Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.
Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.
L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.
Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.
Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.
Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.
Maintenant, à vous d’explorer !
par Anaïs Roux, Psychologue
le 2021-02-17
Nous sommes à peu près tous d’accord pour dire que le stress et l’anxiété sont les maux de notre siècle. La décennie 2020 que nous venons d’entamer ne semble pas vouloir nous contredire sur ce fait : le nombre de traitements anxiolytiques délivrés entre mars et septembre 2020 est de + 1,1 millions par rapport à l’attendu (1).
Chaque année, et ce, depuis plus de 20 ans, nous voyons se développer des innovations pour soigner ce stress. Ces derniers temps, ces innovations sont centrées autour des nouvelles technologies.
En effet, le Moi quantifié est arrivé. Partout et à tout moment, nous pouvons avoir accès à une abondance d’informations sur nous, notamment par le biais d’objets connectés, d’applications mobiles, d’internet etc. Nous pouvons surveiller notre sommeil, notre rythme cardiaque, nos calories brûlées, nos nombres de pas, nos états de concentration et tant d’autres de nos données physiologiques.
Alors pourquoi ne pourrions-nous pas mettre les mesures de ces données au service de la gestion de nos émotions et notamment du stress ?
LA MESURE DES SIGNAUX CORPORELS DU STRESS
En effet, un des aspects fondamentaux de la régulation du stress est la conscience intéroceptive, c’est-à-dire notre capacité à détecter et interpréter les signaux physiologiques internes du stress. Le stress, au-delà d’impacter nos compétences cognitives, a des conséquences physiques et émotionnelles. Le stress modifie le fonctionnement de notre corps.Face à une situation stressante ou une pensée anxieuse, notre corps va libérer des hormones, l’adrénaline et le cortisol, ce qui aura pour conséquence entre autres d’entraîner une augmentation du rythme cardiaque, de la pression sanguine, de la fréquence respiratoire. Si le stress est ponctuel, cette réaction physiologique va nous permettre d’affronter la situation stressante. Mais si l’exposition au stress est prolongée, ces hormones peuvent entraîner une usure excessive du corps, du système immunitaire et des capacités cognitives, et impacter la santé mentale (burn out, dépression, usure émotionnelle etc.)
Le fait de quantifier, mesurer, nos réactions physiologiques nous aiderait à en prendre conscience, à être attentif aux signaux faibles de notre corps sous stress pour travailler dessus avant qu’il ne soit trop tard.
Et c’est exactement là-dessus que le biofeedback est innovant et pertinent.
QU’EST-CE-QUE LE BIOFEEDBACK ?
Pour faire bref, le biofeedback est un processus non-invasif qui consiste à mesurer les états physiologiques d'un individu et à lui fournir ces informations en temps réel afin qu'il puisse apprendre à modifier son activité physiologique dans le but d'améliorer sa santé.
Les mesures de l’état physiologique passent par des captations de l'activité électrodermale (réaction sudatoire de la peau), de la respiration, du rythme cardiaque, de la variabilité du rythme cardiaque, de la pression artérielle, ou encore de l'activité électrique du cerveau. Nous ne sommes pas obligés de tout mesurer lorsque nous faisons du biofeedback, nous pouvons choisir seulement 3 ou 4 mesures. Les réactions physiologiques mesurées par les capteurs sont affichées sur un écran que l’individu et le psychologue peuvent voir. Le retour sur les réactions du corps est donc instantané.
Armé de ses capteurs physiologiques, l’individu échange avec le psychologue sur une situation particulièrement stressante ou une pensée générant particulièrement de l’anxiété.
L’objectif est que l’individu puisse percevoir visuellement les réactions de son corps pour aider à identifier les déclencheurs du stress. Puis, l’individu travaille avec le psychologue à l’identification de stratégies permettant de gérer le stress et de retrouver un niveau de calme. Cela peut passer par des techniques basées sur la pleine conscience, la relaxation, la respiration etc.
La personne améliore ainsi la conscience qu’elle a d’elle-même et de son corps et acquiert un certain contrôle sur ses réactions physiologiques pouvant être néfastes à long terme. Le biofeedback est donc un outil d’apprentissage.Il se met en place sur plusieurs séances pour permettre à la personne de devenir de plus en plus sensible aux réactions de son corps, jusqu’à ne plus avoir besoin des informations visuelles qu’offrent les capteurs.
POURQUOI LE BIOFEEDBACK EST UN SUCCÈS ?
Parce qu’il permet un apprentissage
Le simple fait de faire regarder à un individu ses réactions physiologiques à travers des capteurs et un écran est clairement insuffisant. C’est pour cela qu’il est essentiel que la pratique du biofeedback soit couplée à une interaction avec un professionnel de la santé mentale. A travers une élaboration autour de la situation stressante et la pratique d’exercices pour atteindre le calme, l’individu voit son état physiologique se modifier sous ses yeux. Le ralentissement de son rythme cardiaque, l’apaisement de sa respiration, la baisse de la réaction sudatoire de sa peau… ces signaux positifs agissent comme une récompense. Ce renforcement positif va avoir comme effet d’ancrer le bon comportement ou la bonne pensée venant calmer le stress.
De plus, il arrive souvent que le renforcement positif permis par la simple vision des signaux physiologiques positifs soit accentué par une musique agréable ou des couleurs encourageantes par exemple.
Parce qu’il permet un engagement
L’entraînement par biofeedback donne un feedback continu à l’individu sur sa capacité à réguler son stress physiologiquement. Ce feedback continu est un aspect crucial car c’est grâce à lui que l’individu va pouvoir être témoin de ses progrès session après session. Ce suivi de leur progrès va maintenir les individus engagés pendant toute la durée de l’entraînement.
Parce qu’il offre un sentiment de contrôle
Lorsqu’une personne parle de son stress ou de son anxiété, on entend souvent la panique associée au manque ou à la perte de contrôle sur ses émotions. Par exemple : « Je me suis laissé.e envahir par le stress », « J’ai été angoissé.e toute la journée, je n’ai pas pu travailler ou faire quoique ce soit », ou encore « Mes pensées tournaient en boucle et m’empêchaient de dormir ».
Un des atouts les plus significatifs du biofeedback est le fait qu’il redonne un sentiment de contrôle et d’efficacité personnelle aux personnes sujettes au stress. Lorsque la personne prend conscience que sa respiration ou un changement de pensées a un impact positif sur son état physiologique, elle ne subit plus son stress, mais apprend à le maîtriser par elle-même. Une sensation de contrôle plus importante, diminue la détresse que provoque le stress ou l’anxiété.
Pour conclure, l’innovation thérapeutique du biofeedback permet de créer du lien entre le corps et l’esprit, de prendre la mesure de l’impact de ses émotions sur son corps et sa santé. Grâce à l’apprentissage permis par le biofeedback, l’individu détecte en amont les signaux faibles du stress et de l’anxiété afin d’agir rapidement avant qu’ils ne s’imposent.
Par conséquent, le biofeedback lui permet sur le long terme de maîtriser soi-même ses états de stress et d’anxiété. En ce sens, le biofeedback apparaît comme une technique d'autonomisation et une alternative aux traitements médicamenteux du stress et de l’anxiété.
L’ESSENTIEL DU MESSAGE
Le biofeedback est une “evidence based practice”, c’est-à-dire une pratique testée et validée scientifiquement, qui répond aux exigences de certains établissements de soins de santé et entreprises pour soigner le stress et l’anxiété. Armé de plusieurs capteurs mesurant son état physiologique, l’individu prend conscience de l’impact de ses pensées et des éléments stressants sur son corps. Grâce à un feedback en direct, l’individu peut apprendre à calmer ses états physiologiques à travers des exercices de relaxation ou encore de pleine conscience.
Anaïs Roux
Ref 1 - Ebook Doctolib, Santé mentale des français : agir face aux impacts de la Covid-19, 202
SÉLECTIONS DE RECHERCHES PROUVANT L'EFFICACITÉ DU BIOFEEDBACK
par Caroline Delannoy, Psychologue et Executive Coach d'Organisations
le 2020-06-24
Avant de vous retrouver ici, sur cet article, qu’étiez-vous en train de faire? C’est bien indiscret, certes, mais sans tout nous dévoiler … aviez-vous la sensation d’être complètement concentré(e)s? Tellement que vos actions et votre conscience fusionnaient? La perception d’être vraiment maître de cette action? D’avoir les compétences pour la réaliser? Le temps comme suspendu?
Si, c’est le cas … cela semble bien être ce que l’on appelle le flow. Un état de conscience optimale, où nous nous sentons particulièrement bien, entièrement absorbés par une activité qui nous challenge, et où nous nous accomplissons au mieux.
Cet état peut nous être bien utile. Le rechercher et l’utiliser à bon escient pourraient nous aider à identifier ce qui est essentiel pour nous tous, et prendre conscience de la complexité qui nous entoure.
A point nommé avec ce dont nous avons besoin actuellement? Où que nous regardons, cette crise hors normes fait voler en éclat nos organisations collectives et personnelles déjà ultra minutées et accélérées. Il suffit d’échanger authentiquement avec nos proches ou nos collaborateurs pour mesurer combien cela nous a tous profondément bousculés. Depuis, je confie souvent aux personnes que j’accompagne en coaching professionnel ou d’organisation, que quand nous les revoyons, nous ne rencontrons pas les mêmes personnes que nous connaissions. Vous ne trouvez pas?
Dans un contexte malheureusement similaire, parce qu’ayant grandi dans un monde d’après guerre à reconstruire, Mihaly Csikszentmihalyi, psychologue hongrois, a consacré les 15 dernières années de sa vie à un projet : comprendre comment continuer à pouvoir donner le meilleur de ce que nous sommes malgré les circonstances de notre vie. Il s’est intéressé tout particulièrement à ce sentiment d'être davantage vivants que nous ressentons quand nous sommes immergés dans des activités hautement engageantes, avec des défis élevés. En d’autres termes, dans le flow.
Entrons donc dans le vif de cet état.
Son nom officiel : - vous le connaissez, maintenant - le « flow », ou état d’expérience optimale. Il est développé dans le courant de la psychologie positive, fondée officiellement en 1988.
Petits surnoms : certains sportifs ou codeurs dans l’informatique parmi vous ont pu aussi le baptiser entrer dans la zone. Dans le travail ou les études, il est aussi connu sous le terme d’état de grâce, les musiciens anglo-saxons parlent d’être in the groove et les poètes d’être visités par les muses. Joli, n’est-ce pas?
Ses effets ressentis et observés : … conscience, agilité, esprit limpide. Vous avez compris, le terme tire son nom de l’expérience qu’il procure. Quand nous sommes dedans, nous sommes … dedans. Enraciné dans le présent ... Pas dans ce qui nous en éloigne.
Ce sont d’ailleurs les mots utilisés par les personnes rencontrées par Mihaly Csikszentmihalyi pour décrire le flow. Joueurs d’échecs, danseurs, passionnés d’escalade, mais aussi des professionnels, comme des chirurgiens. Récemment Steven Kotler, entrepreneur, écrivain américain, fondateur de Flow Research Collective, a chassé des sportifs de l’extrême, et tous décrivaient la même expérience.
La personne est « totalement concentrée sur son activité, la performant de façon optimale, contrôlant parfaitement l’activité, qu’importent les difficultés qui adviennent durant ce moment ; cette personne est si concentrée qu’elle n’entend pas ou peu l’extérieur. Elle paraît « obnubilée » par l’activité, elle ne se préoccupe pas de son apparence, de l’image qu’elle renvoie ; elle perd cet ego qui lui ferait contrôler sa chevelure, sa tenue physique, son attitude, les normes sociales d’apparence et de comportement non liées à l’activité elle-même. Elle semble perdre conscience d’elle-même au point d’oublier son corps et ses besoins : elle oublie de manger, ne se repose pas, etc. On voit qu’elle est face à de grands défis dans son activité, mais elle parvient à les relever et s’accroche avec endurance et ténacité. » (1)
Types d’activités concernées : soyons directs, le flow n’est pas éthique en soi. Cela dépend de la façon et la raison pour laquelle vous l’utilisez. Le flow est possible dans toutes les activités.
Ses mécanismes biologiques : quand nous sommes dans cet état, nous fabriquons un cocktail « fait maison » de Dopamine, Anandamine, Noradrénaline, Sérotonine et Endorphines. Un mix que j’aime bien appeler « D.A.N.S.E. » car ce ballet biologique oeuvre de concert pour faire swinguer nos meilleures ressources internes et libérer ce potentiel.
La noradrénaline et la dopamine renforcent et affinent notre attention malgré les milliers de distractions quotidiennes. Moins connue, l’anandamide (celle que vous essayez de stimuler en mangeant du chocolat) favorise les connexions cérébrales générant des compréhensions globales plus performantes que les sessions classiques de brainstorming. Adeptes de la méditation, vous avez dû reconnaître l’origine sanskrit ananda (béatitude) couplée à amide, sa fonction chimique. On ne présente plus les endorphines, célèbres pour leurs vertus analgésiques qui nous permettent ici, dans la performance réalisée, de brûler la chandelle par les deux bouts sans s’y perdre avec. Enfin la sérotonine, neurotransmetteur et hormone du bonheur présente dans notre cerveau et notre système digestif, nous incite à maintenir une situation qui nous est favorable pouvant être bien plus efficace que tous les team-bonding au bord de mer.
À présent, la recherche sur le flow se poursuit et utilise divers outils, comme l’ESM (Experience Sampling Method, qui permet de suivre l’expérience subjective des personnes), des questionnaires spécifiques au flow (3), les avancées de la psychologie, de la biologie et physiologie, plus récemment des neurosciences et des expériences en réalité virtuelle. Par exemple, les études des neurosciences sur ce sujet sont encore à leurs débuts. Toutefois avec des tests salivaires, il semblerait que les personnes en état de flow ne présenteraient pas de stress (absence de cortisol dans la salive), alors que les conditions pourraient en être génératrices.
Les conditions le favorisant : hélas ce n’est pas sur commande. Nous ne pouvons pas forcer le flow … nous ne pouvons que l’inviter. Il peut néanmoins surgir partout, pourvu que les conditions soient réunies.
Les activités où le flow est possible viennent répondre à nos trois besoins fondamentaux qui nous aident à nous réaliser (3) :
se sentir autonomes : d’avoir eu la possibilité de choisir l’activité, comment, quand et où la réaliser,
se sentir compétents : d’avoir la perception d’être suffisamment compétent pour le faire,
se sentir en lien avec les autres (proximité sociale) : d’avoir la possibilité de nous sentir reliés aux autres via celle-ci ou de pouvoir la partager avec d’autres, ou qu’elle soit reconnue par d’autres.
Quoi d’autre? Se détendre concernant la peur de ne pas réussir et la prise de risque. Y être hostile vous ferme de facto les portes du flow car cela ne vous laisse pas d’espace de progression et de découverte.
C’est comme une vague à prendre, qui se situe exactement entre la peur, l’anxiété (si le challenge est trop grand), et l’ennui (s’il est trop facile, nous diminuons nos capacités d’attention). C’est ce que l’on appelle le canal du flow.
En somme, suffisamment motivant et suffisamment ardu.
N’importe qui peut accéder à cet état cependant les conditions favorables décrites plus haut ne sont pas exactement les mêmes selon les cultures (2).
Par exemple, sans appuyer sur une comparaison hautement sensible à l’heure actuelle dans la sphère géopolitique, l’une des différences remarquées lors d’une étude est qu’il apparaît que la motivation intrinsèque des Américains ne s’étend pas lorsque les défis augmentent, ni quand ils sont égaux aux compétences : ils seraient davantage « motivées intrinsèquement » lorsque les défis adviennent dans des compétences déjà acquises. Au contraire, pour les personnes chinoises, les défis auraient un effet négatif sur leur motivation. Ils expérimentent davantage le flow dans une condition nommée « ennui » ou « relaxation » : quand les défis sont bas et qu’il y a de très hautes compétences. L’explication serait très probablement dans le fait que la culture peut avoir une forte influence sur le fait ou non de rendre désirable tel ou tel état mental.
Dès lors, la différence observée pour ces derniers serait que leur recherche de l’état de Tao, portée sur la prudence et l’attention au détail, viendrait en contradiction avec celle du flow, plus orientée vers le dépassement de défis.
Ses apports aujourd’hui : le flow est un des rares états au sein desquels nous sécrétons ce cocktail interne. Il peut concerner tous les domaines de notre vie.
Ces dernières semaines ne vous êtes-vous pas demandé(e)s comment tenir le rythme et les défis qu’apporte chaque jour cette crise?
Appliqué au travail, il a un rôle majeur dans les trois compétences clefs si précieuses pour affronter le monde VICA actuel (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté) que sont la motivation, la créativité et l’apprentissage.Le flow est pour certains le code secret à la source de la motivation intrinsèque, alias le feu sacré pour citer la charmante expression d’une jeune manager très collaborative que j’ai interviewé récemment pour un podcast sur l’engagement collectif dans l’entreprenariat.
Votre performance et créativité seraient multipliées par cinq grâce au flow (7). Comme s’amuse à le plébisciter Steven Kotler, si vous passez votre lundi dans un état d’expérience optimale, vous pouvez accomplir tout ce que vous faites habituellement du lundi au vendredi. D’ailleurs, certaines grandes entreprises internationales ont déjà repensé leur philosophie de travail autour du flow (comment le favoriser pour le travail individuel et en collaboration).
Cela peut guider aussi les enseignants et parents afin d’aider leurs adolescents.
Se placer dans un quête du flow peut favoriser le renforcement de vos capacités d’attention et de concentration, créer des vocations et permettre un développement continu, changer le regard posée sur les difficultés souvent vécus comme des contraintes, et niveler les objectifs pour continuer à apprendre de la vie. Les compétences que vous pouvez acquérir par le flow sont autant d’outils pour vivre plus équipés face aux crises qui se cumulent.
C’est devenir ce que Mihaly Csikszentmihalyi nomme, autotélique : être de plus en plus capable de transformer les conditions de toutes les situations que nous affrontons afin que celles-ci puissent nous enrichir et produire un état optimal.
Comme vous pouvez l’imaginer, si le flow advient pour des activités déterminantes pour soi, cela vient donner du sens à notre vie. Parce que nous sommes le produit de ce à quoi nous avons porté de l’attention, nous ressentons alors un fort sentiment d’accomplissement de soi. Cela nous donne confiance en nous-mêmes plus nous le pratiquons. Mihaly Csikszentmihalyi explique qu’il réduit notre anxiété dite « ontologique », celle de ne pas exister pleinement. Cela peut contribuer à nous soulager quant à notre quête de légitimité dans le monde et nous aider à trouver notre place, et notre voie.
Plus que jamais, nous avons fondamentalement besoin d’éveiller nos capacités à être solidaires, attentifs, et innovateurs dans la compréhension et l’empathie. Puiser dans notre humanité et notre profondeur. Je partage pour cela la vision d’Otto Scharmer, sympathique et pragmatique professeur du MIT à Cambridge (Massachusetts) quand il écrit le mois dernier "lorsque les systèmes s’effondrent, les humains se lèvent’".
Le stress et le monde VICA pourraient nous pousser à chercher cette profondeur dans la surface, comme le percevait déjà en 2006 le plus rock des écrivains et essayistes transalpins, Alessandro Baricco, doté d’un bon sismographe intérieur. Sur le plan psychologique, nous aurions tous tendance à vouloir trouver sans attendre des solutions ou savoir comment réagir. Résultat, tels des “crocodiles” (par référence au système limbique ou reptilien sur-sollicités dans ces cas), nous aurions tendance à croquer trop rapidement l’étape de prise de conscience de l’ensemble de la situation.
Rechercher l’essentiel à travers le parcours du flow et son expérience peut être une voie qui permet de trouver ces profondeurs si on les utilise à bon escient. Quand voulez-vous commencer?
Le flow peut se déployer sur les plans de la relation à l’autre et en collectif, comme dans les équipes, à l’image des ces fameux jazz bands. Vers le développement d’une conscience collective et moins de solidarité en silo? Si cela vous intrigue, nous pouvons l’explorer dans un prochain article.
1 - Csikszentmihalyi, M. (2014). Flow and the foundations of positive psychology. Springer, Dordrecht.
2 - Psychological Selection and Optimal Experience Across Cultures, social empowerment through personal growth, Antonella Delle Fave, Fausto Massimini, Marta Bassi, ed Springer
3 - Assessing flow in physical activity : the flow state scale-2 and dispositional Flow Scale-2, Susan A. Jackson, Robert C. Eklund
4 - Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2017). Self-determination theory: Basic psychological needs in motivation, development, and wellness. Guilford Publications.
5 - Otto Scharmer - A New Superpower in the Making: Awareness-Based Collective Action ( Medium - 9 avril 2020)6 - Alessandro Baricco (2008). I barbari. Saggio sulla mutazione.
Article en français : Courrier International - I Barbari "Vive la superficialité ! " (2010)
7 - McKinsey Quartely - Increasing the 'meaning quotient' of work (2013)
8 - Aimelet-Périssol, C. (2002). Comment apprivoiser son crocodile. Ed. Robert Laffont Paris.
Pour aller plus loin :
Conférence de Mihaly Csikszentmihalyi : "Flow, le secret du bonheur"
Site et ressources sur le flow et le dépassement de soi, fondé par Steven Kotler (anglais)