La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ? Partager

Bailly, Psychologue Clinicienne)

par Roseline Bailly, Psychologue Clinicienne
le 2020-03-03

La revalorisation de l'enfant : quand les parents et l'école sont dans une impasse, comment ouvrir un nouveau chemin ?

 Chaque parent souhaite le meilleur pour son enfant. Mais qu’est-ce que le meilleur ? Quels outils veut-on leur transmettre pour leur donner les meilleures chances dans la vie qui sera la leur ? Et avec qui, quand, comment doit-on le partager pour s’assurer que c’est bien intégré ?


Les parents : guides rassurés-rassurants dans ce qui leur est connu


 Les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant. Ils sont ceux qui le voient grandir, évoluer, devenir un individu avec son caractère, ses envies, ses besoins et ses limites. Ce sont aussi ceux qui vont ouvrir des chemins, guider les premiers pas de l’enfant dans le monde. Ils vont faire des choix pour lui et - parfois souhaitons-le - accompagner aussi ses propres choix.

 Chaque parent va souhaiter le meilleur pour son enfant selon ses propres références. En effet nous désirons donner ce qui nous est précieux. Pour son enfant on ne veut pas se tromper. Et quoi de plus risqué que de donner de l’inconnu. Par définition, nous n’en avons pas les coordonnées et le résultat n’est pas garanti. L’inconnu est un risque dur à prendre pour son enfant tant l’on souhaite son bonheur. Mais nous sommes infiniment limités. Nous ne serons jamais qu’une personne constituée par l’ensemble de ses (nos) expériences. Et bien que nous puissions compléter, inventer, tenter, pour l’enfant, nous ne pouvons pas tout. Alors parfois on se retrouve coincé à ne plus comprendre sur quel fil tirer pour le sortir de l’ornière de l’incompréhension.

Trouver l’équilibre entre le connu et l’expérimentation, le degré d’adaptation nécessaire pour faire face quotidiennement aux défis que rencontre l’enfant, n’a rien d’aisé. Le connu rassure le parent, et un parent rassuré c’est un parent rassurant pour l’enfant.
 Mais l’enfant peut exprimer un besoin, une détresse à laquelle on ne sait pas comment répondre parce que celle-là on ne l’a pas rencontrée. Parce que dans notre boîte à outils il n’y a pas le bon tournevis. On a testé tous ceux que l’on avait mais aucun ne convient. Alors l’inconnu devient le lieu de la réponse et le parent se retrouve en terrain étranger avec plus ou moins d’inquiétude.


Quand l’école vient signaler une inadéquation


 Parmi les partenaires qui « cultivent » l’enfant il y a l’école. Le premier lieu où il y a un cadre, des règles à respecter. Ceci à un âge où l’on considère que l’enfant peut s’adapter, apprendre, faire et ne pas faire. Plus petit il nous semble naturel de nous, adultes, nous adapter. Parce que l’enfant ne peut pas choisir en conscience, prendre sur lui, temporiser. A partir de 3 ans, on estime que l’enfant est prêt à intégrer, progressivement, de l’ailleurs, de l’extérieur avec tout ce que cela engage. L’école est le lieu de cet apprentissage 8h par jour, au moins quatre jours par semaine, 36 semaines par an pour tous les enfants à partir de 3 ans.

 Le regard de l’enseignant est précieux. Ce qu’il perçoit de l’enfant n’a rien à voir avec ce que nous pouvons voir. Il a un référentiel de connaissances et d’expériences qui lui permettent de déceler des nuances et des reliefs que les parents ne peuvent pas relever. Et ceci simplement parce que le lieu de l’école est le même pour tous les enfants de la classe. Tandis que la famille, ses règles, son rythme, ses codes et ses valeurs diffèrent pour chacun.

Dans le tissage d’adaptation réciproque entre les parents et l’enfant, un tas de manques, de défauts de compréhension vont être absorbés parce que les parents ont cette écoute fine de leur enfant. Ils les anticipent, y parent, les préviennent, ce sont des pare-ents.
 Mais l’école n’est pas le lieu d’une écoute de cette nature. Il ne s’agit pas d’amortir le choc de la découverte du monde pour chaque graine fragile qui le découvre. Il s’agit du vivre ensemble dans la différence, la pluralité, et de la transmission d’un savoir formalisé. C’est intrinsèque à la façon dont est pensée l’école en France.

 Alors l’enseignant avec son regard plus global va repérer les besoins, les facilités et les difficultés de chacun. Il va tenter d’accompagner au mieux chaque enfant pour l’amener à trouver sa place dans le groupe classe, dans l’ensemble école et dans la société en tant qu’élève, apprenant, et individu en devenir.

C’est donc souvent l’école qui tire le signal d’alarme. Qui vient signaler que là, l’enfant ne peut plus, ne peut pas. Que quelque chose n’est pas en place. Dans les familles où il y a plusieurs enfants les parents peuvent comparer. Mais les enfants sont tellement différents, très vite il n’y a plus d’échelle qui donne la mesure. Et puis un parent entre le premier et le deuxième enfant n’est pas non plus le même parent. Il n’aura plus les mêmes craintes ni les mêmes exigences. Par contre l’enseignant demande à 25, 27, 30 enfants de faire la même chose. Certains y arrivent, d’autres non. C’est normal, il n’est attendu de personne de savoir ce que l’on ne lui a pas enseigné. Cependant, si en dépit du travail de pédagogie, d’apprentissage de l’enseignant, l’élève-enfant ne peut s’adapter, évoluer, s’enrichir et acquérir la capacité ; alors l’enseignant convoque les parents et leur fait part de son inquiétude.

 Et nous arrivons à la question de la responsabilité. Qui est chargé de former l’enfant au respect des règles ? Qui doit lui apprendre à rester assis, à lever la main, à respecter la parole et le corps de l’autre ? Qui doit s’assurer que la leçon est comprise ? Les enfants doivent-ils avoir des devoirs à faire à la maison ?

 Lorsqu’un enseignant convoque les parents c’est forcément un aveu d’impuissance. Qu’il soit de son ressort ou non de transmettre ces apprentissages, si l’on regarde simplement le résultat, en tant qu’adulte chargé d’enseigner, il échoue. Il vient dire l’imperméabilité de l’enfant à des apprentissages - qu’ils concernent le scolaire à proprement parler ou le vivre-ensemble – et l’échec de sa mission d’enseignement. Mais il s’agit aussi de l’échec de l’enfant qui comprend qu’il n’est pas comme il faut. Et enfin il s’agit de l’échec des parents qui n’ont pas pu éviter ça à leur enfant. Alors on peut essayer de définir des frontières de responsabilités. De faire des fiches de poste et des détails de missions. Mais surtout on peut réfléchir ensemble. C’est dans la co-construction que le meilleur travail se fait.

 Soit les parents et l’enseignant arrivent ensemble à rétablir le cap, à aider l’enfant à s’adapter à ce que l’on attend de lui. Si ce n’est pas le cas et que les difficultés perdurent, alors ils en viennent à demander de l’aide extérieure.


Quels leviers pour redonner élan à l’enfant et cap aux accompagnants


 Le cabinet d’un psychologue est un lieu de travail privilégié mais ce n’est pas le seul. Une activité de groupe peut tout à fait être le lieu de l’intégration d’un apprentissage que ni les parents ni l’enseignant n’arrivent à faire passer. Au judo, au foot, à la danse, les contraintes et les enjeux ne sont pas les mêmes. Il y a des règles, des objectifs. Le droit à l’erreur et l’attente d’un effort fourni.

Mais surtout l’activité est normalement choisie par l’enfant, et parce que c’est le lieu où réside son désir, il aura une écoute, un élan, une motivation qu’il n’aura pas ailleurs. Il récupère de la souplesse dans son fonctionnement et peut à nouveau absorber.
 Là où dans le milieu scolaire il produit déjà de tels efforts d’adaptation qu’il n’est plus en mesure de faire plus. Quant au milieu familial, il est le théâtre de quantité d’enjeux qui sont déjà difficiles à réguler dans le temps imparti entre les soirées et les weekends. Pour intégrer de nouvelles règles du vivre ensemble, encore faut-il en créer les circonstances qui les rendent nécessaires. Pour motiver un effort d’apprentissage en mathématiques, encore faut-il que l’enfant en voit l’utilité pour fournir l’effort supplémentaire nécessaire à l’intégration du savoir.

Les enfants ont cependant une capacité épatante à récupérer de l’élan. Un petit espace/temps de bien-être où ils sont regardés, valorisés, écoutés suffit à relancer toute la machine. C’est vite dit mais quand un enseignant ou un parent a-t-il le temps de se poser au calme avec l’enfant pour passer un moment où l’on fait ensemble l’activité qu’il souhaite ? Encore faut-il en avoir envie de cette activité. Sinon les mille choses à faire, à transmettre prennent vite le dessus. Et pourtant souvent elle est là, la clé du cadenas qui empêche de rouler.

 Le rôle de l’adulte quel qu’il soit est de faire en sorte d‘encourager l’épanouissement de l’enfant. D’accompagner son développement. Aucun d’entre nous ne peut donner à un enfant tout ce dont il aura besoin pour tracer toute sa route. Je ne suis pas enseignante, je ne pourrais pas faire de judo avec lui, quant à mes capacités de footballeuse, mieux vaut ne pas en parler. Je peux prendre le temps de l’écouter, faire avec lui une activité où je sais que l’on va toucher du doigt la question de l’échec, de la règle, du respect, de l’échange. Une activité qu’il souhaitera réussir et où il ne veut peut-être pas perdre. Mais surtout, parce que c’est une activité qu’il aura choisi, parce que l’on partagera un moment dont il aura défini un certain nombre de paramètres, il sera plus ouvert. L’élastique de sa capacité à absorber se détend et alors il peut entendre les mots que je pose sur ses maux.

Comme on vient tendre la main à un enfant qui ne sait plus vers où aller et qui n’est plus capable de faire ne serait-ce qu’un pas en avant ou un pas de côté pour se décaler et mieux voir ; je viens mettre des mots et le chercher là où il est bloqué sans visibilité ni direction. La boussole ne vous dit pas où aller, elle vous redonne le nord. Encore faut-il que l’on vous en donne une si vous avez perdu la vôtre.

 Espérons qu’ensemble nous puissions guider quand c’est nécessaire, encourager et soutenir quand manque le regard qui relance. Nous mobiliser pour que l’enfant se déploie au mieux en ayant toujours en tête que, par chance, nous ne sommes pas les seuls qui croiseront son chemin. L’enfant vivant apprend de tout, permettons-lui quand nous ne savons plus comment le guider, d’apprendre aussi de tous pour que son chemin s’étende plus loin encore et plus librement.


Roseline Bailly
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