Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Dossier éclairage : L'art-thérapie, mettre ses maux en couleurs

Rengade, Psychologue clincienne)

par Marie Rengade, Psychologue clincienne
le 2020-07-22

Dossier éclairage : L'art-thérapie, mettre ses maux en couleurs

Dans l’art-thérapie on considère que la créativité est le moteur de toute chose et notamment du changement. L’écriture même de cet article est un acte créatif qui peut laisser place aux mêmes fantasmes et peurs qu’à un patient devant une toile, un étudiant devant un projet de mémoire ou encore un entrepreneur avant une conférence. La peur de mal faire touche nombre d’entre nous. Pour autant, c’est dans le faire que l’on se rencontre. Dans cet article, je vais vous présenter l’art-thérapie qui est un moyen de se découvrir ou de se laisser découvrir par d’autres modes d’expression que le face à face classique entre deux personnes au sein d’un suivi.

En effet, l’art-thérapie intègre un tiers dans la prise en charge, une médiation artistique. La création déclenche un processus de transformation de la personne. A vrai dire, nous sommes tous nés d’un acte créateur. Et par la création, c’est-à-dire l’utilisation de toutes nos palettes internes (émotions, doutes, peurs, angoisses, fantasmes, besoins…), notre univers psychique et biologique, nous pouvons sortir quelque chose de nous-mêmes. Pour le psychiatre Jean-Pierre Klein, l’art-thérapie est un « accompagnement thérapeutique de personnes mises en position de création de telle sorte que leur parcours d’œuvre en œuvre fasse processus de transformation d’elle-même ». C’est un moyen de se connecter à la vie qui bouillonne en nous. L’art-thérapie ne demande pas à ceux qui la pratique d’être des De Vinci, des Van Gogh ou des Picasso, il n’y pas de notion de beau ou de laid. Elle est donc accessible à tous.

 

Cette approche permet de remettre la pensée en mouvement pour stimuler la verbalisation qui, elle-même, doit amener à l’action et au changement.


L’histoire de l’art-thérapie


L’art a toujours été utilisé à des fins curatives pour le corps et l’esprit. Néanmoins, l’utilisation de l’art comme thérapie construite est relativement récente. A la fin du XIXe siècle, des psychiatres proposent à leurs patients de s’exprimer par des dessins ou des peintures pour pouvoir analyser par la suite leurs productions. Par ailleurs, au sein des institutions (psychiatrique, scolaire ou communautaire) des artistes, dont certains appartenant au courant de l’art brut, y travaillaient. L’art brut est souvent considéré comme étant le terreau de l’art-thérapie bien que ce soit une pratique tout autre. L’art brut est un courant artistique développé au XXe siècle par le sculpteur et peintre Jean Dubuffet. Ce dernier s’intéressait tout particulièrement aux œuvres de patients qu’il trouvait uniques, n’étant pas des créations d’artistes professionnels. Comme Dubuffet voyait dans ces œuvres une beauté naïve et spontanée, il décida de les exposer au grand public pour faire connaître cette nouvelle forme d’art. D’autres professionnels de l’art ont ensuite adhéré à cette vision. Ces artistes ont constaté les effets bénéfiques de la pratique artistique chez les personnes souffrant de troubles psychiques, physiques ou mentaux. 

L’art-thérapie a également été investie par la psychanalyse avec Jung qui considérait que seule la personne elle-même a le pouvoir de se guérir et que l’activité artistique permet de mettre la personne en mouvement.
Il y a une grande variété d’approches en art-thérapie (humaniste, systémique, psychodynamique, behavioriste…), néanmoins elles se rejoignent sur l’aspect thérapeutique du processus de création.

Aujourd’hui, le métier d’« art-thérapeute » est un titre reconnu par l’état.


Avec qui et comment mettre en place cette approche ?


L’art thérapie est indiquée pour des personnes présentant des fragilités psychiques ou en demande de développement personnel. Elle peut être pratiquée auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes ou de personnes âgées.

Par ailleurs, cette médiation est utilisée au sein d’institutions diverses comme des EHPAD, des entreprises, des prisons, des hôpitaux et peut s’adapter au public accompagné. Le public peut présenter une maladie neurodégénérative liée à l’âge (Alzheimer, parkinson), un handicap psychique ou mental (Autisme, trisomie, trouble dys), une maladie mentale (schizophrénie, anorexie etc.) ou encore des difficultés psychiques passagères ou cycliques de plus ou moins longue durée et intensité (deuil, dépression, bipolarité…). Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de présenter un « trouble » pour pratiquer l’art-thérapie. C’est également un moyen de mieux se connaître et de s’exprimer par d’autres voies.

Les médiations artistiques sont nombreuses et utilisent l’ensemble de notre corps. Cela peut être de l’expression vocale (chant, théâtre, slam, conte…), de l’expression corporelle (danse, yoga, clown…), des ateliers plastiques (dessin, peinture, collage), la photographie, les vidéos, l’écriture ou encore le travail d’une matière comme l’argile. Le patient se rencontre dans l’interaction avec la médiation artistique. Il y a un apprivoisement, la personne investit son œuvre et y dépose des émotions, des angoisses, des aspirations qui lui appartiennent. Il n’est plus question d’un « je » direct mais d’un « il » qui parle de soi.


Quelques exemples de son utilité


Pour l’art-thérapeute Sylvain Bridet-Lamoureux, qui travaille dans un centre de santé mentale à Madagascar, l’art-thérapie ouvre les portes et les fenêtres de l’individu. Cela laisse entrer la lumière, les parfums et les couleurs.

 

C’est une ouverture vers l’intérieur (vers soi) et vers l’extérieur (l’Autre).
Par les activités proposées dans le centre (Yoga, slam, peinture, danse, expression corporelle…), les intervenants autorisent les patients à être. Les rapports entre thérapeute et patients sont horizontaux. Le terme même de « patient » est questionné et sera remplacé par celui « d’ami ». Le matin, avant de commencer les activités, il y a un temps de parole qui s’appuie sur une œuvre artistique présentée à tous. Pour exemple, le tableau « Le Baiser » de Klimt pourra être projeté à l’écran pour que les amis puissent investir le sujet des relations entre hommes et femmes, de la sexualité et s’autoriser à parler de cela. L’œuvre devient un tremplin à la verbalisation.

Lorsque je travaillais dans ce centre, j’ai pu accompagner une adolescente en rupture avec sa famille. Elle avait fait plusieurs tentatives de suicide et lors de nos entretiens elle était très défensive, ce qui ne lui permettait pas d’être authentique avec elle-même et avec moi. Cependant, lors d’un atelier de slam, elle a pu sortir quelque chose de congruent, un texte fort sur ses ressentis, sur son parcours. C’étaient des éléments qu’elle n’avait pas pu amener en entretien. Elle a tenu à me faire écouter son œuvre et cela nous a permis d’avancer ensemble vers son rétablissement. C’est à travers des expériences comme celle-ci que j’ai pu constater l’utilité de l’art-thérapie et à quel point cela peut être complémentaire avec un suivi individuel. La relation d’une personne avec son œuvre permet de faire émerger des ressentis qui peuvent ensuite être verbaliser et élaborer. Ainsi, l’art amène la personne à puiser en elle en se connectant à ses ressources internes pour être dans l’autodétermination et se réinventer dans la vie.


Marie Rengade

Son profil sur Linkedin 


Sources :

Entretien avec l’art-thérapeute Sylvain Bridet-Lamoureux le 01/03/2020

Hamel, J. & Labrèche, J. (2010). Art-thérapie. Larousse.

Klein, J. (2019). L’Art-thérapie. Paris : Presse Universitaire de France.

Klein, J. (2007). L'art-thérapie. Cahiers de Gestalt-thérapie, 20(1), 55-62. doi:10.3917/cges.020.0055.




Psychologie et jeux de société : quels rapports ? Le jeu en tant que médiation thérapeutique et aide à la parentalité

Devalois, Psychologue Clinicienne)

par Laetitia Devalois, Psychologue Clinicienne
le 2020-02-25

Psychologie et jeux de société : quels rapports ? Le jeu en tant que médiation thérapeutique et aide à la parentalité

 Pourquoi utiliserait-on des jeux dans un cabinet de psychologie ? Le psychologue pourrait-il avoir besoin d’autre chose que de fauteuils et d’une table ? Il pourrait même vous proposer des jeux de société accessibles à votre famille ? Qu’est-ce donc que cette histoire !

 Le jeu de société a le vent en poupe depuis quelques années : les bars à jeux fleurissent, les ludothèques regorgent de boîtes colorées, YouTube voit émerger des chaînes parlant de jeux de société, de jeux de rôle ; on parlerait même d’une psychologue ayant mis en place un jeu de rôle policier dans un EHPAD.

 Pourquoi je vous évoque cela ? Car le jeu de société, en psychothérapie, permet une médiation lorsque l’alliance thérapeutique a du mal à se mettre en place par l’échange verbal. Cet outil va fonctionner comme l’objet transitionnel mis en évidence par Winnicott. C’est un objet qui permet d’aménager le réel lorsque ce dernier peut devenir anxiogène. Winnicott a en effet élaboré cette théorie pour expliquer entre autres l’existence des “doudous”. Au début de sa vie, l’enfant doit être en permanence en lien avec les figures d’attachement (généralement les parents), puis ensuite le doudou permet de supporter leur absence car il symbolise le lien. Il s’agit de la première expérience créatrice de l’enfant. Ensuite, ce lien est intériorisé, ce qui permet à l’enfant de progressivement se détacher de l’objet au profit d’un investissement plus large de ce qu’on appelle l’espace transitionnel. C’est cet espace qui permet d’accéder au jeu et à la créativité et donc de faire baisser l’angoisse. Le jeu permet de faire le pont entre la réalité et le besoin d’omnipotence, c’est à dire le besoin de ressentir du contrôle. On remarque à quel point ce phénomène est frappant dans l’investissement des jeux vidéos par les adolescents, par exemple : je crée mon avatar et donc mon identité, je contrôle certains aspects du jeu quand la réalité ne me convient pas toujours...


 Si cela est possible en psychothérapie, pourquoi cela ne le serait-il pas dans la relation au sein d’une famille ?


 La médiation en psychothérapie permet de créer ce que nous appelons une « alliance thérapeutique », élément nécessaire pour le bon déroulement d’une prise en charge. Elle la soutient lorsqu’un patient peut avoir des difficultés à verbaliser. La médiation peut également avoir un effet cathartique, qui permettrait d’extérioriser le trop plein d’émotions pouvant être présent dans le quotidien de la personne. « L’expérience psychique n’est pas immédiatement saisissable – du moins à l’origine –, l'individu va devoir ainsi la « médiatiser » pour pouvoir s’en saisir, pour la décondenser et réduire, peu à peu, la complexité de sa présentation, pouvoir explorer ses aspects énigmatiques » (Roussillon, 2012).


 Plusieurs types de médiations existent : artistiques, psycho-corporelles ou encore celles utilisant le jeu vidéo. Je vais plus particulièrement vous parler des jeux de société. Le jeu de société est un outil utile en séance aussi bien auprès d’enfants, d’adolescents que d’adultes.

Il permet d’expérimenter un certain nombre de choses qui ne sont pas propres à la relation thérapeutique, comme la tolérance à la frustration ou la capacité à coopérer, par exemple. Expérimenter dans le Réel et avec son thérapeute peut permettre d’ouvrir des portes qui ne se seraient ouvertes que plus tard dans la relation thérapeutique.
De plus, le thérapeute, témoin et acteur de l’activité, permet un échange plus fourni avec son patient. 

Si un échange est facilité dans une relation thérapeutique, pourquoi ne pas l’envisager aussi dans une relation intra-familiale ?

 Être parent n’est pas toujours facile, être un enfant ou un adolescent non plus. Il arrive que des tensions puissent émerger pour diverses raisons (problématiques à l’école, au travail, au sein du couple parental, de comportement, etc.), que les relations entre membres d’une même famille se dégradent et que la communication se tarisse. Dans les moments comme ceux-là, il peut être compliqué de faire un pas de côté pour aller vers l’autre car on ne se sent pas reconnus dans son opinion ou ses émotions. Cela peut entraîner une répétition de situations qui mettent en souffrance tous les membres de la famille et qui renforcent les tensions déjà existantes. On se sent alors aspiré dans une situation complexe dont on ne sait plus comment en sortir. Alors, se retrouver autour d’une autre situation, une situation qui sort du contexte habituel peut servir à créer d’autres interactions, développer d’autres liens et se redécouvrir voire, pourquoi pas, discuter sereinement.


Le jeu de société a cette particularité qu’il met un objet au milieu de la relation; on ne parle donc pas de la relation en elle-même ou des problèmes en eux-mêmes mais du jeu.
Vous pouvez également choisir le type de jeu qui correspond à vos besoins : un jeu en « one to one » qui met à l’épreuve les capacités de stratégie pour gagner (comme Sushi Go ou Paper Tales). Un jeu en coopération, qui permet de trouver des façons de s’allier pour gagner contre le jeu, comme The Game ou Magic Maze. Ce type de jeu de société est d’ailleurs propice aux échanges.


 Il existe également des jeux plus narratifs comme le Dixit ou encore Feelinks. Ce dernier propose des situations, auxquelles chaque joueur doit associer l’émotion qu’elles suscitent. On lance alors un dé qui désigne une émotion puis chacun des joueurs parie sur le nombre de personnes qui auraient choisi cette émotion par rapport à la situation évoquée. Feelinks fait partie de ces jeux qui permettent d’échanger et de débattre sur des situations tout en ayant un support sur lequel on peut revenir si besoin, lorsque l’échange devient compliqué.


 Le jeu de société a la particularité de pouvoir créer de nouvelles situations au sein du milieu familial, « ce recours peut […] s’envisager comme facilitant des liens et rencontres (vers les autres et via son « corps-en-relation » » (Joly, 2012). Le « corps-en-relation » est une formulation de Ajuriagerra qui appuie le fait que les interactions entre les personnes ne sont pas basées que sur des échanges verbaux mais également sur la prise en compte du corps de l’autre, de son existence corporelle.

 Le manque de temps dû au rythme de vie qui s’accélère, aux métiers des adultes, aux journées denses des enfants et adolescents, peut mettre de la distance dans le rapport à l’autre au sein d’une famille. Un moment jeu de société serait un peu comme la soirée DVD qui pouvait se faire du temps des vidéoclubs.

Le jeu de société donne ainsi de nouvelles opportunités de construire de nouveaux souvenirs et de se retrouver autour d’une même activité.


Laetitia Devalois

Sa fiche sur weppsy

Sources : 

- Ajuriaguerra J. de, Angelergues R., 1962, « De la psychomotricité au corps dans la relation avec autrui, à propos de l’œuvre de Henri Wallon », in L’Évolution psychiatrique, 27 : 3-25

- Joly Fabien ‘‘Le médiatif comme expérience, le travail du médium comme appropriation subjective‘‘, Journal des Psychologues, 2012

- Roussillon René ‘‘Médiation et création. Pour une métapsychologie de la médiation‘‘, Journal des Psychologues, 2012

- Donald Winnicott, Jeu et réalité, Gallimard, 2002

- Donald Winnicott, Les objets transitionnels, Payot, 2010