menées par Camp avec des activités intergénérationnelles mettant en relation des enfants et des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs montrent que les activités intergénérationnelles de type Montessori conduisent à davantage d’engagement : la personne âgée étant plus activement impliquée dans l’activité ou dans l’interaction avec le soignant que dans une condition standard d’activités.  


La société doit prendre conscience de la richesse immense qu'il y a à impliquer les personnes âgées, adapter l’environnement pour leur donner un rôle.

C’est la clé de l’intergénérationnel qui repose sur la réciprocité dans la relation.

Ce sentiment de pouvoir donner, être utile est vital et il doit correspondre à une réalité.


Stimulation cognitive et motrice


La relation avec l’enfant peut stimuler la mémoire, des émotions, de l’attention de la personne âgée : elle fait appel à des souvenirs et des émotions enfouis et à la mémoire des gestes.

Cette relation s’accompagne généralement d’une stimulation physique quasi-inconsciente et spontanée (se baisser pour ramasser ce qui est tombé, se lever pour montrer quelque chose à l’enfant…), qui vient du fait que la personne âgée sent que l’enfant a besoin de lui.  


Cette stimulation peut se révéler particulièrement pertinente en ce qui concerne les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Olivier de Ladoucette explique ainsi que “la maladie d’Alzheimer altère différentes fonctions cognitives, différentes mémoires. Néanmoins, la mémoire affective, celle des émotions et la capacité à entrer en relation avec l’autre demeurent longtemps conservées. C’est là-dessus qu’il faut capitaliser. Il est souvent vain de vouloir réanimer des fonctions cognitives très détériorées, mais on peut continuer à interagir au niveau émotionnel.”


En conclusion, développer davantage la relation intergénérationnelle répond aujourd’hui :


  • aux défis éducatifs que présente l’accélération dans notre rapport au temps dans le développement du jeune enfant,

  • au défi de la prise en charge de la dépendance et de l’entrée dans une société de la longévité : quel rôle social voulons-nous donner à nos aînés ?

  • au défi de société qu’est l’âgisme et la question du regard que nous portons en tant que société sur la personne âgée.



C’est sur cette vision forte que nous avons fondé avec mon associée, Astrid Parmentier, Tom&Josette.


Ce projet qui nous est cher se fonde sur les besoins que partagent le jeune enfant et la personne âgée (besoin de tendresse, d’un cadre rassurant qui favorise l’autonomie, d’un rapport au temps apaisé) et sur ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement.



En savoir plus sur notre projet


Tom&Josette est un réseau de micro-crèches intergénérationnelles. Tom&Josette intègre des micro-crèches dans des établissements pour les personnes âgées avec un projet pédagogique basé sur la richesse du lien intergénérationnel au quotidien pour les enfants et les personnes âgées.

Tom&Josette est entouré d’un comité scientifique qui mène une recherche dans les crèches afin de montrer les bienfaits de ce lien au quotidien.


Le projet de liens intergénérationnels mené par Tom&Josette concerne d’abord des jeunes enfants à partir du moment où ils marchent et sont en train d’acquérir le langage, âgés d’environ 18 mois à la veille des 4 ans.


Son ossature est un projet de lien quotidien basé sur activités très simples. Certaines d’entre elles peuvent avoir en particulier la finalité de stimuler l’éveil sensoriel de l’enfant (éveil musical par exemple), sa mémoire et son attention (lecture de contes, histoire), la coordination oeil-main, etc. La durée de ces activités est d’environ une demi-heure. Toutes ces activités ont pour finalité la création de liens entre le jeune enfant et la personne âgée. Elles se fondent sur les piliers de la pédagogie développée par Maria Montessori : autonomie, libre-choix, apprentissage par l’expérience. Ainsi, l'activité n'est jamais imposée mais proposée à l'enfant et à la personne âgée. Ceux qui veulent participent avec leurs capacités, sans aucun objectif de rendement ou de production.




Pauline Faivre

Son profil Linkedin

Tom&Josette




Références


Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot. La guerre des générations aura-t-elle lieu ?,Calmann Lévy (2017)

Rapport de Sylviane Giampino : Développement du jeune enfant – Modes d’accueil, Formation des professionnels (2016) 

https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/famille-enfance/article/rapport-de-sylviane-giampino-developpement-du-jeune-enfant-modes-d-accueil


The Eden Alternative® is an international, non-profit 501(c)3 organization dedicated to creating quality of life for Elders and their care partners, wherever they may live.

https://www.edenalt.org/


Revolutionizing the Experience of Home by Bringing Well-Being to Life (The Eden Alternative) : 

https://www.edenalt.org/wp-content/uploads/2020/08/DomainsofWellBeingWhitePaper2020Revision-200802-212515.pdf





Les troubles de l’attention chez l’enfant. Vers une prise en charge idéale

Papeians, Psychologue Clinicienne)

par Charlotte Papeians, Psychologue Clinicienne
le 2021-03-03

Les troubles de l’attention chez l’enfant. Vers une prise en charge idéale

Même si le diagnostic de TDA/H (Trouble de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) est rarement posé avant l’entrée en CP, une prise en charge peut être mise en place dès le plus jeune âge. En effet, bien qu’à cet âge certaines fonctions telles que l’attention, l’inhibition, la planification ou la flexibilité sont en cours de développement, plus cette prise en charge est holistique et précoce, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant. Ce qui est d’autant plus important lorsque ce dernier présente un défaut d’inhibition, une gestion émotionnelle difficile et/ou des habiletés sociales peu développées.


Au vu de ces éléments de repérage précoce, que pouvons-nous proposer comme prises en charge à un enfant scolarisé en classe de maternelle ?


Voici quelques précisions afin d’approfondir ce sujet ensemble.

Qu’appelle-t-on les fonctions exécutives ? Qu’est-ce que l’inhibition, l’intelligence émotionnelle et les habiletés sociales ?

Les fonctions exécutives sont les fonctions supérieures du cerveau incluant l’activation, la planification, l’inhibition et la flexibilité. Or, pour l’enfant qui rentre au CP, elles sont encore « immatures », c’est-à-dire en cours d’acquisition.

L’inhibition est la capacité à contrôler ses pensées, ses émotions, son comportement, en centrant son attention sur ce qui est demandé. Bien évidemment, le développement de l’inhibition se fait progressivement et n’est pas optimal en maternelle mais, en tant que professionnels, nous pouvons d’ores et déjà accompagner l’enfant dans un meilleur contrôle de soi.

L’intelligence émotionnelle regroupe la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation interne, l’empathie et les compétences sociales.

Quant aux habiletés sociales, il s’agit d’un « ensemble de capacités qui nous permettent de percevoir et de comprendre les messages communiqués par les autres, de choisir une réponse à ces messages et de l’émettre par des moyens verbaux, de façon appropriée à une situation sociale » (Baghdadli & Brisot-Dubois, 2011). Ces habiletés se développent très fortement au cours des trois années de maternelle.



Dans le cadre d’un suivi psychologique, plusieurs orientations peuvent être envisageables, en individuel ou en groupe, avec ou sans les parents. Parmi toutes ces possibilités, comment s’y retrouver ?


Comprendre la demande précise

Dans un premier temps, le psychologue clinicien ou le neuropsychologue aura pour objectifs de comprendre la demande sous-jacente, de prendre le temps de s’intéresser à l’environnement de l’enfant à travers des entretiens avec l’enfant, ses parents et des échanges avec l’école pour proposer un accompagnement des plus adaptés et utiles à un instant T. Et la demande peut évoluer dans le temps compte-tenu des besoins des parents, de l’enfant et de son développement.  


Aider à développer son intelligence émotionnelle

Dans un second temps, un accompagnement psychologique peut être mis en place afin d’aider l’enfant à développer son intelligence émotionnelle. C’est souvent par ce biais-là que l’enfant arrive en séance du fait de difficultés de comportement à la maison et/ou à l’école avec un débordement émotionnel que bien des parents qualifient de « crises ».


Il s’agit alors d’accompagner l’enfant dans la connaissance de soi afin qu’il repère notamment quelles émotions le traverse et pourquoi et quels sont ses besoins pour s’apaiser. L’aider à développer un regard positif sur soi en travaillant notamment sur l’estime de soi, l’autonomie physique et psychique apparaît également nécessaire dans l’accompagnement proposé.


Par ailleurs, des séances autour de la problématique d’inhibition sont souvent bien utiles en complément afin d’apprendre à attendre avant d’agir, à anticiper, à ne pas être impulsif et bien analyser ce que la personne peut lui demander.


De nombreux jeux pour des enfants de maternelle (Bazar Bizarre, Pippo, Cocotaki, Uno, etc.) vont dans ce sens et sont à utiliser, quand c’est possible, à la maison afin de généraliser ce qui est vu en séance.


Or, le programme INEMO (IN pour INhibition et EMO pour EMOtions) est une bonne illustration de ce qui peut être proposé aux enfants âgés entre 3 et 6 ans afin de les aider à développer leurs capacités d’inhibition et compétences socio-émotionnelles. Ce programme, développé en Belgique par Alexandra Volckaert et Marine Houssa, Docteures en psychologie, est à destination des enseignants et a pour visée de prévenir d’éventuelles difficultés comportementales telles que l’agitation, l’impulsivité, l’inadaptation sociale ou des difficultés émotionnelles en stimulant de manière ludique les capacités d’inhibition et en apprenant aux enfants à gérer leurs émotions et les situations de conflit, grâce à des outils scientifiquement validés, qui pourront également être utilisés à la maison. En effet, se préoccuper des émotions d’une part et de l’inhibition d’autre part est une manière d’agir de manière préventive mais aussi de commencer à rééduquer les difficultés que rencontre l’enfant et d’accompagner les parents dans leur ajustement compte-tenu des spécificités de l’enfant.


Les parents comme de vrais alliés thérapeutiques

Il apparaît souvent nécessaire de travailler avec le parent car il va pouvoir mettre en place un certain nombre d’outils à la maison et généraliser ce qui a été vu en séance. Les parents ont alors un grand rôle à jouer et leur coopération et leur confiance sont nécessaires si nous voulons que l’enfant évolue de manière positive. Un soutien à la parentalité, de manière ponctuelle, peut donc être associé à des séances individuelles. Il consiste en l’information sur les difficultés rencontrées par l’enfant et comment modifier son environnement, son éducation, l’enseignement ou l’adaptation de ceux-ci à l’enfant et à ses symptômes.



A eux seuls, les suivis psychologiques suffisent-ils ?


Bien souvent, une prise en charge en psychomotricité, surtout quand la prise en charge est précoce apparaît nécessaire et assez bien acceptée par les enfants car elle est ludique. Il s’agit de proposer une rééducation des fonctions mentales et motrices par l’intermédiaire du corps. Dans le cas d’enfants où nous suspectons un trouble de l’attention, le psychomotricien aura pour rôle, entre autres, d’aider l’enfant à développer ses stratégies de contrôle et de résolution de problèmes.


Par ailleurs, le psychologue peut orienter vers un orthophoniste si le langage met du temps à se mettre en place ou s’il y a des difficultés de prononciation. Par la suite, un suivi orthophonique peut être nécessaire dans le cas de présence d’un trouble spécifique des apprentissages (les fameux troubles « dys ») notamment dans le cas de dyslexie/dysorthographie.


Les rééducations orthoptiques apparaissent généralement nécessaires dans le cadre par exemple, de discrimination visuelle, de mémorisation de séquences visuelles, de discrimination figure/fond. Pour rappel, l’orthoptiste est spécialisé dans les troubles de la vision et peut aider un enfant présentant des difficultés d’attention à développer ses stratégies du regard, à améliorer son balayage visuel.


Le psychologue aura particulièrement à cœur de coordonner l’ensemble des prises en charge afin d’amener une cohésion dans les soins et rééducations apportés à l’enfant et de soutenir les parents. Le lien avec l’école est également primordial afin de comprendre de manière objective comment l’enfant gravite dans cet environnement et quels aménagements spécifiques peuvent être proposés.



Par la suite, compte-tenu du développement de l’enfant, qu’est-ce qui peut être proposé ?


Une fois que le diagnostic a été confirmé par un professionnel spécialisé dans le trouble de l’attention et que l’enfant a atteint un certain âge, d’autres prises en charge peuvent être mises en place.


Les bénéfices essentiels d’une approche multimodale

En effet, une approche multimodale avec plusieurs modalités d’intervention apparaît nécessaire à mettre en place pour un meilleur résultat.

De nombreux programmes sont développés notamment au Québec avec Pierre-Paul Gagné (MétoAction, MémoAction, Apprendre avec Reflecto) afin de comprendre les divers mécanismes et fonctionnements mentaux qui entrent en jeu de manière consciente dans tout apprentissage, qu’il soit concret ou abstrait. C’est une approche métacognitive de prise de conscience de ses stratégies mentales qui permet d’apprendre à apprendre. Ce type de prise en charge peut être une bonne entrée en matière quand l’enfant a les capacités métacognitives suffisamment développées à savoir vers 8-9 ans.


La remédiation cognitive

Une fois que l’enfant a pris conscience de sa façon de réfléchir, nous pouvons proposer de la remédiation cognitive (ou rééducation neuropsychologique) qui consiste en une approche cognitivo-comportementale où, par des exercices de stimulations spécifiques, l’enfant va d’une part apprendre à utiliser des aptitudes cognitives différentes pour contourner ses difficultés et d’autre part développer les fonctions où persistent des lacunes par de l’entraînement. Les interventions neurocognitives partent de l’hypothèse que l’entraînement de fonctions cognitives cibles (attention, mémoire de travail et fonctions exécutives) peut réduire les difficultés liées au TDA/H avec une prise de conscience des difficultés, la stimulation des fonctions déficitaires et la mise en place de stratégies de compensation adéquates.


L’importance de l’accompagnement des parents

En parallèle, l’accompagnement des parents, sous forme de coaching ou de soutien à la parentalité, apparaît toujours nécessaire en les aidant à mettre notamment en place un système éducatif propre à leur enfant. En groupe, les interventions psychoéducatives auprès des parents avec les groupes types Barkley sont un autre axe d’intervention, bien souvent complémentaires d’autres prises en charge. Ces approches apportent souvent une aide significative sur les comportements parentaux, les relations familiales et le fonctionnement psychosocial de l’enfant ayant un TDA/H.


Le groupe : un atout de choix pour les enfants

Toujours en groupe mais cette fois-ci à destination des enfants, le psychologue peut proposer notamment deux types de groupe.


Un groupe d’habiletés sociales aura pour objectifs, entre autres, d’améliorer la reconnaissance et l’expression des émotions, de favoriser l’expérimentation des relations sociales positives en apprenant notamment la coopération et les fonctionnements adaptatifs et d’exploiter les forces personnelles et remobiliser leur estime de soi. A chaque séance, la problématique inhibition/flexibilité est également traitée.


Un groupe de remédiation cognitive (comme peut le proposer Pifam, Programme d’Intervention sur les Fonctions Attentionnelles et Métacognitives développé par Francine Lussier) aura pour buts, à travers 12 séances, de développer la métacognition et d’acquérir des stratégies d’apprentissages propres et généralisables à l’école et à la maison afin notamment de développer son attention visuelle et auditive, sa mémorisation, sa flexibilité, sa planification, son contrôle de l’impulsivité et sa résistance à la distraction. L’idée sous-jacente est d’amener les enfants à une certaine autonomie et que les outils soient trouvés par eux-mêmes et non plus par leurs parents.


Ces interventions groupales amènent bien souvent une nouvelle dynamique dans la prise en charge et sont souvent bien vécues par les enfants ; ces derniers montrant souvent à partir d’un certain âge une certaine lassitude dans les prises en charge individuelles. Cela permet également de mettre en pratique ce qui a été perçu en séances individuelles et de développer notamment l’aspect habiletés sociales.



Les autres modalités thérapeutiques complémentaires

Par ailleurs, des séances de graphothérapie peuvent être mises en place. Il s’agit d’une rééducation de l’écriture auprès d’enfants ou d’adolescents dysgraphiques, c’est-à-dire présentant des difficultés de mise en place de l’écriture : écriture illisible et peu soignée, écriture trop lente, tenue anormale du stylo.


L’ergothérapie apparaît également bien souvent essentiel notamment avec l’entrée au collège : accompagnement des enfants atteints de TDA/H afin de préserver et développer leur indépendance et leur autonomie dans leur environnement quotidien et social, mise en place de l’outil informatique pour alléger l’effort cognitif qu’engendre la prise de note manuscrite.


Enfin, les méthodes pharmaceutiques (présentes depuis les années 50-60) sont une solution parmi d’autres. Ce sont généralement des traitements à base de psychostimulants (telles que le méthylphenidate ou l’atomoxétine qui sont deux types de molécules) afin d’augmenter la stimulation cérébrale. Les médicaments interagissent au niveau de la régulation hormonale en palliant le déficit. La méthylphenidate, par exemple, ralentit la destruction de dopamine ; celle-ci agit donc plus longtemps et stimule de manière plus efficace les cellules responsables du contrôle de l’attention.



En conclusion, le trouble de l’attention est un trouble qui dure depuis plusieurs mois et s’exprime dans différentes situations. Il n’est donc pas lié à un contexte (sanitaire par exemple) ou à une situation précise (maladie ou autres) du fait de sa durabilité et quand nous reprenons l’anamnèse de chaque enfant, nous retrouvons bien souvent des signes précurseurs assez tôt dans leur développement.

De fait, un accompagnement psychologique peut être mis en place même si l’enfant est jeune d’autant que plus cette prise en charge sera précoce et globale, meilleur sera le pronostic dans le développement de l’enfant même si, bien entendu, il faut tenir compte de la sévérité du trouble, des éventuelles comorbidités et du profil singulier de chaque enfant.

En effet, les trois symptômes du TDA/H que sont le déficit d’attention, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité ont des intensités et des manifestations qui varient selon l’enfant et ont des expressions différentes. Il faut noter qu’on ne peut pas guérir du trouble de l’attention mais que grâce à cet accompagnement sur mesure en collaboration avec les parents, l’école et les différents professionnels qui gravitent autour de l’enfant, nous pouvons pallier certaines difficultés de l’enfant et diminuer les répercussions négatives sur l’environnement familial, scolaire et social.


Charlotte Papéians

Son profil Weppsy


Du même auteur : 

Le TDA/H (Trouble de Déficit de l'Attention, avec ou sans Hyperactivité) : un repérage précoce est-il possible ?


Ressources :


Pour les enfants


Pour les parents



Pour les professionnels


La bienveillance a ses limites !

Mouton, Psychologue Clinicienne)

par Aude Mouton, Psychologue Clinicienne
le 2020-10-13

La bienveillance a ses limites !

Pourquoi ce tapage à propos de la bienveillance ? Pourquoi punir et donner la fessée jusqu’alors le « bon » choix est aujourd’hui si décrié ? Comment l’enfant peut-il apprendre et comprendre les limites sans punition ?


Tout est une question d’âge.


Avant 6 ans, le cortex préfrontal n’est pas suffisamment développé pour faire son travail : réguler les émotions de façon efficace.

Nous avons tous vécu ce grand moment de solitude face à notre enfant en complète tempête émotionnelle devant… son biscuit cassé. Notre cerveau d’adulte analyse la situation et ne comprend pas que la frustration de ne pas avoir son gâteau comme on le veut, la déception de voir la cassure, puisse provoquer un tel comportement. L’émotion peut apparaître chez l’adulte mais elle est vite « contrôlée » par le cerveau et produit un comportement « a minima » car l’émotion est intériorisée.

Nous avons tous tenté d’expliquer avec calme que « non, il n’y a plus de raisins » devant un enfant qui nous répond sans relâche que « oui, mais moi j’en veux un maintenant ! »

Le cortex préfrontal qui permet d’accueillir une émotion et de la soumettre au concept de la réalité (= prendre du recul) n’est pas encore fonctionnel. L’enfant n’est donc pas en mesure de comprendre que son désir doit être soumis à une réalité concrète.

Tout cela pour dire que l’enfant avant 5 ou 6 ans n’est pas à même de contrôler un grand nombre de ses vécus émotionnels et cela se perçoit par des comportements qui ne sont pas « acceptables » socialement. (Vous pouvez lire “Au coeur des emotions de l’enfant” de Filliozat)


Alors comment expliquer que les punitions « marchent »


Tout d’abord, marchent-elles vraiment ? Il faut bien souvent un grand nombre de répétitions de punitions pour que le comportement disparaisse. Une punition inclut toujours une notion de peur. On propose un déplaisir, une peur, à l’enfant face à un comportement. C’est alors une autre partie du cerveau qui est mise en route. Le « système de récompense », qui comprend les récompenses et les punitions, provoquent des productions hormonales qui vont amener le sujet à répéter ou éviter un comportement. C’est la base du training animal.

Donc à long terme, il est vrai que le comportement s’accentue ou s’arrête mais cet entraînement n’est pas un apprentissage à long terme. L’enfant a du mal à faire le lien entre la punition et « l’intérêt » de la punition. Et même les adultes… combien d’entre nous râlent lorsqu’ils reçoivent un PV ? Un excès de vitesse est un danger pour tous… mais le PV reste une punition inacceptable et désagréable, qui change peu nos comportements sur la route. Les études montrent d’ailleurs un meilleur changement chez le conducteur après un stage qui explique les dangers plutôt qu’après une amende.

Les comportement qu’un parent veut faire cesser ou provoquer chez son enfant comporte généralement une notion d’acceptation sociale.

Si on réfléchit vraiment à la règle que l’on veut mettre en place, on devrait y trouver une logique, une rationalisation sociale, un intérêt dans le développement de l’enfant.
Dans ce cas, il est toujours possible de trouver une solution intelligente de répondre à la situation.


Et comment faire pour les comportements dangereux ?


L’obéissance est à différencier de la soumission. Dans une relation de confiance, l’enfant sera plus enclin à faire confiance à la personne qui le sécurise.

L’enfant qui a un comportement dangereux (mord, traverse la route, ne s’attache pas en voiture ..) n’est souvent pas en recherche de provocation. Cette compétence arrive plus tard (après 6/7 ans). Il est peut-être dans la recherche des limites, c’est-à-dire comprendre la différence bien/mal, acceptable/inacceptable, etc. mais il est surtout, le plus souvent, dans une recherche de relation, de rapproché à l’autre.

Ouvrir le dialogue, expliquer, rendre possible l’expression du sentiment est toujours une bonne idée. Un enfant est très rapidement dans le conflit quand il est en désarroi avec ses propres émotions. Un enfant va aussi chercher à « prendre le contrôle » pour se sentir puissant et fort.

Un enfant a très vite une sensation de frustration car il vit dans un monde de plaisirs et il n’est pas capable de se rendre compte de l’importance des demandes de la réalité.
Tout ceci ne sont pas des excuses pour le laisser faire ! Tout ceci sont des connaissances essentielles pour lui verbaliser et l’amener à développer ces compétences.



Un enfant a besoin de limites.


Oui. Absolument vrai.

La parentalité bienveillante n’est pas l’absence de limite : la parentalité bienveillante est la tentative de poser des limites de façon respectueuse de l’enfant, de son développement et de son intégrité.

Les violences ordinaires sont nombreuses :

  • Demander à un enfant un contrôle émotionnel que son cerveau n’est pas capable de produire

  • Demander à un enfant une absence d’émotion ou une variation émotionnelle

  • Ne pas proposer de dialogue ou d’empathie

  • Les atteintes physiques (la fessée, la tape sur la main)

  • Les atteintes verbales, c’est-à-dire les insultes, le dénigrement, les menaces

Mais aussi :

  • Laisser tout faire à l’enfant, lui donner le choix sur tout

  • Ne pas avoir d’exigence et le laisser seul assumer ses comportements

  • Le laisser dominer l’autre, qu’il soit un autre enfant ou un autre adulte.

Ceci aussi sont des violences ordinaires car l’enfant rentre dans une toute puissance très anxiogène dont il est très dur de sortir.

Pour se sentir en sécurité l’enfant a besoin de sentir que son parent est stable, sûr de lui, qu’il est un guide fiable. Les adultes ont une supériorité intellectuelle, développementale, physique, d’expérience. Ils doivent absolument imposer un cadre de vie à l’enfant dans lequel celui-ci peut se développer en sécurité. Ce cadre est l’ensemble des règles de la société, de la famille que l’enfant doit apprendre à suivre pour être un membre actif de la communauté dans laquelle il vit. On peut choisir de l’aider à se développer par contrainte ou par coopération.


Mais alors comment faire ? Comment trouver un juste milieu ?


Vos buts à long terme

La première étape me semble être de réfléchir au long terme. Comment voulez-vous que vos enfants soient dans 20 ans ? En se projetant dans le futur, on trouve les réponses à nos demandes éducatives. Se tenir correctement à table est une demande classique, qui change d’un pays à l’autre mais qui reste une aptitude importante à apprendre. Si on imagine nos enfants dans le futur, on peut alors leur expliquer que manger correctement est une marque de respect de l’autre, c’est une compétence qui nous permet d’appartenir à un groupe, de respecter l’espace autour de nous et ceux qui nettoient après nous…  


Éduquer par l’exemple.

Si vous voulez des enfants empathiques, soyez empathique envers eux. Si vous voulez des enfants attentifs, soyez attentifs à eux. Si vous voulez des enfants authentiques, soyez authentiques… Nos enfants se crient dessus, disent des gros mots et tapent parce qu’ils imitent ce qu’ils voient.

Un enfant imite jusqu’à tard dans son développement, et vous êtes sa principale source d’inspiration !

Comment un enfant peut-il comprendre qu’il est mal de taper… en se faisant taper ? C’est une ambivalence que le cerveau ne peut pas accepter. Et si les mots le disent, l’expérience physique reste la même : je suis dominé par la douleur physique, je dominerai par la douleur physique.  


La punition

J’aimerais vous proposer ici de tenter la “coopération” à la place de la punition. Votre famille est une équipe, une communauté et suivre le chef du groupe est important pour que l’ensemble de la communauté fonctionne.

Expliquez vos besoins: "J’ai besoin que tu ailles te mettre en pyjamas pour avoir le temps de faire le dîner”. “J’ai besoin que tu ailles te laver les mains pour que nous profitions tous d’une maison propre”.  

Proposez-lui de participer à la conversation éducative. Même très jeune vos enfants vous surprendront par leur capacité à analyser ce qu’ils vivent. Vous pouvez ainsi faire la liste de ses responsabilités dans le groupe (toujours en accord avec son âge)

Choisissez un sujet qui vous importe dans vos valeurs familiales et tentez de faire comprendre à vos enfants son importance. Ayez une discussion à propos de pourquoi on le fait, les conséquences de suivre ce principe et de ne pas suivre ce principe, comment le gérer en famille, qui est une petite communauté. Tentez le partenariat sur un sujet et voyez les effets rapides !

Enfin, vous pouvez rappeler à votre enfant qu’il a encore le choix devant vos ordres: il peut coopérer s’il se sent capable, ou exprimer son vécu. Un enfant a parfois un sentiment qui le bloque: il n’a pas fini son jeu et il voudrait quelques minutes supplémentaires, il ne se sent pas capable de faire la tâche demandée, il a besoin d’aide ou de soutien… en lui rappelant qu’il peut soit obéir, soit exprimer les raisons de sa “désobéissance”, vous continuez de construire une relation de confiance et non de soumission, vous créez un environnement de cohésion.

Pour mieux comprendre, je recommande les livres de Guéguen et Filliozat pour découvrir des outils techniques, ainsi que les livres de Faber & Mazlish. Enfin, parler de vos expériences pendant des ateliers ou groupes de paroles peut également être très efficaces.


Aude Mouton

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Le TDA/H (Trouble de Déficit de l'Attention, avec ou sans Hyperactivité) : un repérage précoce est-il possible ?

Papeians, Psychologue Clinicienne)

par Charlotte Papeians, Psychologue Clinicienne
le 2020-09-29

Le TDA/H (Trouble de Déficit de l'Attention, avec ou sans Hyperactivité) : un repérage précoce est-il possible ?

     Ces dernières années, nombreux sont les parents qui se questionnent sur un éventuel TDA/H (Trouble De l’Attention avec ou sans Hyperactivité) chez leur progéniture et ce même avant l’entrée en CP. Ils s’inquiètent souvent au sujet des motifs suivants : « je dois répéter plusieurs fois avant que mon enfant réalise ce que je lui demande » ; « c’est une pile électrique » ; « il bouge tout le temps » ; « il fait des crises de colère » ; « il ne tient pas en place en classe » ; « il n’écoute pas », etc.

Ces réactions et ces comportements doivent-ils alerter quant à un éventuel trouble de l’attention et ce, même chez des enfants scolarisés en classe de maternelle ? Ou cela fait-il partie de leur immaturité cérébrale et de leurs fonctions exécutives qui ne sont pas totalement développées ? En effet, ces dernières sont l’ensemble des fonctions cognitives impliquées dans la régulation intentionnelle de nos pensées et dans la réalisation de nos comportements en fonction des buts que nous nous sommes fixés (dont mémoire de travail, planification, inhibition, flexibilité). Elles se construisent au fil du temps et ce, dès la première année de la vie et particulièrement entre l’âge de 3-5 ans.


De fait, il apparaît difficile de se prononcer sur un éventuel TDA/H avant l’âge de 6-7 ans.
Mais, des signes d’appel sont à prendre en compte afin de mettre en place un accompagnement adapté le plus précocement possible même si le diagnostic n’est pas posé d’emblée. Nous partons alors du postulat que plus une prise en charge de l’enfant et de l’entourage est précoce, meilleure sera l’inscription de l’enfant au sein de sa famille, de son école et avec ses pairs (cf. projet INEMO, www.inemo.be).


Le premier signe d’appel s’apparente à un défaut d’inhibition, dans la plupart des contextes (ou dans tous) et avec tout le monde.


Or, l’inhibition est « la capacité à centrer son attention, à gérer ses émotions et son comportement. Elle permet d’éviter d’avoir des comportements impulsifs. C’est l’inhibition qui nous aide à centrer son attention afin d’accomplir la tâche demandée sans se laisser distraire par les stimuli de son environnement, comme le bruit » (Rafiqi, 2017).

L’inhibition renvoie donc au contrôle intentionnel des pensées, des comportements et des impulsions.

Quelques exemples d’un déficit d’inhibition chez les enfants : au cours du jeu Jacques a dit, l’enfant n’arrive pas à inhiber son action à accomplir quand la demande n’est pas précédée de « Jacques a dit… ». En classe, c’est l’enfant qui est incapable de ne pas se retourner quand un camarade parle et à demeurer attentif aux explications de son enseignant. Lors de rédaction, c’est quand l’enfant est souvent hors sujet car il n’inhibe pas ses idées non pertinentes et non en accord avec ce qui lui est demandé au préalable.


Un autre signe d’appel est le manque de flexibilité, fonction qui est étroitement liée à l’inhibition.


Or, « la flexibilité́ nous permet de faire des changements rapidement entre deux tâches et nous aide à tolérer les changements imprévus » (Caron, 2011; Chevalier et Blaye, 2006; Gagné et al., 2009). Cette composante nous permet de prendre conscience de nos erreurs et d’y remédier en modifiant nos stratégies cognitives. Elle nous permet également d’être plus créatif afin de fournir plusieurs idées différentes pour une même situation.

Nous pouvons retrouver cette fonction dans de nombreuses situations : par exemple, deux enfants jouent au gendarme et au voleur. L’un des enfants commence par le voleur puis change de rôle. Ou, un enfant construit une tour avec des blocs et si celle-ci s’effondre, il doit recourir à une autre stratégie afin de reconstruire la tour. Dans les relations avec les autres, nous pouvons la retrouver au cours de conflits lorsqu’il s’agit de faire des compromis, par exemple lors de choix de jeux. Ou, lors de situation d’apprentissage comme les calculs où il faut passer d’une opération à une autre sans confusion.


Par ailleurs, l’enfant peut avoir une mauvaise régulation émotionnelle du fait de son intelligence émotionnelle qui peine à se développer.


Or, l’intelligence émotionnelle correspond à la capacité à identifier ce qu’on éprouve, à savoir mettre des mots dessus, en comprendre l’origine, en reconnaître le déclencheur immédiat et les causes plus cachées. C’est également la capacité à identifier et à comprendre les émotions des autres mais aussi à pouvoir gérer de manière efficace ses propres émotions et ses relations interpersonnelles.

De fait, elle est constituée de 5 composantes :

  • La conscience de soi : il s’agit notamment de la compréhension de ses émotions, de la capacité à s’autoévaluer et de la confiance en soi. Cette composante se développe au fil des années et dépend de ses capacités intrapersonnelles.

  • La maîtrise de soi : il s’agit de la gestion de ses émotions et de ses impulsions, de la conscience et de l’adaptabilité à une situation. Nous voyons bien ici que du fait de leur faible inhibition et de leur flexibilité limitée, le contrôle de soi apparaît hasardeux et ce, même après l’entrée en CP où il leur est demandé plus de maîtrise.

  • La motivation interne

  • L’empathie : c’est la capacité à détecter et à interpréter correctement les émotions d’autrui et de comprendre les autres. Il s’agit alors de prendre le temps de décoder les signes faciaux, comportementaux et verbaux chez les autres afin d’apporter la réponse adéquate. Mais, du fait d’un manque d’attention visuelle notamment, ces enfants ne « voient » pas les signes que leurs interlocuteurs peuvent leur donner.

  • Les compétences sociales.


Un manque d’intelligence émotionnelle peut ainsi entraver la qualité des interactions sociales (5e composante) qui constitue un autre signe d’appel. Il s’agit notamment d’une difficulté à s’adapter à l’autre du fait d’une mauvaise analyse, d’une non-application des codes sociaux (regarder l’autre, s’intéresser à l’autre, faire des compromis, etc.). Dans ce cas-là, l’enfant peut avoir du mal à nouer des relations avec les autres enfants, il a du mal avec les règles du jeu, à faire des compromis, à contrôler son comportement. Il peut avoir une mauvaise analyse des situations sociales et souvent, a un biais d’attribution associé (projette sur autrui ce qu’il imagine que l’autre pourrait penser).


Bien que d’autres réactions et comportements peuvent alerter les parents, les signes que nous avons décrits constituent les plus prégnants et répandus. Les autres signes d’appel peuvent être par exemple : absence de persévération et/ou d’effort cognitif à savoir que l’enfant a du mal à aller au bout de ce qu’il entreprend notamment quand il est face à la difficulté, problème d’attention soutenue, difficulté d’organisation, lenteur dans la réalisation des choses notamment au niveau de l’initiation, etc.


Face à ces différents signes, un accompagnement notamment psychologique et/ou psychomoteur associé ou non à une guidance parentale peut être proposé dans le but d’agir de manière préventive. Il s’agit notamment de stimuler de manière ludique les capacités d’inhibition des jeunes enfants, de leur apprendre à gérer leurs émotions et de les aider à comprendre et à appliquer les codes sociaux notamment dans les situations de conflit. Des trucs et astuces peuvent également être fourni aux parents et aux enseignants afin que l’enfant soit aidé dans tous ses milieux de vie, ce qui amène de meilleurs résultats.


Charlotte Papéians



Quelques pistes de lecture pour les parents :


  • Mon enfant s’oppose. Que dire ? Que faire ? du Dr Gisèle George

  • Cent idées pour mieux gérer les troubles de l’attention de Francine Lussier

  • TDA/H La boîte à outils d’Ariane Hébert

  • Ces parents à bout de souffle. Un guide de survie à l’intention des parents qui ont un enfant hyperactif de Suzanne Lavigueur

  • L’enfant hyperactif de Marie-France Le Heuzey

  • Réponses à vos questions sur l’hyperactivité. Reconnaître l’hyperactivité et aider l’enfant à la surmonter de Michel Lecendreux, Eric Konofal et Monique Touzin

  • Comment aider mon enfant hyperactif ? de Marie-Claude Saiag, Stéphanie Bioulac et Manuel Bouvard


Quelques pistes de lecture pour les enfants :


  • Mon cerveau a besoin de lunettes, Québecor, 2010, rédigé par le Dr Annick Vincent

  • Le cousin hyperactif de Jean Gervais

  • Edgar-la-bagarre de Roger Poupart

  • Max est dans la lune de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch



Les enfants d'aujourd'hui sont-ils à bout ? La dépression chez l'enfant

Cart, Psychologue clinicienne )

par Bénédicte Cart, Psychologue clinicienne
le 2020-09-22

Les enfants d'aujourd'hui sont-ils à bout ? La dépression chez l'enfant

Voici un sujet qui revient régulièrement à différentes périodes de l’année: celui de la déprime, du burn-out, de la dépression ou encore la fatigue et l’irritabilité chez les enfants.

La dernière semaine de classe est souvent synonyme d'hyper-vigilance, de chutes en tout genre, de conflits, de pleurs et de maladies. Mais pourquoi 5, 6 ou 7 semaines d'école viennent mettre à mal les enfants et qu'est-ce que cache ce mal-être ?  

Intéressons-nous tout d'abord aux différents noms que porte cet épuisement : il y a bien sur le « burn-out », mot tendance qui peut faire moins peur que la dépression. Et puis, la dépression, une psychopathologie connue et bien définie chez l'adulte mais plus opaque chez l'enfant. Elle est liée à une grande tristesse, un manque d'envie pour les activités, des idées noires et parfois des idées suicidaires. Elle peut être réactionnelle à un événement (comme un deuil, une perte…) ou chronique. Quant au burn-out, il est apparenté à la question professionnelle : il s’agit de l'adulte en souffrance au travail. Mais depuis quelques années, on entend ce terme dans le milieu de la santé mentale de l'enfant et de l'adolescent. Après avoir lu plusieurs articles sur le sujet et avoir rencontré des élèves en « décrochage scolaire » ainsi que des enseignants impuissants face à ce genre de situations, je me demandais : S’agirait-il d’une nouvelle forme de souffrance plus profonde et complexe que le simple désintérêt pour l'école? Nos enfants sont-ils tous au bord de la dépression ?


Commençons par un point sur la dépression chez l'enfant :



La dépression est une maladie référencée dans le DSM (manuel de référence dans le champ médical des maladies mentales), il s’agit d’un trouble thymique (en rapport avec l’humeur). Une dépression peut avoir plusieurs causes, plusieurs manifestations. Elle peut être réactionnelle ou durable (on parle alors de dépression atypique ou de bipolarité si la personne présente également des épisodes de manie). La thérapie est souvent double, c’est-à-dire chimiothérapeutique et psycho-thérapeutique, permettant une stabilisation de l’humeur et un travail axé sur la compréhension et l’acceptation de la maladie au quotidien.

Concrètement, l'enfant déprimé est peu concentré à l'école et fatigué, il a du mal à se lever le matin. Il est d'humeur triste ou colérique, parfois même agressif. Il se referme sur lui-même, généralise un malheur à toute sa vie et ne voit pas de solution pour s'en sortir ou que ça aille mieux.

Chez l’enfant, la dépression est difficile à diagnostiquer. En effet, le peu de corrélation au niveau de la symptomatologie de la dépression chez l’adulte et l’appréciation nécessairement subjective de l’humeur font que l’enfant sera toujours le meilleur observateur de son propre ressenti. S’il est le meilleur observateur, il pose bien moins aisément des mots dessus.

 

En effet, même quand la symptomatologie se rapproche de celle de l’adulte, la plainte dépressive est rare, remplacée par de l’hostilité (à l’adolescence) ou le ralentissement psychomoteur qui peut se transformer en une sagesse excessive et une forte culpabilité.

En général, elle s'installe lentement ou à la suite d'un événement vécu comme violent ou traumatique (décès, viol, racket…). La forme la plus répandue est celle qui évolue lentement, difficile à repérer car l'agressivité et le comportement agité sont au premier plan et cachent la tristesse et la douleur. Non traitée, elle peut disparaître spontanément après quelques mois avec des symptômes perdurant 1 ou 2 ans.

Un enfant souffrant de dépression, même si celle-ci n'est pas diagnostiquée ou réellement visible par l'entourage, est un enfant en construction. Sa personnalité va donc utiliser le mode dépressif pour se solidifier. Comme une maison, nous choisissons du bois, des briques… la personnalité opte pour un mode. Cela signifie que l'enfant déprimé qui grandit va plutôt générer des symptômes dépressifs en réaction aux événements de vie auxquels il est confronté tout au long de sa vie.


Mais alors que faire quand nous sommes parents et voyons cette détresse chez son enfant ? 

Comment appréhender la question délicate des idées noires et même du suicide chez ces enfants tristes ?



Voici une question bien délicate à aborder, quand son enfant rentrant de l'école nous dit « Je suis nul, je veux mourir ». Luis Vera explique qu'il faut aborder ce sujet pour manifester à son enfant son inquiétude à son sujet et sa compréhension de son mal-être.

Avant tout chose, en tant que parent, discuter de ses idées, pensées et émotions autour de la mort est nécessaire.

 

En discuter ne rendra pas concret l'acte, mais permettra bien le partage du fardeau avec l'enfant. Évoquer les idées suicidaires n’en a jamais créé chez des enfants qui n’en avaient pas.
Cet échange n'a pas pour but de minimiser le discours de l'enfant ou de lui montrer tout ce qui va bien, seulement de l'écouter et d'évaluer le niveau de risque suicidaire. Tout d'abord, un enfant qui a des idées noires, « Je suis trop nul, personne ne m'aime », n'a pas forcément d'idées suicidaires, mais indique un déficit d'estime de soi. Par la suite, si l'enfant commence à dire « Je vais me tuer », « Je vais me jeter par la fenêtre », alors on parle d'idées suicidaires. Il y pense, mais de manière générale car les choses semblent trop difficiles. Il s'agit de la seule solution à tous ses malheurs. En effet, l’enfant a plus de mal à se projeter dans le futur et imaginer que les choses vont s’améliorer, il vit enraciné dans le présent. Dans ce cas-là, l'adulte peut lui proposer de consulter un psychothérapeute tout en lui faisant comprendre qu'il a entendu sa plainte. On peut aussi l’amener à chercher d'autres solutions. Et le dernier niveau qui doit absolument alerter le parent est le scénario suicidaire. Dans ce cas, l'enfant décrit comment et éventuellement quand il va passer à l'acte, souvent à des proches, des amis, sur les réseaux sociaux... A cet instant, il est important de proposer à l'enfant une consultation médicale, se rapprocher du personnel médical de l'établissement fréquenté, ou encore emmener l’enfant aux urgences pédo-psychiatriques les plus proches. En effet, l’enfant a moins la notion de la permanence de la mort que l’adulte, et peut donc passer à l’acte de façon impulsive, sans avoir réellement en tête les conséquences.

Après ces échanges, l'enfant ne se sent plus seul dans sa détresse et peut s'apaiser. Il s'agit d'un moyen d'attirer l'attention sur ses angoisses et l'enfant doit trouver une oreille pour expliquer ses peurs. Ainsi l'adulte peut rassurer et proposer à son enfant une prise en charge par des professionnels. Cela permet de diminuer le sentiment de culpabilité et d'anormalité que l'enfant ressent.

La dépression est une pathologie qui nécessite des prises en charge médicale et thérapeutique comme chez l'adulte mais le manque de connaissance et d'informations sur celle chez l'enfant a laissé la place à un autre trouble : le burn-out. Un enfant peut-il être atteint de burn-out ? Et comment se manifeste-t-il ?

Commençons par une définition simple du burn-out : il s’agit d’un épisode dépressif en réaction à un épuisement professionnel, ou scolaire dans le cas des enfants. Chez l'enfant, le burn-out est une forme de fatigue ou d’épuisement physique et psychologique. Pour être plus clair, il s’agit d’une réaction à un stress intense et prolongé. Ils sollicitent leurs ressources, de plus en plus, jusqu’à l’épuisement, et c’est là que nous parlons de burn-out. Ce sont des enfants exténués, qui ont souvent des problèmes de sommeil ou même d'alimentation, et peuvent présenter une irritabilité et des rapports conflictuels avec les adultes.

Une étude réalisée par Sandra Zakari et Hossaïn Bendahman a montré que le stress ou les pressions en rapport à la scolarité, les attitudes parentales, l’entourage social, les relations avec les enseignants, la relation à la fratrie, le parcours scolaire lui-même, les projets d’orientation et les activités extrascolaires sont relatives au mal-être ou à l’épuisement, le plus souvent visible à l'école, et on parle alors d'épuisement scolaire.

L’épuisement chez les enfants est donc une réalité qui prend de l’ampleur. Il s’agirait d’une sur-stimulation du cerveau, créée par l’environnement où l’enfant lui-même, qui va user peu à peu ses ressources. Le cerveau, ayant une fonctionnement comme le corps, a besoin d’un entraînement progressif. Si celui-ci ne fait l'expérience que de stress, projections futures et interprétations de ses résultats scolaires, il aura beaucoup de difficultés à envisager le futur de façon positive. De plus, si les personnes de son entourage sont elles-mêmes sous pression, angoissées ou déprimées, alors son fonctionnement en miroir va utiliser les mêmes mécanismes, qui deviendront des automatismes de pensées jusqu'à l'épuisement. C’est également pour cela que les parents doivent être vigilants par rapport à leur propre humeur, et prendre soin d’eux-mêmes.


Mais alors comment aider ses enfants à éviter cet épuisement ? Cette tristesse ?



Il ne faut pas oublier le caractère épisodique du burn-out, ou de la dépression qui à l’échelle d’un enfant nécessite un rééquilibrage de son temps, de ses activités, et de son rythme.

La première solution fait appel au bon sens. Quand on est épuisé nerveusement, il faut faire une pause. Pour un enfant, les vacances sont idéales. Cela permet d'aller chez les grands-parents ou de rester en famille, de faire des activités calmes et sans pression ou enjeu de réussite. Il peut fréquenter un centre de loisir, ou partir en colonie. L'idée est de casser son rythme habituellement et renouer avec un environnement plus calme et moins stressant.

Deuxièmement, la famille, ou son entourage, peut prendre du recul sur la vie, les attentes et la pression que subit l'enfant en souffrance et lui permettre de faire des expériences positives et bienveillantes en l’encourageant à s'ennuyer, se reposer tranquillement. Il faut parfois lâcher prise pour que l’enfant retrouve sa joie de vivre et un équilibre plus stable.



Représentations du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) : mythe ou réalité ?

du Bouëtiez, Psychologue clinicienne)

par Sophie du Bouëtiez, Psychologue clinicienne
le 2020-09-15

Représentations du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) : mythe ou réalité ?

Aujourd’hui dans les cabinets de psychologie, on observe une explosion des consultations autour du Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Que ce soient des parents inquiets du comportement de leur enfant ou des adultes en recherche d’une explication quant à leurs difficultés, le HPI apparaît de plus en plus comme l’hypothèse principale à explorer pour mettre du sens sur des troubles scolaires/professionnels, relationnels, émotionnels... 

Si la terminologie varie depuis quelques décennies (surdoué, précoce, HPI, EIP...), le concept du HPI renvoie aujourd’hui à une série de caractéristiques communément admises dans la littérature scientifique : un fonctionnement cérébral singulier caractérisé par une activité très intense et des connexions plus importantes que la moyenne (et ce tant entre les deux hémisphères qu’au sein d’un même hémisphère cérébral). En découlent de puissantes capacités de raisonnement, de mémoire, de langage et de compréhension, mais aussi une aptitude remarquable à associer, conceptualiser et organiser ses idées.

 

Au quotidien, chez l’enfant comme chez l’adulte, le HPI se manifeste alors par une pensée rapide et foisonnante, une grande créativité et sensibilité, une forte lucidité dans le rapport aux autres et au monde, ou encore une curiosité insatiable.

On considère qu’un peu plus de 2% de la population est concernée par le HPI : ce chiffre est stable dans le temps, les tests psychométriques étant régulièrement réétalonnés pour tenir compte de l’effet Flynn (augmentation des capacités intellectuelles des individus au fil des générations). Ce taux ne varie pas non plus en fonction du milieu socioculturel : le HPI concerne des personnes de tout âge, de tout milieu social, de toute profession...

Aujourd’hui le HPI est un mode de pensée de plus en plus reconnu, tant chez les professionnels que chez le grand public. Mais dans la pratique psychothérapeutique, on peut être surpris par les représentations anxiogènes véhiculées autour de ce sujet.

 

Beaucoup de patients identifiés HPI viennent ainsi consulter, pétris d’angoisses : inquiétude d’être différents, de ne jamais trouver leur place, d’être « condamnés » à l’anxiété ou à la dépression...
On observe également une tendance chez les patients HPI à envisager leur fonctionnement intellectuel comme la « cause unique » de leurs difficultés. Certainement parce que c’est ce qu’ils ont lu ou entendu.

Or, aujourd’hui, certaines études tendent à montrer qu’il existe la même proportion d’individus épanouis dans la population tout-venant que chez les personnes présentant un HPI. Le mythe du « surdoué qui va mal » est principalement porté par un biais de représentativité énorme : les patients que nous recevons en consultation sont par définition ceux qui sont en souffrance. En consultation, nos patients HPI sont donc souvent anxieux ou déprimés. Mais parmi la population HPI non-consultante, beaucoup se portent bien et même très bien !

Cela signifie-t-il que le HPI n’a aucune incidence sur la vie émotionnelle et relationnelle ? Non, bien sûr. On peut considérer que ce mode de pensée favorise notamment une plus grande réactivité émotionnelle et une forte recherche de sens. S’en suivent une grande empathie, un besoin permanent de comprendre les règles et les attentes extérieures, un souci aigu de l’équité et de la justice... D’autre part du fait de sa rareté (seuls 2% de la population sont concernés), le HPI peut avoir une répercussion relationnelle puisqu’il induit un sentiment de décalage social : l’impression de ne pas raisonner comme ses pairs, de ne pas se reconnaître dans leurs centres d’intérêts, de ne pas être compris dans ses émotions et ses réactions.

Mais ces particularités ne sont pas systématiquement synonymes de souffrance. L’empathie peut par exemple favoriser la qualité des relations humaines ! La quête de sens et d’équité peut constituer un système de valeurs qui va guider l’individu vers des choix personnels et professionnels particulièrement épanouissants, ou encore le sentiment de décalage peut amener à mobiliser des capacités imaginatives et créatives pour transmettre des idées novatrices ou atypiques à travers l’art par exemple.

En fait, le HPI peut être vécu durablement dans la souffrance lorsqu’il vient cohabiter avec des difficultés d’ordre psycho-affectif préexistantes (tels qu’un manque de confiance en soi, une carence affective, des difficultés de gestion émotionnelle...). Il agit alors comme un accélérateur de particules qui amplifie les affects douloureux. Chez un adulte qui peine à trouver sa place avec autrui par exemple, le sentiment de différence induit par le HPI renforce la difficulté relationnelle initiale et devient synonyme de solitude. De la même manière, ce fonctionnement intellectuel, caractérisé par l’hypersensibilité, peut accroître l’intensité des affects douloureux à l’œuvre dans les troubles anxieux ou les troubles de l’humeur. Ainsi, le HPI peut accentuer la souffrance de patients en difficulté, mais ne semble pas en constituer la cause unique.

Cette distinction est primordiale, car elle porte avec elle un remaniement des enjeux psychothérapeutiques. Le risque de considérer avec le patient que ses difficultés sont générées uniquement par son HPI, dans un lien direct de cause à effet, c’est de l’enfermer dans une représentation tronquée de sa souffrance, en délaissant les aspects psychoaffectifs pourtant centraux (qualité de l’image de soi, des relations sociales et affectives, de la gestion émotionnelle...).
Chez des patients évitants ou avec une image de soi fragilisée, on risque en outre de renforcer des mécanismes de défense puissants (déni, intellectualisation), délétères pour le travail thérapeutique. Enfin, le HPI étant une particularité cérébrale stable (on l’est ou on ne l’est pas, cela ne change pas au cours de la vie), considérer cela comme une cause de souffrance induit une notion de fatalité très angoissante pour le patient (« Toute ma vie je serai en souffrance, en décalage et incompris ! »).

Avec les patients HPI, l’accompagnement psychothérapeutique peut alors consister à les aider à s’approprier leur mode de fonctionnement pour en faire une force. Il ne s’agit pas de nier les particularités de leur pensée et les répercussions émotionnelles et sociales qui en découlent. Mais plutôt d’identifier leur système de valeurs et leurs besoins pour s’épanouir pleinement, en s’appuyant sur la puissance, l’originalité de leur pensée et leur grande sensibilité.

 

Faire de ce mode de pensée atypique une ressource pour tisser des liens d’une grande richesse avec autrui et s’engager dans des projets de vie porteurs de sens.
Les amener à relire leur parcours à la lumière de ce HPI, accepter et reconnaître les difficultés qui ont pu en découler, mais aussi observer toutes les ressources qui pourront en émerger. On choisit ainsi de focaliser sur les problématiques d’ordre psycho-affectif, en s’appuyant sur le HPI comme sur un outil formidable pour étayer le mieux-être et la résilience.

Une intelligence élevée peut constituer un facteur de protection pour faire face aux épreuves de la vie : meilleure capacité d’analyse et de remise en question, meilleures capacités d’élaboration émotionnelle (mise en mots, identification des déclencheurs et des besoins...). Ainsi, chez mes patients présentant un HPI, je suis souvent stupéfaite par leur créativité pour rebondir et faire preuve de résilience face aux souffrances. L’accompagnement psychothérapeutique des patients ayant un HPI est alors souvent passionnant, car on trouve chez ces patients des qualités émotionnelles, humaines et intellectuelles qui permettent d’avancer à pas de géant, dans la créativité, le plaisir et l’audace.


Sophie du Bouëtiez

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Sources :

Wahl, G. (2019). Chapitre II. La personnalité des adultes surdoués. Dans : Gabriel Wahl éd., Les adultes surdoués (pp. 19-31). Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France.

Gauvrit, N., & Ramus. F. (2017). La légende noire des surdoués. Consulté à l’adresse https://www.researchgate.net/publication/314096481_La_legende_noire_des_surdoues

Gauvrit, N. (2014). Les surdoués ordinaires. Paris cedex 14, France: Presses Universitaires de France.



Le décrochage scolaire (1ère partie)

Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.)

par Hugues Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.
le 2020-06-27

Le psychologue clinicien et psychologue de l'Éducation Nationale Hugues Faucheux vous éclaire sur une problématique qui touche l'enfance et l'adolescence : le décrochage scolaire. 

Loin d'être un phénomène uniforme et homogène, il se matérialise par autant de trajectoires individuelles et d’histoires de vie et s’explique par une combinaison de facteurs de risques internes et externes à l’École. 

Le décrochage scolaire : effets du confinement et restrictions sanitaires (2ème partie)

Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.)

par Hugues Faucheux, Psychologue clinicien et de l'Education nationale. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre.
le 2020-06-27

Après avoir analysé le décrochage scolaire d'une manière globale dans la première partie de son interview, Hugues Faucheux inscrit ce phénomène dans l'actualité : quel rôle a joué le confinement dans le décrochage scolaire ?

En France, 500 000 élèves (sur un ensemble de 12 millions) auraient "décroché" pendant la fermeture des écoles : cela reste une estimation selon le ministère de l’Education, s'agissant de données remontées des observations des enseignants et chefs d'établissements. Des études plus précises sont en cours afin de collecter un état des lieux plus fiable.

Episode 13 - Challenge confinement & weppsy - Enfant en danger : comment le protéger ?

Houriez, Psychologue clinicienne)

par Juliette Houriez, Psychologue clinicienne
le 2020-04-20

Episode 13 - Challenge confinement & weppsy - Enfant en danger : comment le protéger ?

Nous allons ici aborder la question de l’enfance en danger, bien souvent du fait d’un adulte négligent ou malveillant. Notons que nous ne traiterons pas ici des mises en danger entre enfants ou adolescents, qui peuvent nécessiter une prise en charge différente.

Cet article vous permettra un meilleur repérage des situations problématiques et de savoir comment vous pouvez agir pour apporter de l’aide à un enfant en danger.

Toute personne, sans être psychologue ou assistante sociale, peut mettre en place les signaux d’alerte précisés ici.

Pour rappel, la protection de l’enfance est un sujet qui concerne tout citoyen puisque selon la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation, dans le respect de ses droits. [...] Elle comprend [...] l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. [...] ».


Dans le contexte actuel :


Le contexte exceptionnel que nous vivons actuellement nous conduit à passer tout notre temps chez nous. 

Si pour la plupart des enfants, le domicile est un lieu sécurisant et le contexte familial un endroit positif, pour ceux qui sont victimes de violences familiales ce domicile devient alors inquiétant, source d’angoisse et de souffrance.
Pour les aider, cet article vous donnera les clés pour repérer, alerter et porter secours à un mineur en danger.

Cet article avait été rédigé avant le confinement et donne les mesures à prendre en des circonstances habituelles. Cependant, la situation actuelle peut venir impacter les processus classiques et de ce fait, il est très important de noter qu’en cas d’urgence et de danger immédiat pour un mineur, vous devez prendre contact avec les services de police (17 ou 112) ou le 114 (numéro joignable par SMS pour les violences conjugales ou intrafamiliales), et bien sûr avec les pompiers (18) ou le SAMU (15) selon situation. Notez par ailleurs que, pour plus de confidentialité, le 119 propose à présent un formulaire de demande d’aide en ligne : https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation. Vous trouverez ici le communiqué de presse réalisé par le GIP Enfance en Danger au début du confinement, et ici toutes les actualités du 119 durant le confinement.

Enfin, la violence n’est pas nécessairement le fait de personnes “dérangées” ou “monstrueuses” mais bien souvent d’anciennes victimes de violence et/ou de personnes souffrant de carences éducatives et affectives qui, face à une situation délicate, ne trouvent pas d’autre façon de faire. Une aide est alors nécessaire pour éviter ou faire cesser toute violence.
Et parce qu’il n’est pas toujours simple de gérer son rôle de parent, en particulier durant le confinement, voici un guide des parents confinés, élaboré par des professionnels, contenant 50 astuces pour que le confinement se passe au mieux. Ajoutons que plusieurs lignes à destination des parents ont également été mises en place : SOS Parentalité au 0 974 763 963, Allo Parents Confinés (de l’Ecole des Parents) au 0 805 382 300, ou encore Allo Parents Bébé (d’Enfance et Partage) au 0 800 00 34 56. Elles ont pour but de proposer une écoute aux parents mis en difficulté par le confinement dans leur rôle éducatif.


Comment repérer les signes d’alerte chez un enfant ?



Il importe de noter que c’est généralement l’aspect répétitif et cumulatif de signes d’alerte qui caractérise la situation de risque de danger et qu’un événement isolé ne permet pas toujours de qualifier la situation. Sauf lorsqu'il s’agit d’un abus sexuel ou d'un fait de violence grave, dans ce cas : l’élément isolé suffit. L’évaluation se fait également en fonction du niveau de gravité des troubles chez l’enfant, de la nature des risques repérés dans son environnement et de la mobilisation suffisante ou non des adultes responsables de l’enfant.


Les signes d’alertes peuvent être :

  • physiques (trace de coups, fractures, accidents domestiques à répétition, problèmes de santé répétés, énurésie - “pipi au lit”, pour l'énurésie nocturne, ou l’incapacité à “être propre” en journée, pour l'énurésie diurne -, encoprésie - l’incontinence fécale -, retard de croissance, aspect négligé)

  • comportementaux (violence ou agressivité, mutisme, inhibition, quête affective systématique, fugues répétitives, peurs inexpliquées, prises de risques répétées, accidents à répétition, désordres alimentaires, difficultés scolaires comme l’absentéisme, l’échec, le désinvestissement, enfant qui semble soumis au secret vis-à-vis de ce qui se passe chez lui)

  • et/ou se situer dans le contexte de vie de l’enfant (mode ou rythme de vie manifestement inadapté, absences ou excès de limites éducatives, exigences démesurées au regard des possibilités de l’enfant, absence de soins, de suivi médical et/ou suivi à outrance, manque d’attention envers l’enfant, marginalisation dans la famille, violence psychologique, physique ou sexuelle). Il est également important de noter que les violences intra-familiales ou conjugales provoquent chez les enfants qui en sont les témoins, des traumatismes profonds et durables. Ils peuvent être considérés dans ces cas-là comme un facteur aggravant d’une situation déjà repérée comme étant dangereuse.


Tout adulte est en mesure de noter ces signes mais leur analyse et la nécessité ou non de les transmettre aux autorités compétentes doit se faire avec le plus d’objectivité possible. Ainsi, lorsqu’on est un proche de l’enfant concerné, il est parfois plus complexe d’effectuer ces repérages et une aide extérieure pourra être requise.


Et s’il n’y a pas de signe d’alerte repéré mais qu’un jeune vient directement se confier sur ce qu’il vit ?



Si un jeune vous parle de lui-même, il vous a probablement choisi pour se confier et à ce titre il est important de créer ou garder la confiance avec le jeune. Il s’agit de le rassurer, de l’assurer de votre souci de mettre en œuvre tout ce qui est de votre ressort pour l’aider et l’accompagner et de ne pas lui mentir (même pour le rassurer). Il est important de s’installer dans un lieu adapté, sécurisant et de consigner par écrit ses propos mot à mot pendant ou juste après l’échange. Prendre la parole pour révéler des faits n’est jamais facile pour un enfant ou un jeune et il importe donc d’être bienveillant et rassurant.

Il est important de bien réfléchir avant d’envoyer l’enfant vers un autre interlocuteur pour éviter le traumatisme que la répétition des propos peut engendrer. Il est préférable de contacter la CRIP (Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes - numéro de téléphone différent pour chaque département, facilement trouvable en ligne) ou le 119 pour leur avis plutôt que de faire répéter l’enfant, car au-delà de l’aspect traumatique, il y a un risque de modification des propos ou que les propos ne soient ensuite plus recevables légalement.

Lors de l’échange avec l’enfant, il importe de poser des questions ouvertes, permettant à l’enfant une réponse spontanée. Les questions fermées type « oui/non » sont trop sujettes aux phénomènes de suggestion (= répondre ce qu’on pense que l’interlocuteur attend de nous). Le très jeune enfant pense par exemple que le “oui” est toujours la réponse souhaitée par un adulte.

En fin d’échange, il est important de le remercier de sa confiance et lui dire ce que vous allez mettre en place, que vous ne pouvez l’aider seul mais que vous allez demander de l’aide auprès des personnes compétentes.

Souvent, l’enfant ou le jeune demande que ses propos soient tenus secrets, il est nécessaire de lui faire part de l’impossibilité d’un tel secret tout en le rassurant sur les conséquences. Enfin, il s’agit de ne pas dramatiser la situation ni de la minimiser.


Le cas du jeune majeur : si celui-ci n’entre pas dans les critères de vulnérabilité tels que décrits par la loi, il s’agit de l’inviter à réaliser les démarches de lui-même et éventuellement l’accompagner (commissariat, hôpital…).


Une fois les éléments recueillis, que puis-je faire ?



D’abord, il est essentiel de ne pas rester seul face à la situation.

Si vous avez recueilli les signes et/ou propos de l’enfant dans le cadre de votre travail au sein d’une institution (école, hôpital, centre aéré, colonie de vacances, conservatoire…), sollicitez votre direction, échangez avec vos collègues voire avec le psychologue s’il y en a un.

ATTENTION cependant, il s’agit de toujours rester dans le respect de la confidentialité et du devoir de réserve, on ne fait pas de « commérages » au sujet de la vie privée d’un enfant. Les phénomènes de sidération que l’on peut ressentir face à l’évocation de problèmes graves peuvent altérer notre discernement. Ne partagez que les informations réellement pertinentes.


Les responsables de la protection de l’enfance sont également à joindre afin d’évaluer la situation avec leur soutien. Le 119 est le numéro de la ligne nationale de l’enfance en danger, l’appel est gratuit et peut rester anonyme. Vous pouvez également leur demander des informations par écrit à cette adresse (sans que cela ne puisse constituer une information préoccupante) : https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation.

Vous pouvez par ailleurs prendre contact avec les responsables locaux proches de chez vous pour avoir des conseils concernant la situation que vous rencontrez, et pour échanger sur la pertinence d’un écrit. Vous pouvez contacter :

  • l’ASE c’est-à-dire L’Aide Sociale à l’Enfance, l’ancienne DDASS

  • la PMI c’est-à-dire Protection Maternelle et Infantile pour les futurs parents ou enfants de moins de 6 ans

  • et/ou joindre la CRIP de votre département (numéro qui diffère selon les départements et sont disponibles sur les sites de chaque CRIP).


La CRIP est la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes. Il y en a une par département et son rôle est de recueillir les informations remontées au sujet d’un enfant en danger afin d’évaluer les éventuelles actions à entreprendre. L’information est transmise par écrit par la personne ayant repéré les signes ou recueilli les propos de l’enfant et s’appelle une Information Préoccupante (IP). Il est légalement obligatoire d'informer la famille de la rédaction d'une IP à leur sujet, sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant. Lorsque le 119 est saisi d’une situation, il se charge de faire remonter l’IP à la CRIP.


Que font les services sociaux ensuite ?



Lorsqu’ils les reçoivent, les professionnels de la CRIP analysent les informations transmises et valident ou non leur caractère préoccupant.

Deux options existent ensuite.

Tout d’abord, une évaluation plus approfondie de la situation peut être nécessaire et dans ce cas ce sont les services sociaux de la ville dont dépend la famille qui s’en chargent (l’ASE). La CRIP s’occupe alors d’informer la famille et le signataire de l’IP.

Si le danger est très grave et/ou que l’enfant a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs mesures d’aides qui n’ont pas remédié à la situation, voire qu’il n’y a pas eu de mesure mais que les parents s’opposent à toute aide, dans ce cas la CRIP peut saisir directement le procureur.


Dans le cas de l’évaluation par les services sociaux et selon les résultats de cette enquête, il y a soit un arrêt de la mesure soit une proposition d’une aide qui est faite à la famille. Si l’aide est acceptée par la famille, on parlera de mesure de protection administrative mais si elle est refusée et imposée en justice on parle de mesure de protection judiciaire.


Les aides proposées peuvent être sociales ou judiciaires. Les aides sociales peuvent avoir lieu au domicile (aide financière, technicien d’intervention sociale et familiale, accompagnement social et budgétaire des familles, aide éducative à domicile), ou en dehors sous forme d’accueil provisoire de l’enfant à temps complet ou séquentiel (placement), d’un accueil de jour, ou d’un accueil mère-enfant selon situation. Les aides judiciaires peuvent être des mesures d’évaluation et d’investigation judiciaires, des aides à domicile (aide éducative en milieu ouvert, aide à la gestion du budget familial) ou un accueil de l’enfant à temps complet ou séquentiel (placement).

Bien souvent, les personnes qui informent du danger pour un enfant s'inquiètent des conséquences pour la famille. Il est important de noter que, chaque fois que cela est possible, l'accompagnement social et éducatif est favorisé. Le placement de l'enfant en dehors de son domicile n'est préconisé que lorsque la situation l'exige.


Le cas exceptionnel du signalement



Les délits et les crimes doivent être signalés immédiatement au Parquet (c’est le cas notamment des abus sexuels, de la pédophilie). Les déclarants peuvent donc saisir eux-mêmes le procureur, si et seulement si, la situation est un cas d’extrême gravité nécessitant une protection immédiate de l’enfant. L’autorité judiciaire détermine alors l’opportunité d’une enquête pénale et c’est cette enquête qui recueille tous les éléments de preuve nécessaire.


 

Juliette Houriez

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Sources :

- Document édité par le conseil départemental du 93 “Enfance en danger, que faire ?”

- Documents internes à l'Enseignement Catholique au sujet du Programme de Protection des Publics Fragiles

- Site du 119 : https://www.allo119.gouv.fr/




La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ?

Bailly, Psychologue Clinicienne)

par Roseline Bailly, Psychologue Clinicienne
le 2020-03-03

La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ?

 Chaque parent souhaite le meilleur pour son enfant. Mais qu’est-ce que le meilleur ? Quels outils veut-on leur transmettre pour leur donner les meilleures chances dans la vie qui sera la leur ? Et avec qui, quand, comment doit-on le partager pour s’assurer que c’est bien intégré ?


Les parents : guides rassurés-rassurants dans ce qui leur est connu


 Les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant. Ils sont ceux qui le voient grandir, évoluer, devenir un individu avec son caractère, ses envies, ses besoins et ses limites. Ce sont aussi ceux qui vont ouvrir des chemins, guider les premiers pas de l’enfant dans le monde. Ils vont faire des choix pour lui et - parfois souhaitons-le - accompagner aussi ses propres choix.

 Chaque parent va souhaiter le meilleur pour son enfant selon ses propres références. En effet nous désirons donner ce qui nous est précieux. Pour son enfant on ne veut pas se tromper. Et quoi de plus risqué que de donner de l’inconnu. Par définition, nous n’en avons pas les coordonnées et le résultat n’est pas garanti. L’inconnu est un risque dur à prendre pour son enfant tant l’on souhaite son bonheur. Mais nous sommes infiniment limités. Nous ne serons jamais qu’une personne constituée par l’ensemble de ses (nos) expériences. Et bien que nous puissions compléter, inventer, tenter, pour l’enfant, nous ne pouvons pas tout. Alors parfois on se retrouve coincé à ne plus comprendre sur quel fil tirer pour le sortir de l’ornière de l’incompréhension.

Trouver l’équilibre entre le connu et l’expérimentation, le degré d’adaptation nécessaire pour faire face quotidiennement aux défis que rencontre l’enfant, n’a rien d’aisé. Le connu rassure le parent, et un parent rassuré c’est un parent rassurant pour l’enfant.
 Mais l’enfant peut exprimer un besoin, une détresse à laquelle on ne sait pas comment répondre parce que celle-là on ne l’a pas rencontrée. Parce que dans notre boîte à outils il n’y a pas le bon tournevis. On a testé tous ceux que l’on avait mais aucun ne convient. Alors l’inconnu devient le lieu de la réponse et le parent se retrouve en terrain étranger avec plus ou moins d’inquiétude.


Quand l’école vient signaler une inadéquation


 Parmi les partenaires qui « cultivent » l’enfant il y a l’école. Le premier lieu où il y a un cadre, des règles à respecter. Ceci à un âge où l’on considère que l’enfant peut s’adapter, apprendre, faire et ne pas faire. Plus petit il nous semble naturel de nous, adultes, nous adapter. Parce que l’enfant ne peut pas choisir en conscience, prendre sur lui, temporiser. A partir de 3 ans, on estime que l’enfant est prêt à intégrer, progressivement, de l’ailleurs, de l’extérieur avec tout ce que cela engage. L’école est le lieu de cet apprentissage 8h par jour, au moins quatre jours par semaine, 36 semaines par an pour tous les enfants à partir de 3 ans.

 Le regard de l’enseignant est précieux. Ce qu’il perçoit de l’enfant n’a rien à voir avec ce que nous pouvons voir. Il a un référentiel de connaissances et d’expériences qui lui permettent de déceler des nuances et des reliefs que les parents ne peuvent pas relever. Et ceci simplement parce que le lieu de l’école est le même pour tous les enfants de la classe. Tandis que la famille, ses règles, son rythme, ses codes et ses valeurs diffèrent pour chacun.

Dans le tissage d’adaptation réciproque entre les parents et l’enfant, un tas de manques, de défauts de compréhension vont être absorbés parce que les parents ont cette écoute fine de leur enfant. Ils les anticipent, y parent, les préviennent, ce sont des pare-ents.
 Mais l’école n’est pas le lieu d’une écoute de cette nature. Il ne s’agit pas d’amortir le choc de la découverte du monde pour chaque graine fragile qui le découvre. Il s’agit du vivre ensemble dans la différence, la pluralité, et de la transmission d’un savoir formalisé. C’est intrinsèque à la façon dont est pensée l’école en France.

 Alors l’enseignant avec son regard plus global va repérer les besoins, les facilités et les difficultés de chacun. Il va tenter d’accompagner au mieux chaque enfant pour l’amener à trouver sa place dans le groupe classe, dans l’ensemble école et dans la société en tant qu’élève, apprenant, et individu en devenir.

C’est donc souvent l’école qui tire le signal d’alarme. Qui vient signaler que là, l’enfant ne peut plus, ne peut pas. Que quelque chose n’est pas en place. Dans les familles où il y a plusieurs enfants les parents peuvent comparer. Mais les enfants sont tellement différents, très vite il n’y a plus d’échelle qui donne la mesure. Et puis un parent entre le premier et le deuxième enfant n’est pas non plus le même parent. Il n’aura plus les mêmes craintes ni les mêmes exigences. Par contre l’enseignant demande à 25, 27, 30 enfants de faire la même chose. Certains y arrivent, d’autres non. C’est normal, il n’est attendu de personne de savoir ce que l’on ne lui a pas enseigné. Cependant, si en dépit du travail de pédagogie, d’apprentissage de l’enseignant, l’élève-enfant ne peut s’adapter, évoluer, s’enrichir et acquérir la capacité ; alors l’enseignant convoque les parents et leur fait part de son inquiétude.

 Et nous arrivons à la question de la responsabilité. Qui est chargé de former l’enfant au respect des règles ? Qui doit lui apprendre à rester assis, à lever la main, à respecter la parole et le corps de l’autre ? Qui doit s’assurer que la leçon est comprise ? Les enfants doivent-ils avoir des devoirs à faire à la maison ?

 Lorsqu’un enseignant convoque les parents c’est forcément un aveu d’impuissance. Qu’il soit de son ressort ou non de transmettre ces apprentissages, si l’on regarde simplement le résultat, en tant qu’adulte chargé d’enseigner, il échoue. Il vient dire l’imperméabilité de l’enfant à des apprentissages - qu’ils concernent le scolaire à proprement parler ou le vivre-ensemble – et l’échec de sa mission d’enseignement. Mais il s’agit aussi de l’échec de l’enfant qui comprend qu’il n’est pas comme il faut. Et enfin il s’agit de l’échec des parents qui n’ont pas pu éviter ça à leur enfant. Alors on peut essayer de définir des frontières de responsabilités. De faire des fiches de poste et des détails de missions. Mais surtout on peut réfléchir ensemble. C’est dans la co-construction que le meilleur travail se fait.

 Soit les parents et l’enseignant arrivent ensemble à rétablir le cap, à aider l’enfant à s’adapter à ce que l’on attend de lui. Si ce n’est pas le cas et que les difficultés perdurent, alors ils en viennent à demander de l’aide extérieure.


Quels leviers pour redonner élan à l’enfant et cap aux accompagnants


 Le cabinet d’un psychologue est un lieu de travail privilégié mais ce n’est pas le seul. Une activité de groupe peut tout à fait être le lieu de l’intégration d’un apprentissage que ni les parents ni l’enseignant n’arrivent à faire passer. Au judo, au foot, à la danse, les contraintes et les enjeux ne sont pas les mêmes. Il y a des règles, des objectifs. Le droit à l’erreur et l’attente d’un effort fourni.

Mais surtout l’activité est normalement choisie par l’enfant, et parce que c’est le lieu où réside son désir, il aura une écoute, un élan, une motivation qu’il n’aura pas ailleurs. Il récupère de la souplesse dans son fonctionnement et peut à nouveau absorber.
 Là où dans le milieu scolaire il produit déjà de tels efforts d’adaptation qu’il n’est plus en mesure de faire plus. Quant au milieu familial, il est le théâtre de quantité d’enjeux qui sont déjà difficiles à réguler dans le temps imparti entre les soirées et les weekends. Pour intégrer de nouvelles règles du vivre ensemble, encore faut-il en créer les circonstances qui les rendent nécessaires. Pour motiver un effort d’apprentissage en mathématiques, encore faut-il que l’enfant en voit l’utilité pour fournir l’effort supplémentaire nécessaire à l’intégration du savoir.

Les enfants ont cependant une capacité épatante à récupérer de l’élan. Un petit espace/temps de bien-être où ils sont regardés, valorisés, écoutés suffit à relancer toute la machine. C’est vite dit mais quand un enseignant ou un parent a-t-il le temps de se poser au calme avec l’enfant pour passer un moment où l’on fait ensemble l’activité qu’il souhaite ? Encore faut-il en avoir envie de cette activité. Sinon les mille choses à faire, à transmettre prennent vite le dessus. Et pourtant souvent elle est là, la clé du cadenas qui empêche de rouler.

 Le rôle de l’adulte quel qu’il soit est de faire en sorte d‘encourager l’épanouissement de l’enfant. D’accompagner son développement. Aucun d’entre nous ne peut donner à un enfant tout ce dont il aura besoin pour tracer toute sa route. Je ne suis pas enseignante, je ne pourrais pas faire de judo avec lui, quant à mes capacités de footballeuse, mieux vaut ne pas en parler. Je peux prendre le temps de l’écouter, faire avec lui une activité où je sais que l’on va toucher du doigt la question de l’échec, de la règle, du respect, de l’échange. Une activité qu’il souhaitera réussir et où il ne veut peut-être pas perdre. Mais surtout, parce que c’est une activité qu’il aura choisi, parce que l’on partagera un moment dont il aura défini un certain nombre de paramètres, il sera plus ouvert. L’élastique de sa capacité à absorber se détend et alors il peut entendre les mots que je pose sur ses maux.

Comme on vient tendre la main à un enfant qui ne sait plus vers où aller et qui n’est plus capable de faire ne serait-ce qu’un pas en avant ou un pas de côté pour se décaler et mieux voir ; je viens mettre des mots et le chercher là où il est bloqué sans visibilité ni direction. La boussole ne vous dit pas où aller, elle vous redonne le nord. Encore faut-il que l’on vous en donne une si vous avez perdu la vôtre.

 Espérons qu’ensemble nous puissions guider quand c’est nécessaire, encourager et soutenir quand manque le regard qui relance. Nous mobiliser pour que l’enfant se déploie au mieux en ayant toujours en tête que, par chance, nous ne sommes pas les seuls qui croiseront son chemin. L’enfant vivant apprend de tout, permettons-lui quand nous ne savons plus comment le guider, d’apprendre aussi de tous pour que son chemin s’étende plus loin encore et plus librement.


Roseline Bailly
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Quelques idées pour approfondir :

Psychologie et jeux de société : quels rapports ? Le jeu en tant que médiation thérapeutique et aide à la parentalité

Devalois, Psychologue Clinicienne)

par Laetitia Devalois, Psychologue Clinicienne
le 2020-02-25

Psychologie et jeux de société : quels rapports ? Le jeu en tant que médiation thérapeutique et aide à la parentalité

 Pourquoi utiliserait-on des jeux dans un cabinet de psychologie ? Le psychologue pourrait-il avoir besoin d’autre chose que de fauteuils et d’une table ? Il pourrait même vous proposer des jeux de société accessibles à votre famille ? Qu’est-ce donc que cette histoire !

 Le jeu de société a le vent en poupe depuis quelques années : les bars à jeux fleurissent, les ludothèques regorgent de boîtes colorées, YouTube voit émerger des chaînes parlant de jeux de société, de jeux de rôle ; on parlerait même d’une psychologue ayant mis en place un jeu de rôle policier dans un EHPAD.

 Pourquoi je vous évoque cela ? Car le jeu de société, en psychothérapie, permet une médiation lorsque l’alliance thérapeutique a du mal à se mettre en place par l’échange verbal. Cet outil va fonctionner comme l’objet transitionnel mis en évidence par Winnicott. C’est un objet qui permet d’aménager le réel lorsque ce dernier peut devenir anxiogène. Winnicott a en effet élaboré cette théorie pour expliquer entre autres l’existence des “doudous”. Au début de sa vie, l’enfant doit être en permanence en lien avec les figures d’attachement (généralement les parents), puis ensuite le doudou permet de supporter leur absence car il symbolise le lien. Il s’agit de la première expérience créatrice de l’enfant. Ensuite, ce lien est intériorisé, ce qui permet à l’enfant de progressivement se détacher de l’objet au profit d’un investissement plus large de ce qu’on appelle l’espace transitionnel. C’est cet espace qui permet d’accéder au jeu et à la créativité et donc de faire baisser l’angoisse. Le jeu permet de faire le pont entre la réalité et le besoin d’omnipotence, c’est à dire le besoin de ressentir du contrôle. On remarque à quel point ce phénomène est frappant dans l’investissement des jeux vidéos par les adolescents, par exemple : je crée mon avatar et donc mon identité, je contrôle certains aspects du jeu quand la réalité ne me convient pas toujours...


 Si cela est possible en psychothérapie, pourquoi cela ne le serait-il pas dans la relation au sein d’une famille ?


 La médiation en psychothérapie permet de créer ce que nous appelons une « alliance thérapeutique », élément nécessaire pour le bon déroulement d’une prise en charge. Elle la soutient lorsqu’un patient peut avoir des difficultés à verbaliser. La médiation peut également avoir un effet cathartique, qui permettrait d’extérioriser le trop plein d’émotions pouvant être présent dans le quotidien de la personne. « L’expérience psychique n’est pas immédiatement saisissable – du moins à l’origine –, l'individu va devoir ainsi la « médiatiser » pour pouvoir s’en saisir, pour la décondenser et réduire, peu à peu, la complexité de sa présentation, pouvoir explorer ses aspects énigmatiques » (Roussillon, 2012).


 Plusieurs types de médiations existent : artistiques, psycho-corporelles ou encore celles utilisant le jeu vidéo. Je vais plus particulièrement vous parler des jeux de société. Le jeu de société est un outil utile en séance aussi bien auprès d’enfants, d’adolescents que d’adultes.

Il permet d’expérimenter un certain nombre de choses qui ne sont pas propres à la relation thérapeutique, comme la tolérance à la frustration ou la capacité à coopérer, par exemple. Expérimenter dans le Réel et avec son thérapeute peut permettre d’ouvrir des portes qui ne se seraient ouvertes que plus tard dans la relation thérapeutique.
De plus, le thérapeute, témoin et acteur de l’activité, permet un échange plus fourni avec son patient. 

Si un échange est facilité dans une relation thérapeutique, pourquoi ne pas l’envisager aussi dans une relation intra-familiale ?

 Être parent n’est pas toujours facile, être un enfant ou un adolescent non plus. Il arrive que des tensions puissent émerger pour diverses raisons (problématiques à l’école, au travail, au sein du couple parental, de comportement, etc.), que les relations entre membres d’une même famille se dégradent et que la communication se tarisse. Dans les moments comme ceux-là, il peut être compliqué de faire un pas de côté pour aller vers l’autre car on ne se sent pas reconnus dans son opinion ou ses émotions. Cela peut entraîner une répétition de situations qui mettent en souffrance tous les membres de la famille et qui renforcent les tensions déjà existantes. On se sent alors aspiré dans une situation complexe dont on ne sait plus comment en sortir. Alors, se retrouver autour d’une autre situation, une situation qui sort du contexte habituel peut servir à créer d’autres interactions, développer d’autres liens et se redécouvrir voire, pourquoi pas, discuter sereinement.


Le jeu de société a cette particularité qu’il met un objet au milieu de la relation; on ne parle donc pas de la relation en elle-même ou des problèmes en eux-mêmes mais du jeu.
Vous pouvez également choisir le type de jeu qui correspond à vos besoins : un jeu en « one to one » qui met à l’épreuve les capacités de stratégie pour gagner (comme Sushi Go ou Paper Tales). Un jeu en coopération, qui permet de trouver des façons de s’allier pour gagner contre le jeu, comme The Game ou Magic Maze. Ce type de jeu de société est d’ailleurs propice aux échanges.


 Il existe également des jeux plus narratifs comme le Dixit ou encore Feelinks. Ce dernier propose des situations, auxquelles chaque joueur doit associer l’émotion qu’elles suscitent. On lance alors un dé qui désigne une émotion puis chacun des joueurs parie sur le nombre de personnes qui auraient choisi cette émotion par rapport à la situation évoquée. Feelinks fait partie de ces jeux qui permettent d’échanger et de débattre sur des situations tout en ayant un support sur lequel on peut revenir si besoin, lorsque l’échange devient compliqué.


 Le jeu de société a la particularité de pouvoir créer de nouvelles situations au sein du milieu familial, « ce recours peut […] s’envisager comme facilitant des liens et rencontres (vers les autres et via son « corps-en-relation » » (Joly, 2012). Le « corps-en-relation » est une formulation de Ajuriagerra qui appuie le fait que les interactions entre les personnes ne sont pas basées que sur des échanges verbaux mais également sur la prise en compte du corps de l’autre, de son existence corporelle.

 Le manque de temps dû au rythme de vie qui s’accélère, aux métiers des adultes, aux journées denses des enfants et adolescents, peut mettre de la distance dans le rapport à l’autre au sein d’une famille. Un moment jeu de société serait un peu comme la soirée DVD qui pouvait se faire du temps des vidéoclubs.

Le jeu de société donne ainsi de nouvelles opportunités de construire de nouveaux souvenirs et de se retrouver autour d’une même activité.


Laetitia Devalois

Sa fiche sur weppsy

Sources : 

- Ajuriaguerra J. de, Angelergues R., 1962, « De la psychomotricité au corps dans la relation avec autrui, à propos de l’œuvre de Henri Wallon », in L’Évolution psychiatrique, 27 : 3-25

- Joly Fabien ‘‘Le médiatif comme expérience, le travail du médium comme appropriation subjective‘‘, Journal des Psychologues, 2012

- Roussillon René ‘‘Médiation et création. Pour une métapsychologie de la médiation‘‘, Journal des Psychologues, 2012

- Donald Winnicott, Jeu et réalité, Gallimard, 2002

- Donald Winnicott, Les objets transitionnels, Payot, 2010



Faites votre bilan écran: Un guide pour les parents

Mouton, Psychologue Clinicienne)

par Aude Mouton, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14

Faites votre bilan écran: Un guide pour les parents

 La question des écrans est un sujet très actuel : les parents d’aujourd’hui ne peuvent pas se baser sur leurs expériences car les écrans, leurs formes et utilisations ont rapidement évolué. Vous, parents actuels, avez un vécu de votre rapport aux écrans dans votre enfance qui se limitait à la TV, aux consoles de salon ou peut-être aux débuts des consoles portables, lourdes et en noir et blanc. On est loin des tablettes, des consoles portables à haute définition et des réseaux sociaux toujours en mouvement !


Quels types d'écran ?


 Il existe deux types d’écrans : les « passifs » et les « actifs ». Mettons dans la catégorie « écrans passifs » les activités qui ne nécessitent pas d'action de la part de l'enfant, comme un programme télé par exemple, ou un film sur n'importe quel support.

 Les écrans actifs sont les activités interactives, qui demandent une participation de la part de l'enfant, typiquement les jeux vidéos. Les réseaux sociaux se retrouvent à la frontière de ces deux catégories puisque nous pouvons être consommateur ou acteur.

L'écran passif a un effet hypnotique qui met le cerveau sur « pause ». Adulte, il est possible de regarder une émission et de réfléchir, de se cultiver. Les enfants ne sont pas dans cette démarche, ils regarderaient n'importe quoi et l'effet hypnotique est bien agréable mais source de risques avérés pour le développement physique, cognitif et affectif (1). L’aspect récréatif du film peut-être bien entendu un moment de détente, de partage en famille, d’accès à la culture (culture générale et sociale). Toutefois, il doit se limiter à cela. La tendance actuelle de l’écran passif est de se débarrasser de l’aspect contraignant de l’enfant, au restaurant, en voiture, en soirée…

 Demandez-vous à quel moment vous donnez accès à vos enfants à cette activité passive de détente. Le faites-vous par souci de relaxation, de détente, de partage ou parce que cela est pratique pour vous ?

L’écran actif peut avoir un effet d’apprentissage tout en restant limité. Dans sa recherche sur l’apprentissage au travers de plusieurs modes (avec des vidéos, via un appel en visio ou en face à face), la chercheuse Kathy Hirsch-Pasek (2) montre que rien ne remplace l’échange réel dans le transfert de compétences et dans l’apprentissage d’une langue, par exemple. Il faut donc bien voir l’écran comme un outil d’apprentissage parmi tant d’autres. Apprendre l’anglais, par exemple, peut s’appuyer sur des applications pour comprendre la grammaire ou mémoriser du vocabulaire. Tant que cet apprentissage ne sera pas passé en conversation, avec une composante émotionnelle, une mémoire des évènements et des situations, la connaissance de cette langue sera limitée et plus fragile dans le temps. Les enfants vont pouvoir apprendre la « chanson » des lettres ou la « chanson » des nombres, cependant comprendre la profonde signification d’un mot, d’un son, du nombre, devra passer par l’expérience matérielle ou relationnelle. Il leur est plus difficile de passer d’une expérience 2D à une expérience 3D car ils n’ont pas les mêmes capacités s’agissant du transfert de compétences ou de conceptualisation. Un mot ne prend son sens que dans son emploi et sa compréhension tacite.


L’écran solitaire


 C'est ici une question cruciale et une question d'éducation. Mettre les enfants devant un film ou un jeu permet d'avoir un moment de calme. Un enfant ne devrait pas avoir accès à un écran lorsqu'il est seul et le cas échéant, il devrait y avoir une discussion à la suite de l'utilisation pour permettre que l'expérience soit positive.

 Beaucoup de parents d’adolescents mettent en avant l’aspect social de certains jeux ou de certains réseaux sociaux. Il est vrai que certains jeux peuvent permettre une certaine cohésion d’équipe, ou permettre à un jeune de se faire inclure dans un groupe de pairs. Le danger est la perte de regard du parent sur la situation. Lorsqu’on laisse son jeune aller à une fête ou chez un ami, il paraît évident de le faire selon certains critères définis avec lui au préalable (connaître les amis, règles quant aux horaires, etc.. ) alors que le jeu en ligne chez soi donne une fausse impression de sécurité et le parent est bien souvent incapable de décrire les jeux auxquels son enfant joue, les personnes avec qui il parle, etc… Si votre parti pris est de laisser votre enfant jouer, renseignez-vous, jouez avec lui, comprenez les règles du jeux mais aussi les règles du groupe auquel il appartient.  


Quelle durée ?


 Tentez de compter vraiment la durée d'utilisation de votre enfant sur une semaine. Même les études ont du mal à se mettre d’accord et estiment le temps d’utilisation moyen entre 2h et 4h30 pour les enfants de 2 à 5 ans. Il existe une fonctionnalité dans votre téléphone qui vous permet de voir votre consommation quotidienne. Je vous invite à l’ouvrir et à prendre conscience de ce nombre d’heures pris dans votre journée. L’expérience est toujours enrichissante !

 La durée que vous trouvez juste, de 0 à plusieurs heures dépend de votre propre vision de l’écran dans votre vie et votre famille. Serge Tisseron a d’ailleurs développé un outil très pratique en s’inspirant de multiples recherches, vous trouverez son site à la fin de l’article. (3)



Quand ? À quel moment de la journée votre enfant est-il devant son écran ?


 Il est facile de donner de grandes leçons éducatives et tout le monde diffère. Voici cependant deux grands principes biologiques, qui permettent d’encadrer vos choix selon des critères objectifs.

  1. Évitez le matin avant l'école. Nous avons besoin au réveil de nous préparer mentalement pour notre journée. Entamez au petit déjeuner la discussion avec votre enfant : Que va-t-il faire aujourd'hui ? En classe, avec les copains, après l'école. Quelles sont ses envies du jour et de la semaine. Ce moment de réveil est important et permet au cerveau de s'ouvrir aux possibilités du jour. Un enfant qui a fait une heure d'écran avant d'arriver en classe aura une longueur de retard sur le plan de la concentration et de l'énergie.

  2. Les écrans devraient être éteints et rangés après 17h. À partir de cette heure, le corps se prépare à se coucher et à dormir. Proposer un écran après 17h peut provoquer des troubles de l'endormissement ou du sommeil. Si cet horaire est vraiment trop tôt, tentez de proposer un arrêt après le repas, puis avant le repas en reculant graduellement l'horaire d'arrêt.


Trouvez votre équilibre


 Ne diabolisons pas : le mot clé étant équilibre. Il est toujours facile dans ces débats difficiles de santé publique de pencher d’un côté puis de son extrême opposé. Au même titre que tous les points de santé publique, il est du devoir des professionnels de mettre en garde. Idéalement, vous mangeriez bio, ni trop gras ni trop sucré, des produits locaux et frais, sans alcool, sans fumer, sans excès, avec du sport mais pas trop, en campagne sans pollution…

 Mais la vie est aussi faite pour profiter, pour avoir du plaisir, du bien-être, de la détente.

Trouvez un point d’équilibre par rapport à l’écran, sans diaboliser et sans être trop permissif.

Réfléchissez à la place que cette activité a dans votre vie et celle de vos enfants. Demandez vous si vous trouvez cela adapté, bon pour son développement, ses compétences sociales et son équilibre psychique. Et adaptez en fonction !

 
Aude Mouton 

Les motifs de consultation chez l’enfant de l’école maternelle à l’élémentaire

Bailly, Psychologue Clinicienne)

par Roseline Bailly, Psychologue Clinicienne
le 2020-01-14

Les motifs de consultation chez l’enfant de l’école maternelle à l’élémentaire

 Aujourd’hui je vois un petit garçon de 5 ans. 

 La maman m’a demandé un rendez-vous car les nuits deviennent insupportables. Elle et le papa sont à bout, ils n’en peuvent plus.

 Elle me dit avoir tout testé. « On a essayé d’être fermes, de le punir, de le rassurer, le co-endormissement où on reste avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme. Rien ne marche. Éventuellement, il va s’endormir dans son lit mais deux heures après il pleure, il vient nous rejoindre. Si on l’en empêche, il se couche devant la porte de notre chambre». Les parents, inquiets de ce que le manque de sommeil fera du lendemain, finissent souvent par accepter qu’il vienne les rejoindre et dorme avec eux. Jusqu’au moment où, trop à l’étroit à trois, l’un des deux parents va finir la nuit dans le lit de l’enfant pour essayer d’avoir au moins deux bonnes heures de sommeil avant d’attaquer la journée.

 Les difficultés d’endormissement, cauchemars, réveils nocturnes, terreurs nocturnes sont parmi les raisons récurrentes de consultation. Dans le cabinet où je reçois des enfants à partir de 2 ans, la question du sommeil de l’enfant - si elle n’est pas la raison même de la demande d’aide - est toujours évoquée. C’est une question qui ponctue nos vies dès le plus jeune âge quand on demande si le nourrisson fait ses nuits ; jusqu’à l’âge adulte où le « As-tu bien dormi ? » est aussi commun dans les échanges quotidiens que le « As-tu passé une bonne journée ? ». Nous avons tellement conscience que le sommeil est une nécessité, que s’enquérir de la nuit de l’autre est aujourd’hui une politesse. Une façon de montrer à l’autre que nous lui portons de l’attention.

 Les besoins vitaux sont tous des alarmes qui résonnent jusqu’au cabinet de psychologie. Les troubles alimentaires chez l’enfant en font bien sûr partie. Moins récurrents, car nous avons une variété en terme d’offre alimentaire qui laisse la possibilité de trouver, souvent, au moins un repas que l’enfant accepte quand il refuse tout le reste. Cependant un enfant qui mange moins ou moins varié est un enfant qui devient « difficile » avec la nourriture.

Quand je demande à l’enfant s’il sait ce qu’est mon métier, souvent il n’en a pas une idée claire. La réponse la plus simple que j’ai trouvée c’est de lui dire qu’il vient me voir pour que j’essaie de l’aider. Pour que ce qui est compliqué pour lui devienne plus simple.
L’enfant avant l’adolescence n’a pas encore acquis la capacité d’analyse et de synthèse qui lui permet d’expliquer ce qui est compliqué pour lui. Il n’a par contre aucun mal à admettre que c’est compliqué et qu’il aimerait être aidé.

 En tant que psychologue j’interviens quand l’enfant devient difficile ; avec la nourriture, au moment du coucher, dans les interactions avec les parents, à l’école. « Il est difficile, elle est dure ». Les rapports se tendent. Les parents multiplient les tentatives de solution et arrivent souvent démunis devant nous. Nous voyons les enfants quand les parents inquiets ne savent plus quoi mettre en place.

 Au-delà des besoins vitaux, la question de l’école reste un des premiers motifs de consultation. Il serait difficile de donner une définition claire et concise de ce que sont les difficultés scolaires. Par contre, nous avons une idée plutôt bien définie de ce qu’est la réussite scolaire. Un enfant qui réussit à l’école est un enfant qui a de bons résultats, un bon comportement et des copains avec qui jouer. Vous enlevez n’importe lequel de ces éléments dans toutes ses déclinaisons possibles et cela génère de la tension. Pour l’enfant, pour les parents qui s’inquiètent, pour l’enseignant qui ne sait plus comment transmettre. « L’inadéquation scolaire » est aujourd’hui un des générateurs d’angoisse les plus actifs. Quand le lieu de la future réussite et survie sociale de nos enfants vient nous dire qu’il y a un problème, l’inquiétude est immédiate. Tous les adultes ont conscience qu’un échec scolaire handicape lourdement. Inquiétude pour un avenir professionnel encore lointain, incertain qui effraie déjà par son caractère inconnu, mais pas uniquement. L’actualité même de l’enfant inquiète. Le décrochage scolaire, le retard dans les apprentissages qui est si difficilement rattrapable. Cette phrase qui trop répétée alarme : « Je veux pas aller à l’école ». De loin en loin elle est entendue comme un signe de bonne santé. Après tout, avoir envie de temps, de liberté, de jeux, c’est merveilleusement sain pour un enfant. Pour un adulte aussi. Mais quand l’expression d’une frustration saine devient un refus ; quand ce qui est actuellement reconnu comme le passage unique et obligatoire vers le minimum de connaissances nécessaires pour survivre est obstrué, c’est le gyrophare qui s’allume.

 Aujourd’hui, nous parlons de comportement de l’enfant comme d’une jauge de bonne adaptation. Nous oublions souvent de l’entendre comme une manifestation directe de son état intérieur.

 

Un enfant qui ne se comporte pas comme l’adulte le lui demande n’est pas un enfant qui a de mauvaises intentions. C’est un enfant qui ne va pas bien.
 Un enfant va, en toutes circonstances, d’abord tenter de satisfaire la demande de l’adulte qu’il aime. Ce que nous qualifions d’opposition ne démarre pas comme un combat dans un ring de boxe. L’enfant cherche son plaisir et son bien-être et va tenter de changer les limites pour l’obtenir. Il ne cherche pas à les ignorer ou les éliminer. Au contraire, elles sont le cadre qui sécurise. Simplement si elles l’empêchent de se sentir bien, il tentera de les adapter. Si malgré un refus répété il persiste, alors c’est le signe qu’il ne peut pas tolérer la situation telle qu’elle est. Il y a quelque chose qui le dérange trop. Qu’il manque d’attention au point de chercher la réprimande plutôt que de se sentir seul ; qu’il manque de confiance en ses capacités au point de mettre en échec tout ce qui est entrepris plutôt que d’essayer ; dans ces situations, l’enfant vient par son comportement dire sa détresse.

 Combien de fois nous nous apercevons nous adultes, que nous nous sommes mal compris dans nos mots. Et nous parlons là du domaine du verbal. Domaine codifié pour permettre une compréhension mutuelle sur une base commune. Le non verbal est infiniment plus complexe. Le comportement d’un enfant sera interprété par l’adulte selon sa connaissance de l’enfant, son cadre de référence. Il sera influencé par ses attentes, perçu différemment en fonction de la fatigue de l’observateur. Si en plus l’enfant ne peut exprimer avec des mots ce qui le pousse à agir ainsi, se comprendre devient un jeu d’équilibriste.

 Alors nous intervenons. Pour poser les questions qui vont permettre de mettre en mots une situation dans laquelle les parents sont tellement impliqués qu’ils n’en voient plus les contours. Nous sommes des archéologues de l’explication, des révélateurs de liens qui sont invisibles pour ceux qui sont pris dans la toile.

 Parce qu’un enfant pour éviter de blesser ou de ne pas faire plaisir va se contorsionner comme seule le permet leur souplesse de petit être encore en devenir.

 Une petite fille prise dans un conflit de loyauté depuis la séparation a décidé, ne sachant plus comment faire plaisir à deux parents qui décidément n’étaient plus d’accord sur rien, de ne plus rien dire ou faire à l’école. Parce que l’école est le lieu neutre où il ne s’agit ni de papa ni de maman mais d’elle. C’est le lieu où elle ne blessera ni l’un ni l’autre donc c’est le lieu où elle exprime son désarroi. Le positif c’est que ses deux parents sont enfin d’accord pour dire que ça ne va pas. Le négatif c’est qu’ils sont d’accord pour la gronder. Ne sachant plus comment sortir de l’ornière elle y reste et la creuse. Les parents se sentant déjà coupables de n’avoir pas réussi à sauver l’unité familiale, portant le poids du quotidien en parent célibataire, ne comprennent pas qu’elle ne fasse plus aucun effort à l’école. Elle qui réussissait si bien, elle qui a pourtant toutes les capacités nécessaires. Chargés de la peur pour l’avenir scolaire de leur fille, la fatigue de la journée et le doute coupable d’avoir, par la séparation, bousculé l’équilibre de leur enfant, ils s’énervent. Puis ils s’en veulent de s’être énervés. Alors il faut démêler les fils. Aller donner une couleur et des mots au ressenti de chacun. Leur permettre de s’écouter eux-mêmes d’abord, puis d’entendre l’autre.

L’énurésie, l’encoprésie, la dyslexie, l’hyperactivité, les difficultés liées à la précocité, sont autant de troubles qui au-delà de leurs origines, qu’elles soient physiologique, génétique, développementale, psychologique, tissent une toile serrée et complexe de peurs, d’espoirs, de déceptions. Ajoutons à cela la frustration du parent impuissant qui ne sait plus comment aider son enfant. Autant de nœuds sur une corde qui rétrécit jusqu’à ne plus laisser aucune souplesse dans un quotidien déjà surchargé entre la préparation du matin, les trajets, le travail, les devoirs, la douche, le dîner, le temps de jeu nécessaire, les dents et le coucher (enfin).

Aller voir un psychologue, c’est déposer son paquet de nœuds dans un espace où le professionnel, lui bien extérieur à la pelote, va tirer des fils, refaire les chemins des entrelacements, expliquer les boucles pour recréer de la souplesse.

 Consulter un psychologue n’est pas affaire de folie ou de troubles graves. Il s’agit des torsions du quotidien, des pliures et des courbatures qui entravent et épuisent. Les demandes varient comme autant de motifs d’une même trame. La question de soi, de l’autre, et du respect est au cœur de notre travail. Comment faire de chaque groupe social, de la famille à la classe, de l’équipe de foot au groupe éphémère d’un dîner entre amis, un espace harmonieux de vivre ensemble dans lequel chacun s’épanouit.


Roseline Bailly

Son profil sur weppsy

 

Des pistes pour approfondir :

Alvarez, C. (2016). Les lois naturelles de l’enfant. Paris : Les Arènes.

Dolto, F. (1974). Le cas Dominique. Paris : Points.

Doukhan-Zyngierman, D. (2004). Une psy dans une cité. Paris : Leduc S.

Winnicott, D. W. (1975). Jeu et réalité. Paris : Gallimard.