Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Quand nos transitions professionnelles viennent questionner notre confiance en soi

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2021-01-13

Quand nos transitions professionnelles viennent questionner notre confiance en soi

Perte d’un emploi, chômage longue durée, recherche de nouvelles opportunités, les périodes de transition professionnelle s'accompagnent parfois d’une perte de confiance en soi pour les personnes qui les traversent. Pourquoi notre estime de soi se trouve-t-elle fragilisée quand on est en recherche d’emploi ? Que se passe-t-il de si spécial pendant ces transitions pour que notre équilibre en soit bouleversé ?


Ce que l’absence d’activité professionnelle fragilise en nous : Pourquoi on a mal à l’image de soi ?



Les périodes de transitions professionnelles sont des périodes d’incertitude. Qu’allons-nous faire, où postuler, et comment continuer à payer son loyer, son emprunt, ses charges ? L’inconfort s’installe. Au-delà d’une préoccupation concrète, matérielle, voire économique, une inquiétude plus profonde et diffuse peut émerger : mais au fond, quelle est ma valeur sur le marché du travail ? Qui va m’embaucher et à quel prix ? Qu’ai-je de plus que les autres candidats ? Mon projet n’est-il pas trop ambitieux, présomptueux, ou au contraire, est-ce que je me sous-estime ?

C’est notre valeur et nos capacités qui peuvent être directement remis en question...

La fin d’un emploi peut ébranler notre image de nous. Dans une société où nous avons tendance à nous définir socialement par le travail, il est parfois difficile de se constituer une image de soi satisfaisante en dehors d’un statut préétabli : “je suis étudiant, salarié, retraité”, etc. Notre identité se trouve comme fragilisée en l’absence d’activité. Ainsi que l’expliquait le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott, notre image de soi se construit dans l'altérité, à travers le regard de l’autre et notamment, au tout début de l’enfance, à travers celui de notre mère ; on imagine aisément que l’on continue de s’observer sous le regard de nos pairs.

Quand nous quittons un emploi, les interactions sociales professionnelles qui nous permettaient de recevoir des feedbacks sur nous de la part de nos collègues, de notre direction, s’arrêtent. L’image de soi est à redéfinir. Cette période de changement s’accompagne souvent d’une perte de repères et peut être vécue comme un deuil à faire : c’est la fin de l’appartenance à un groupe (l’ancien employeur, l’ancienne équipe, etc... ) et l’on ne sait parfois plus comment se définir. Certaines personnes vivent même la période de chômage comme une disqualification sociale. Dans ces situations, l’image de soi est alors modifiée négativement puisque la nouvelle donne sociale - l’absence d’emploi - vient restructurer l’identité au niveau cognitif.  


Estime de soi et confiance en soi : des constituants de notre identité en mouvement permanent



Mais au fait, qu’est ce que c’est que l’estime de soi, et comment peut-on dire que l’on a - ou non, confiance en soi ? Faut-il enchaîner les succès professionnels et personnels pour pouvoir dire que l’on a une bonne estime de soi ? Existe-t-il des personnes qui ont, dans l’absolu, confiance en eux, et d’autres qui n’y parviennent jamais ? La notion est en fait complexe, fluctuante, et l’on peut tous être affectés par un manque de confiance en soi à certains moments ou dans certains aspects de notre vie ...

Identité, image de soi, estime de soi, confiance en soi, les termes sont imbriqués...

La psychologue américaine H.R. Markus, a introduit la notion d'un schéma de soi, c’est-à-dire une image, subjective, évolutive et dynamique qui se modifie à travers l’ensemble des connaissances que l’on a à propos de soi, au fur et à mesure des expériences que l’on vit.
L’estime de soi, constitutive de ce schéma de soi, fonctionne alors dans ce système comme un jugement de valeur - positif ou négatif- que l’on porte sur soi-même.

La confiance en soi, quant à elle, est une composante de l’estime de soi. C’est la confiance que nous accordons en notre capacité à nous en sortir, à réussir, à atteindre le but qu’on s’est fixé. Elle est rarement absolue, mais plutôt appliquée à des domaines, dans des situations données : “je me sens capable d’exécuter cette figure de danse”, “je doute de ma faculté à retrouver un emploi si je démissionne”. Finalement, cette confiance pourrait se définir comme une sorte d'optimisme, qui nous aide à croire en nos ressources. Elle se construit généralement dès l’enfance et se consolide via le cumul d’expériences considérées comme “satisfaisantes” ou “réussies”. Mais alors, comment garder confiance quand on vit l’épreuve d’un chômage, qui vient directement nous questionner sur nos capacités ? Même si elle ne touche que la sphère professionnelle, l’expérience de difficultés au travail peut contaminer plus largement notre confiance, la baisse de l’estime de soi gagnant progressivement les autres sphères de l’image de soi...


La confiance en soi pousse ses racines dans notre perception du monde qui nous environne



Pour le philosophe Charles Pépin, si la confiance en soi est composée d’une confiance en ses capacités, elle se construit aussi grâce à notre faculté d’accorder notre confiance aux autres, et grâce à une confiance plus générale dans la vie. Même si elle ne remet pas nécessairement en question vos compétences, une transition professionnelle peut venir questionner notre capacité à faire confiance au monde qui vous environne : “Vais-je être reconnu à ma juste valeur ? Vais-je trouver autour de moi un environnement bienveillant ?” “La vie va-t-elle me sourire dans cette prochaine étape ?”

Cette idée du philosophe d’une confiance construite en fonction des autres va dans le même sens que les modèles développementaux de l’estime de soi de certains théoriciens de l’attachement. Nicole Guédeney, pédopsychiatre à l’Institut Mutualiste Montsouris de Paris apporte dans l’un de ses articles un éclairage sur la dimension développementale de l’estime de soi, construite en lien avec nos expériences primaires d’attachement. Le monde qui m'entoure est-il sécurisant et me met-il en confiance ? Me rassure-t-il ou non sur ma valeur ? Notre capacité à nous faire confiance se construit alors sous le regard plus ou moins bienveillant que notre environnement (parents, entourage, éducateurs...) porte sur nous et sur nos actes.

Quand l'entourage est bienveillant, nous avons tendance à projeter que les autres relations à venir seront similaires, simples et rassurantes. Puis, au fur et à mesure de notre vie, les expériences que nous traversons viennent renforcer ou fragiliser notre confiance.
Dans le cadre d’une transition professionnelle, l’inquiétude peut être d’autant plus grande que la dernière transition avait été compliquée, ou que vous avez été confronté à plusieurs reprises à des environnements malveillants ou stressants.

On constate donc un lien entre difficultés passées et difficultés auxquelles on peut faire face dans le présent. La période de transition peut s’accompagner d’une résurgence des blessures du passé, lorsque la confiance en ses compétences n’a pas été bien établie de façon sécurisante. C’est alors que peuvent resurgir ces peurs qui nous tétanisent : peur de ne pas être la hauteur, peur de décevoir, peur de l’échec, etc.


Rebondir : construire et renforcer sa confiance grâce à la résilience



Pour gagner en confiance, nous avons besoin de sentir que nous avons les moyens d’agir et les capacités nécessaires pour rebondir durant les situations incertaines que sont les transitions professionnelles. Plus nous nous sentons en mesure de nous adapter à ce monde mouvant, plus nous sommes confiants dans notre capacité de résilience, c’est-à-dire, notre aptitude à faire face aux événements, quels qu’ils soient. La confiance en soi se manifeste comme une confiance en notre sentiment d’efficacité personnelle : face aux difficultés, nous saurons rebondir. Les expériences antérieures d’échec et de difficultés surmontées sont alors de belles illustrations de cette capacité de “coping” dans l’adversité. Sur ce sujet, l’ensemble des expériences de vie surmontées peuvent être relues pour nous rassurer dans notre disposition à prendre les bonnes décisions et rester à flots dans les différentes tempêtes que nous avons traversées.

Dans ces temps de transition, il peut être intéressant de soigner tout particulièrement notre estime de nous en nous investissant dans d’autres domaines que le travail : la confiance grandit aussi dans les succès sportifs, les relations humaines gratifiantes, l’expression des talents artistiques, relationnels, etc... Autant de sphères à ne pas négliger lorsque l’on recherche un travail, car cela peut avoir un réel impact sur notre motivation et confiance !


Les transitions professionnelles sont des périodes de réorganisation de l’image de soi qui peuvent donner lieu à de l’inconfort. L’identité est à redéfinir, cela peut être véritablement l’occasion de se la réapproprier. Un accompagnement peut permettre de mieux vivre le passage et être l’occasion de travailler sur l’image de soi, les schémas ancrés et les identités professionnelles. Prendre soin de soi, en restant actif et en s’investissant dans des activités extra-professionnelles peut aussi permettre de renforcer notre confiance tout en rééquilibrant les différentes parties qui cohabitent en nous pour créer une image globale satisfaisante qui permette d’oser et d’avancer ! Car la confiance en soi n’est pas la capacité à enchaîner les succès, mais plutôt la disposition à rebondir et à remettre en selle après les difficultés.


Cécile Pichon


Définitions

 Schéma de soi : notion définie comme une “généralisation des connaissances sur soi issues de l'expérience passée”, décrit par Hazel Rose Markus, Psychologue américaine dans Self-Schemata and processing information about the self, Journal of personality and social psychology, 1977
- Résilience : capacité à surmonter les événements traumatiques, notion mise en lumière et développée par le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik : « La résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité
- Coping : stratégie d'adaptation pour faire face au stress

Sources 

Donald W. Winnicott, Le rôle de miroir de la mère et de la famille, dans Jeu et réalité, 1971 : « Que voit le bébé quand il tourne son regard vers la mère ? Généralement ce qu'il voit c'est lui même. En d'autres termes, la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu'elle voit. »

L'intelligence émotionnelle au coeur de la reconquête professionnelle

de Cherisey, Psychologue clinicienne)

par Rose de Cherisey, Psychologue clinicienne
le 2020-05-27

L'intelligence émotionnelle au coeur de la reconquête professionnelle

Nous sommes issus, en France et plus largement en Europe occidentale, d’une histoire, entre autres, cartésienne, qui sépare l’émotion de la raison.

Nous avons longtemps considéré que l’émotion était un frein à la raison. Selon Descartes, l’émotion, au même titre que la passion, représenterait même des affections, venant alors entraver le raisonnement et le bon fonctionnement du cerveau.


Les recherches plus récentes, effectuées par les neurologues et psychologues, montrent à l’inverse, que les émotions et le cerveau travaillent ensemble, s'apportant des informations complémentaires importantes, participant à ce que l’on appelle les compétences logiques et les compétences émotionnelles (1).

Dans différentes cultures et notamment en Asie par exemple, la prise en compte des émotions est ancestrale et constitue une énergie positive au service de chacun, tant d’un point de vue professionnel que personnel, collectif qu’individuel.


Il n’est pourtant pas rare encore aujourd’hui d’entendre des demandes impossibles telles que « on laisse le perso chez soi et le pro au travail » ou des clichés tels que « les émotions n’ont pas leur place en entreprise ».

Alors, qu’en est-il de ces fameuses émotions dans notre vie professionnelle ? Celles que nous savons maintenant nécessaires à la gestion de notre vie quotidienne, mais surtout, indissociables de notre être et de notre essence même ?


Notre société actuelle est duelle dans bien des sens (2), et la crise sanitaire que nous venons de traverser nous a confrontés à ces ambivalences qui se sont creusées, mais également à nous-mêmes (3). Le retour au monde professionnel comme nous le connaissions il n’y a que quelques mois encore ne pourra pas se faire sans transformation ni changement.


Les entreprises qui se sont le mieux adaptées à la crise d’un point de vue professionnel ont écouté les collaborateurs dits « de terrain », ont développé en eux une confiance, une volonté de pousser à l’autonomie, à la créativité, tout en créant des espaces de paroles où chacun pouvait s’exprimer librement (4). On arrive donc ici à ce qu’on appelle l’Intelligence émotionnelle.


Si sa définition paraît évidente, son application ne l’est pas pour autant, principalement à cause de nos croyances concernant les émotions et leur utilité, ceci, autant dans la vie professionnelle que personnelle. Nous entendons encore fréquemment qu’un garçon ne doit pas pleurer (et donc être triste) ni avoir peur, et qu’une fille ne doit pas se mettre en colère mais privilégier la douceur et la tranquillité. Il semble donc important, avant d’aborder l’intelligence émotionnelle, de considérer les émotions en elles-mêmes.


On parle d’abord des émotions primaires, dites biologiques, innées, instinctives. Au nombre de six, elles participent à notre survie. On retrouve la Joie, la Colère, la Peur, la Tristesse, le Dégoût et la Surprise. Tout comme les couleurs primaires qui forment, en se mélangeant, un arc-en-ciel, les émotions primaires vont s’imbriquer et donner des émotions plus complexes, appelées les émotions secondaires, plus communément connues sous le nom de « sentiments » : la colère associée à la peur peut par exemple donner un sentiment de frustration, ou d’injustice. La joie et la tristesse se transformeront en nostalgie.


Chaque émotion a une origine et un besoin qui lui sont propres. La peur, provoquée par une situation perçue comme dangereuse indique un besoin de sécurité. La colère, générée par une atteinte à l’intégrité demande la réparation du dommage commit. Une fois cette base posée, nous pouvons nous demander ce qu’est l’intelligence émotionnelle et quelles sont ses compétences (5) ?


Comme évoqué plus haut, nous avons des compétences logiques et des compétences émotionnelles. Quelles sont, alors, les 5 compétences émotionnelles ?


Identifier 


Les émotions sont encore parfois méconnues et donc, difficilement identifiables. En parallèle, elles arrivent en nombre et il n’est pas toujours évident de savoir quelle est l’émotion la plus présente à tel ou tel moment. Il est donc important, lorsqu’on se sent pris dans un flot émotionnel, de se poser la question : qu’est-ce que je ressens ? Les techniques sont aujourd’hui variées pour se mettre en condition d’écoute de ses émotions et de leurs ressentis corporels, allant du balayage corporel au yoga, passant par la respiration, l’écriture, l’entretien psychologique ou encore la méditation. Il ne tient donc qu’à chacun d’entre nous de développer cette posture d’identification qui nous amènera à la deuxième compétence émotionnelle.


Comprendre 


Une fois l’identification de l’émotion principale terminée, il nous faut comprendre ce qui l’a engendrée (la situation, et donc le comment) et la raison pour laquelle c’est cette émotion qui s’installe plutôt qu’une autre (la réaction, et donc le pourquoi).

Chacun d’entre nous avons des réactions qui nous sont propres, dirigées par nos expériences précoces et actuelles, notre personnalité, nos injonctions, notre seuil de tolérance…. Ainsi, la compréhension de l’émotion nous aidera à nous rapprocher de nous-même, de nos valeurs, et nous permettra donc de l’exprimer.


Exprimer 


L’émotion peut s’exprimer en deux temps (à chaud ou avec une prise de recul), mais de bien des manières. Elle peut rester pour nous ou être communiquée à l’autre, se décharger dans le sport ou dans l’écriture, la musique, ou dans un courriel à un collègue qui nous a énervé.

L’important, dans cette notion d’intelligence émotionnelle sera de pouvoir exprimer son émotion sans être sous son emprise, que l’on puisse l’accepter et s’en servir, au lieu de tenter de la refouler ou de la dénier car on ne lui trouve pas d’utilité instantanée.

 

Réguler 


Réguler ses émotions, c’est réussir à ne pas être dirigé par elles, mais s’en servir de manière efficace et sereine, pour avancer en accord avec nous-mêmes. C’est aussi réussir à réguler celles de notre interlocuteur, de l’aider à les identifier, à comprendre et exprimer ses propres émotions, même si elles sont en désaccord avec les nôtres. Il y a donc la notion du respect de l’autre et de ce qu’il ressent, de ce que ses comportements et émotions viennent provoquer chez nous. Si l’Intelligence émotionnelle passe par un travail individuel, elle prend forcément en compte l’autre, puisque nous sommes avant tout des êtres sociaux. Comme nous l’avons vu plus haut, les méthodes de régulation des émotions sont nombreuses et il ne tient qu’à chacun d’entre nous de trouver la méthode en accord avec nous-même.


Agir 


L’émotion participe au passage à l’action. Lorsque je traverse la route, la peur me fait regarder sur les côtés pour m’assurer de passer en toute sécurité. Ne pas prendre nos émotions en considération lors du passage à l’action nous ferait bien souvent foncer droit dans le mur, puisque nous n’aurions pas conscience ni des risques, ni de notre réelle motivation à le faire. Devenir manager d’une équipe lorsqu’on n’apprécie pas particulièrement les responsabilités, asseoir son statut de supérieur hiérarchique et prendre la parole en public, par exemple, risque de faire de nous un manager en difficultés qui risquerait de dégrader un collectif.




A la lecture de ces cinq compétences, on comprend alors qu’elles s’appliquent non seulement dans le milieu professionnel, mais également dans le milieu personnel.

Il s’agit d’une démarche individuelle ayant un impact fort sur soi, mais également chez nos différents interlocuteurs.


La crise du Covid-19 a eu un impact sur chacun d’entre nous. Elle a aidé à des prises de consciences personnelles et sociétales, environnementales et économiques. De nombreux groupes veulent voir émerger de nouvelles actions, méthodes, pour intensifier le respect de la planète, repenser l’économie individuelle, nationale, mondiale, le monde du travail, la course au « tout, tout de suite » et aussi et surtout, être plus proche de l’humain. De la prise de conscience du travail des soignants à celle du besoin d’être avec nos proches, de travailler, de sortir, de bouger, en passant par la nécessité de trouver du sens à nos actions et notre quotidien, ces prises de conscience ont pour idéologie de nous rapprocher de l’essentiel (6).


Dans nos conditions professionnelles et dans l’optique d’un retour dit « à la normale », il sera donc important de privilégier cet espace d’échange autour des ressentis individuels et collectifs, où chaque membre de l’équipe, collaborateur comme manager, arrivera à se munir de ces compétences pour les exploiter et s’en servir dans le but d’agir et d’interagir, en adéquation avec soi-même et les autres.

Loin d’être l’unique clef, l’intelligence émotionnelle à travers une communication plus ouverte, transparente et bienveillante nous rapprochera de cet essentiel et nous guidera vers nos besoins fondamentaux.


Rose de Cherisey

Son profil sur Linkedin



Sources

  1.  La raison des émotions Antonio R. Damasio, paru en janvier 2010 Essai (Poche)

  2. Notre société, une réponse obsessionnelle ? Sébastien Rose, paru en Janvier 2011 dans Cliniques méditerranéennes n°83

  3. Confinement et déconfinement : comprendre la crise pour mieux la traverser. Marion de Champsavin, 2020-05-07 Weppsy épisode n°19

  4. https://www.institut-entreprise.fr/limpact-de-la-crise-du-covid-19-sur-le-travail-premiere-analyse

  5. Manager avec l’intelligence émotionnelle. Pierre-Marie Burgat, Ed. Dunod. 2016.

  6. https://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/2020-03-24/serge-guerin-le-covid-19-une-lecon-d-humilite-843079.html


Confinement, déconfinement : quid de la motivation ? 2 expériences pour devenir un paresseux-heureux au travail

Cappe de Baillon, Psychologue et coach en orientation)

par Sophie Cappe de Baillon, Psychologue et coach en orientation
le 2020-05-19

Confinement, déconfinement : quid de la motivation ? 2 expériences pour devenir un paresseux-heureux au travail

Le déconfinement a sonné. Néanmoins pour certains, le télétravail, les révisions à domicile, la garde des enfants laissent un goût de confinement prolongé ou en tout cas, n’aide pas à se mobiliser plus pour son travail.


Une réunion à forts enjeux prochainement ou des examens à préparer ? Au fil des jours cela peut devenir de plus en plus urgent. C’est idéal de commencer maintenant car vous avez (encore ?) du temps. Et pourtant. Rien à faire. Vous ne trouvez pas l’énergie.


Qu’on soit salarié ou étudiant, travailler est un défi encore plus grand en ce moment. Au début, il y a eu l’excitation de découvrir un nouveau rythme de travail, de chez soi, à distance. Mais les jours ont passé et l’énergie manque vraiment… Dans cet article je vous propose de : comprendre pourquoi cette période est si propice à la démotivation, d’ouvrir des pistes de réflexions afin de comprendre ce qui vous motive, et concrètement, qu’est-ce que je peux faire pour retrouver de l’énergie ?


Pourquoi cette période est si propice à la démotivation ?


Depuis le début du confinement, on a tous changé nos habitudes de travail à cause d’un seul élément : notre cadre social n’existe plus. Le rythme de nos vies personnelles a changé de manière évidente mais côté professionnel, ça a été un peu plus insidieux. Au début, on était ravis d’échapper au temps de transport, aux réunions à rallonge et autres désagréments. Pourtant, toutes ces habitudes apportent un rythme et une structure à nos quotidiens, sans même que nous en ayons conscience.


Prenez la réunion d’équipe hebdomadaire: elle vous sortait souvent de la tête mais voir vos collègues quitter leurs bureaux tous en même temps vous rappelait à l’ordre. Désormais, vous êtes le seul et unique acteur de votre rythme, à vous de vous organiser avec vos contraintes professionnelles ET personnelles. Cela demande beaucoup plus d’énergie. (D’autant plus si certains de vos co-confinés ont moins de 10 ans !)


En plus de cela, il y a le manque ou le trop plein de travail, le chômage partiel ou encore l’assignation de “travail de fond” toujours repoussé jusqu’alors. En bref, c’est l’incertitude et on se questionne : est-ce que mon travail actuel est vraiment utile ?


Modification du lien social, absence de temporalité, résultats peu visibles, manque d’objectifs, autant de raisons de baisser les bras ?


Bill Gates disait : “Je choisis une personne paresseuse pour un travail difficile, car une personne paresseuse va trouver un moyen facile de le faire.”

Toutes ces contraintes pourraient être l’opportunité de développer votre capacité à être un paresseux-heureux. Parlons plus en détail de la motivation pour mieux agir !



Comment comprendre ce qui me motive ?



La motivation c’est la raison qui va nous mettre en mouvement, la cause qui va susciter l’énergie. Regardons cela plus en détails.


La théorie de l'autodétermination a défini 3 types de motivation principaux :


  • L’amotivation est l’absence de motivation. Pas trop besoin de vous expliquer, je pense qu’on a tous vécu récemment où on passe d’une tâche à l’autre, sans conviction. Cet état de léthargie très désagréable renvoie à la question du sens : pour quoi faire cela ? L’attitude à adopter peut être de vous interroger sur le besoin auquel répond cette activité.

 

  • La motivation extrinsèque est la réalisation de tâches pour des motifs externes. L’enfant puni qui se retrouve à écrire 100 fois la même phrase pour une punition est un bon exemple. Il y a différents types de régulations de cette motivation. Prenons l’exemple du travail.

    • Je travaille pour faire plaisir à mes parents/mon boss → Il s’agit d’une régulation externe.

    • Je travaille parce que si je ne le fais pas je vais culpabiliser → Il s’agit d’une régulation introjectée.

    • Je travaille car ça me permettra d’atteindre un poste qui me plaira → Il s’agit d’une régulation identifiée.

    • Je travaille car c’est aligné avec mes valeurs de travail bien fait → Il s’agit d’une régulation intégrée.


Différentes type de régulations qui vous permettent de gagner en motivation à court/moyen terme.


  • La motivation intrinsèque est le plus haut degré de motivation, le plus durable et aussi le plus personnel ! Vous souvenez vous d’un moment où vous vous êtes engagé spontanément et volontairement dans une tâche par intérêt ou plaisir personnel ?


  Pour expérimenter ce qu’est la motivation intrinsèque, pensez à la dernière activité que vous avez aimé faire sans solliciter trop d’énergie. Ca peut   être la cuisine, la lecture, le sport… Il y a 3 piliers dans la motivation intrinsèque :


    • Avoir de l’autonomie : pouvoir orienter ses désirs comme on le souhaite

    • Agir pour quelque chose qui a du sens pour nous.

    • Développer une envie de maîtrise : réaliser qu’on peut toujours apprendre plus sur ce sujet !


Attention, il n’y a pas une motivation meilleure que l’autre. On a besoin de la motivation intrinsèque ET extrinsèque pour se mettre en marche. Ces différents types de motivation s’inscrivent dans un continuum où l’énergie fluctue selon notre capacité à écouter nos envies personnelles et à reconnaître nos forces et compétences.



Concrètement, qu’est-ce que je peux faire ?



Ces périodes de confinement et déconfinement sont une belle occasion de faire plus avec moins, l’occasion de développer une paresse efficace et d’aller au plus simple comme le disait Bill Gates. Dans ce but, je vous propose deux expériences.


  • Expérience 1 : dans les dernières semaines, quelles sont les activités qui vous ont mobilisé sans effort ? Celles pour lesquelles vous pouvez-vous mettre en mouvement facilement ? Identifier ces moments de mise en mouvement facilitée vous permet d’identifier vos forces : les choses que vous savez bien faire spontanément.


  • Expérience 2 : Pour affiner la connaissance de vos motivations, je vous propose de reprendre 3 moments professionnels où vous vous êtes senti particulièrement motivé. Décrivez les en détail (votre rôle, vos interlocuteurs, vos actions exactes…) Puis sous votre texte, tracez 2 colonnes à compléter à lumière des types de motivations décrits ci-dessus. D’un côté, vous inscrivez vos motivations intrinsèques et de l’autre côté, vos motivations extrinsèques pour comprendre ce qui marche pour vous motiver personnellement. Et la prochaine fois que l’absence de motivation se fait sentir, allez piocher dans cette liste !


Prenez soin de vous,


Sophie Cappe de Baillon

Psychologue - Coach en orientation

Sa fiche sur weppsy

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Sources :

http://rire.ctreq.qc.ca/2019/01/les-differents-types-de-motivation-selon-la-theorie-de-lautodetermination/

https://www.ted.com/talks/dan_pink_the_puzzle_of_motivation?language=fr



Episode 16 - Challenge confinement & weppsy - Comment composer avec l'ennui au travail ?

d’Alteroche, Psychologue clinicienne)

par Marie-Astrid d’Alteroche, Psychologue clinicienne
le 2020-04-29

Episode 16 - Challenge confinement & weppsy - Comment composer avec l'ennui au travail ?

Regarder l’heure passer, allonger ses pauses café, surfer les réseaux sans but précis, nous connaissons tous ces creux d’activités au travail. Pour certains dont ces moments d’ennui font partie de leur quotidien, la situation peut devenir difficilement supportable. Fatigue, honte, culpabilité, perte de confiance en soi, déprime peuvent apparaître et constituent un terrain pour le développement d’un bore-out.


Révélateur de notre époque, le bore-out (“to be bored” en anglais signifie “s’ennuyer”) est bien moins médiatisé que le burn-out. Il inquiète les chercheurs en sciences sociales qui alertent depuis 2005 sur ses risques. Le syndrome peine à trouver sa place en tant que maladie reconnue, pourtant les conséquences psychologiques peuvent être importantes et vont de la fatigue à la perte d’estime de soi en passant par la dépression ou des passages à l’acte auto-agressifs.



Qu’est ce que le bore-out ?



Les définitions du bore-out sont nombreuses. Elles mettent toutes en avant une souffrance psychique engendrée par un manque d’activité au travail.

 

En 2008, une enquête réalisée par Stepstone révèle que 30 % des Allemands, 33 % des Belges, 29 % des Suédois et 21 % des Danois, soit en moyenne 1 Européen sur 3, n’a pas assez de travail pour combler ses journées. Selon Christian Bourion (2015), en France, 30% des salariés seraient concernés par le bore-out !


Vous vous ennuyez au travail ? Apparemment vous n’êtes pas seul. Nous vous présentons ici le cheminement de Gaston, jeune analyste en marketing:


« Je travaillais dans une entreprise en réorganisation. Ils avaient d’autres priorités. Même si j’étais jeune, ils m’ont mis au placard. Apparemment ça ne touche pas que les vieux. J’avais l’impression de servir à rien, j’étais crevé alors que je ne faisais rien de la journée…l’enfer ».


En effet, contrairement aux idées reçues, le bore-out ne touche pas seulement les quinquagénaires.. Il n’existe pas de « profil type du salarié » sensible au bore-out, nous pouvons tous être concernés à un moment donné de notre carrière. Comme Gaston, vous pouvez être jeune et être touché par ce phénomène.


Nous retrouvons ainsi, trois racines au bore-out, développées par Bataille : l’organisation (répartition du travail), le savoir-faire (les compétences de chacun) et les motivations (ambition, souhaits, intérêts) qu’il ne faut pas oublier de mettre en lien avec l’expérience individuelle de chacun (estime de soi, parcours de vie, besoin de reconnaissance…).



Le bore-out : un risque psycho-social.



« J’étais crevé, je n’avais plus envie de rien faire, je culpabilisais et j’étais de plus en plus anxieux. Je me sentais nul. » Gaston


Les salariés dépossédés de leurs tâches se déshabituent et se désinvestissent du travail. Ils doutent de leurs capacités et leurs compétences à effectuer leurs tâches quotidiennes. Cette situation est particulièrement à risque car ces salariés deviennent inemployables à force d’accumuler de l’inexpérience. De plus, on observe que les salariés sont épuisés. Ils peinent à réaliser les tâches qui leurs sont confiées ce qui engendre de nombreuses conséquences dans une équipe. Pour la plupart des personnes, s’ennuyer au travail et être fatigué est inconcevable et sera durement jugé.


Les sentiments de honte et de culpabilité sont donc présents d’autant plus qu’il est difficile d’en parler autour de soi. Le bore-out se développe dans le temps. Il se nourrit du tabou, de la honte et du doute.
Le salarié cache son état psychologique jusqu’au bout dans le but de préserver son travail. Il souhaite éviter le pire : être considéré comme « le fainéant », le « nul » mis au placard.


Cette situation est difficile à assumer au travail mais aussi en société. Dévoiler sa profession est souvent la première question dans un échange lors d’un dîner ou une soirée. La question « Que fais-tu dans la vie ? », au même titre que « Bonjour, comment ça va ? », est un reflex social plus ancré dans des normes de politesse qu’une réelle curiosité engagée. Si vous tentez l’expérience d’évoquer votre ennui au travail dans une conversation avec des inconnus, il se pourrait que vous ne receviez pas un accueil très valorisant. Observez les médias, la communication sur le burn-out est telle que s’en est devenu une expression courante : « Je suis au bord du burn-out ». Conséquence d’une société où la consommation et la performance sont très valorisées. Oser avouer son ennui c’est courir le risque d’une rupture sociale voire un signe de provocation aux yeux de tous.



L’ennui, le bore-out : parle-t-on de la même chose ?



Il est important de différencier le syndrome du bore-out de l’ennui. Le bore-out est une dimension de l’ennui.


Le Bore-out résulte de causes externes liées aux contextes professionnels soit à l’organisation, la motivation et le savoir-faire. Toutefois, celui-ci peut être un écho d’une possible intolérance à l’ennui, d’où l’intérêt d’une intervention thérapeutique comme le souligne Bataille. Avec le thérapeute, le rapport à l’ennui doit donc être questionné dans les loisirs, dans la manière d’être au monde et pas seulement dans l’environnement professionnel. Ainsi, il est nécessaire de se poser la question suivante : l’ennui est-il la cause ou la conséquence du bore-out ?  


Amandine nous exprime son doute: « Dans mon job, je m’ennuie, j’ai besoin d’être stimulée par différents projets j’aimerais avoir de nouvelles responsabilités, de nouveaux challenges. Mais j’ai une situation confortable, je ne peux pas prendre de risque. Ça finira par s’améliorer. »


Ici rien d’alarmant me direz-vous. Pourtant, le désir de travail, est ici empêché voire étouffé. Pour fuir l’ennui et ses effets négatifs, plusieurs stratégies de contournement sont mises en place par les salariés.


  • La première tentative est de rationaliser l’ennui. Amandine est dans cette situation, tout en étant dans la passivité, elle met en place une croyance prédictive : « ça finira par s’améliorer ».

  • La deuxième étape est de mettre en place des stratégies d’évitements en faisant preuve de créativité : occuper le temps, faire un planning…


Lorsque ces deux stades sont dépassés, le salarié enclenche un autre plan de contournement : traiter ses affaires personnelles sur son lieu de travail. Les stratégies de comportements sont nombreuses mais lorsqu’elles sont toutes épuisées, la personne perd pied et s’enfonce. Elle risque de se sentir inutile et de perdre confiance en elle.



Le travail thérapeutique autour de l’ennui



« Vous êtes bien gentille, mais si je fais un bore-out en quoi un psy va m’aider ? » Amandine


Aller voir un psychologue peut être difficile et si en plus c’est pour parler de son ennui cela peut sembler absurde voire rasoir ! Pourtant le psychologue peut être d’une aide précieuse dans ces moments difficiles.


Gaston dans notre vignette clinique s’ennuie, s'affaiblit, se fatigue, devient anxieux, perd confiance en lui… l’anxiété et la dépression le guettent. Il a été encouragé au cours de sa psychothérapie à faire un travail d’introspection. Il a cherché dans son histoire des moments empreints de sens à ses yeux : un instant spirituel, mystérieux ou merveilleux. Après avoir exploré des moments où il a ressenti des émotions comme l’amour, l’admiration, l’étonnement, la joie, Gaston grâce à la pleine conscience a développé sa capacité à centrer son attention. Avec bienveillance, il a fait expérience du moment présent, en contact avec toutes ses sensations (bonnes et mauvaises).


L’ennui est une expérience personnelle parfois douloureuse. Il est souvent placé sous le signe du vide. Pour Rhodes (2015), l’ennui est un rappel du manque de sens dans l’existence humaine.

Face à l’ennui nous éprouvons un désir fort de faire quelque chose d’utile, de s’investir dans une activité engageante, satisfaisante et porteuse de sens. Ainsi, il décrit cet état comme un « appel à la créativité ». Il peut nous permettre de mettre en perspective notre quotidien, si nous pouvons faire de l’ennui un levier d’action, des talents peuvent émerger lors de cette période.


Gaston a constaté que l’ennui n’est pas une fatalité et se transforme. Il a renoncé à être dans une situation passive. Cet épisode lui a permis d’identifier ses valeurs essentielles mais aussi le sens qu’il voulait donner à sa vie. Le suivi psychologique, ses différentes rencontres, son entourage, le développement d'activité de loisirs ont contribué à l’amélioration de son état. Différentes stratégies issues des thérapies cognitives et comportementales peuvent être utilisées avec succès face au bore-out.



Marie-Astrid d'Alteroche

Son profil dur Linkedin


Sources :


- Bataille, S. (2016). Le bore-out, nouveau risque. Références en santé au travail, 145, 19-27.


- Rengade, C. E. (2016). De l’ennui au bore-out, une revue de la littérature. Journal de thérapie comportementale et cognitive, 26(3), 123-130.


- Chapelle, F. G. (2016). Modélisation des processus d’épuisement professionnel liés aux facteurs de risques psychosociaux: burn out, bore out, stress chronique, addiction au travail, épuisement compassionnel. Journal de thérapie comportementale et cognitive, 26(3), 111-122.


- Bourion, C. (2015). Le bore-out syndrom: quand l'ennui au travail rend fou. Albin Michel.


- Bourion, C., & Trébucq, S. (2011). Le bore-out-syndrom. Revue internationale de psychosociologie, 17(41), 319-346.

   


   

     


   





Le Burn-out, syndrome d’épuisement professionnel

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2020-01-14

Le Burn-out, syndrome d’épuisement professionnel

 L’épuisement professionnel est-il le nouveau mal du siècle ? “Je suis au bord du burn-out”, l’expression depuis quelques années s’est immiscée dans notre langage courant et on y recourt à tout bout de champ, des unes des journaux aux conversations des dîners mondains. Si l’expression est utilisée à tort et à travers pour désigner des réalités parfois bien différentes, on se pose la question de la nature de ce mal qui ronge nos sociétés et tout particulièrement le monde du travail.

 Crise de sens, signe d’un ras-le-bol face à un monde du travail jugé violent, ou véritable maladie professionnelle, les spécialistes hésitent. 


En mai 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé, lors de sa 72ème assemblée, a rappelé que le burn-out était avant tout un phénomène lié au travail dont les conséquences s’étendaient à l’état de santé général des personnes, mais qui ne pouvait figurer en tant que maladie à proprement parler au sein de la classification internationale des maladies. 

Mais alors, comment comprendre ce mal qui semble gagner le monde du travail ?

 Rappelons tout d’abord que le burn-out, aussi appelé épuisement professionnel, n’est pas un mal, mais un syndrome: “Le burn-out, ou épuisement professionnel est un syndrome conceptualisé comme résultat d’un stress chronique au travail qui n’a pas été correctement géré” (1). Le syndrome d’épuisement professionnel peut alors se définir alors comme le résultat de ce stress chronique qui se manifeste à travers trois dimensions décrites par Christina Maslach (2), psychologue américaine : l’épuisement émotionnel, où le sujet ressent un véritable manque d’énergie psychique et physique, la déshumanisation des relations, c’est-à-dire une attitude de retrait et de détachement du sujet dans ses relations au niveau professionnel qui s’accompagne de cynisme, et enfin un ressenti de diminution de l’accomplissement personnel au travail, où un sentiment de perte d'efficacité s'immisce peu à peu en nous, s'accompagnant d'un sentiment d'échec, de frustration qui le conduit à une dévalorisation de soi au travail.

 Les conséquences de ce syndrome sont visibles à tous les niveaux : émotionnel, physique, cognitif, mais aussi dans les relations interpersonnelles. Le syndrome d’épuisement professionnel conduit la personne qui le vit de manière quasi-systématique vers un arrêt de travail allant de quelques jours, quelques semaines, à plusieurs mois. Dans certains cas, le burn-out peut s’accompagner de consommation de substances psychotropes, et peut même parfois mener son sujet jusqu’à un état psychique proche d’un tableau clinique psychiatrique.


 Le coût financier du burn-out est non-négligeable pour les entreprises et les systèmes de santé, notamment la sécurité sociale, qui couvrent les arrêts de travail. Mais c’est surtout au niveau psychologique que la note est salée pour les individus qui le vivent : effondrement physique et mental, émergence de pathologies liées, difficultés à se réinsérer professionnellement. Les séquelles se ressentent dans le temps et plusieurs années sont parfois nécessaires pour se remettre.


 Mais alors, pourquoi le burn-out n’est pas considéré comme une maladie à proprement parler ? Il semble en fait très difficile de poser un diagnostic clinique précis sur le burn-out, ses causes étant multiples et ses effets assez fluctuants. Un état d’épuisement professionnel se distingue très clairement d’une situation de stress au travail, qui ne s’accompagne pas nécessairement d’une remise en question du sens du travail et n’altère pas toujours la relation des personnes envers leur entourage professionnel. Il se distingue aussi clairement de la fatigue chronique, qui n’a pas pour objet principal le travail, et se déclenche après une période de stress généralisé. Il est aussi très important de bien le distinguer de la dépression qui, quant à elle, dépasse largement le cadre du travail pour s’étendre à tous les aspects de la vie, avec son propre tableau clinique bien précis.


C’est pour cela que l’on parle de syndrome : il existe en effet de signes cliniques et des symptômes divers qui coexistent sans pour autant qu’ils ne donnent naissance à une maladie à proprement parler. Les médecins du travail et les psychologues peuvent eux-mêmes attester de la variété et de la diversité des cas d’épuisement professionnel qu’ils reçoivent dans leurs cabinets, et privilégient souvent une approche multi-factorielle pour en expliquer l’origine.


 Alors, de quoi s’agit-il ? Peut-être que le burn-out ne peut s’expliquer qu’en rapport avec le contexte professionnel. Pour Herbert Freudenberger (3), psychiatre américain, le burn-out manifeste le décalage entre les besoins et idéaux d’une personne et la demande extérieure, ce qui entraîne une incapacité du sujet à répondre à cette demande.


Nos sociétés malades entreraient donc en collision avec les fragilités individuelles.
Christina Maslach développe cette théorie dans ces recherches, insistant sur la violence qui règne dans le monde du travail, qui possède en soi de moins en moins de valeur intrinsèque, ce qu’on observe notamment depuis la crise économique de 2008. Le monde du travail, traversé par les difficultés économiques, tend à exiger de plus en plus des personnes tout en les sécurisant moins : les restrictions budgétaires s’accompagnent d’une surcharge de travail, tirant chaque jour un peu plus sur la corde des individus qui ne trouvent plus de sens.


 Face à cette pression constante, les personnes mettent en place des stratégies d’adaptation dysfonctionnantes, jusqu’à un point de rupture. Le contexte professionnel agressif entre en collision avec la vulnérabilité des individus. Le burn-out s’installe et l’employé se retrouve contraint de quitter son travail, le temps de se remettre sur pied.


 Il demeure donc essentiel de faire la différence entre les implications personnelles des individus en souffrance, et celles liées au type de travail et à l’organisation au sein de laquelle ils évoluent.


 Aussi, pour sortir du burn-out, il semble adéquat de se diriger vers une prise en charge individuelle qui prenne aussi en compte le contexte de travail. Maslach insiste en parallèle de cela sur le besoin de "réparer" les entreprises et le monde du travail. Michel Delbrouck (4), médecin et psychothérapeute belge, insiste quant à lui sur la nécessité d’envisager la prise en charge par une approche médico-psycho-sociale dans la thérapie. Il propose aux psychologues d’adopter une posture spécifique entre le coaching et la psychothérapie, le médical et l’organisationnel, intégrant un maximum de facteurs ayant pu mener une personne au burn-out.


 Identifier et soigner les souffrances individuelles qui se cachent derrière l’épuisement professionnel, sans pour autant omettre le contexte psycho-social spécifique rempli de stresseurs qui l’a causé pourrait permettre aux individus de reprendre le contrôle de leur vie et de trouver de nouvelles stratégies d’adaptation au service de leur équilibre personnel et d’une vie professionnelle satisfaisante.

En parallèle de ça, un réel réveil du monde de l’entreprise reste nécessaire afin de transformer les systèmes pour éviter qu’ils ne mènent à de telles situations.


Cécile Pichon

Savez-vous apprécier vos réussites ? La problématique du syndrome de l'imposteur

d'Heucqueville, Psychologue du travail)

par Pauline d'Heucqueville, Psychologue du travail
le 2020-01-14

Savez-vous apprécier vos réussites ? La problématique du syndrome de l'imposteur

 Alice a fait de brillantes études, elle est douée et n’a eu aucun mal à trouver le poste qu’elle souhaitait. Ses premières expériences en entreprise sont de véritables succès même si elle ne le reconnaitra jamais. Elle travaille beaucoup, s’investit et… ça marche : son manager vient de lui parler d’une mission complexe dont elle serait le chef de projet pour le mois de janvier.  

 Mais Alice ne lui fournit qu’une réponse évasive et fuyante. Elle est persuadée que son patron la surestime. Malgré les bons retours sur son travail, elle n’a pas, selon elle, les compétences suffisantes pour une telle tâche. C’est à Michel, son collègue, qu’il aurait dû proposer…

 Quelques jours plus tard, Alice vient consulter un psychologue qui lui a été recommandé. Le thérapeute découvre une jeune femme rongée par l’angoisse. La proposition qui lui a été faite la terrorise. Selon elle, cela ne fait aucun doute, l’image de la salariée sérieuse et brillante qu’elle renvoie n’a rien à voir avec ce qu’elle est vraiment : elle s’estime nulle et moins douée que ses collègues. Pour en arriver là, elle a eu de la chance, c’est tout.


“Trois critères qui permettent de l’identifier : l’incapacité de s’attribuer une réussite, l’impression d’être surestimé et la peur d’être démasqué”

 Pourtant, quand le psychologue renvoie Alice à son expérience, elle est bien incapable de vous donner des exemples d’échecs ou de faits qui pourraient rendre rationnel ce sentiment. Tout laisse à penser qu’Alice mérite son succès et qu’elle est à la hauteur.

 C’est en 1978, que deux chercheurs américains parlent du « syndrome de l’imposteur » pour la première fois et mettent en avant trois critères qui permettent de l’identifier : l’incapacité de s’attribuer une réussite, l’impression d’être surestimé et la peur d’être démasqué.

 Ces symptômes, quand ils sont éphémères, sont assez courants, 62% à 70% de la population aurait douté "ne serait-ce qu’une fois de la légitimité de leur statut" selon les données avancées par Chassangre en 2016 (1). Ce sentiment peut d’ailleurs s’exprimer seul et de manière isolée dans un fonctionnement psychique sain et pas uniquement dans le milieu professionnel. Pauline Rosa Clance, experte du sujet, préférera parler d’ailleurs « d’expérience de l’imposteur ».

 Au-delà de la question sémantique, ce trouble, même s’il a tendance à diminuer avec l’âge (2) peut persister chez certaines personnes engendrant une grande souffrance psychologique.

 

Alors, que se passe-t-il dans la tête d’Alice ?


 Les comportements que va mettre en place la jeune femme pour faire face à son illégitimité supposée peuvent être de deux types :

 Soit elle se prépare de manière excessive pour réussir à tenir la mission quitte à mettre en péril sa santé; soit elle procrastine concernant les tâches qu’elle doit accomplir.

 Dans les deux cas, si elle réussit elle aura tendance à attribuer son succès à des causes extérieures : « en travaillant autant, qui n’aurait pas réussi ?», « j’étais au bon endroit au bon moment ». Ce processus est l’attribution causale d’une réussite qui est généralement externe et instable chez les prétendus imposteurs. (3)

 Ce qu’il faut retenir, c’est l’irrationalité de la croyance d’Alice qui conditionne l’ensemble de ses comportements. A terme, elle pourrait avoir tendance à :

-       se fixer des objectifs moindres pour s’assurer de ne pas échouer : refuser cette mission par peur de l’échec par exemple ;

-       éviter toute situation susceptible de la mettre en avant par l’avenir ;

 La crainte d’Alice est d’être humiliée si elle échoue. (4)

 

Comment aider cette patiente ?


 La faible estime d’Alice pour sa propre personne est le résultat d’une évaluation dysfonctionnelle d’elle-même qui entraîne des états dépressifs et anxieux communs à la plupart des personnes souffrant du syndrome de l’imposteur. (5)

 Fort de ce constat, un accompagnement psychothérapeutique pourrait amener Alice vers une acceptation inconditionnelle d’elle-même qui l’aiderait à considérer sa personne avec ses failles et ses points forts.

 La réattribution causale de ses réussites peut se travailler grâce à un outil très simple (6) : 

  1. Tracez une ligne sur une feuille de papier
  2. Ecrivez à une extrémité le mot “imposteur” avec la définition réelle du terme (Personne qui trompe par de fausses apparences, qui se fait passer pour quelqu'un d'autre) (7)
  3. Inscrivez à l’autre extrémité “moi, mon masque” et définissez-le (savoir-faire, savoir-être, connaissances, compétences…)
  4. Placez-vous chaque jour sur cette ligne et en expliquant pourquoi vous pensez être à tel endroit

 Si vous souhaitez vous évaluer : le Clance impostor phenomenon scale (CIPS) est une échelle validée scientifiquement (en anglais et en français) composé de 20 items et accessible facilement sur internet. Elle mesure les manifestations qui peuvent être induites par ce syndrome. Les réponses sont graduées de 1 (pas du tout) à 5 (tout le temps). Plus le résultat est élevé, plus vous faites vraisemblablement l’expérience du syndrome.

 

Pauline d'Heucqueville

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Sources