Bienvenue sur weppsy, un ensemble d’articles écrits par des psychologues à destination du grand public.

Ce blog est issu du souhait de partager des idées du monde de la psychologie, de créer des échanges grâce à “une rencontre” avec des praticiens sur des sujets qui vous touchent et vous interrogent. Une rencontre car chaque texte est le fruit du travail personnel et de l’expérience d’un psychologue et porte dès lors sa signature. Vous trouverez ici une grande diversité d’approches : chaque article est l’expression d’un point de vue, d’une pratique. Nous sommes convaincus que la pluralité des approches et la dimension intégrative des pratiques nourrissent une réflexion riche et en mouvement. Nous vous invitons ainsi à explorer ces ressources avec ouverture et bienveillance, valeurs essentielles de notre réseau, que nous souhaitons prolonger et faire vivre dans ce projet avec vous.

L’objectif est ainsi de vous donner un maximum d’informations afin de faire avancer votre réflexion sur des sujets, et que vous puissiez faire des choix éclairés, concernant par exemple le type de psychologue ou de courant qui pourraient vous convenir au mieux.

Afin d’approfondir les thématiques abordées, vous trouverez des sources et des liens en bas des articles, qui sont des invitations à approfondir les thématiques abordées, ainsi que des informations sur l’auteur. Nous vous proposons de les retrouver sur leur fiche weppsy ou via leur site si vous souhaitez les contacter. Par ailleurs, comme vous le savez, ces écrits ne pourront pas répondre totalement à une problématique spécifique et personnelle, mais seront, nous l’espérons, un point de démarrage et un début d’éclairage pour vous. Aussi, rien ne remplacera un entretien avec un psychologue.

Les auteurs de weppsy sont des psychologues cliniciens, du travail, ou chercheurs, qui travaillent dans différentes organisations telles que l’hôpital, l’entreprise, les écoles ou encore comme indépendant. Ils sont tous diplômés de l'Ecole de Psychologues Praticiens.

Vous trouverez ci-contre des catégories, qui évolueront et s’enrichiront au fil du temps, afin de pouvoir vous repérer au mieux et cibler vos recherches.

Maintenant, à vous d’explorer !

Episode 20- Challenge confinement & weppsy - Bilan du confinement, énergie investie et charge mentale : comment gérer la suite ? Partager

d'Heucqueville, Psychologue du travail)

par Pauline d'Heucqueville, Psychologue du travail
le 2020-05-12

Episode 20- Challenge confinement & weppsy - Bilan du confinement, énergie investie et charge mentale : comment gérer la suite ?

Je vais être honnête, je suis devenue incollable sur le programme télévisé, j’ai repoussé mon réveil jusqu’au dernier moment, le micro-ondes est dorénavant mon meilleur ami et je n’ai pas encore revêtu mon jogging commandé en express le 17 mars dernier …


Avez vous été meilleurs que moi ?


Avez-vous suivi le challenge abdominaux, cuisiné avec des grands chefs et aidé vos enfants à résoudre le problème de mathématiques : celui avec le trou dans la baignoire ?

C’est étrange de s’apercevoir que les vingt-quatre heures qui constituent nos journées peuvent être à la fois interminables et nous filer entre les doigts. Organiser ce temps a constitué un défi majeur lors du confinement : remplir ses journées pour lutter contre l’ennui pour certains ou au contraire arriver au bout de sa liste de tâches pour d’autres.

Notre niveau d’énergie fluctue sans cesse, nous sommes soumis à nos différents rythmes biologiques :

  •  les cycles circadiens qui durent 24 h et nous permettent d’alterner les phases de veille et de sommeil, ils sont synchronisés par l’alternance jour/ nuit

  • les cycles ultradiens eux, sont plus courts : c’est l’alternance de périodes de grande efficacité avec des moments où nous sommes moins éveillés.

Tout au long de la journée, nous alternons les phases de vivacité (de 90 à 120 minutes) avec des moments où nos organismes ont besoin de se régénérer (15 à 20 minutes).

Alors si vous avez envie de vous étirer, de bailler, que vos pensées s’emmêlent, c’est que vous n’êtes pas disposé à accomplir des tâches coûteuses en énergie : votre organisme a besoin de faire une pause pour repartir de plus belle !

Ces cycles se synchronisent automatiquement mais sont aussi influencés par nos modes de vie et quand ils se désynchronisent nous somme à plat !

Voici quelques conseils pour prévenir le risque d’épuisement :


Réduisez la facture énergétique !


Pour expliquer la charge mentale, on compare souvent notre cerveau à un canal de transmission.

Ainsi, le flot d’informations professionnelles, les contraintes personnelles et l’actualité viennent remplir notre « disque dur interne » et quand il surchauffe : la facture peut être salée !

A la différence d’un circuit électrique où les appareils s’éteignent lorsqu’ils sont trop nombreux, le cerveau va filtrer les informations qu’ils jugent moins importantes pour les mettre au second plan. Résultat: plus une tâche est difficile à résoudre, moins nous sommes capables d’en effectuer d’autres au même moment.

Lire un mail et écouter les informations tout en surveillant du coin de l’œil votre enfant demandent au cerveau un effort considérable pour rester attentif et concentré. Vous sollicitez au même moment votre cortex préfrontal qui doit sans cesse faire l’aller-retour entre les différentes zones cérébrales impliquées dans ces activités.

Votre cerveau ne sait pas faire plusieurs choses à la fois et être optimal dans la gestion de chaque tâche.

Il n’y a pas que les tâches à accomplir qui fatiguent notre cerveau. Le contrôle des émotions qui accompagnent l’ensemble de ces pensées est éreintant !

Par les temps qui courent, il est tout à fait naturel, quelles qu’aient pu être nos conditions de confinement, de ressentir des émotions plus fortes que d’habitude : la peur, la tristesse ou la frustration par exemple.

Que vous soyez seul ou en famille, que vous soyez actif ou en activité partielle, il n’est pas toujours simple de prendre le temps d’analyser ses ressentis, pas toujours adapté de parler de ce qui nous gêne. Nous sommes enfermés dans un huis clos émotionnel :


Soyez le Sherlock Holmes de votre état intérieur :


  • Placez vous devant une feuille de papier et écrivez vos pensées comme elles viennent,, sans les juger. Au début, elles seront peut-être confuses mais à force de les extérioriser vous allez au bout d’un moment mettre le doigt sur l’origine de vos ressentis. Pour vous aider, partez d’une situation banale et racontez-la simplement. Si vous rêvez, couchez vos souvenirs sur le papier et nommez les émotions que vous ressentez. Il n’y a pas de mauvais sujet ! A force d’associations, vous allez vous libérer des émotions et des pensées qui se sont accumulées et qui peuvent modifier votre humeur et votre comportement.


Gardez votre routine  :


  • D’après une étude longitudinal menée par l’IFOP, 74 % des personnes confinées rapporteraient des troubles du sommeil. Ces derniers sont réputés pour leurs impacts sur les activités quotidiennes et sur le niveau d’anxiété.


Les facteurs environnementaux jouent un rôle fondamental dans la régulation de notre énergie :

L’alimentation par sa quantité (excès et restriction) et par sa qualité joue un rôle essentiel dans votre apport en énergie : si vous le pouvez, il est nettement recommandé d’éviter la prise d’excitants et la nourriture industrielle.


Délimitez vos espaces


Pour beaucoup, déconfinement ne rime pas avec retour au travail. Alors une fois encore, essayez de séparer l’espace de travail de l’espace de vie : même si c’est symbolique ! Ranger vos affaires de travail une fois la journée terminée pour les ressortir le lendemain.

L’explosion de l’offre culturelle et la profusion des recommandations sont certes, une chance inouïe d’être plus créatif, d’apprendre de nouvelles choses, de faire passer ces temps de confinement et de déconfinement pour ressortir grandi de cette expérience. Mais attention, pas de panique si vous ne trouvez rien qui vous attire, c’est peut-être simplement que votre besoin se trouve ailleurs : laissez vous le temps d’aller à sa recherche …

« Les hommes connaissent leur désir mais pas les causes qui les déterminent »

 


Pauline d'Heucqueville

Sa fiche de weppsy


Sources :

- Génétique des rythmes circadiens et des troubles du rythme circadien du sommeil - Genetics of circadian rhythms and of circadian rhythm sleep disorders, Y.Dauvilliers12

- Enquête réalisée par l’Ifop pour le consortium COCONEL, qui réunit des chercheurs de l’UMR VITROME, 2020





Episode 19 - Challenge confinement & weppsy - Confinement et déconfinement : comprendre la crise pour mieux la traverser Partager

de Champsavin, Psychologue clinicienne)

par Marion de Champsavin, Psychologue clinicienne
le 2020-05-07

Episode 19 - Challenge confinement & weppsy - Confinement et déconfinement : comprendre la crise pour mieux la traverser

La pandémie actuelle confronte la population toute entière à une situation imprévisible. Et nous voilà confinés depuis presque deux mois, afin de se protéger de cette invisible menace. Vie sociale, mode de travail, économie, quotidien s’en retrouvent bousculés.


Qu’en est-il de notre capacité à dépasser cette crise ?


Afin d’apporter un éclairage à cette question, nous explorerons le processus de crise à l’échelle planétaire et individuelle, et les changements qu’elles supposent. Les éléments théoriques rapportés ici ont pour objectif de mieux comprendre ce qui se joue en nous et autour de nous à l’heure de la situation pandémique et de proposer des outils thérapeutiques pour nous aider à la traverser.


  • La crise au sens large


La crise marque la rupture d’un équilibre par la survenue d’un évènement inattendu, laissant vulnérable, limité, celui qui la subit. « Présentant en effet le visage d’une situation insolite par nature, la Crise est faite d’instabilité et de surprise, de tensions et de paradoxes, d’incertitude et de désordre, d’ignorance et d’aveuglement collectif ou individuel ». (T. Portal, 2009). Les incertitudes se trouvent accrues et l’équilibre doit alors être retrouvé.


Alors que l’homme percevait le monde à travers une logique cartésienne, plaçant la raison au cœur de sa pensée, la succession d’évènements chaotiques fait peu à peu place à la dimension d’inconstance.

 

Ces évolutions nous amènent à sortir de l’ère de l'individualisme pour aller vers une vision holistique du monde, reliant davantage l’homme à un système. Pour faire face à un univers qui nous dépasse, hors de de notre maîtrise, « Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… » (E. Morin, 2020).


Edgar Morin nous explique que le désordre réside dans tout système vivant, l’homme compris, et que nous fonctionnons avec, malgré, à cause, tandis qu’une partie est « refoulée, vidangée, corrigée, transmutée, intégrée ». La crise nous confronterait alors à un désordre jusque-là dissimulé.


  • Crise du sujet


A l’échelle individuelle, cette perte de repères vient accentuer les réactions émotionnelles, mêlant tensions, stress, émotivité. Révélatrice des troubles de l’homme, la crise nous renvoie à notre sentiment d’impuissance. Ainsi, l’apparition du COVID-19 expose l’individu à la menace de sa propre mort ou bien à celle de ses proches. C’est la confrontation à notre propre mort qui vient faire trauma. Bouleversant nos croyances, cette menace fragilise nos personnalités. Devant le traumatisme psychique, Louis Crocq met en évidence trois types de perte qu’il me semble intéressant de développer afin de mieux saisir la vulnérabilité à laquelle nous sommes exposée.


 - la perte de « l’illusion d’invulnérabilité » : Face à un danger de mort, l’homme se sentirait en insécurité, redoutant d’être menacé à tout moment  par un évènement qui le rendrait faillible. Cela nous renvoie à la perte du fantasme d’immortalité.

 - la perte de la « croyance en un environnement physique sécurisant, solide et protecteur ». Confronté aux limites de son environnement avec l’apparition d’une menace, l’évènement traumatique révèle une défaillance extérieure, renvoyant l’homme à un sentiment d’insécurité profond. Or pour vivre sans souffrance, l’homme a besoin de sentir en sécurité dans le monde qui l’entoure.

 - la perte de la « conviction que l’humanité est bonne ». Afin de se sentir en sécurité dans la rencontre avec l’autre, l’homme a besoin de pouvoir compter sur autrui. Or dans un évènement traumatique, le groupe peut nier ce besoin, ou bien parce qu’il se trouve impuissant face aux besoins de la victime, ou bien parce qu’il est lui-même agresseur. Dans la situation actuelle, force est de constater que le secours nécessaire à la protection de la population se trouve entravé entre autres par la survenue imprévisible d’un virus et sa rapidité de propagation. A cet évènement s’ajoute le phénomène de contagion, qui vient interroger notre rapport au soin, au soutien, dans un contexte où l’individu est une potentielle menace pour l’autre car possiblement contagieux.

Face à l’effondrement de trois croyances nécessaires à la sécurité interne du sujet, l’homme se retrouve « démunis de tout moyen de défense » (Louis Crocq, 1997). Derrière la dimension de vulnérabilité à laquelle nous sommes exposés, la pensée psychiatrique aborde la notion de changement dans les phénomènes de crise. Celle-ci est décrite comme « un état temporaire de déséquilibre, de changement remettant en question l’ordre ou la stabilité du sujet et dont l’évolution est ouverte et variable. La crise participe ainsi de la succession de deux temps, celui de l’incertitude et de l’indécision, de l’angoisse ou d’un sentiment de rupture, puis celui de la résolution, d’une issue favorable ou défavorable ». (J-J Rassial, E. Bidaud, P. Lévy, 2001) Pour Jean-Claude Carrière, la crise implique « à la fois tout le passé et tout l’avenir de l’action dont il marquait le cours ».  


Quelle issue peut-on entrevoir derrière le bouleversement de nos repères ?


  • Vers un changement


La phase d’agitation émotionnelle amenée par la crise nous met face à notre vérité jusque-là ignorée. Cette étape certes inconfortable, nous donne l’occasion de mettre au grand jour ce qui était caché jusque-là, et de trouver du sens dans ce qui pouvait nous échapper, aussi bien au niveau individuel que collectif. Elle nous confronte à la fois à notre rapport au monde, à nos croyances et à nos profondes incertitudes. Ce passage révèle en nous des ressources insoupçonnées, mettant en lumière nos capacités d’adaptation, de transformation. « Niveau de perception, capacité d’adaptation, imagination » font parties des ressources nommées par Thierry Portal pour pouvoir vivre cette crise et la dépasser. L’accueil de nos émotions et notre capacité d’acceptation sont également des ressources que nous développerons par la suite. Ce cheminement nous amène peu à peu à un processus de discernement, à l’action de trier, d’analyser.

 

L’origine du mot Crise « krisis » signifiant « jugement, décision », trouve alors tout son sens. Ainsi derrière le passage de confusion, se dessine la possibilité d’une décision, nous amenant vers une nouvelle direction. A nous d’inventer la suite, d’en déchiffrer le sens.


A l’échelle planétaire la crise suppose donc des changements au niveau de nos représentations. Comme le souligne Thierry Portal, les périodes de grandes instabilités ont vu éclore de nouvelles perspectives telles que la théorie de l’évolution de Charles Darwin au 19e siècle, ou encore la découverte de l’inconscient et sa théorisation par Sigmund Freud. « Petit à petit, de nouveaux discours d’explication du monde « tel qu’il vient » entrent en scène comme autant d’articulations majeures entre des moments de grands basculements où tout change, rendant possible ce qui n’était hier qu’illusion » (T. Portal 2009). Ce propos se voit renforcé par Edgar Morin qui explique que « Toute évolution naît toujours d’évènements/accidents, de perturbations qui donnent naissance à une déviance, qui devient la tendance, … laquelle entraîne des désorganisations/réorganisations plus ou moins dramatiques ou profondes ». Selon lui, la crise crée de nouvelles conditions pour l’action, impliquant des mouvements de progression et de régression, de possibles réorganisations, créations et dépassements. « Elle met en marche, ne serait-ce qu’à un moment, ne serait-ce qu’à l’état naissant, tout ce qui peut apporter changement, transformation, évolution ». (E. Morin)


Impliquant ruptures et changements, le processus de crise est à penser comme un passage ouvrant une voie à la créativité et à l’imaginaire. J-J Rassial, E. Bidaud, P. Lévy (2001) présentent la crise comme contribuant à la construction de l’individu, tout en rappelant qu’il peut s’y perdre. Ce passage suppose alors un choix entre « La voie du sens et celle du non-sens ; de l’être et du non-être. », ainsi exprimé par Derrida. Ces auteurs proposent alors de « penser l’espace de la crise, l’espace transitionnel et l’espace analytique » comme un tout « théoriquement cohérent où le sujet se met en « jeu ».


Comment traverser ce temps de grande vulnérabilité au sein du confinement et se préparer à l’après confinement ?



Face au caractère urgent de la situation, il est naturel de mettre en place des comportements nous assurant une certaine maîtrise, visant à nous rassurer en partie. La durée du confinement peut également nous amener à remplir notre emploi du temps pour éviter l’ennui, l’angoisse, la fatigue et autres sensations désagréables qu’il peut faire remonter. Les concepts amenés ici, visent au contraire à accepter la réalité telle qu’elle est, et laisser la place à notre intériorité pour mieux accéder à nos ressources.  


Le stoïcisme développé par Xénon nous enseigne à percevoir la réalité telle qu’elle l’est réellement et ainsi vivre en accord avec le monde, en replaçant la nature comme source des lois de l’univers. Il s’agit « de cette possibilité d'adjoindre aux manifestations incertaines de l'existence individuelle ou collective un équilibre menant à une part relative de stabilité, nous laissant alors la possibilité de comprendre la nature et de réfléchir sur notre conduite » pour mieux s’y adapter comme l’explique Thierry Portal. Cette vision amène à une certaine sagesse, à l’exemple de Sénèque, pour qui rien ne peut le perturber car il intègre qu’un événement hors de sa portée modifie ce qu’il avait anticipé.


Le stoïcisme nous invite à une philosophie de l’instant présent et de l’acceptation afin d’aller vers un mieux-être. En psychologie, plusieurs outils thérapeutiques soutiennent la dynamique d’acceptation. Nous allons proposer ici certains principes développés par la thérapie d’acceptation et de l’engagement (dite ACT « Acceptation Commitment Therapy »), ainsi que la pratique de la méditation. Ces outils sont des pistes pour nous aider à vivre cette période de crise pour mieux la dépasser.


La Thérapie ACT nous invite à accepter nos expériences négatives (pensée, émotion, situation, douleur), contre lesquelles nous avons habituellement tendance à lutter, afin de soigner nos maux. L’acceptation participe à l’augmentation du sentiment de maîtrise des phénomènes, et de cohérence. Il s’agit dans un premier temps de reconnaître les failles des comportements mis en place pour lutter. Cette dynamique nécessite une démarche volontaire et active. L’expérience peut être pénible sur le court terme en tant qu’elle renvoie à des émotions ou pensées désagréables. La démarche est à penser sur le moyen ou long terme pour être efficace. 

La thérapie ACT repose sur plusieurs principes dont les valeurs et la défusion du langage que nous allons décrire ici.  


  • Les valeurs renvoient à ce que l’on pense juste, en cohérence avec ce que nous sommes et donnent sens à notre existence. Les valeurs sont donc souvent amenées à se concrétiser dans l’action, sans en être le but, elles peuvent être leur moteur, laissant place à une infinité d’actions. Le fait de s’éloigner de ses valeurs peut amener à un état de souffrance. L’identification de nos valeurs participerait à la réduction de notre cortisol, hormone du stress, selon une étude réalisée par Creswell et al. (2005). Une fois les valeurs reconnues, elles peuvent donner un axe de direction à l’action, et ainsi venir la renforcer.
   L’exemple donné par J-L Monestès et Matthieu Villatte, peut être une piste pour réfléchir à nos valeurs. L’exercice consiste à se projeter à   l’anniversaire de nos 70 ans et imaginer le discours prononcé par un de nos proches. L’objectif est ici de mettre en avant ce que l’on aimerait que l’on retienne de nous afin de mettre en évidence ce qui oriente notre vie.


  • Le principe de « défusion » vise à modifier notre rapport entre langage et pensées. Il s’agit d’introduire davantage de flexibilité entre nos mots et leur impact pour que nos comportements ne se produisent pas par simple réaction à nos pensées négatives, si elles ne sont pas en accord avec nos valeurs. Ce principe nous invite à considérer nos pensées comme des évènements indépendants de nos actions, en s’appuyant sur l’accueil de nos expériences désagréables et l’identification de nos valeurs. Le comportement que je mets en place par adhésion à ma pensée, renforce-t-il la valeur qui compte pour moi ou bien m’en éloigne-t-elle ? Revoir nos actions peut faire émerger le risque de ne plus être fidèle à son histoire précisent J-L Monestès et M. Villatte « si être attaché à son histoire est un frein au changement, alors l’objectif est de montrer qu’il est possible de respecter cette histoire et d’agir de manière différente ».


 Des exemples de métaphores données par J-L Monestès et M. Villatte amènent à prendre conscience que nous pouvons agir de manière indépendante de nos pensées ou émotions négatives qui s’imposent parfois comme barrière psychologique. Un des exercices consiste à penser dans sa tête « Je ne peux pas lever la main », et dès que cette pensée apparaît, nous l’indiquons en levant la main.


La pratique de la méditation est également une aide à l’acceptation et à l’accueil de l’instant présent. Cette méthode nous propose d’observer les pensées qui nous traversent, sans émettre de jugement dessus. Il s’agit également de faire davantage de place à notre corps, en recentrant notre attention sur nos sensations corporelles ou bien en se focalisant sur notre respiration. Les situations anxiogènes peuvent altérer notre respiration « Quand nous sommes stressés, nous la mettons même en hypofonctionnement » nous rappelle Michel Odoul. Être en silence, simplement relié à son souffle permet de faire davantage d’espace. Cet espace, qui fait place au vide est nécessaire à l’émergence de notre créativité que nous pouvons avoir tendance à sous-estimer. Dans sa pratique, le thérapeute Thierry Janssen insiste sur l’importance du silence pour éveiller notre conscience et se détacher peu à peu des peurs qui nous conditionnent. Par cette discipline du silence, il présente une voie d’accès à notre vérité intérieure nécessaire pour choisir en liberté.


Les outils présentés ci-dessus ne donnent pas une solution immédiate aux émotions ou situations désagréables. Elles sont des invitations à accueillir la réalité telle qu’elle est. Sur le court-terme, ces outils peuvent donner un effet de soulagement et nous renvoyer également à des expériences inconfortables comme nous avons pu le voir. Dans la pratique, cette prise de contact avec le monde et avec nous-mêmes qu’implique ces théories, sont des axes de travail pour poser des choix en cohérence avec ce que nous sommes et ainsi faire de cette crise l’occasion de revenir à un essentiel qui était peut-être négligé, une créativité inexploitée.


Marion de Champsavin
Son profil sur Linkedin 


Sources :


- Janssen, T. (2018). Ecouter le silence à l’intérieur. Paris : l’iconoclaste

- Monestès, J-L,. Villatte, M. (2011). La thérapie d’acceptation et d’engagement ACT. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson

- Morin, E. (1976). Pour une crisologie. Communications. 25, 149-163

- Ponseti-Gaillochon, A., Duchet, C., Molenda, S (2009). Debriefing psychologique. Paris :Dunod

- Portal, T. (2009). Avant-Propos. Crises et facteur humain. 13-31

- Portal, T. (2007). Du pouvoir en situation extrême. Magazine de la communication de crise sensible. 14, 4-49

- Rassial, J-J., Bidaud, E., Lévy, P. (2001) La crise du sujet. Connexions. 76, 105-113



Episode 18 - Challenge confinement & weppsy - Sauver ou périr : qu'est-ce que le syndrome du sauveur ? Partager

Raynaud de Lage, Psychologue Clinicienne)

par Claire Raynaud de Lage, Psychologue Clinicienne
le 2020-05-05

Episode 18 - Challenge confinement & weppsy - Sauver ou périr : qu'est-ce que le syndrome du sauveur ?

« Sauver ou périr », cette devise de la Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris pourrait résumer le fonctionnement psychique des personnes souffrant du syndrome du sauveur : sauver l’autre, dépenser une énergie incommensurable pour le porter, démêler les nœuds de sa vie, l’aider à corps perdu, ou ne pas exister.

Le sauveur a un besoin irrépressible de s’engager dans le sauvetage de ses proches, de ses amis, de sa famille, il répond toujours présent lorsque vous avez besoin d’aide, est prêt à passer des heures entière avec vous pour solutionner vos problèmes, à traverser la France pour vous rejoindre si vous avez mal, il fait preuve d’une abnégation sans limite dans toutes ses relations. « À première vue, le sauveur contemporain de la vraie vie peut sembler être le partenaire idéal, mais en réalité c’est un héros tragique. » (Lamya, Krieger, 2012)

 

En effet, l’altruisme sans limite voire l’héroïsme dont font preuve les personnes souffrant du symptôme du sauveur cache en réalité une tentative de « restaurer une perception de lui-même négative ou endommagée, héritée de son enfance. » (Lamya, Krieger, 2012)

« La problématique du sauveur renvoie systématiquement à la petite enfance. Si nous sommes concernés, c’est que nous avons été précocement placés dans un rôle de sauveur vis à vis de l’un de nos parents » (Leblanc, 2015). L’enfant est confronté à un parent qui n’a pas les moyens d’être suffisamment bon, de prendre soin de lui, car lui-même en souffrance. Cette réalité qui génère de l’angoisse chez l’enfant le pousse à prendre en charge l’adulte.


Sauver pour être sauvé! 


Se développe alors une grande intuition, orientée vers les besoins et désirs de l’autre ainsi qu’une très grande sensibilité à sa souffrance. […] L’enfant et ses besoins s’effacent devant la nécessité de combler les failles narcissiques du parent concerné et de lui éviter toute souffrance. Le bénéfice initial (rendre son parent suffisamment bon pour lui) s’efface également et l’enfant trouve peu à peu sa raison d’être dans l’apaisement et le bien-être de l’autre, s’éloignant de ce qu’il est réellement, lui. (Leblanc, 2015)

Ainsi l’enfant grandit et devient un adulte qui a fait sien le rôle qui lui a été préalablement assigné. Ce rôle est, en outre, accompagné de nombreuses croyances.

Croyance et attachement en la valeur de l’altruisme, croyance que sa valeur réside dans l’altruisme. Autrement dit, « c’est parce que je suis utile que l’autre m’aime, si je n’aide pas l’autre je ne vaux rien. » Pour être aimé, il doit tout faire pour rendre la vie des personnes qui l’entourent moins pesante. Ainsi le sauveur est dépendant de l’autre, ce qui motive son désir de devenir indispensable. « Qui suis-je si l’autre n’a pas besoin de moi ? »

Dans cette répétition au sein de ses relations, le sauveur finit toujours par ressentir un profond mal être car il est de nouveau confronté aux sentiments d’impuissance et de détresse qui ont jalonné sa propre histoire. "La difficulté majeure de ces personnes programmées pour prendre en charge l'autre, c'est qu'elles ne savent pas s'abandonner, explique Stéphanie Haxhe. Elles n'ont jamais été enlacées dans des bras qui les rassuraient, et ce qu'elles réclament à l'autre, c'est la part d'amour infantile qu'elles n'ont jamais reçu. Une quête insatiable, forcément.» (Senk, 2013) Le sauveur trouve plus évident et moins effrayant de prendre soin des autres que de prendre soin de lui-même.

Le sauveur est donc une personne qui souffre d’une très faible estime de soi, qui ne croit pas à sa valeur intrinsèque. Toute la difficulté pour la personne souffrant du syndrome du sauveur réside dans le fait de déposer les armes et d’accepter qu’elle a besoin d’aide. En effet, les souffrances de l’autre sont souvent moins abyssales et effrayantes que les siennes.

Le renoncement à la position de sauveur nécessite bien souvent l’aide d’un psychothérapeute pour être accompagné dans cette confrontation avec le vide intérieur, « pour pouvoir affronter une culpabilité sidérante, jusqu’à l’interdit de vivre, […] [pour] accepter de renoncer à la toute-puissance, accepter de rencontrer ses limites et son impuissance, au risque de revenir aux blessures narcissiques précoces à l’origine de la situation de sauveur» (Leblanc, 2015), Mais aussi pour apprendre à s’aimer soi-même, et à reconnaître et à écouter ses émotions, ses besoins, et les faire exister.

Toutefois, le renoncement à la position de sauveur ne signifie pas qu’il faut abandonner toutes démarches altruistes, mais au contraire cela vient équilibrer et ajuster l’aide offerte.

En se libérant de l’emprise de l’archétype du sauveur, on ne cesse pas de se préoccuper des autres. Les valeurs et talents que nous avons développés sont réels, et il s’agit maintenant de les mettre au service de l’autre de manière juste, sans porter atteinte à son intégrité ni à la nôtre. Cela demande une position d’humilité, en acceptant d’être un «humain ordinaire», conscient aussi bien de ses qualités (à assumer) que de ses limites (à respecter). (Leblanc, 2015)

Le syndrome du sauveur en pratique :

Quels sont les signes qui permettent de reconnaître un sauveur ?


  • Tendance à porter secours dans toutes les situations (famille, amis, travail)

  • Besoin de se sentir indispensable ou besoin de trouver les solutions aux problèmes des autres

  • Capacité à faire passer ses besoins sous silence et à faire passer ceux des autres en priorité

  • Grande capacité d’abnégation ou de sacrifice

  • Se sentir responsable du bien-être de l’autre

  • Capacité à se rendre disponible à n’importe quel moment

  • Difficulté à opposer une réponse négative à quelqu’un qui vous demande de l’aide

  • Estime de soi défaillante

  • Besoin de reconnaissance pour exister



Quels sont les risques du sauveur ?


Le sauveur a tendance à se donner à corps perdu dans tous les endroits de sa vie, toujours prêt à rendre service, à accepter une charge de travail supplémentaire, ce qui le rend plus à risque de développer des pathologies comme le burn-out.

Le sauveur a aussi un insatiable besoin de reconnaissance, pas toujours comblé, qui peut parfois lui causer des difficultés dans ses relations : rupture de lien, ou au contraire abus de sa largesse. Ces ruptures, vécues comme des échecs, peuvent alimenter une spirale négative qui le conduit vers la dépression.

Enfin, comme le sauveur a tendance à oublier ses propres besoins au profit de ceux des autres, ses besoins trouvent une autre voie d’expression dans le corporel, ce qui peut conduire à de nombreux soucis de santé comme l’insomnie, l’asthme, les problèmes de dos, les problèmes digestifs…


Que mettre en place pour s’en sortir ?


Le syndrome du sauveur est un mode de fonctionnement hérité de la petite enfance. C’est pourquoi il est souvent nécessaire d’effectuer une psychothérapie afin de travailler sur ses blessures infantiles.

En outre, pour amoindrir ce mode de fonctionnement, plusieurs pistes peuvent être suivies par la personne souffrant de ce syndrome :

  • Apprendre à définir son identité en dehors de son rapport à l’autre

  • Apprendre à reconnaître qu’elle aussi a besoin d’aide

  • Combattre sa crainte de ne plus être aimée si elle se montre faillible

  • Apprendre aussi à identifier ses besoins

  • Pouvoir les nommer

  • Apprendre à dire non

  • Apprendre à différencier sa valeur des actes posés

  • Apprendre à recevoir

  • Apprendre à s’aimer et s’accepter



Le sauveur en confinement


Le contexte actuel favorise le désir de prendre soin des autres, d’appeler nos proches, de s’occuper de nos voisins trop âgés pour sortir, et cette solidarité qui s’instaure est belle.

Toutefois, il est important de conserver un équilibre. Etre présent pour l’autre, lui tendre la main, l’aider si je peux le faire oui, mais la tentation du sauveur sera toujours d’en faire plus, souvent pour ne pas se confronter à sa propre angoisse, son inactivité, sa crainte de l’avenir ou son sentiment de solitude. Pourtant, ce temps donné pourrait aussi être l’occasion pour lui d’accepter ses émotions, positives ou négatives, de se recentrer, d’apprendre à s’écouter, à définir ses besoins et les nommer, de prendre le temps, puisque nous en avons, prendre le temps de s’apprivoiser, de se découvrir, d’exister en dehors de la relation à l’autre.

Toute personne qui aurait tendance à se jeter à corps perdu dans l’aide aux autres se trouve confrontée à un choix pendant cette période : passer sa journée au téléphone pour être certaine qu’elle n’a pas oublié quelqu’un qui pourrait potentiellement aller mal, ou s’asseoir et se demander comment elle va et de quoi elle a besoin.


Claire Raynaud de Lage

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Sources : 

Lamya M., Krieger M. (2012). Le syndrome du sauveur, Eyrolles, pp 1-7

Leblanc E. (2015). Le Sauveur : de l’Archétype à… moi. Savoir psy. Repéré à http://savoirpsy.com/wp-content/uploads/2015/12/Article-Leblanc-Le-Sauveur.pdf

Senk P. (2013). Ce que cache le «syndrome du sauveur ». Le Figaro Santé, Repéré à https://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/10/11/21371-ce-que-cache-syndrome-sauveur




Episode 17 - Challenge confinement & weppsy - La résilience : comment rebondir face à la difficulté ? Partager

de Nanteuil et Marie Chaligné, Psychologues cliniciennes)

par Yolaine de Nanteuil et Marie Chaligné, Psychologues cliniciennes
le 2020-05-02

Episode 17 - Challenge confinement & weppsy - La résilience : comment rebondir face à la difficulté ?

La résilience. Un mot qui résonne souvent à nos oreilles ces derniers temps : dans la bouche de nos dirigeants, de nos soignants, des titres de journaux

et le 25 mars dernier l’armée française a même lancé une opération résilience. Mais qu’est-ce c’est vraiment la résilience ?


Qu’est-ce que la résilience ?



Résilience…Un terme passé dans le langage courant pour décrire un phénomène psychologique que d’aucuns pourraient assimiler à une forme de guérison. Terme originellement utilisé par les physiciens pour désigner la capacité d’un matériau à résister aux chocs, il est devenu depuis synonyme de force permettant de sortir vainqueur d’une situation difficile, parfois tragique. ll s’agit d’un processus, ce qui veut dire que ce n’est pas simplement une résistance au choc, ce n’est pas seulement absorber le choc et rester droit. C’est quelque chose de dynamique et en mouvement pour avancer dans le cheminement de sa vie, malgré des conditions difficiles.


« La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à bien se développer, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères. » (Manciaux)



Le lien entre trauma et résilience



On ne peut aborder le sujet de la résilience sans énoncer de prime abord le traumatisme psychique. « [Ce] « choc » est équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le soi propre » (Ferenczi). On retrouve ce traumatisme dans la violence sous toutes ses formes, y compris au sein des événements qui relèvent pas directement de la responsabilité de l’Homme: catastrophes naturelles, pandémies.

Le traumatisme psychique touche profondément l’individu et le rend particulièrement vulnérable. Or, l’être humain a ceci de fortement bien constitué qu’il cherchera – de manière plus ou moins efficace, allant parfois jusqu’à développer des symptômes – à utiliser des ressources, des stratégies adaptatives afin de sortir d’une situation qui lui est insupportable.


Parmi ces moyens opérants, se trouve la résilience. Celle-ci pourrait se définir comme la capacité d’un individu soumis à des événements difficiles et déstabilisants – voire parfois des traumatismes graves –, à s‘en remettre et à retourner à l’état précédant le choc ; à se développer « sainement », en se tournant vers l’avenir.

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre français, a beaucoup pensé la résilience et la présente comme une série de postures de protection faisant appel à la créativité et permettant la transformation psychique de la souffrance humaine. Selon lui, il s’agirait de la faculté de résistance au choc et de la capacité de récupération : « Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d'organiser une autre manière de comprendre le mystère de ceux qui s'en sont sortis : la résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit d'adversité. »


Dans le contexte mondial actuel, cette « résilience » peut être vue comme la capacité de la société à faire face à la crise sanitaire à laquelle elle est confrontée. Cette pandémie plonge en effet chaque individu dans un événement qu’il peut appréhender comme quelque chose de difficile, voire traumatisant.

Au travers de ce regard porté sur une maladie possiblement mortelle qui petit à petit gagne et touche le monde entier, le sujet doit faire le deuil de sa toute puissance illusoire, accepter la finitude de son existence, se trouvant ramené à la triste condition de sa vulnérabilité.


Pour survivre à la menace du virus, chacun doit ainsi faire preuve de résilience.

Pour survivre à la menace du virus, cette résilience pousse en partie à accepter de s’enfermer, appelant à nouveau à des nécessités d’adaptation. Comme si la résilience appelait la résilience.


De quoi dépend la résilience dans l’instant présent ?



La résilience provient de l’interaction entre la personne elle-même et son entourage, son histoire de vie et le contexte actuel dans lequel elle évolue (environnement social, économique, politique), mais aussi entre les facteurs de risques et les facteurs de protection. Que sont ces facteurs ? Un même facteur peut être risque ou protection selon la personne, ou même selon les périodes de vie, le contexte, pour un même individu.

Les principaux facteurs de protection pour une personne résiliante seront : l’estime de soi, avoir un certain sens de l’humour, la sociabilité, avoir un projet de vie, être entouré d’une famille unie ou au moins d’un proche aimant, et plus largement avoir un soutien social.

Les deux facteurs de protection essentiels pour pouvoir faire preuve de résilience sont, dans cet ordre : le soutien et le sens.

  • le soutien : c’est à dire la possibilité de compter sur un soutien social sans forcément parler du traumatisme en tant que tel. Par exemple, proposer un café en regardant un match de foot. Ce qui est essentiel, c’est que la personne ait le choix de parler comme de ne pas partager.
  • le sens : c’est à dire la capacité de ressentir et d’exprimer ce qui est vécu. Une représentation telle que l’affirmation « Tu vas mourir » peut provoquer une modification du système cérébral. En mettant du sens, le traumatisme en tant que tel n’est pas modifié, mais sa représentation mentale est transformée, ainsi que la connotation affective intolérable qui y est liée.



L’importance des qualités des liens précoces : l’attachement sécure



Le sujet confiné se trouve isolé de ceux qu’il côtoie au quotidien. Que l’on soit confinés à plusieurs ou non, il faut savoir faire face à la capacité d’être seul (Winnicott, 1958) chez soi ou parmi ses pairs.

Quoi qu’il en soit donc, du fait de sa durée et de son aspect exceptionnel et subi, ce confinement confrontera l’individu à un moment ou à un autre à la solitude, à l’ennui, la monotonie. Un vide qu’il faudra combler, habiter. En famille, « ce havre de sécurité [qui] est en même temps le lieu de la violence extrême », l’isolement remet en question le lien, le « comment être » avec l’autre. Le désœuvrement et la lassitude génèrent ainsi des pensées qui pourraient venir combler ce sentiment de vide, ces pensées laissant parfois, selon les sujets, émerger certaines angoisses archaïques bien ancrées.


Ces angoisses archaïques, sont liées à la prime enfance, et selon le style d’attachement du sujet, celui-ci trouvera une réponse plus ou moins adaptée à la situation. John Bowlby, dans sa théorie (1960-1970) développe l’idée que le style d’attachement sécure permettrait à l’enfant de développer sa résilience : se sentant protégé par ses parents, il acquerrait la capacité à se défendre, à faire face. L’attachement du bébé à sa mère le protège, c’est ainsi que dans sa mémoire et dans sa biologie, la personne sait qu’elle a la capacité de se défendre et d’être protégée. Ce lien est la racine d’un sentiment de sécurité.

« Le bonheur et l’efficacité créative sont à leur maximum chez les êtres humains, de tous âges, lorsque ceux-ci sont assurés de la présence, à leurs côtés d’une ou plusieurs personnes de confiance pour leur venir en aide en cas de difficulté. » (Bowlby, 1979)


On peut donc aisément concevoir que chez les « insécures », les pensées émergentes entreraient en résonance avec le sentiment d’isolement (d’abandon) actuel et pourraient entraver le processus de résilience. L’entraver, mais pas l’empêcher : Sécure ou non, le sujet devra mobiliser d’autres ressources, contourner ses problématiques face à ce que l’enfermement lui renvoie, et le « coût psychique » de cette manœuvre dépendra de son vécu, de sa capacité à faire face.


 « A chaque instant, la résilience résulte de l’interaction entre l’individu lui-même et son entourage, entre les empreintes de sa vie antérieure et le contexte du moment en matière politique, économique, sociale, humaine. Elle résulte aussi de l’interaction entre facteurs de risque et facteurs de protection ». (Manciaux)


Etre résilient : transformer, sublimer


Ainsi, être résilient ne signifie pas nécessairement « bien vivre » l’événement, mais savoir le vivre et le transformer, le sublimer en une force, une ressource psychique pour « l’à-venir ».


On peut donc souffrir et être résilient : il s’agit ici de faire au mieux ; de transcender la souffrance. Et si cette résilience est efficace, la pensée doit pouvoir continuer dans l’après : « Pour ceux qui arriveront à ne pas se laisser dissoudre par l’enfermement, à s’ordonner malgré la souffrance, cette expérience deviendra un pilier dans leur existence ». (Bensayag)

La résilience n’est jamais acquise une fois pour toutes puisqu’il s’agit d’un processus évolutif. Parfois, les ressources de la personne peuvent être dépassées par la force d’un traumatisme. Cette capacité est variable selon les circonstances extérieures, les étapes de la vie et la nature de l'événement traumatique.

Il est aussi important de savoir qu’elle se manifeste de façon très diverse selon les différentes cultures.


Pour la mettre en œuvre, chacun mobilisera ses propres ressources : créatrices, sportives, affectives, spirituelles…


Aussi, il semble opportun d’achever cet article sur les vers de Musset, qui, emprisonné, a su se montrer résilient et saisir la beauté du monde extérieur restreint qu’il apercevait depuis sa cellule et qui illustrent parfaitement ce processus :


« Ceux à qui ce séjour tranquille

Est inconnu

Ignorent l’effet d’une tuile

Sur un mur nu

Je n’aurais jamais cru moi-même,

Sans l’avoir vu,

Ce que ce spectacle suprême

A d’imprévu ».



Yolaine de Nanteuil et Marie Chaligné

Le profil de Marie sur weppsy

Le profil de Yolaine sur weppsy



Sources :


- de Musset A,  « Le mie prigioni »
(20 septembre 1843)., in. Poésies nouvelles, 1850.

- Guédeney, A., Guédeney, N, (2016). L’attachement : approche clinique et Guédeney, A., Guédeney, N, (2016). L’attachement : approche clinique et thérapeutique, chapitre 20 : Précarité et attachement, Elsevier Masson 2e édition.

- Benasayag M., Interview de Cédric Enjalbert in. Covid-19. Les philosophes face à l'épidémie, Philomag, Avril 2020

- Manciaux, M., (2001). La résilience : un regard qui fait vivre, Études 2001/10 (Tome 395)

- Cyrulnik, B., (2018). Traumatisme et résilience, Rhizome 2018/3-4 (N° 69-70)

- Cyrulnik B, (1993), Les nourritures affectives, Odile Jacob, Paris

- Cyrulnik B., (1999), Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob

- Seron, C, Cyrulnik, B. (2003). La résilience ou comment renaître de sa souffrance ?, Éditions Fabert.

- Ferenczi S., (2006) Le traumatisme, Petite Bibliothèque Payot, Paris

- Bowlby, John. (1979) The Bowlby-Ainsworth attachment theory. Behavioral and Brain Sciences 2 (4):637-638 (1979)




Episode 16 - Challenge confinement & weppsy - Comment composer avec l'ennui au travail ? Partager

d’Alteroche, Psychologue clinicienne)

par Marie-Astrid d’Alteroche, Psychologue clinicienne
le 2020-04-29

Episode 16 - Challenge confinement & weppsy - Comment composer avec l'ennui au travail ?

Regarder l’heure passer, allonger ses pauses café, surfer les réseaux sans but précis, nous connaissons tous ces creux d’activités au travail. Pour certains dont ces moments d’ennui font partie de leur quotidien, la situation peut devenir difficilement supportable. Fatigue, honte, culpabilité, perte de confiance en soi, déprime peuvent apparaître et constituent un terrain pour le développement d’un bore-out.


Révélateur de notre époque, le bore-out (“to be bored” en anglais signifie “s’ennuyer”) est bien moins médiatisé que le burn-out. Il inquiète les chercheurs en sciences sociales qui alertent depuis 2005 sur ses risques. Le syndrome peine à trouver sa place en tant que maladie reconnue, pourtant les conséquences psychologiques peuvent être importantes et vont de la fatigue à la perte d’estime de soi en passant par la dépression ou des passages à l’acte auto-agressifs.



Qu’est ce que le bore-out ?



Les définitions du bore-out sont nombreuses. Elles mettent toutes en avant une souffrance psychique engendrée par un manque d’activité au travail.

 

En 2008, une enquête réalisée par Stepstone révèle que 30 % des Allemands, 33 % des Belges, 29 % des Suédois et 21 % des Danois, soit en moyenne 1 Européen sur 3, n’a pas assez de travail pour combler ses journées. Selon Christian Bourion (2015), en France, 30% des salariés seraient concernés par le bore-out !


Vous vous ennuyez au travail ? Apparemment vous n’êtes pas seul. Nous vous présentons ici le cheminement de Gaston, jeune analyste en marketing:


« Je travaillais dans une entreprise en réorganisation. Ils avaient d’autres priorités. Même si j’étais jeune, ils m’ont mis au placard. Apparemment ça ne touche pas que les vieux. J’avais l’impression de servir à rien, j’étais crevé alors que je ne faisais rien de la journée…l’enfer ».


En effet, contrairement aux idées reçues, le bore-out ne touche pas seulement les quinquagénaires.. Il n’existe pas de « profil type du salarié » sensible au bore-out, nous pouvons tous être concernés à un moment donné de notre carrière. Comme Gaston, vous pouvez être jeune et être touché par ce phénomène.


Nous retrouvons ainsi, trois racines au bore-out, développées par Bataille : l’organisation (répartition du travail), le savoir-faire (les compétences de chacun) et les motivations (ambition, souhaits, intérêts) qu’il ne faut pas oublier de mettre en lien avec l’expérience individuelle de chacun (estime de soi, parcours de vie, besoin de reconnaissance…).



Le bore-out : un risque psycho-social.



« J’étais crevé, je n’avais plus envie de rien faire, je culpabilisais et j’étais de plus en plus anxieux. Je me sentais nul. » Gaston


Les salariés dépossédés de leurs tâches se déshabituent et se désinvestissent du travail. Ils doutent de leurs capacités et leurs compétences à effectuer leurs tâches quotidiennes. Cette situation est particulièrement à risque car ces salariés deviennent inemployables à force d’accumuler de l’inexpérience. De plus, on observe que les salariés sont épuisés. Ils peinent à réaliser les tâches qui leurs sont confiées ce qui engendre de nombreuses conséquences dans une équipe. Pour la plupart des personnes, s’ennuyer au travail et être fatigué est inconcevable et sera durement jugé.


Les sentiments de honte et de culpabilité sont donc présents d’autant plus qu’il est difficile d’en parler autour de soi. Le bore-out se développe dans le temps. Il se nourrit du tabou, de la honte et du doute.
Le salarié cache son état psychologique jusqu’au bout dans le but de préserver son travail. Il souhaite éviter le pire : être considéré comme « le fainéant », le « nul » mis au placard.


Cette situation est difficile à assumer au travail mais aussi en société. Dévoiler sa profession est souvent la première question dans un échange lors d’un dîner ou une soirée. La question « Que fais-tu dans la vie ? », au même titre que « Bonjour, comment ça va ? », est un reflex social plus ancré dans des normes de politesse qu’une réelle curiosité engagée. Si vous tentez l’expérience d’évoquer votre ennui au travail dans une conversation avec des inconnus, il se pourrait que vous ne receviez pas un accueil très valorisant. Observez les médias, la communication sur le burn-out est telle que s’en est devenu une expression courante : « Je suis au bord du burn-out ». Conséquence d’une société où la consommation et la performance sont très valorisées. Oser avouer son ennui c’est courir le risque d’une rupture sociale voire un signe de provocation aux yeux de tous.



L’ennui, le bore-out : parle-t-on de la même chose ?



Il est important de différencier le syndrome du bore-out de l’ennui. Le bore-out est une dimension de l’ennui.


Le Bore-out résulte de causes externes liées aux contextes professionnels soit à l’organisation, la motivation et le savoir-faire. Toutefois, celui-ci peut être un écho d’une possible intolérance à l’ennui, d’où l’intérêt d’une intervention thérapeutique comme le souligne Bataille. Avec le thérapeute, le rapport à l’ennui doit donc être questionné dans les loisirs, dans la manière d’être au monde et pas seulement dans l’environnement professionnel. Ainsi, il est nécessaire de se poser la question suivante : l’ennui est-il la cause ou la conséquence du bore-out ?  


Amandine nous exprime son doute: « Dans mon job, je m’ennuie, j’ai besoin d’être stimulée par différents projets j’aimerais avoir de nouvelles responsabilités, de nouveaux challenges. Mais j’ai une situation confortable, je ne peux pas prendre de risque. Ça finira par s’améliorer. »


Ici rien d’alarmant me direz-vous. Pourtant, le désir de travail, est ici empêché voire étouffé. Pour fuir l’ennui et ses effets négatifs, plusieurs stratégies de contournement sont mises en place par les salariés.


  • La première tentative est de rationaliser l’ennui. Amandine est dans cette situation, tout en étant dans la passivité, elle met en place une croyance prédictive : « ça finira par s’améliorer ».

  • La deuxième étape est de mettre en place des stratégies d’évitements en faisant preuve de créativité : occuper le temps, faire un planning…


Lorsque ces deux stades sont dépassés, le salarié enclenche un autre plan de contournement : traiter ses affaires personnelles sur son lieu de travail. Les stratégies de comportements sont nombreuses mais lorsqu’elles sont toutes épuisées, la personne perd pied et s’enfonce. Elle risque de se sentir inutile et de perdre confiance en elle.



Le travail thérapeutique autour de l’ennui



« Vous êtes bien gentille, mais si je fais un bore-out en quoi un psy va m’aider ? » Amandine


Aller voir un psychologue peut être difficile et si en plus c’est pour parler de son ennui cela peut sembler absurde voire rasoir ! Pourtant le psychologue peut être d’une aide précieuse dans ces moments difficiles.


Gaston dans notre vignette clinique s’ennuie, s'affaiblit, se fatigue, devient anxieux, perd confiance en lui… l’anxiété et la dépression le guettent. Il a été encouragé au cours de sa psychothérapie à faire un travail d’introspection. Il a cherché dans son histoire des moments empreints de sens à ses yeux : un instant spirituel, mystérieux ou merveilleux. Après avoir exploré des moments où il a ressenti des émotions comme l’amour, l’admiration, l’étonnement, la joie, Gaston grâce à la pleine conscience a développé sa capacité à centrer son attention. Avec bienveillance, il a fait expérience du moment présent, en contact avec toutes ses sensations (bonnes et mauvaises).


L’ennui est une expérience personnelle parfois douloureuse. Il est souvent placé sous le signe du vide. Pour Rhodes (2015), l’ennui est un rappel du manque de sens dans l’existence humaine.

Face à l’ennui nous éprouvons un désir fort de faire quelque chose d’utile, de s’investir dans une activité engageante, satisfaisante et porteuse de sens. Ainsi, il décrit cet état comme un « appel à la créativité ». Il peut nous permettre de mettre en perspective notre quotidien, si nous pouvons faire de l’ennui un levier d’action, des talents peuvent émerger lors de cette période.


Gaston a constaté que l’ennui n’est pas une fatalité et se transforme. Il a renoncé à être dans une situation passive. Cet épisode lui a permis d’identifier ses valeurs essentielles mais aussi le sens qu’il voulait donner à sa vie. Le suivi psychologique, ses différentes rencontres, son entourage, le développement d'activité de loisirs ont contribué à l’amélioration de son état. Différentes stratégies issues des thérapies cognitives et comportementales peuvent être utilisées avec succès face au bore-out.



Marie-Astrid d'Alteroche

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Sources :


- Bataille, S. (2016). Le bore-out, nouveau risque. Références en santé au travail, 145, 19-27.


- Rengade, C. E. (2016). De l’ennui au bore-out, une revue de la littérature. Journal de thérapie comportementale et cognitive, 26(3), 123-130.


- Chapelle, F. G. (2016). Modélisation des processus d’épuisement professionnel liés aux facteurs de risques psychosociaux: burn out, bore out, stress chronique, addiction au travail, épuisement compassionnel. Journal de thérapie comportementale et cognitive, 26(3), 111-122.


- Bourion, C. (2015). Le bore-out syndrom: quand l'ennui au travail rend fou. Albin Michel.


- Bourion, C., & Trébucq, S. (2011). Le bore-out-syndrom. Revue internationale de psychosociologie, 17(41), 319-346.

   


   

     


   





Episode 15 - Challenge confinement & weppsy - Comment évaluer et exprimer ses besoins dans une relation ? Partager

Jaillant, Psychologue clinicienne)

par Margaux Jaillant, Psychologue clinicienne
le 2020-04-27

Episode 15 - Challenge confinement & weppsy - Comment évaluer et exprimer ses besoins dans une relation ?

En cette période de confinement, les conditions et le stress exacerbent les tensions et les violences domestiques. Celles-ci peuvent être physiques mais aussi psychologiques, émotionnelles, sexuelles, ou encore financières … Elles n’ont pas de genre. Elles sont perpétrées par des hommes et des femmes et touchent les premiers comme les secondes.

 

Depuis le début du confinement, les signalements pour violences conjugales ont augmenté de +36% en région parisienne.

 

Le thème de cet article est de comprendre ce qu’est la violence afin de trouver des solutions pour s’en sortir.

 

Dans toute forme de relation : qu’est-ce qui est acceptable, qu’est-ce qui ne l’est pas ?

  • Ce qui est acceptable dans toute forme de relation, ce sont tous les comportements qui vont dans le sens de l’amour de l’autre. C’est quoi aimer l’autre ? C’est respecter son intégrité physique et psychique. Le reconnaître comme un individu séparé, autonome, libre de penser, de ressentir et d’agir. L’accepter dans son entièreté, avec ses forces, ses faiblesses, son histoire. Et vouloir sincèrement son bonheur.

  • Ce qui n’est pas acceptable dans toute forme de relation, ce sont tous les comportements de violence physique et psychique. C’est-à-dire tous les comportements qui empêchent l’autre de vivre pleinement et sereinement. Tous les comportements de force, de contrainte, d’abus, de domination, de manipulation, d’oppression, de harcèlement, d’exploitation, de menace, de contrôle, d’emprise. Tous les comportements qui entraînent du stress et de la peur dans la relation.

 

Une relation saine d’amour est une relation où chacun est reconnu comme une personne unique et indépendante, avec ses propres besoins, ses propres désirs, et ses propres limites. C’est une relation où chacun a son espace dans lequel il se sent libre.

 

En cette période de confinement, comment laisser de l’espace à l’autre ? Comment ne pas avoir d’attente ?

 

Les attentes sont liées à des besoins non satisfaits. Il est donc important de savoir reconnaître ses besoins (1), pour pouvoir les satisfaire (2) et les exprimer avec simplicité et sans reproches (3).

 

1. Comment reconnaître ses besoins ?

En s’offrant des moments de pause et de recentrage. Ces temps d’isolement offrent la possibilité de se reconnecter à soi et de se demander comment on se sent. Ils sont nécessaires pour prévenir du burnout.

Tous les êtres-humains ont des limites. Savoir les identifier et les respecter permet d’accepter celles des autres et d’être plus disponible pour eux.

En voulant trop en faire, la frustration et l’insatisfaction chronique augmentent entraînant avec elles des risque d’explosion (crises de colère et de larmes) et/ou d’implosion (épuisement physique, émotionnel, psychique).

 

2. Comment satisfaire ses besoins ?

Les moments de pause et d’intimité avec soi sont l’occasion de clarifier ses besoins.

Selon Manfred Max-Neef, économiste et environnementaliste chilien mort en 2019, les besoins humains fondamentaux sont regroupés dans les 9 catégories suivantes. Marshall Rosenberg a repris cette liste dans son concept de « Communication non Violente » (CNV).

  • Besoins physiologiques (santé physique et mentale, dormir, manger, marcher…)

  • Besoins de sécurité (avoir un lieu de confinement, partagé avec des personnes attentionnées, un travail assuré, etc.)

  • Empathie, compréhension (se sentir compris, entendu, reconnu dans ses états émotionnels)

  • Créativité (activités artistiques, écriture, danse, peinture…)

  • Amour, intimité (se sentir aimé, entretenir un lien de proximité avec un ami, le conjoint(e), une personne de la famille…)

  • Jeu, distraction (humour, rires)

  • Repos, détente, récupération (moments de calme et d’isolement)

  • Autonomie (se sentir libre de choisir, de décider, ne pas se sentir contraint)

  • Sens, spiritualité (trouver du sens à cette période de confinement, et agir en conséquence pour ne pas subir).

Reprendre cette liste sert à clarifier les besoins non satisfaits. Être à l’écoute de soi et prendre soin de ses besoins sans dépendre des autres facilite la communication avec eux.

 

3. Exprimer ses demandes sans reproche.

Une fois les besoins identifiés, ils peuvent être communiqués sans attente, ni reproche. Les attentes et reproches, implicites ou explicites, attisent les tensions en créant une pression chez l’un et un risque de déception chez l’autre. Il est donc préférable de parler de soi, de ses émotions et de ses besoins en utilisant le pronom « Je », plutôt que de se centrer sur l’autre et de multiplier les formules commençant par « tu ».

Cette attitude ouverte de partage laisse l’espace à l’autre pour parler à son tour de son expérience et de ses besoins sans être sur la défensive. L’écoute attentive, comme si c’était la première fois que l’autre s’exprimait, est importante dans la communication bienveillante.

A l’inverse, anticiper ce que va dire l‘autre ou prévoir sa réaction bloquent toute possibilité d’évolution.

 

Si l’autre ne m’écoute pas et qu’il me fait des reproches ?

 

Si l’autre n’agit pas en adulte responsable, chercher à le raisonner est peine perdue. Il vaut mieux dépenser son énergie dans la recherche de réponses créatives permettant de satisfaire ses besoins autrement, en ouvrant tous les champs des possibles.

 

En cette période de confinement, la solidarité est une ressource inestimable. Les proches sont souvent heureux d’offrir leur soutien. Demander de l’aide permet de se sentir moins seul. C’est aussi l’occasion de prendre du recul sur les situations problématiques.  

 

Les activités physiques et de bien-être sont également indispensables pour se maintenir en forme et renforcer sa capacité d’adaptation face au stress. La méditation en pleine conscience, le yoga, la gym, le chant, la danse sont autant de pratiques qui apportent du calme et apaisent la réactivité dans les relations. Ces exercices peuvent aussi être l’opportunité de partager un moment agréable en famille.

 

L’affirmation de ses limites est nécessaire pour prendre soin de soi et de son entourage. Apprendre à dire « Non » - et quand le non n’est pas entendu, dire « Stop ! »- protège sa santé physique et psychique ainsi que celle de ses proches.

Si un sentiment d’insécurité est présent, des aides publiques sont mises en place par le gouvernement. Le 17 est à composer en cas d’urgence, un texto peut également être envoyé au 114. Un nom de code « masque 19 » peut être donné aux pharmaciens qui se chargeront d’alerter la police. Et il est aussi possible d’appeler le 3919 ou le 119 pour recevoir de l’aide anonyme et gratuite 24h/24, 7j/7.

 

La période de confinement peut être l’occasion de prises de conscience et d’actions pour créer du changement. Si le gouvernement demande à ce que les gens restent chez eux c’est pour protéger leur santé, pas pour les enfermer. Nous sommes dans un pays de droits, libres d’agir et de sortir quand cela est nécessaire, toujours dans cette démarche de protection de notre santé physique et psychologique. Si vous êtes victimes ou témoins de violences, rappelez-vous que vous n’êtes pas seuls, et soulevez-vous contre des comportements inacceptables.

 

Margaux Jaillant

Sa fiche sur weppsy 

Margaux Jaillant est psychologue clinicienne diplômée de l'Ecole de Psychologues Praticiens. Elle est spécialisée dans l'approche thérapeutique de l'intégration du Cycle de la Vie (ICV) et dans la pratique de la pleine conscience. Elle a créé un coaching pour sortir des relations toxiques, dont la sortie est prévue courant 2020, une fois le confinement levé ! Pour plus d'informations : https://www.mon-coaching-peppsy.com/sortir-relation-toxique



Episode 14 - Challenge confinement & weppsy - Isolement et fragilités psychologiques : que faire face aux idées noires ? Partager

Vellutini, Psychologue clinicienne)

par Marie-Violette Vellutini, Psychologue clinicienne
le 2020-04-24

Episode 14 - Challenge confinement & weppsy -  Isolement et fragilités psychologiques : que faire face aux idées noires ?

La question du risque suicidaire en cette période de confinement est au cœur de nombreuses préoccupations dans le domaine de la santé psychologique. En effet, la situation de crise sanitaire actuelle que nous connaissons induit un remaniement du mode de vie de la population, et par là même l’isolement de nombreuses personnes, la solitude étant identifiée comme un des facteurs du risque suicidaire.



Pensées suicidaires en situation de confinement




“Ne plus penser”, un motif de passage à l’acte souvent présent dans le discours des personnes suicidaires, qui en dit long sur la souffrance que certaines pensées peuvent provoquer. Le confinement, synonyme de ralentissement d’activités, peut-être à contrario une période d’hyperactivité psychique douloureuse pour certains.

Le confinement ou enfermement, maintient dans un même espace, clos, et au même titre que nous sommes limités dans nos déplacement physiques, certaines pensées sont comme emprisonnées elles aussi. Les pensées qui « tournent un peu en rond », trouvent difficilement une voie d’expression, en l’absence de l’autre, de stimulations et peuvent rapidement devenir envahissantes. Nous comprenons donc l’importance de ce qu’il se joue à l’intérieur de chacun, la place qu’occupent pensées, émotions, ressentis et la manière dont l’individu s’en saisit, les recours qu’il a autour de lui pour « gérer » son activité psychique. Nous comprenons donc qu’il n’est pas nécessaire qu’un évènement particulier ait lieu pour qu’un passage à l’acte suicidaire soit possible, certaines pensées « suffisant » à le déclencher.

Le confinement ne peut être en lui-même tenu responsable du passage à l’acte suicidaire. Les raisons, la mise en acte dans la réalité, tout cela dépend de l’équilibre psychologique initial. Chez une personne qui aura un « terrain » suicidaire pré-existant, ou tout type de fragilité psychologique, certains maux seront exacerbés par la solitude, mais aussi par tout le climat anxiogène ambiant, les informations et prévisions pessimistes, l’inquiétude pour soi et pour ses proches. L’absence de projection vers un avenir positif, l’incertitude quant à un retour à la normal, les nombreux questionnements sur la suite, « l’après-confinement », sont de puissants vecteurs d’anxiété.

Des fragilités psychologiques mises bout à bout et intensifiées, entraînent dans certains cas, l’émergence et la récurrence de pensées noires, pouvant mener à une volonté de passage à l’acte de plus en plus soutenue, et de plus en plus précise avec un mode opératoire réfléchi. Une personne souffrant de troubles dépressifs pourra se sentir davantage exposée à ses pensées pessimistes, un individu anxieux en proie à davantage d’angoisses etc.

Ce qu’il faut retenir c’est qu’en cette période, l’individu ne dispose plus, ou différemment, des ressources protectrices qu’il peut habituellement trouver à l’extérieur, qu’il s’agisse du parcours de soin mis sur pause (groupe de parole, consultations en face à face, ateliers thérapeutiques) ; ou tout simplement des contacts sociaux protecteurs (entourage familial, amical).

Il est donc confronté à une double difficulté : la solitude ou tout du moins l’éloignement s’il n’est pas seul ; ainsi que la privation de soins.
Ce sont ces facteurs de protection là, et d’autres comme le travail, les activités extérieurs, le sport ; qui, en temps normal, peuvent faire barrière, plus ou moins solide, entre un individu présentant des pensées suicidaires et le passage à l’acte.



Le recours aux toxiques comme tentative d’atténuer la souffrance :



L’usage de toxique divers, comme moyen de combattre l’angoisse liée à la solitude, gagne du terrain en période de confinement.

 

Une aide pour trouver le sommeil, un anesthésiant d’émotions douloureuses. Les « avantages » de ces toxiques sont malheureusement nombreux, tout autant que le sont leurs dangers.
Le passage à l’acte en étant sous emprise d’alcool, de drogues ; le risque d’intoxication, d’overdose, etc. Certains toxiques tels que l’alcool, de par l’effet désinhibant qu’il possède, peuvent agir comme un court-circuit, entre la pensée suicidaire et le passage à l’acte. L’acte suicidaire est posé de manière impulsive.

Ces états sont d’autant plus inquiétants que l’isolement les rend difficilement visibles aux yeux de l’entourage. En temps normal, l’absence d’une personne sur son lieu de travail par exemple, peut rapidement solliciter l’inquiétude de l’entourage professionnel. En situation de télétravail, voire absence d’activité la possibilité de venir en aide à un collègue n’est pas la même ; et donc la prise en charge moins évidente, rapide.



Point de vigilance : enfants et adolescents :



Il convient de ne pas négliger le risque chez les enfants et adolescents de passage à l’acte.

La situation de confinement peut en première intention laisser penser que les plus jeunes sont protégés de l’extérieur et des risques qu’il représente. Mais les réseaux sociaux sont toujours actifs avec leur lot de dangers.

Être à la maison ne protège pas de la violence extérieure, que cela soit en temps de confinement ou de manière générale. On pense notamment aux situations de harcèlement qui peuvent continuer d’exister voire s’intensifier à distance.

La tentative de suicide chez l’adolescent souvent mise sur le compte de la crise d’adolescence, est au contraire, à considérer avec sérieux. Elle est signe d’une réelle souffrance avec ou sans antécédents de troubles psychiatriques. Le passage à l’acte suicidaire chez l’enfant ou l’adolescent est caractéristique de l’impulsivité de cette période de développement, la souffrance est agie et non pas pensée.

Préserver un espace de liberté chez l’adolescent, son besoin d’intimité, porter un regard attentif sur des changements significatifs de comportements chez l’enfant et/ou l’adolescent ; permet de prévenir certains passages à l’acte. Une escalade dans l’agressivité, la violence, la provocation, les mouvements de fugues, l’usage répété de toxiques, des prises de risques à répétition sont des facteurs qui peuvent alerter.  

Il est important de ne pas sous-estimer l’accès à des modes opératoires pour passer à l’acte, sous prétexte que l’adolescent ou l’enfant partage le même espace que son entourage. De nombreux suicides ont malheureusement lieu au sein du domicile familial.



Recours en situation de danger (pour soi-même ou pour quelqu’un d’autre) :



Toute suspicion de passage à l’acte imminent doit amener la personne à contacter les urgences, et ce même si un doute subsiste quant à sa probabilité. La prudence concernant ces questions n’est jamais trop importante. Rassembler le plus d’éléments possibles concernant la personne susceptible de passer à l’acte est un réflexe précieux pour permettre une action rapide des urgences (samu, pompiers, police etc.), essayer autant que faire se peut d’avoir l’adresse de la personne en danger notamment.

Pour des personnes qui présentent des pensées suicidaires, sans risque de passage à l’acte imminent, le maintien ou le démarrage d’un suivi psychologique même à distance, est important. Créer du lien et de l’échange là où la solitude place l’individu seul face à lui-même, à ses pensées à ses représentations, permet que ces dernières soient considérées avec un peu plus de hauteur, de recul. Rythmer les journées, ritualiser certaines activités qui maintiennent dans une certaine temporalité, apportent des repères rassurants, facilitent également le maintien du contact social, protecteur même à distance.

Pour évaluer le risque d’un passage à l’acte imminent, certains repères permettent de s’orienter. En premier lieu, la présence ou non de pensées suicidaires, leurs récurrences (quand, pour la dernière fois, la personne a présenté ce type de pensée) ; l’établissement d’un scénario précis, et notamment un mode opératoire pensé, réfléchi, accessible. Dans certains cas, la date du passage à l’acte est déjà précise, là encore, interroger sur l’existence d’un moment choisi alerte sur l’urgence de la situation. Il est légitime de se questionner sur la manière de poser ces délicates questions, l’exercice difficile que représente l’investigation du risque suicidaire.

Nous retrouvons très souvent chez les proches cette inquiétude à parler du suicide comme pouvant faire émerger un désir de mort chez l’individu présentant des symptômes dépressifs.

Parler du suicide, des pensées suicidaires, du passage à l’acte ne donne pas « d’idées » à celui qui n’en n’a pas. Ces mots bruts « suicide », « passage à l’acte », « mode opératoire », peuvent eux aussi effrayer, mais il faut pouvoir les poser avec confiance, ils ne peuvent inciter la personne à passer à l’acte.

Le retour au calme de l’individu présentant des pensées suicidaires, peut malheureusement être annonciateur d’un passage à l’acte imminent, décidé et accepté. L’intention suicidaire a glissé vers la mise en acte ; et le suicidaire en « paix » avec cette décision trouve une sensation d’apaisement. En tant que professionnel de santé, ou membre de l’entourage, il est important de ne pas relâcher la vigilance, dans un moment où l’individu semblerait « aller mieux ».

Se saisir des plateformes d’écoutes gratuites (Suicide écoute, ligne d’écoute diverses) est aidant autant pour celui qui présente des pensées suicidaires, que pour la personne confrontée à celles d’un de ses proches.



Le confinement et ses différentes modalités ont donc un impact sur la santé psychologique de manière générale. Les conditions de confinement et les fragilités psychologiques existantes sont déterminantes face au risque de passage à l’acte suicidaire, qui est décuplé en contexte de crise sanitaire. Que vous soyez concerné par cette situation ou au contact d’une personne présentant des risques, le premiers réflexes consistent à rompre la solitude, à se faire accompagner et à alerter en cas de danger imminent.

Le passage à l’acte suicidaire est un sujet épineux qui soulève bon nombre d’interrogations, d’inquiétudes, d’émotions diverses. Les professionnels de santé (psychologue, médecins, infirmiers) sont disponibles pour évoquer ces problématiques en amont de toute situation de danger et permettent de trouver des ressources internes comme externes, pour « prévenir » d’un éventuel passage à l’acte.



SOS Amitié :
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Permanence d’écoute par tchat tous les soirs de 19 h à 23 h ou par mail (réponse sous 48h maximum).
Tél. : 01 42 96 26 26 (Ile-de-France).Les numéros régionaux d’appel sur le site de l’association.
Site Internet : www.sos-amitie.org.

Suicide Ecoute :
Ecoute des personnes confrontées au suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Tél. : 01 45 39 40 00
Site Internet : www.suicide-ecoute.fr.

SOS Suicide Phénix :
Accueil et écoute de toute personne confrontée à la problématique du suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 7j/7.
Permanence d’écoute par messagerie accessible depuis le site internet de l’association.
Ligne nationale : 0 825 12 03 64 (de 16 h à 23 h).
Ligne Ile-de-France : 01 40 44 46 45 (de 12h à minuit).
Site Internet : www.sos-suicide-phenix.org.

 

Marie-Violette Vellutini

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Sources :








Episode 13 - Challenge confinement & weppsy - Enfant en danger : comment le protéger ? Partager

Houriez, Psychologue clinicienne)

par Juliette Houriez, Psychologue clinicienne
le 2020-04-20

Episode 13 - Challenge confinement & weppsy - Enfant en danger : comment le protéger ?

Nous allons ici aborder la question de l’enfance en danger, bien souvent du fait d’un adulte négligent ou malveillant. Notons que nous ne traiterons pas ici des mises en danger entre enfants ou adolescents, qui peuvent nécessiter une prise en charge différente.

Cet article vous permettra un meilleur repérage des situations problématiques et de savoir comment vous pouvez agir pour apporter de l’aide à un enfant en danger.

Toute personne, sans être psychologue ou assistante sociale, peut mettre en place les signaux d’alerte précisés ici.

Pour rappel, la protection de l’enfance est un sujet qui concerne tout citoyen puisque selon la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation, dans le respect de ses droits. [...] Elle comprend [...] l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. [...] ».


Dans le contexte actuel :


Le contexte exceptionnel que nous vivons actuellement nous conduit à passer tout notre temps chez nous. 

Si pour la plupart des enfants, le domicile est un lieu sécurisant et le contexte familial un endroit positif, pour ceux qui sont victimes de violences familiales ce domicile devient alors inquiétant, source d’angoisse et de souffrance.
Pour les aider, cet article vous donnera les clés pour repérer, alerter et porter secours à un mineur en danger.

Cet article avait été rédigé avant le confinement et donne les mesures à prendre en des circonstances habituelles. Cependant, la situation actuelle peut venir impacter les processus classiques et de ce fait, il est très important de noter qu’en cas d’urgence et de danger immédiat pour un mineur, vous devez prendre contact avec les services de police (17 ou 112) ou le 114 (numéro joignable par SMS pour les violences conjugales ou intrafamiliales), et bien sûr avec les pompiers (18) ou le SAMU (15) selon situation. Notez par ailleurs que, pour plus de confidentialité, le 119 propose à présent un formulaire de demande d’aide en ligne : https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation. Vous trouverez ici le communiqué de presse réalisé par le GIP Enfance en Danger au début du confinement, et ici toutes les actualités du 119 durant le confinement.

Enfin, la violence n’est pas nécessairement le fait de personnes “dérangées” ou “monstrueuses” mais bien souvent d’anciennes victimes de violence et/ou de personnes souffrant de carences éducatives et affectives qui, face à une situation délicate, ne trouvent pas d’autre façon de faire. Une aide est alors nécessaire pour éviter ou faire cesser toute violence.
Et parce qu’il n’est pas toujours simple de gérer son rôle de parent, en particulier durant le confinement, voici un guide des parents confinés, élaboré par des professionnels, contenant 50 astuces pour que le confinement se passe au mieux. Ajoutons que plusieurs lignes à destination des parents ont également été mises en place : SOS Parentalité au 0 974 763 963, Allo Parents Confinés (de l’Ecole des Parents) au 0 805 382 300, ou encore Allo Parents Bébé (d’Enfance et Partage) au 0 800 00 34 56. Elles ont pour but de proposer une écoute aux parents mis en difficulté par le confinement dans leur rôle éducatif.


Comment repérer les signes d’alerte chez un enfant ?



Il importe de noter que c’est généralement l’aspect répétitif et cumulatif de signes d’alerte qui caractérise la situation de risque de danger et qu’un événement isolé ne permet pas toujours de qualifier la situation. Sauf lorsqu'il s’agit d’un abus sexuel ou d'un fait de violence grave, dans ce cas : l’élément isolé suffit. L’évaluation se fait également en fonction du niveau de gravité des troubles chez l’enfant, de la nature des risques repérés dans son environnement et de la mobilisation suffisante ou non des adultes responsables de l’enfant.


Les signes d’alertes peuvent être :

  • physiques (trace de coups, fractures, accidents domestiques à répétition, problèmes de santé répétés, énurésie - “pipi au lit”, pour l'énurésie nocturne, ou l’incapacité à “être propre” en journée, pour l'énurésie diurne -, encoprésie - l’incontinence fécale -, retard de croissance, aspect négligé)

  • comportementaux (violence ou agressivité, mutisme, inhibition, quête affective systématique, fugues répétitives, peurs inexpliquées, prises de risques répétées, accidents à répétition, désordres alimentaires, difficultés scolaires comme l’absentéisme, l’échec, le désinvestissement, enfant qui semble soumis au secret vis-à-vis de ce qui se passe chez lui)

  • et/ou se situer dans le contexte de vie de l’enfant (mode ou rythme de vie manifestement inadapté, absences ou excès de limites éducatives, exigences démesurées au regard des possibilités de l’enfant, absence de soins, de suivi médical et/ou suivi à outrance, manque d’attention envers l’enfant, marginalisation dans la famille, violence psychologique, physique ou sexuelle). Il est également important de noter que les violences intra-familiales ou conjugales provoquent chez les enfants qui en sont les témoins, des traumatismes profonds et durables. Ils peuvent être considérés dans ces cas-là comme un facteur aggravant d’une situation déjà repérée comme étant dangereuse.


Tout adulte est en mesure de noter ces signes mais leur analyse et la nécessité ou non de les transmettre aux autorités compétentes doit se faire avec le plus d’objectivité possible. Ainsi, lorsqu’on est un proche de l’enfant concerné, il est parfois plus complexe d’effectuer ces repérages et une aide extérieure pourra être requise.


Et s’il n’y a pas de signe d’alerte repéré mais qu’un jeune vient directement se confier sur ce qu’il vit ?



Si un jeune vous parle de lui-même, il vous a probablement choisi pour se confier et à ce titre il est important de créer ou garder la confiance avec le jeune. Il s’agit de le rassurer, de l’assurer de votre souci de mettre en œuvre tout ce qui est de votre ressort pour l’aider et l’accompagner et de ne pas lui mentir (même pour le rassurer). Il est important de s’installer dans un lieu adapté, sécurisant et de consigner par écrit ses propos mot à mot pendant ou juste après l’échange. Prendre la parole pour révéler des faits n’est jamais facile pour un enfant ou un jeune et il importe donc d’être bienveillant et rassurant.

Il est important de bien réfléchir avant d’envoyer l’enfant vers un autre interlocuteur pour éviter le traumatisme que la répétition des propos peut engendrer. Il est préférable de contacter la CRIP (Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes - numéro de téléphone différent pour chaque département, facilement trouvable en ligne) ou le 119 pour leur avis plutôt que de faire répéter l’enfant, car au-delà de l’aspect traumatique, il y a un risque de modification des propos ou que les propos ne soient ensuite plus recevables légalement.

Lors de l’échange avec l’enfant, il importe de poser des questions ouvertes, permettant à l’enfant une réponse spontanée. Les questions fermées type « oui/non » sont trop sujettes aux phénomènes de suggestion (= répondre ce qu’on pense que l’interlocuteur attend de nous). Le très jeune enfant pense par exemple que le “oui” est toujours la réponse souhaitée par un adulte.

En fin d’échange, il est important de le remercier de sa confiance et lui dire ce que vous allez mettre en place, que vous ne pouvez l’aider seul mais que vous allez demander de l’aide auprès des personnes compétentes.

Souvent, l’enfant ou le jeune demande que ses propos soient tenus secrets, il est nécessaire de lui faire part de l’impossibilité d’un tel secret tout en le rassurant sur les conséquences. Enfin, il s’agit de ne pas dramatiser la situation ni de la minimiser.


Le cas du jeune majeur : si celui-ci n’entre pas dans les critères de vulnérabilité tels que décrits par la loi, il s’agit de l’inviter à réaliser les démarches de lui-même et éventuellement l’accompagner (commissariat, hôpital…).


Une fois les éléments recueillis, que puis-je faire ?



D’abord, il est essentiel de ne pas rester seul face à la situation.

Si vous avez recueilli les signes et/ou propos de l’enfant dans le cadre de votre travail au sein d’une institution (école, hôpital, centre aéré, colonie de vacances, conservatoire…), sollicitez votre direction, échangez avec vos collègues voire avec le psychologue s’il y en a un.

ATTENTION cependant, il s’agit de toujours rester dans le respect de la confidentialité et du devoir de réserve, on ne fait pas de « commérages » au sujet de la vie privée d’un enfant. Les phénomènes de sidération que l’on peut ressentir face à l’évocation de problèmes graves peuvent altérer notre discernement. Ne partagez que les informations réellement pertinentes.


Les responsables de la protection de l’enfance sont également à joindre afin d’évaluer la situation avec leur soutien. Le 119 est le numéro de la ligne nationale de l’enfance en danger, l’appel est gratuit et peut rester anonyme. Vous pouvez également leur demander des informations par écrit à cette adresse (sans que cela ne puisse constituer une information préoccupante) : https://www.allo119.gouv.fr/recueil-de-situation.

Vous pouvez par ailleurs prendre contact avec les responsables locaux proches de chez vous pour avoir des conseils concernant la situation que vous rencontrez, et pour échanger sur la pertinence d’un écrit. Vous pouvez contacter :

  • l’ASE c’est-à-dire L’Aide Sociale à l’Enfance, l’ancienne DDASS

  • la PMI c’est-à-dire Protection Maternelle et Infantile pour les futurs parents ou enfants de moins de 6 ans

  • et/ou joindre la CRIP de votre département (numéro qui diffère selon les départements et sont disponibles sur les sites de chaque CRIP).


La CRIP est la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes. Il y en a une par département et son rôle est de recueillir les informations remontées au sujet d’un enfant en danger afin d’évaluer les éventuelles actions à entreprendre. L’information est transmise par écrit par la personne ayant repéré les signes ou recueilli les propos de l’enfant et s’appelle une Information Préoccupante (IP). Il est légalement obligatoire d'informer la famille de la rédaction d'une IP à leur sujet, sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant. Lorsque le 119 est saisi d’une situation, il se charge de faire remonter l’IP à la CRIP.


Que font les services sociaux ensuite ?



Lorsqu’ils les reçoivent, les professionnels de la CRIP analysent les informations transmises et valident ou non leur caractère préoccupant.

Deux options existent ensuite.

Tout d’abord, une évaluation plus approfondie de la situation peut être nécessaire et dans ce cas ce sont les services sociaux de la ville dont dépend la famille qui s’en chargent (l’ASE). La CRIP s’occupe alors d’informer la famille et le signataire de l’IP.

Si le danger est très grave et/ou que l’enfant a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs mesures d’aides qui n’ont pas remédié à la situation, voire qu’il n’y a pas eu de mesure mais que les parents s’opposent à toute aide, dans ce cas la CRIP peut saisir directement le procureur.


Dans le cas de l’évaluation par les services sociaux et selon les résultats de cette enquête, il y a soit un arrêt de la mesure soit une proposition d’une aide qui est faite à la famille. Si l’aide est acceptée par la famille, on parlera de mesure de protection administrative mais si elle est refusée et imposée en justice on parle de mesure de protection judiciaire.


Les aides proposées peuvent être sociales ou judiciaires. Les aides sociales peuvent avoir lieu au domicile (aide financière, technicien d’intervention sociale et familiale, accompagnement social et budgétaire des familles, aide éducative à domicile), ou en dehors sous forme d’accueil provisoire de l’enfant à temps complet ou séquentiel (placement), d’un accueil de jour, ou d’un accueil mère-enfant selon situation. Les aides judiciaires peuvent être des mesures d’évaluation et d’investigation judiciaires, des aides à domicile (aide éducative en milieu ouvert, aide à la gestion du budget familial) ou un accueil de l’enfant à temps complet ou séquentiel (placement).

Bien souvent, les personnes qui informent du danger pour un enfant s'inquiètent des conséquences pour la famille. Il est important de noter que, chaque fois que cela est possible, l'accompagnement social et éducatif est favorisé. Le placement de l'enfant en dehors de son domicile n'est préconisé que lorsque la situation l'exige.


Le cas exceptionnel du signalement



Les délits et les crimes doivent être signalés immédiatement au Parquet (c’est le cas notamment des abus sexuels, de la pédophilie). Les déclarants peuvent donc saisir eux-mêmes le procureur, si et seulement si, la situation est un cas d’extrême gravité nécessitant une protection immédiate de l’enfant. L’autorité judiciaire détermine alors l’opportunité d’une enquête pénale et c’est cette enquête qui recueille tous les éléments de preuve nécessaire.


 

Juliette Houriez

Sa fiche sur weppsy


Sources :

- Document édité par le conseil départemental du 93 “Enfance en danger, que faire ?”

- Documents internes à l'Enseignement Catholique au sujet du Programme de Protection des Publics Fragiles

- Site du 119 : https://www.allo119.gouv.fr/




Episode 12 - Challenge confinement & weppsy - Violences conjugales : comment y faire face ? Partager

Duplex, Psychologue clinicienne)

par Mathilde Duplex, Psychologue clinicienne
le 2020-04-15

Episode 12 - Challenge confinement & weppsy - Violences conjugales : comment y faire face ?

Nul n’ignore à ce jour le contexte inédit dans lequel nous nous trouvons. À contrario de la tendance des dernières décennies, nous voilà sommés de nous mettre à l’arrêt et de réinvestir nos foyers. Or, cette assignation à domicile, lieu propice aux violences, n’est pas toujours sans danger.

Les personnalités des auteurs de violence, le plus souvent impulsifs, sont caractérisées par une faible tolérance à la frustration et une mauvaise gestion des émotions, de l’angoisse et de la tension. Couplées à l’inactivité et la quantité de temps passé ensemble en ce moment, il y a un fort risque de déclenchement ou d’aggravation des violences.

En tant que professionnels, entourage ou concernés, nous nous devons d’être vigilants.


Installation et escalade


Pour commencer, il est important de comprendre que les violences conjugales ne surviennent pas du jour au lendemain. Au contraire, leur apparition n’est rendue possible que par une phase d’approche et de séduction où le partenaire s’est montré adapté, attentionné et tourné vers l’autre. Ces souvenirs d’un début enchanteur poussent les victimes à minimiser les premières violences, à leur attribuer une causalité externe comme le stress ou la fatigue et à ne pas les signaler. Or, s’il est une certitude c’est que les violences se répètent et s’aggravent.

Les premières violences sont souvent d’ordre psychologique : ce sont les dévalorisations, les dénigrements (des centres d’intérêt, de l’entourage), les humiliations mais aussi l’exercice de pressions, de chantages ou de menaces. Prises séparément, ces violences peuvent paraître anodines mais la répétition et l’accumulation viennent progressivement isoler la victime et lui ôter la capacité de penser et de réagir. Cet insidieux sabotage va permettre à des violences plus directes de se manifester : les violences physiques (coups et blessures) et/ou sexuelles (tout contact sexuel imposé et non-consenti, même au sein du mariage !).

Le maintien de ces violences et la difficulté pour les victimes d’en prendre conscience et de s’en protéger reposent sur deux phénomènes : l’emprise et l’invalidation de la violence par l’auteur.


L’emprise


Les violences ont pour effet d’altérer la capacité à se voir positivement et à se concevoir digne d’amour. Plus l’estime de soi se dégrade, plus la croyance d’être aimé par son partenaire devient centrale et le lien à l’autre une nécessité. On n’arrive plus à penser par soi-même, on se sent incapables de prendre une décision sans l’autre. Ce lien de dépendance, c’est l’emprise.

L’intensité de ce lien fait qu’il est possible de le confondre avec de l’amour, mais l’emprise n’a rien à voir avec le sentiment amoureux car elle dénie à l’autre son individualité, sa liberté d’être et de penser (ce ne sont plus mes désirs ou besoins qui comptent, mais ceux de l’autre).

Elle se distingue du sentiment amoureux par la présence d’un malaise diffus, une focalisation de la pensée sur le partenaire, un sentiment de faute ou de mal faire en sa présence, l’angoisse de sentir que la relation peut se rompre à tout moment ou encore des difficultés à penser.


L’invalidation de la violence


Il est important de comprendre que la violence n’est pas systématique. Pour la personne violente, les périodes de non-violence sont fondamentales pour baisser la garde de l’autre et maintenir l’emprise. Les excuses et les promesses entretiennent l’espoir que les choses peuvent s’améliorer et la violence se contrôler.

Pour empêcher la remise en question de la relation suite aux violences, ces dernières sont minimisées par leur auteur ou leur responsabilité retournée contre l’autre, renforçant la culpabilité. Cette invalidation de la violence, encouragée par les souvenirs du début, vient renforcer la croyance que « la violence se contrôle et son déclenchement dépend de mes efforts ». De sorte que, lorsque la tension revient, prémices de crises à venir, je pense être en mesure de maîtriser la violence en ajustant mes comportements à ce que je perçois des désirs de l’autre. Or, comme nous l’avons vu, la violence ne peut que se répéter, précisément car c’est une perte de contrôle.

Être violent, c’est vivre en acte les émotions et les pensées qui sont trop douloureuses pour être intégrées : ça explose hors de nous. La violence trouve souvent ses origines dans des expériences de vie difficiles mais les psycho-traumatismes, aussi terribles soient-ils, ne justifient pas les violences.

Sans une intervention psychologique, la violence ne cessera pas. Vous ne pourrez jamais vous adapter suffisamment, faire assez pour que cela cesse.

Or, personne n’est immunisé contre la violence et cette dernière a des conséquences directes sur le psychisme, qui, pour s’en protéger met en place des mécanismes de protection comme la dissociation (se couper de soi-même) ou l’anesthésie émotionnelle (ne plus rien ressentir). Efficaces sur le moment, ces mécanismes augmentent le seuil de tolérance à la violence et à la douleur amenant à banaliser la violence et en minimiser le danger.


Évaluer le danger


La période inédite que nous vivons actuellement augmente drastiquement le risque d’escalade de la violence, allant jusqu’à des conséquences qui peuvent être dramatiques : le féminicide. Nous rappelons, bien que cela soit trop peu souvent évoqué, que les violences envers les hommes existent également au sein du couple. Voici les douze facteurs de risque permettant d’évaluer le degré de danger :

  • aggravation des violences/j’ai eu peur de mourir

  • il/elle m’a menacé de mort/a essayé de me tuer

  • Il/elle a accès à une arme à feu

  • Il/elle est inactif/au chômage

  • Nous nous sommes séparés

  • Contrôle coercitif/séquestration

  • Présence d’un enfant issu d’une autre relation

  • Viols conjugaux

  • Violences lors de la grossesse

  • Les enfants sont maltraités

  • Il/elle a déjà menacé/tenté de se suicider

  • Consommation de substances (alcool, drogues)


Le risque de décès augmente proportionnellement avec le nombre de facteurs et est considéré important dès 3 facteurs cumulés. A 10 ou plus nous vous recommandons de vous mettre immédiatement en sécurité et de solliciter de l’aide.

Pour vous aider, vous pouvez retracer l’historique des violences pour constater son évolution et repérer ses cycles. Vous pouvez également tenir un calendrier des épisodes violents, en rapportant la présence de blessures et l’intensité du sentiment de menace. Ce faisant, vous pourrez plus facilement évaluer leur fréquence et leur gravité.  


Rompre l’isolement


La dépendance à l’autre, l’épuisement et l’isolement donnent l’impression de n’avoir pas d’autre choix que de rester et endurer. Mais il est toujours possible de s’en sortir et vous n’avez pas à le faire seule. En recréant du lien autour de vous (concernées, proches, collègues, associations), vous allez pouvoir bénéficier du soutien, de la bienveillance et de la conviction de votre entourage. Ces personnes, par leur présence, vous aideront à déconstruire la croyance que la violence est un mal nécessaire à l’amour et à retrouver la possibilité de vous voir autrement.


Se protéger


Les violences conjugales sont un crime !

Pour vous accompagner dans la découverte de vos droits, de votre détresse ou par mesure de sécurité, vous pouvez contacter une des nombreuses associations qui continuent d’opérer par téléphone (ex : CIDFF) ou vous rendre en pharmacie où un dispositif d’alerte a été mis en place. Les pharmaciens sauront réagir et vous orienter.

Le 3919 vous mettra en contact avec des professionnels qui sauront vous écouter, vous soutenir et déterminer avec vous la marche à suivre (permanence téléphonique, du lundi au vendredi, de 9h à 19h).  

La plateforme en ligne : arretonslesviolences.gouv.fr permet de discuter en direct avec des forces de l’ordre, spécialement formées à la situation (ou envoi d’un sms au 114 pour les personnes sourdes et malentendantes).

En cas d’urgence, appelez le 17 et n’oubliez pas : Même en période de confinement, vous avez le droit de partir !


Entourage : comment réagir ?


Une multitude de facteurs rendent difficile pour les femmes ou hommes victimes de violence d’en parler et d’alerter leur entourage : les menaces, chantages et pressions subies, la culpabilité, la honte et la perte d’estime de soi éprouvées ou encore l’emprise de l’agresseur qui annihile la volonté et la conscience d’avoir des droits et de la valeur. Il est possible que malgré une prise de contact, vous ne preniez pas conscience de la mesure du danger du fait des conséquences psychotraumatiques de ces violences qui augmentent leur seuil de tolérance à la violence. C’est pourquoi il est important de poser des questions.

L’emprise psychologique crée une forte alliance avec l’autre partenaire, aussi n’est-il pas toujours aisé de se positionner en tant qu’entourage. Voici quelques conseils pour en parler et maintenir le lien :

Il est important de reconnaître la violence et la souffrance, et de se positionner contre (vous pouvez vous appuyer sur la loi). Attention, ce n’est pas la même chose que de se positionner contre son auteur. Une opposition trop directe au partenaire viendra activer un conflit de loyauté qui ne sera pas en votre faveur. Vous gagnerez à être identifié comme un interlocuteur qui entend, qui ne juge pas et qui comprend que la situation est difficile.

Évitez de reproduire quelque chose de l’ordre du contrôle en étant trop directif. Vous pouvez centrer votre discours sur les ressources de la personne (ses qualités, ses accomplissements, son entourage, etc.) et chercher à susciter de l’espoir : « ouvrir » l’avenir et favoriser la rencontre avec des pairs (forums, témoignages).

Enfin, ne vous laissez pas décourager par les allers-retours fréquents, l’emprise est un phénomène psychologique très fort dont on ne se libère pas en deux temps, trois mouvements !


Les conséquences des violences conjugales en termes de santé, de qualité de vie et d’estime de soi sont telles que nous nous devons de nous en préoccuper. Les circonstances exceptionnelles que nous vivons aujourd’hui et qui mettent à mal la manière dont nous interagissons au quotidien ne doivent pas nous empêcher d’être là pour les autres, voire nous encourage à nous préoccuper des plus isolés, des plus vulnérables. La dématérialisation des rapports est une opportunité pour nous de rentrer en relation, de renouer des contacts ou simplement de prendre des nouvelles. SI vous êtes concernés, si vous êtes inquiets pour un proche, vous n’êtes pas seul.


Mathilde Duplex

Son Linkedin



Sources

- Salmona M. (2019) Féminicides par (ex) conjoint ou (ex) partenaire intime : des questions indispensables à poser pour évaluer le danger. 





Episode 11 - Challenge confinement & weppsy - Traverser le confinement en couple : comment faire ? Partager

Goldner, Psychologue et thérapeute familiale et de couple. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre)

par Christelle Goldner, Psychologue et thérapeute familiale et de couple. Interview réalisée par Laetitia Ribeyre
le 2020-04-11

Episode 11 - Challenge confinement & weppsy - Traverser le confinement en couple : comment faire ?

En quelques mots, que penses-tu de ce que nous vivons actuellement ?

 Nous vivons une crise sanitaire sans précédent, mais c’est aussi une crise profondément humaine.

 

Le mot crise en chinois, est représentée par 2 pictogrammes (wei ji) : l’un qui veut dire danger et l’autre, opportunité. La crise se trouve donc à l’intersection de ces deux réalités.
Dans le travail que je fais avec les couples, j’essaie d’explorer avec eux comment transformer ce que nous traversons, si possible, en crise de croissance. Tout en étant attentive à ne pas faire de ce temps une obligation de performance. Ce temps ne peut être vu, il me semble, que comme une révolution sur les plans personnels, conjugaux, familiaux… La pression serait trop grande. Peut-être, et j’insiste sur le peut-être, que quelque chose de nouveau émergera pour le couple.  


Nous constatons à la fin du confinement en Chine, que les demandes de divorce et les violences conjugales ont explosé et c’est pour cela que j’ai souhaité tenter d’apporter des éclairages et une aide aux couples actuellement en difficulté. Voilà l’idée que je partage avec les couples que je suis : cette période n’est pas un moment opportun pour prendre des décisions importantes concernant le couple. Cette période est trop particulière pour justifier une prise de décision, un changement radical. Laissons-nous le temps de traverser cette crise, et d’assimiler dans l’après-coup cette dernière.


Pour toi, quelles seront les conséquences à court terme du confinement pour le couple ?



Tout cela dépend bien évidemment de la qualité de la relation du couple avant le confinement. Ce dernier met en exergue les conflits préexistants et, s’il n’y en avait aucun, les effets ne seront pas du tout les mêmes.

Pour un couple où il y avait des tensions et des reproches, les conflits risquent d’augmenter car le niveau de stress pour chacun est important et le confinement a un effet loupe, d’aimant, qui attire à la surface ce qui pouvait rester au fond, caché…  

  

Quelle est la nature des conflits que tu vois tout particulièrement émerger ?  

 

Plusieurs types de conflits peuvent s’accentuer en ce moment.

 

Tout d’abord, je vois beaucoup de questionnements autour de la réorganisation des tâches. Il n’y a plus d’aides extérieures possibles, pour le ménage par exemple, et donc la quantité de tâches à redistribuer a beaucoup augmenté.  

Je vois aussi certains couples qui vivent différemment le confinement sur le plan anxieux. L’un des deux est très affecté, avec par exemple des angoisses de mort qui s’exacerbent, alors que le partage des angoisses profondes n’est pas habituel dans le couple. Ce sont des couples qui partagent beaucoup d’autre choses, qui ont une relation longue et solide, mais qui n’ont pas eu jusqu’ici à échanger sur des angoisses très primaires, très personnelles. La difficulté pour le couple qui vit ce décalage est de ne pas pouvoir partager, car ça ne correspond pas à la façon dont le couple s’est construit. Ils sont davantage dans un modèle où on se protège l’un l’autre, mais aujourd’hui nous vivons en huis clos et l’échange à l’extérieur est mis à mal. Généralement ces angoisses sont liquidées, évacuées ou transformées dans un ailleurs qui aujourd’hui est inaccessible, et cela peut devenir un point de difficulté pour le couple.  

 Une autre difficulté peut être l’écart important au niveau du maintien de la vie professionnelle de chacun. Certains ont énormément de travail et d’autres au contraire voient leur activité diminuer voire disparaître. La réalité de chacun devient très différente, alors qu’en apparence elle peut sembler très proche… tous deux confinés dans le même lieu, partageant les mêmes repas.

Cette période est particulière aussi pour ceux qui cloisonnent beaucoup leur vie professionnelle, ne partageant que très peu ce qu’il peut s’y passer. Souvent le partenaire ne sait pas réellement ce que vit l’autre au travail. Et là, tout d’un coup, les frontières sont moins importantes ! Pour certains, ce nouveau partage sera très anxiogène car ils ont besoin d’avoir leur jardin secret, et le travail peut être ce lieu-là. Un lieu où chacun va pouvoir montrer quelque chose d’autre de lui car la personne que nous sommes dans notre vie intime ne nous définit pas complètement. Pour eux, il est important de maintenir certaines facettes cachées ou inconnues de l’autre, et la disparition brutale des frontières peut être une source de stress.


Par ailleurs, je retrouve souvent dans mes consultations un décalage entre celui qui habituellement se ressource à l’intérieur, et l’autre qui se ressource à l’extérieur (amis, travail, sport, sortie…). Comment se réguler alors quand ces espaces tampons ont disparu ?

 

Est-ce que certains tirent profit de ce confinement ?

 

Oui ! Certains vivent au contraire un réel rapprochement, car les vies sont débordées habituellement. Le couple parisien classique, qui avait tendance à “se rater”, se retrouve finalement à partager des repas, à se regarder et se parler autrement. Ce sont des partages de moments très simples, mais qui font renouer le lien. Pour ces personnes-là, le confinement est extrêmement bénéfique, leur permettant d’expérimenter des choses nouvelles qu’ils pourront, je l’espère, pérenniser dans leur vie post-confinement. Cette crise fait émerger chez certains couples des solidarités incroyables, des valeurs communes fortes.

Concernant la question du travail, certains le vivent comme une réelle richesse, un moment qui corrige parfois des fausses représentations du travail de l’autre. On prend conscience de ce que vit l’autre à travers les coups de fil, les visios, le rythme réel d’une journée de travail qui n’était pas forcément imaginé. Ce décalage peut créer des écarts ou rapprocher.

Le confinement fait rentrer dans le monde de l’autre, ce qui peut amener aussi davantage de compassion et de compréhension.
Il peut ramener des points de discussion, d’échange et de débat, permettant de reconstruire du lien autrement. Le travail devient finalement un sujet de partage.  


Pour certains cette période est une richesse, une nouveauté, pour d’autres un stress intense, et pour d’autres encore cela peut alterner. Quel que soit le vécu, j’invite les patients à échanger sur leurs ressentis.

 

Quelles différences pour un couple ayant des enfants ?

 


Le risque est d'être les uns sur les autres, avec une perte de l’espace pour soi et pour le couple.

Cette perte d’espace personnel est encore plus marquée quand il y a des enfants. Les parents doivent soudainement gérer l’école. Ceci s'ajoute donc à la charge de travail habituelle du couple, et doit être réparti dans le couple. C’est une charge mentale et concrète énorme. Les parents doivent s’improviser instituteur, avec une pression de l’école qui envoie parfois énormément de devoirs.

Il doit y avoir une réorganisation individuelle, mais aussi en tant que couple conjugal ET parental, ce qui n’est pas négligeable...  

Quand les deux travaillent et que l’un investissait davantage sa parentalité auparavant, il doit y avoir une nouvelle répartition. C’est un réapprentissage pour l’autre parent autour de sa parentalité, ce qui peut être une richesse et une opportunité. Certains vont découvrir un plaisir en tant que parents, mais d’autres peuvent se sentir incapables, mis en défaut, pas à la hauteur dans cette nouvelle place. Dans cette situation, quand les couples sont déjà en conflit, un des écueils est l’instrumentalisation des enfants. Les enfants peuvent alors être utilisés pour tenter de retrouver une homéostasie dans le couple, car les régulateurs externes que sont le travail, les amis, la famille… n’existent plus actuellement.  


Weppsy propose : Pour les parents en difficulté, Juliette Lachenal de Peppsy propose depuis le début du confinement un accompagnement. C’est un guide de survie, sous la forme de newsletter quotidienne avec des conseils, aides et astuces ! A découvrir !

 

Que conseilles-tu aux couples durant cette période ?  

 

Dans ce temps de confinement, l’espace conjugal disparaît et cela est très difficile à gérer.

Face à cette problématique, mais aussi pour les couples sans enfant, je propose aux couples de se donner rendez-vous car le rythme est soutenu et le risque est de s’éloigner. Cela peut être particulièrement vrai en région parisienne, où l’espace privilégié du couple est souvent à l'extérieur : faire un cinéma, aller au théâtre, dîner au restaurant. Comment redonner à l’intérieur, au couple conjugal, ce qui était habituellement à l'extérieur ? C’est un vrai défi.  

Quels challenges peut-on se donner à deux ? Tentez de trouver quelque chose d’interactif, qui génère de la complicité.  

Je pense qu’il est également indispensable de trouver du temps pour soi, seul.

Souvent nos temps pour nous, ce sont nos déplacements, les temps de transport, les temps à l'extérieur. Ils sont des temps de pause, de réflexion, des petits moments de “bulle”. Aujourd’hui, chacun doit oser dire quand il a besoin d’avoir du temps pour lui. Cela ne veut pas dire “Je ne veux pas passer du temps avec toi” mais plutôt “Je n’ai pas encore eu mon temps pour moi, et il est essentiel”. On peut déjeuner seul de temps en temps si besoin, par exemple, même si tout le monde est à la maison.

 Le couple est un équilibre entre sentiment d’appartenance et individuation. C’est une danse en permanence entre les deux. L’espace de l’individuation est aujourd’hui menacée, ainsi chacun doit à sa manière le créer.
Chacun doit pouvoir exprimer ce dont il a besoin, et pour cela je trouve que la CNV, la communication non violente, est un excellent outil à proposer aux couples. Je la décrirai dans les outils pratiques proposés à la fin de l’article.

 


Tu travailles avec le modèle trigénérationnel, peux-tu nous expliquer en quoi ça consiste et l’éclairage qu’il peut nous donner en ce moment ?


Oui je travaille beaucoup avec ce modèle, et j’utilise souvent une image pour expliquer cela au couple. Chacun arrive dans le couple avec sa valise : son passé, son vécu avec sa famille d’origine. Le couple doit alors se poser plusieurs questions : crée-t-on une valise commune ? Dans ce cas, de quoi se sépare-t-on ? Souhaite-t-on garder deux valises distinctes ? C’est possible aussi, et dans ce cas ces personnes restent très peu différenciées de leur famille d’origine. Je vois cela poser problème aujourd’hui chez certains couples qui se retrouvent confinés dans la famille d’origine d’un des membres du couple. Le couple peut alors se retrouver dans la chambre datant de l’enfance de l’un. Ce n’est pas anodin pour eux, de se retrouver alors en position infantile. Les places et les rôles de chacun bougent. Comment se repositionner en tant que couple adulte ? Cette question vient attirer vers la surface le niveau de différenciation d’avec la famille d’origine. On doit protéger l’enveloppe couple pour que cette période puisse plutôt créer un rapprochement transgénérationnel que des conflits. Ceux qui sont mal différenciés d’avec leur famille d’origine risque de voir se potentialiser les problèmes de couple.

Et je trouve que ceux qui ont fait le choix conscient, même si c’était difficile car cela signifiait avoir moins de place, moins de contacts variés, de ne pas aller dans leurs familles reconnaissent que ce choix peut réellement consolider quelque chose de l’enveloppe couple. Cette décision peut avoir des effets thérapeutiques, en aidant à marquer cette différenciation.

 

 

Quelques outils concrets pour les couples, proposés par weppsy et Christelle Goldner:

 

Un exercice d’écoute


Un premier exercice, qui peut sembler simple mais qui est très puissant, est un exercice d’écoute. On propose que chaque personne parle à tour de rôle, pour 5 minutes de façon ininterrompue au sujet de son ressenti en ce moment, ses difficultés, ou tout simplement ce qu’il souhaite partager. L’autre ne réagit pas, ne juge pas, ne répond pas mais écoute simplement. Lorsque le premier a terminé, c’est à l’autre de partager ce qu’il ressent, ce qu’il traverse. Nous prenons rarement le temps de nous écouter “jusqu’au bout” comme ça, et c’est pourtant que dans ces moments-là que l’on prend réellement conscience, en profondeur, de ce que l’autre est en train de vivre. Christelle Goldner propose également de faire cet exercice en proposant un temps d’expression de 15 minutes. En partant des sensations du corps (ex : « je sens mon dos tendu, mes jambes légères… ») pour se connecter davantage au cœur. Dans ce cas, la personne qui parle est allongée, la tête sur les genoux de l’autre, qui est assis en tailleur. Celui qui est assis écoute, a les mains sur les épaules avec celui qui partage. C’est un réel exercice de connexion, de complicité et de bienveillance. L’idée étant de toujours alterner, que chacun à chaque session puisse s’exprimer.


La Communication Non Violente : comment exprimer son ressenti sans blesser l’autre ?


En effet, la CNV, proposée par Marshall Rosenberg, auteur du livre habilement appelé «Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs», propose quelques étapes clés pour exprimer un besoin sans que l’autre se sente attaqué:

  • Je parle uniquement des faits. J’évite les “toujours, jamais”.  

  • Je parle en “je”. J’évite de blâmer, de dire “tu”. Je prends la responsabilité de ce que je suis en train de dire. Quelqu’un d’autre aurait peut-être pensé au ressenti autre chose face à cette situation.

  • Je parle de mon ressenti. Je mets des mots sur mes émotions.

  • J’exprime mes besoins

  • Je trouve avec l’autre, à qui j’aurai également demandé de partager son ressenti, un compromis, une voie d’amélioration.

 

Cela peut paraître simple, mais personne ne le fait spontanément !


Les 4 cavaliers de l’apocalypse : quels éléments bannir de la communication dans le couple ?


Gottman, célèbre thérapeute de couple américain, propose la CNV lorsqu’il évoque sa théorie sur les 4 cavaliers de l'apocalypse. Après des décennies d’études, il dit aujourd’hui être capable de prédire, avec 90% de justesse, si un couple va rester ensemble ou non. Comment ? Le repérage de ces 4 cavaliers dans le discours du couple : la critique, le mépris, la contre-attaque et l’évitement. Il est donc intéressant d’en faire le repérage, notamment durant le confinement. Mais rassurez-vous, il y a des “antidotes” pour chacune de ces façons de communiquer. Pour approfondir cela, lisez cet article : https://medium.com/@roche.nicolas38/les-tueurs-de-couples-les-4-cavaliers-de-lapocalypse-9515fbf19c9b 

Gottman explique dans une conférence TED que pour qu’un couple fonctionne bien et soit stable, il faut idéalement un ratio d’environ 5 émotions positives pour 1 négative lorsqu’on fait le bilan des interactions. On comprend donc la nécessité d’apaiser au maximum la façon de communiquer, et d’essayer d’installer durablement “le calme, la confiance et l’engagement”: https://www.ted.com/talks/john_gottman_the_science_of_love 

 

Les langages d’amour : comment remplir le réservoir d’amour de mon partenaire ?


Gary Chapman, auteur et conseiller conjugal américain, propose également une théorie et un exercice intéressants. Il explique que nous avons tous un langage d’amour de prédilection, qui remplit notre “réservoir” (un peu comme une voiture doit avoir son essence spécifique !). Il existe 5 langages :  

  • Les paroles valorisantes

  • les moments de qualité

  • les cadeaux

  • les services rendus

  • le toucher physique

 

Les couples ont tendance à “se rater” un peu sur cette question-là. Pourquoi ? Parce nous donnons généralement ce que nous aimons recevoir, alors que l’autre a peut-être des besoins tout autres. Surveillez le réservoir d’amour de notre partenaire, surtout en temps de confinement, est essentiel donc weppsy vous encourage à faire le test ! 

En français : https://test.psychologies.com/tests-couple/tests-amour/quel-est-votre-langage-amoureux 

En anglais, sur le site de Chapman: https://www.5lovelanguages.com/quizzes/ 

Faites-en un jeu. Remplissez le test en parallèle et essayez de deviner le classement des langages d’amour chez votre partenaire.  

 

Le coaching Peppsy : Guide de survie pour une famille en confinement


Et enfin, pour les couples ayant des enfants, je pense qu’il est essentiel de faire un planning . Ainsi chacun se sentira respecté dans le temps qu’il a imaginé qu’il allait avoir pour lui, pour son travail, etc... Juliette Lachenal, de Peppsy, propose justement cet outil, parmi tant d’autres, dans son guide de survie pour les familles en confinement. Retrouvez cela ici : https://www.mon-coaching-peppsy.com/mag/parentalite/mon-plan-daction 

 

Mais surtout, surtout, j’invite les couples à ne pas se mettre la pression. Essayez de ne pas vous mettre des challenges du type “ça passe ou ça casse” ! Ce n’est pas une mise à l’épreuve. Donnez-vous le temps d’attendre.

Il y aura aussi le temps de l’après, de l’assimilation de ce confinement. Ce sont des bouleversements individuels, de couple, de famille et donc il y a ce qui se passe sur le moment et dans l’après-coup. Et c’est en ça qu’il est essentiel de se laisser le temps, car ce confinement aura aussi des effets, positifs ou négatifs, bien après sa fin.


Christelle Goldner

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Interview réalisée par Laetitia Ribeyre, responsable de la coordination du blog et psychologue clinicienne.

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Episode 10 - Challenge confinement & weppsy - Non-confinement : quelles conséquences psychologiques ? Partager

de Nanteuil, Psychologue clinicienne)

par Yolaine de Nanteuil, Psychologue clinicienne
le 2020-04-08

Episode 10 - Challenge confinement & weppsy - Non-confinement : quelles conséquences psychologiques ?

« Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu’avec leur aide il est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier. Ils le savent bien, et c’est ce qui explique une bonne part de leur agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse. Et maintenant, il y a lieu d’attendre que l’autre des deux « puissances célestes », L’Eros éternel, tente un effort afin de s’affirmer dans la lutte qu’il mène contre son adversaire non moins immortel »


Cette phrase de Freud, tirée de son œuvre Malaise dans la civilisation (1929), semble prendre tout son sens aujourd’hui.

En effet, depuis le 17 Mars 2020, nombreuses sont les exhortations : « Je sauve des vies, je reste chez moi ». L’intention paraît noble. Et ainsi « désobéissent » à ces injonctions au demeurant bienveillantes ceux qui ne peuvent procéder autrement…  


Un questionnement se profile donc : que suscitent ces sorties chez les personnes dont le travail nécessite de se rendre au sein d’une institution ou d’une entreprise ? Quelle réalité vivent ceux qui semblent évoluer à contretemps du reste de la population « confinée » ?


Alors que jusqu’ici, « l’enfermé » était celui qui vivait en marge de la société, il semblerait que certains événements – en l’occurrence une pandémie mondiale – viennent déranger l’ordre préétabli.

Dans son article sur L'enfermement, Bernard Guiter évoque en effet l’idée que « le névrosé s’enferme du lit au fauteuil et du fauteuil au lit, il réduit ses trajets, il évite les gens ».

Il est intéressant de constater que la norme actuelle consiste justement en une limitation de tout contact extérieur, offrant ainsi à « l’enfermé » le statut d’être responsable, doté de raison.

Mais d’après Guiter, tout n’est qu’affaire d’enfermement dans l’univers de la déraison. Combien de temps le sujet va-t-il supporter le confinement avant de redevenir « le névrosé » ?

Celui qui sort délibérément serait actuellement « le fou », l’inconscient, aux prises avec ses mécanismes de défense : déni, clivage… Se heurtant à la lutte entre Eros et Thanatos ; la pulsion de vie et la pulsion de mort. Celle qui pousse vers l’extérieur, vers le monde, et celle qui tend à voir que ce même extérieur peut s’avérer contaminant, donc potentiellement mortel.


Qu’en est-il alors de celui qui sort pour aller travailler ?



Le retour de quelques professionnels soumis à ce non-confinement peut faire saisir combien ces sorties, aussi libératrices puissent-elles être (principe de plaisir), sont avant tout particulièrement anxiogènes (principe de réalité).

  • Libératrices car il est indéniable que la pensée même de se savoir « non-enfermé » laisse d’ores et déjà, consciemment ou non, une sensation de liberté. L’idée d’une possibilité « autre ». De contacts humains en dehors du foyer. Masqués, gantés, éloignés, mais une perspective de contact.
  • Anxiogènes en plusieurs points.

Tout d’abord, un sentiment d’irréalité a pu être rapporté par divers témoins, assez semblable à celui ayant suivi les vagues d’attentats ces dernières années. La vie a disparu de la vie, elle se cache, se confine entre les murs. On la devine sans la percevoir. La ville est silencieuse.

Anxiogène du fait des potentielles contaminations, corollaires au nombre de sorties. Cette anxiété s’habille alors de culpabilité face à ce virus que l’on peut ramener au domicile. Le sujet devient objet ; objet-navette, objet-contaminant/contaminé entre un extérieur souillé et un chez-soi confiné, protégé. En ce sens, le « sortant » vit à contre-courant et prend le risque d’infecter ceux qui restent enfermés.

Anxiogène du fait de l’infantilisation, malheureuse et nécessaire, de devoir penser à son attestation. Remplir, signer, faire tamponner, rendre des comptes, être puni – ou pas. Comme un goût d’école primaire.

On retrouve également une anxiété liée à l’environnement professionnel. A l’annonce du confinement, comme pour la plupart crises émergentes, la pensée s’est d’abord figée. Puis les instances se sont désorganisées, les incertitudes ont fleuri et les injonctions paradoxales se sont, de ce fait, multipliées.

Depuis ce jour, la vie s’est structurée. Les équipes sont réduites, chacun porte un masque, les gestes barrières doivent être respectés, on se parle à travers une vitre… Ces éléments, bien que protecteurs au demeurant, participent activement de l’anxiété résiduelle évoquée par les hôtes de caisse, secrétaires, professionnels hospitaliers…


Enfin, ces sorties sont, pour les professions liées au domaine médico-social empreintes d’une ambivalence et à nouveau de culpabilité, mises en exergue ici à travers les mots d’un collègue : « Je pars soigner, mais pas tout à fait. Pas comme il faudrait. Je sors sous le regard des gens dont certains pensent, me voyant rentrer dans un hôpital, que je suis le soignant qui prend des risques. En fait, je suis derrière mon téléphone à appeler les patients confinés. Alors j’aide à mon échelle, mais cela justifie-t-il de sortir de chez moi et de risquer de contaminer mes enfants ? ».


Il semblerait donc que tant qu’elles sont imposées, ces sorties revêtent une anxiété particulière, tantôt doublée de culpabilité, tantôt teintée d’angoisse.

Si le sujet reste libre de choisir de sortir, il le fera sans anxiété.

S’il est libre de choisir de travailler, l’anxiété probable sera supportée et le sens sera préservé.

Si enfin la liberté d’un individu se voit contrainte et qu’on l’exhorte à quitter son foyer confiné, alors, on pourra assister à une perte de sens générant une anxiété plus marquée.

Le confinement – ou le non-confinement – viennent donc soulever, entre autres, les questions de la liberté, mais également de l’identité et de la responsabilité… Sans doute est-ce là ce qui le rend si discuté.


Face à ces nombreux questionnements, comment faire pour vivre au mieux ce fameux décalage ?

 

- Se dire que ce dernier n’existe pas nécessairement. D’aucuns s’exposent pour le bien-être de tous, sortent soigner les malades du COVID-19, vendre des produits alimentaires ou œuvrer pour le bon fonctionnement de la société… Et certains se confinent pour éradiquer le virus. Au fond, quelle que soit sa tache, tout un chacun participe, à sa hauteur, à l’effort commun.

 

- De nombreuses plateformes gratuites se sont créées pour apporter un soutien psychologique ou une écoute à ceux qui le souhaiteraient. N’hésitons pas à demander de l’aide. Certaines lignes sont spécialement dédiées aux soignants, d’autres à la population plus « générale ». Nul n’est égal face à la crise. Chacun vit la situation au regard de son vécu, de ses problématiques… Alors osons appeler.



Yolaine de Nanteuil

Sa fiche sur weppsy



Sources


Freud, S., Malaise dans la civilisation (1929), Paris, Presses Universitaires de France, 1971, p.107, l. 19-32.

- Guiter, B. (2001). L'enfermement. VST - Vie sociale et traitements, no 69(1), 25-28. doi:10.3917/vst.069.0025.





Episode 9 - Challenge confinement & weppsy - Pas d'obsèques en période de confinement : quelles conséquences ? Partager

Marchand, Psychologue clinicienne)

par Priscille Marchand, Psychologue clinicienne
le 2020-04-07

Episode 9 - Challenge confinement & weppsy - Pas d'obsèques en période de confinement : quelles conséquences ?

« On ne connaît aucune société, sauf en période de grand traumatisme (guerre, famine, grande endémie), qui n’entoure pas ses morts d’un cérémonial, si élémentaire soit-il » (L.-V. Thomas, 1985).

Le 16 Mars 2020, le gouvernement annonce que les rassemblements de plus de 20 personnes sont interdits. Le Premier Ministre, Edouard Philippe, précise avec regret que cela concerne également les funérailles. Certains proches des défunts ne pourront alors pas assister aux cérémonies. En quoi cette mesure est-elle si pénible à dire et à entendre ? De quoi sommes-nous privés ?


  • Utilité du rite funéraire


Un rite est un ensemble de règles qui définit une cérémonie, c’est-à-dire une célébration reconnue par un groupe social. Il rythme une société, donne des règles, des perspectives. C’est un « instrument d’ordre social » (Offenstadt, 1998), une marque d’appartenance. Au sein de notre société occidentale, nous observons surtout des rites de passage : la naissance (baptême, circoncision…etc.), la fécondité (fiançailles, mariage…etc.), la mort (enterrement, crémation…etc.).

Ces rites existent depuis toujours, sous différentes formes et dans toutes les civilisations. Ils semblent fonder et maintenir une société : nous en avons hérité de nos ancêtres, et les transmettrons. Ils perdurent et maintiennent une continuité dans le temps. Ils permettent le sentiment d’appartenance à un grand collectif – l’espèce humaine – et à un plus petit collectif, la société. Penchons-nous un peu plus précisément sur la fonction du rite funéraire.

Le rite funéraire permet de s’occuper du défunt, mais aussi, et surtout, des vivants.

Il permet de donner un sens à la disparition, une finalité au défunt (le Ciel, par exemple). C’est accompagner le défunt jusqu’au bout de son destin. Cela permet la continuité du lien : je te suis jusqu’au bout, toi, avec qui j’ai un lien particulier.

La mort est le point ultime de distanciation, de séparation et oblige à considérer ce qui lie au défunt et à se repositionner face à la solitude. Comment maintenir le lien avec quelqu’un qui n’est plus et continuer d’exister malgré l’absence de ce regard ? Le rite funéraire répond à cela en faisant appel aux souvenirs, et en permettant le partage et l’intégration de ceux-ci. Le travail de deuil consiste en la reconnaissance de l’expérience passée comme étant passée, en l’investissement de l’énergie dirigée dans la relation au défunt vers de nouveaux liens. Cela supporte le présent et engage dans le projet futur.

Le rite, organisé pour une personne, confirme la valeur de chacun en tant qu’individu singulier ; au travers du rite funéraire, on le reconnaît comme unique et temporel. Rien de plus glaçant et déshumanisant qu’une fosse où on jetterait les corps sans les nommer, les reconnaître et les accompagner individuellement (nous le savons d’expérience). En cela, les vivants sont assurés de la place du défunt dans le groupe et par là même, sont assurés de leur propre place. Le rite permet donc de confirmer les liens sociaux, la place de chacun dans cet ensemble, et de maintenir la structure du groupe, les relations. Le rite funéraire acte la continuité du collectif et de l’individu.


  • Privés de rite, privés de corps


Toute la particularité du deuil en cette période de confinement réside dans l’impossibilité de réaliser deux éléments essentiels du rite funéraire : se rassembler autour d’un corps et prendre conscience ensemble de la perte concrète.

Mlle M. est privée du corps de l’être aimé et donc de la réalité de la perte. Mme D, qui a perdu son époux, confiné en EHPAD depuis 1 mois témoigne un certain malaise : « ça fait quatre semaines que je ne l’ai pas vu, c’est très bizarre comme sensation… C’est comme si rien n’avait changé ». Mme D. exprime une difficulté à croire au décès de son époux, cela lui paraît irréel. Mme D. a besoin de concret – heureusement, elle pourra assister aux obsèques de son mari, mais ce n’est pas le cas des autres membres de la famille.

 

Ce besoin fait écho aux propos d’Yves Lamoureux : « la rencontre autour du corps du défunt concrétise la perte » (2002). Il précise que cela protège du danger du déni, qui, si c’est une phase normale du deuil, doit laisser place à d’autres ressentis.
Voir le corps du défunt, tout au moins le cercueil, ou voir les effets sur les autres personnes touchées, est une étape essentielle dans le travail de deuil.

Aussi, toutes deux expriment la difficulté de ne pas pouvoir se rassembler, être avec les autres : « Je voudrais voir ce que les autres vivent, et je voudrais écouter les souvenirs des autres et raconter les miens… Que l’on se souvienne d’elle ensemble » (Mlle M.). On peut créer des rites symboliques (allumer une bougie chez soi, chanter une chanson qui rappelle l’être aimé, écrire, faire une minute de silence…), mais, dans cette situation, nous sommes privés du rassemblement qui permet la continuité des liens, le sentiment d’appartenance et le sentiment de soi. Ces éléments risquent de fragiliser le processus de deuil.


  • Il faut bien le vivre malgré tout…


« Chaque perte est personnelle et ne peut être comparée à nulle autre ; vous seul savez ce que vous avez perdu » (Kübler-Ross, 2011). Il n’y a pas de recette, pas de ligne à suivre, notre système nerveux est programmé pour vivre cela, il sait quel chemin il a besoin d’emprunter pour se réorganiser. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous renvoie vers l’épisode 1 du challenge confinement & weppsy, sur le deuil : cliquez ici pour le consulter.

Pour pallier les privations, ne restez pas seul et parlez-en ! Restez en lien avec vos proches, vos amis. Comme vous l’auriez fait dans un contexte normal. Les nouvelles technologies sont une véritable ressource pour communiquer, le confinement ne nous isolera pas complètement ! Il est facile d’envoyer des photos, possible de communiquer en visioconférence à plusieurs… Et, comme Mme D., reportez le rassemblement lorsque les circonstances le permettront, planifiez une commémoration. Projeter cet évènement dans l’avenir peut répondre en partie à vos besoins.

Si cependant vous vous sentez débordé, que vous souhaitez en parler à quelqu’un d’autre qu’un proche, vous pouvez consulter un psychothérapeute.



Priscille Marchand 

Pour vous aider : un document sur le deuil durant le Covid-19 réalise par la CUMP est consultable ici

Episode 8 - Challenge confinement & weppsy - C'est noté pour la gratitude, mais là je suis débordé par mes émotions ! Que faire ? Partager

et Laetitia Ribeyre, Psychologues cliniciennes)

par Aude Mouton et Laetitia Ribeyre, Psychologues cliniciennes
le 2020-04-03

Episode 8 - Challenge confinement & weppsy - C'est noté pour la gratitude, mais là je suis débordé par mes émotions ! Que faire ?

Récemment, nous vous avons présenté sur weppsy un article sur la gratitude, qui reprend et encourage la capacité de chacun à trouver du positif dans cette période où nous avons perdu nos repères. Trouver du positif n'exclut pas la présence actuelle d’émotions de différentes natures. La gestion de ces émotions n’est pas toujours simple, nous en témoignons dans nos consultations (en visio bien évidemment!): nos patients souffrent, sont perdus, culpabilisent, stressent.


Nous souhaitons ainsi vous proposer quelques outils pour traverser la tempête, au début de cette deuxième quinzaine.



Quand une émotion survient, je fais quoi ?




Dans le contexte actuel, nous pouvons éprouver des émotions intenses et nouvelles qui nous déstabilisent. Cet article vous permettra de commencer le travail, parfois difficile, d’écoute et d’acceptation de celles-ci.

L’éducation occidentale traditionnelle demande généralement à l’enfant de faire cesser les comportements qu’il met en place lorsqu’il est submergé par ses émotions. Il n’a pas toujours le droit d’être en colère ou d’avoir peur, ou encore d’exprimer un désir clairement, par un comportement qu’il apprendrait avec la maturité à moduler. Aujourd’hui, en tant que psychologues, nous travaillons beaucoup avec des adultes qui sont en difficulté face à ces émotions qui remontent et dont il apparaît comme difficile de se défaire. Travailler avec, les comprendre et les accepter, peut s’avérer être un véritable challenge.

La première chose qu’il semble importante à comprendre est qu’une émotion est valide, quelle qu’elle soit.


On peut considérer l’émotion comme l’expression naturelle, instinctive d’un besoin. Une émotion apparaît lorsqu’il y a une différence significative entre ce que je voudrais et ce qui est en train de se dérouler.

-   Je voudrais qu’on me respecte, et ce n’est pas le cas : je ressens de la colère

-   Je voudrais toujours pouvoir parler à cette personne que j’aime mais elle est décédée ou elle m’a quitté : je suis triste

Cette vidéo peut vous aider à mieux comprendre : https://www.youtube.com/watch?v=_DakEvdZWLk




Mais en fait, c’est quoi une émotion ?




Aude Mouton, comme d’autres psychologues de notre réseau d’anciens de L’EPP, a voulu apporter une contribution à cet effort global. Ils tentent de donner des réponses concrètes aux personnes qui souffrent de cette situation. Dans son Facebook Live sur la gestion des émotions, elle utilise un image très intéressante: celle du messager.

Une émotion est un message. Imaginez un messager qui tient une lettre et veut vous transmettre une information. C’est une information qui vient vous dire qu’il y a quelque chose dans votre vie qui ne correspond pas à vos désirs ou vos besoins. Si vous n’ouvrez pas la porte à ce messager, il va rester dans votre jardin et frapper à votre porte toutes les cinq minutes, et donc beaucoup vous embêter. Si vous décidez d’ouvrir le message et regardez en face ce que vous ressentez et pourquoi vous le ressentez, un mieux-être apparaît instantanément. Cette expérience a fait l’objet de nombreuses recherches en neurosciences, notamment évoquées dans le livre de Tal Ben Shahar, L’Apprentissage du bonheur.

Mettre son attention cognitive au service de la reconnaissance de son émotion fait diminuer de façon significative l’intensité de la dite emotion.

Nous avons souvent une peur, une fausse croyance : “En écoutant mes émotions, j’irai encore plus mal”. En fait, la réalité biologique et neurologique est tout autre : si on prend le temps de reconnaître une émotion, elle s’apaise naturellement.  


On peut aussi confondre l’émotion et la mise en action de cette émotion. Ce n’est pas parce que je me sens en colère que je vais tout casser et ce n’est pas parce que je me sens triste que je vais passer ma vie dans mon lit (tentant durant le confinement, tout de même !). C’est la balance miraculeuse de notre cortex préfrontal qui entre en jeu: je suis capable de distinguer l’intensité de mon émotion de la réalité concrète. J’écoute cette émotion, je la valide : “je t’ai entendu, j’ai peur, je suis anxieux.”

Le rationnel va maintenant pouvoir faire la part des choses entre ce que je ressens et ce que je décide de mettre en action. Je reste et je resterai toujours maître de moi-même et de mes comportements si j’écoute mon vécu interne. C’est lorsque le dialogue émotionnel-rationnel ne se fait plus que les comportement excessifs apparaissent: quand les mots ne peuvent plus exprimer, le sens du vécu ne se fait pas et on voit apparaître l’agressivité (qui n’est pas la même chose que la colère), la dépression (qui n’est pas la même chose que la tristesse).

Ainsi passer par les mots et la prise de conscience de ce que je ressens me permettra de ne pas être victime d’actions menées sous le coup d’une émotion négative.  

 

Pour faire simple : une émotion est naturelle et son apparition n’est pas du domaine de notre volonté. Ecouter et valider ce que l’on ressent nous permet dans un deuxième temps de rationaliser et gérer au mieux nos comportements par rapport à cette émotion dont l’intensité diminuera naturellement. Cette compétence est ce qu’on appelle la gestion ou la régulation émotionnelle. La développer permettra une valorisation de l’estime de soi qui ne sera plus entachée par des comportements mus par ces émotions négatives.



Accepter mes émotions = éviter la “sur-souffrance”



Ceci peut vous paraître simple, mais c’est efficace. En effet, deux mécanismes nous font souffrir:


Le premier, évoqué précédemment par Aude, est la non acceptation de la survenue de l’émotion. Je nie son existence, je repousse le messager donc il s’impatiente et prend de plus en plus de place.


Le deuxième mécanisme qui fait souffrir est le commentaire souvent peu bienveillant que l’on peut avoir vis à vis de cette émotion une fois qu’on en prend conscience.
Ce “commentaire”, c’est ce que l’on appelle la métacognition (nos pensées au sujet de nos pensées) ou le méta-émotionnel (nos émotions par rapport à nos émotions). Par exemple, je peux ressentir du stress en lien avec le confinement et la nouvelle gestion de la famille. Mais si face à ce stress je me dis : “Mais tu es nulle de ressentir ce stress, comment ça se fait que tu n’arrives pas à gérer ? C’est n’importe quoi, et puis ça va durer encore 1 mois, ma grande !”, les choses peuvent sérieusement se complexifier.

Vous pouvez dès à présent prendre l’habitude de vous dire : “J’ai le droit de ressentir la colère/la tristesse/…”. Il s’agit d’émotions aussi naturelles et légitimes que la joie ou la surprise.. J’ai le droit de me sentir fatiguée, d’avoir peur, ou encore d'être inquiet.


La méditation en pleine conscience nous permet aussi d’entretenir un rapport plus apaisé avec nos pensées et nos émotions et ne pas se sentir happées par elles. Et c’est bien nécessaire en ce moment ! De nombreuses études montrent que l’acceptation inconditionnelle de nos émotions fait baisser le sentiment de souffrance.

Petit conseil ! Toujours se demander: Je ferais ce même commentaire désagréable à mon meilleur ami s’il ressentait la même chose ? Si la réponse est non, c’est que vous manquez de bienveillance envers vous-même, et il faut y faire très attention.



Comment aborder différemment la question du stress ?



Tout d’abord, nous voyons souvent nos émotions négatives comme des ennemis. Je suis angoissée ? Je veux que cette émotion disparaisse, tout de suite ! Mais il faut comprendre que chacune de nos émotions sont adaptatives, elles ont un sens comme le disait très justement Aude Mouton dans son live. Le message émotionnel est donc essentiel à écouter. Cette angoisse vient me signifier que quelque chose ne va pas, que j’ai un besoin qui n’est pas assouvi. Les émotions sont des guides, des sources de créativité et de bien-être.


Kelly McGonigal reconnaît qu’elle a enseigné une idée pendant longtemps en laquelle elle ne croit plus: le stress est mauvais, rend malade, augmente les risques pour toutes les maladies. Mais en réalité, le stress peut être un allié. Il devient un problème si on est persuadés qu’il est mauvais pour notre santé. L’étude qui a changé son avis sur la question (comprenant 300 000 américains durant 8 ans, quand même !) prouve que le stress devient un problème si, et seulement si, on est persuadé qu’il est mauvais pour notre santé. Il peut donc être bénéfique si on l’utilise à bon escient. Il faut donc changer notre avis sur le stress pour en avoir les bénéfices physiologiques !


Pour regarder la conférence TED de Kelly McGonigal : https://www.ted.com/talks/kelly_mcgonigal_how_to_make_stress_your_friend


Elle a d’ailleurs dédié un livre intéressant à cette idée que le stress peut avoir des effets positifs. En effet, elle explique qu’il peut :

  • stimuler la production de neurones et ainsi améliorer la performance

  • améliorer le système immunitaire (si ce sont de courts moments de stress!)

  • améliorer l’apprentissage et la mémoire

  • vous rendre plus sociable

Je vous invite à lire cet article : https://ideas.ted.com/7-ways-stress-does-your-mind-and-body-good/ 




J’ai besoin de quelques outils concrets ! A l’aide !  


  • Un programme coaching de gestion de stress : Juliette Lachenal et son exceptionnel équipe Peppsy ont débloqué un programme sur le stress qui peut vous plaire et vous aider. Cliquez ici pour vous inscrire !

  • Les Facebook Live d’Aude Mouton, qui a abordé la gestion des émotions en première semaine et qui abordera de nombreux autres sujets. Lundi/Mardi en français, Jeudi/vendredi en anglais

  • Episode exceptionnel de Change ma vie (podcast) + celui sur l’inquiétude

Episode 7 - Challenge confinement & weppsy - Vivre une crise à l'ère du smartphone : 3 gestes clés Partager

Cappe de Baillon, Psychologue et coach en orientation)

par Sophie Cappe de Baillon, Psychologue et coach en orientation
le 2020-04-01

Episode 7 - Challenge confinement & weppsy - Vivre une crise à l'ère du smartphone : 3 gestes clés

47 notifications Whatsapp; 17 notifications Facebook. C’est en moyenne le nombre de notifications que j’ai au réveil depuis 10 jours maintenant. Je vous épargne celles d’Instagram et je ne suis pas sur Twitter.

Dans ces messages, il y a de tout : l’avis de l’oncle de la belle famille de mon frère sur la durée du confinement, la meilleure blague sur les réserves de papier toilette, un appel à applaudir les soignants à 20h, des conseils pour fabriquer un masque home-made ou encore les conseils d’un médecin anonyme pour s'auto-diagnostiquer. Plutôt léger et encourageant ? Oui, sauf qu’au milieu de tout ça il y a aussi le témoignage d’un médecin urgentiste italien qui raconte les choix éthiques qu’il fait dans un couloir, un article sur le nombre de décès en une journée en Chine pendant la crise et des photos de l’armée qui s’installe en ville pour faire respecter le confinement. Boule au ventre et vertige. A côté, il faut gérer l’inquiétude pour soi et pour ses proches exposés; les courses et le rythme à la maison.


Au cours des 30 minutes consacrées à la lecture de ces messages, mes réactions émotionnelles ont été du fou rire à la bouffée d’angoisse. Dans un contexte déjà compliqué, cet ascenseur émotionnel risque d’être de plus en plus dur à gérer. Alors, comment développer une juste distance avec l’actualité et les réseaux sociaux dans cette période ?


Voici ce que je vous propose dans cet article :


  • Pourquoi les réseaux sociaux nous attirent autant ?
  • Comment adopter une juste attitude face à l’actualité ?
  • 3 gestes pour protéger sa santé psychique face au smartphone  



 Pourquoi les réseaux sociaux nous attirent autant ?


Quel que soit le contexte, une application est conçue pour qu’un maximum d’utilisateurs s’y connecte de manière récurrente. Ainsi, nos actions, guidées par les algorithmes, sont conçues pour que nos cerveaux génèrent la molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l’addiction : la dopamine. En d’autres termes, lorsqu’on reçoit des likes ou qu’on en donne, ce stimulus génère un bien-être rapide et immédiat. Ainsi, les réseaux sociaux par leur immédiateté et l’immensité des informations proposées permettent une récompense cognitive avec un investissement cognitif quasiment nul. Alors, si vous avez la sensation d’être addict aux applications de votre smartphone, c’est normal et ce n’est pas de votre faute !


A cette dimension addictive des réseaux sociaux s’ajoute le besoin légitime d’informations sur une situation inédite. D’ailleurs, il a été observé une hausse du trafic sur les sites d’actualités depuis le début de la crise sanitaire. Mais, en soit, qu’est-ce qui différencie l’époque de nos grands-parents écoutant la TSF en temps de guerre et nous devant notre smartphone ? La quantité d’informations et leur immédiateté.
Là où la génération précédente se réunissait une fois par jour pour écouter la radio, on se retrouve chacun devant la page de BFMTV Live à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Depuis notre canapé, on observe en continu l’évolution de la pandémie en France et dans chaque pays du monde. Vertigineux ! Mais du coup on fait comment, on se coupe du monde en fuyant les réseaux sociaux et l’actualité ? Non, ça serait trop facile...


 Comment adopter une juste attitude face à l’actualité ?


Il est essentiel de comprendre la réalité de la situation et son niveau de gravité. C’est d’ailleurs en intégrant le niveau de dangerosité d’une situation qu’on peut agir pour s’en protéger. Il serait impossible de s’appliquer les contraintes du confinement si on ne savait pas que ça sauve des vies !
Les réseaux sociaux nous permettent aussi d’être en lien avec nos proches et de soutenir de magnifiques initiatives. C’est une fenêtre sur le monde qui nous sort du quotidien et où la solidarité fleurit. Entre les coups de pouce pour trouver un appartement à une infirmière, les soutiens gratuits proposés par les psychologues, la nourriture offerte aux hôpitaux…  


Pour trouver l’équilibre, ce qui importe est de redevenir maître de l’information :

  • Ne plus subir l’information reçue mais aller chercher l’information

  • Choisir le temps qu’on consacre aux réseaux sociaux et à l’information


Choisir les informations, c’est se préparer en amont en cas de mauvaises nouvelles, c’est développer une vision critique pour déceler les fake news et sélectionner les informations à transmettre.

Avant de vous proposer 3 conseils concrets, je vous encourage à chercher des bonnes nouvelles en lien avec le coronavirus. Il y a régulièrement des articles du style “10 faits positifs sur le coronavirus”, foncez dessus car recevoir des pensées positives aide à gérer l’anxiété et le stress !


 3 gestes pour protéger sa santé psychique face au smartphone



Ces conseils simples vont vous permettre de dégager plus de temps libre à votre cerveau et donc plus de temps pour appréhender vos émotions et donc gérer le quotidien.


     1. Désactiver les notifications des réseaux sociaux et des médias


Vous avez déjà entendu des personnes âgées dire en levant les yeux au ciel : “Moi je me fais pas siffler par mon téléphone, hé!”. Ici, l’idée est du même ordre : ne plus aller vers votre téléphone quand il vibre mais quand vous en avez envie !

Concrètement, il s’agit de regarder chacune des applications qui vous envoient des notifications puis de choisir quelles notifications vous souhaitez garder et leur type : une pastille rouge chiffrée est moins invasive qu’un bandeau avec prévisualisation d’un message.
Recommandation spéciale Whatsapp : consultez chacune de vos conversations et interrogez-vous : quelles émotions cette conversation génèrent elles chez moi ? En fonction, mettez-la en silencieux ou non !


     2. Se tenir informé auprès de sources fiables


Pour éviter de propager des fausses informations, renseignez-vous auprès de sources sûres:


     3. Bannir l’utilisation de son téléphone dans son lit


Le plus difficile des 3 conseils en raison des éléments cités ci-dessus mais qui permet à notre cerveau d’avoir du temps libre et donc de mieux assimiler nos émotions. Besoin d’envoyer un message juste avant de se coucher ? Pas de souci mais on le fait debout à côté de son lit ! Pourquoi ? Essayez une fois, vous verrez comme c’est inconfortable et donc beaucoup plus rapide... !

Prenez soin de vous et de votre smartphone !


Sophie Cappe de Baillon

Psychologue & Coach en orientation

Suivez-moi sur Instagram !


Sources : 



-  | Dopamine | ARTE - Youtube, consulté le 20 mars 2020Comment Twitter vous rend accro

-  https://www.blogdumoderateur.com/covid-19-comportement-consommateurs-crise-coronavirus/

-   https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S000344871730197X

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weppsy vous informe également que notre collègue, Juliette Lachenal, a mis en place de nombreuses ressources pour l’addiction au portable sur son site Peppsy.

Vous pouvez regarder gratuitement de courtes vidéos et lire des articles qui vous permettent de faire le point sur la question de l’addiction au téléphone sur son site.

Episode 6 - Challenge confinement & weppsy - La « capacité à être seul » à l’épreuve du confinement Partager

du Bouetiez, Psychologue clinicienne)

par Sophie du Bouetiez, Psychologue clinicienne
le 2020-03-31

Episode 6 - Challenge confinement & weppsy - La « capacité à être seul » à l’épreuve du confinement

 En tant que psychologue, la question du lien social est au cœur de notre réflexion clinique quotidienne. Nombre de nos patients nous sollicitent pour améliorer leur rapport aux Autres. Certains souhaitent comprendre pourquoi ils peinent à tisser des liens durables et épanouissants, d’autres aimeraient pouvoir mieux poser leurs limites face à leurs proches, d’autres encore cherchent à se sentir plus indépendants et à se dégager de l’emprise d’autrui... Autant d’objectifs thérapeutiques que de patients, chaque fois dans la lignée d’un questionnement unique et propre au parcours de vie de chacun.


 Ces axes de réflexion doivent bien sûr s’articuler dans une lecture globale de notre société et de notre époque : pendant la seconde moitié du XXème siècle, la quête d’indépendance a constitué un enjeu majeur dans la lutte pour l’égalité des droits. L’individu est revenu au centre de son existence, la recherche du bonheur individuel et de l’autonomie a été propulsée au premier plan. Ce tournant engagé par notre civilisation a permis l’émancipation identitaire, sociale et matérielle de toute une génération, en réaction aux modèles antérieurs.

 Mais aujourd’hui, cette quête d’autonomie atteint peut-être ses limites : plusieurs études suggèrent que le sentiment de solitude s'accroît de manière exponentielle dans la population depuis une trentaine d’années, et le nombre de personnes vivant seules ne cesse d’augmenter depuis vingt ans. Ainsi, une fois admise la nécessité de pouvoir s’épanouir seul, se pose aujourd’hui la question suivante : comment se réinscrire dans le groupe social sans renoncer à son indépendance ? Comment conjuguer notre besoin de liens socio-affectifs avec celui de l’affirmation de soi et de l’épanouissement individuel ? En consultation, on entend que ce compromis peut être difficile à trouver pour certains patients.

L’expression du sentiment de solitude peut leur apparaître comme une faiblesse, voire une honte : l’injonction à être bien seul étouffe quelquefois la capacité à reconnaître le besoin affectif.
Certains patients expriment même la peur de se trouver « dépendants » d’autrui et donc vulnérables s’ils s’investissent dans une relation affective. Comme si le lien d’attachement, à la fois craint et recherché, venait menacer le sentiment de stabilité personnelle et d’identité. Paradoxe apparemment insoluble !

 Et paradoxe d’autant plus douloureux quand on sait que l’être humain est un animal social : nous ne sommes pas faits pour être seuls, l’isolement prolongé active une détresse chez chacun d’entre nous, même si bien sûr nous n’avons pas tous le même seuil de tolérance à la solitude. Preuve en est, s’il le faut, dans ce contexte de confinement : l’isolement dans la durée exacerbe la souffrance de certains de nos patients, ce qui est tout à fait normal. Mais ce qui m’interroge le plus dans ces circonstances, c’est la réaction de honte et de culpabilité formulée par certains (« J’ai honte de si mal vivre la solitude, car ça signifie que je suis faible, que je n’ai pas de ressources »).

Il est temps de se réconcilier, je crois, avec nos besoins affectifs. Il est absolument normal de mal vivre la solitude, cela n’est en aucun cas un signe de fragilité ou de pathologie.
 De nombreuses études montrent que la solitude prolongée génère chez l’être humain des effets psychologiques douloureux : sensibilité exacerbée aux informations négatives, méfiance, affects anxieux et/ou dépressifs, altération des fonctions cognitives..., et ce quelle que soit la personnalité du sujet (extraverti ou introverti, anxieux ou non), quel que soit le contexte (contexte sérieux ou dérisoire, exclusion sociale intentionnelle ou non). On sait également que le sentiment d’isolement génère une souffrance proche de celle ressentie lorsque nous sommes blessés physiquement, et les manifestations physiologiques observées sont d’ailleurs similaires (augmentation de la pression sanguine, sécrétion de cortisol).

 D’autre part, de nombreuses recherches montrent à bien des niveaux les bienfaits du contact social : le lien à l’Autre provoque une libération d’endorphines qui génère une sensation de bien-être, la difficulté anticipée ressentie face à un obstacle est moindre lorsque l’on est accompagné par une autre personne (à fortiori lorsqu’il s’agit d’un proche), le fait d’être entouré diminue le sentiment de souffrance physique en cas de maladie ou de blessure, il aide à réduire le stress et donc à améliorer le système immunitaire et l’espérance de vie... Tout cela n’est pas si surprenant : le lien social a permis la survie de notre espèce. L’Homme a eu besoin du groupe pour s’adapter et survivre : il a pu ainsi partager ses connaissances et s’associer à ses pairs pour lutter contre les prédateurs, trouver de l’aide en cas de danger et être soigné si nécessaire... Il a appris que l’isolement pouvait être synonyme de danger. Ainsi, la solitude active un réflexe archaïque de peur et de détresse.

 Pas étonnant, donc, que le confinement actuel active un mal-être important chez certains, et surtout chez les personnes isolées présentant une prédisposition à l’anxiété ou à la dépression. Dans nos consultations, et plus précisément dans le contexte actuel de confinement social, je crois donc qu’il est primordial de repenser cette fameuse « capacité à être seul », et de redéfinir avec nos patients les enjeux qui y sont associés.

 

Être capable d’être seul ne veut pas dire être parfaitement heureux sans avoir besoin de personne et s’auto-suffire pour s’épanouir pleinement. La capacité à être seul, c’est accepter d’être seul en présence de l’autre. La différence est radicale.
 On passe de « Je n’ai besoin de personne pour être heureux » à « Je sais que j’ai besoin de l’autre pour être heureux, mais je sais aussi qu’il n’est pas loin et qu’il répondra à mes besoins si je l’appelle : donc je supporte bien de ne pas être en contact direct avec lui et d’investir agréablement une activité solitaire pour une durée limitée ».

 Cette nuance est très bien décrite par Christophe André et Rebecca Shankland dans leur ouvrage « Ces liens qui nous font vivre » : ils y évoquent avec justesse la distinction entre « autonomie » et « indépendance ». C’est cette nuance que nous pouvons travailler en thérapie avec nos patients : visons l’autonomie, c’est-à-dire la capacité fondamentale à mieux se connaître, à affirmer son identité, à savoir fonctionner par et pour soi-même (travailler, gagner sa vie, se nourrir, prendre soin de soi, accepter sereinement et avec plaisir les temps limités de solitude, investir des occupations agréables seul). En revanche, faisons la paix avec la notion de dépendance : acceptons que nous ayons besoin d’être en lien avec les autres, ne serait-ce qu’un minimum, pour être heureux.

 Et on peut absolument faire cohabiter l’autonomie avec les besoins affectifs : en travaillant avec nos patients la capacité à aller vers l’Autre tout en pouvant affirmer leur identité propre, leurs ressentis et leurs besoins. Encourageons-les ainsi à poser leurs limites et à se défendre si l’Autre menace leur intégrité et ne respecte pas leurs valeurs. Et en ces temps de confinement, plus que jamais, renforçons la capacité de nos patients isolés à accepter qu’il est difficile de traverser la solitude, à comprendre cela sans se juger. Aidons-les à se sentir plus légitimes dans leur souffrance et rassurons-les sur le fait que c’est justement cette souffrance qui fait d’eux des êtres sensibles et sociaux. Encourageons-les à accepter et nommer le manque affectif, et à solliciter (virtuellement pour l’instant !) leurs proches pour se sentir compris et soutenus avec bienveillance dans ce qu’ils vivent. Cette épreuve leur permettra peut-être d’ailleurs, une fois le confinement terminé, de mieux partir à la rencontre de leurs besoins affectifs profonds et de se diriger plus sereinement vers des rencontres nouvelles et riches !


Sophie du Bouëtiez

Sa fiche sur weppsy



Sources :

Bohler, S. (2009, novembre 4). Un gène de la solitude. Consulté le 25 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/un-gene-de-la-solitude-10390.php

Bohler, S. (2010, novembre 1). La solitude nuit au cerveau. Consulté le 23 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/science-societe/la-solitude-nuit-au-cerveau-10747.php

Dieguez, S. (2011, mai 14). Frankenstein : le drame de l’exclusion. Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/cognition/frankenstein-le-drame-de-lexclusion-6381.php

Dieguez, S. (2012, janvier 7). Robinson Crusoé, archétype de la solitude. Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/robinson-crusoe-archetype-de-la-solitude- 6607.php

Killam, K. (2020, mars 17). Confinement : comment surmonter la solitude ? Consulté le 26 mars 2020, à l’adresse https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie-sociale/confinement-comment- surmonter-la-solitude-18968.php

Loneliness: Information, Resources and Support | Cigna. (s. d.). Consulté le 27 mars 2020, à l’adresse https://www.cigna.com/about-us/newsroom/studies-and-reports/combatting-loneliness/

Taly, V., Pesneau, A., Nagara, E., Riou-Bourdon, M., Clouët-Coudreuse, M. & Amar, M. (2013). Le développement de la capacité à être seul chez un enfant observé. La psychiatrie de l'enfant, vol. 56(2), 585-601. doi:10.3917/psye.562.0585.



Episode 5 - Challenge confinement & weppsy - "Tout le malheur de l'Homme c'est de ne pas pouvoir rester au repos dans une chambre". - Pascal. Partager

d'Heucqueville, Psychologue du travail)

par Pauline d'Heucqueville, Psychologue du travail
le 2020-03-28

Episode 5 - Challenge confinement & weppsy - "Tout le malheur de l'Homme c'est de ne pas pouvoir rester au repos dans une chambre". - Pascal.

« Quête futile mais désespérée que de supprimer l’incertitude… » 

  Montaigne


Nous avons entendu de nombreux spécialistes début mars qui minimisaient les effets de l’épidémie du coronavirus en mettant en avant les ravages annuels de la grippe saisonnière.

La grippe est une maladie connue et gérée chaque année par les autorités de santé, la pandémie du coronavirus nous a surpris, et c’est cet effet de surprise qui a des effets psychologiques. Non seulement ce virus est inédit, mais il est également difficile à contenir par les plus hautes autorités de santé.


L’incertitude face à l’avenir est vécue comme un problème majeur pour l’être humain qui n’a de cesse de chercher à s’adapter pour conserver l’équilibre de son organisme. Nous cherchons naturellement l’homéostasie. C’est le manque de maîtrise sur les événements qui nous perturbe : Nous n’aimons pas être ignorants, Nous détestons être surpris.


Le fait de ne pas maîtriser les événements va générer chez nous un fort sentiment d’inconfort. Le gouvernement, pour notre sécurité, nous impose de changer notre routine et de remettre en cause nos projets : pendant le confinement, je perds ma liberté d’aller et venir et mon sentiment de sécurité. Nous comprenons les raisons de ces mesures mais la forte demande d’adaptation psychologique qu’elles génèrent rend difficile l’accès à nos ressources internes pour y faire face.


L’effet de surprise de l’annonce de la pandémie puis du confinement est un moment de violence émotionnel très fort : l’épreuve du confinement ou de la quarantaine pour certains mais aussi la crainte de la maladie voire de la mort pour d’autres. Au-delà des contraintes, ce virus nous met devant notre impuissance pour nous maintenir en pleine santé.


Par effet, la peur d’être contaminé et la contrainte du confinement peut faire renaître des souvenirs d’événements traumatiques vécus et ainsi réveiller de l’anxiété, du stress, des symptômes dépressifs. Selon le vécu individuel, le confinement peut réveiller des traumatismes de guerre, des épreuves d’une maladie vécue, un éloignement subi…


« La colère est un acide qui peut faire plus de mal au récipient qu’à celui qui le verse »

  Sénèque


Nous sommes confrontés à la frustration depuis notre plus jeune âge, malheureusement l’expérience ne nous aide pas toujours à la gérer !

En psychologie, elle est décrite comme l’état d'insatisfaction provoqué par le sentiment de n'avoir pu réaliser un désir. Dans le cas du confinement ou de la quarantaine, le désir entravé ici est est celui de la possibilité de jouir d’une liberté fondamentale pour endiguer collectivement un problème de santé. Dans cet unique but, je dois gérer la frustration de ne pas sortir comme je le voudrais, de ne pas participer à des réunions d’amis ou familiales, de mettre en pause mes sorties culturelles, etc.


Le vécu individuel et les ressources perçues par l’individu vont guider notre manière de gérer notre frustration.

Durant le confinement chinois, une enquête réalisée dans plus de 36 provinces révèle que 35% des répondants pendant la quarantaine présentaient un stress psychologique modéré et 5,14% présentaient un stress psychologique sévère.


Plus largement, lorsqu’on étudie les effets des quarantaines, on s’aperçoit que les changements comportementaux prédominants sont la mauvaise humeur et l'irritabilité (73% et 64% des personnes interrogées).


Les études menées sur le sujet montrent que les symptômes s’amoindrissent chez la plupart 4 à 6 mois après la quarantaine.


On peut aisément imaginer que l’irritabilité et la colère, au-delà d’avoir une conséquence sur notre santé, ont des effets néfastes sur la qualité des relations que vous pouvez entretenir avec vos compagnons de confinement… et six semaines c’est long … !



« Ah ! Si c'était un tremblement de terre ! Une bonne secousse et on n'en parle plus... on compte les morts, les vivants, et le tour est joué. Mais cette cochonnerie de maladie ! Même ceux qui ne l'ont pas la portent dans leur cœur. » 

  Camus s’exprimait ainsi à propos de la peste il y a plus d’un demi-siècle.


D’aucuns trouveront pourtant cette citation particulièrement d’actualité. La situation que nous vivons est hors temps, comme un souffle du passé qui viendrait nous rappeler la fragilité de la condition humaine.

L’expérience d’isolement n’est pas évidente surtout parce qu’elle est contrainte et qu’elle vient en totale rupture avec nos modes de vie qui mettent en avant le voyage, la découverte, le bien-être : le mouvement.

La solitude est associée à la tristesse si ce n’est au macabre : on s’isole quand on est tristes et historiquement pour se préparer à la mort.

En ces temps si particuliers, voir l’isolement autrement pourrait presque être un acte citoyen, à l’heure où le personnel médical met sa vie entre parenthèses pour sauver les nôtres.

    Apprenons à "demeurer au repos dans une chambre " !





Pauline d’Heucqueville,

Psychologue, consultante pour le cabinet Stimulus

Sa fiche sur weppsy

.

  1. Richard Lazarus et Susan Folkman, Stress, Appraisal and Coping, 1984

  2.  Louis Crocq, les traumatismes psychiques de guerre, 1999

  3. Dictionnaire de psychologie, Doron et Parot

  4.  The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapid review of evidence. Samantha K brook, Rebecca. K Webster, Louise E Smith, PHD, Lisa Woodland MSc,Simon Wessely, FMed Sci, Neil Greenberg et all, 2020

  5.  The experience of SARS-related stigma at Amoy Gardens, Sing Lee,Lydia Y.Y chan, Ami M Y Chau, Kathleen P.S Kwok, Arthur Kleinman, 2005

  6.  Mental health status of people isolated due to middle east respiratory syndrome, 2016



Episode 4 - Challenge confinement & weppsy - Trop de choix ! Pourquoi cette surabondance de propositions nous paralyse ? Partager

Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle)

par Cécile Pichon, Psychologue et Coach en Transition Professionnelle
le 2020-03-27

Episode 4 - Challenge confinement & weppsy - Trop de choix ! Pourquoi cette surabondance de propositions nous paralyse ?

 Voilà désormais plusieurs jours que vous êtes confinés chez vous. Vous recevez de toutes parts des suggestions d’activités pour mettre à profit cette

période à la maison : sport en ligne, journal de bord, podcasts culturels, idées pour occuper les enfants, recettes de cuisines, activités solidaires… Vous vous êtes enthousiasmés pour toutes ces bonnes idées qui font clairement chaud au cœur, mais au final vous ne savez plus trop où donner de la tête…


 D’un côté, nous sommes tous heureux d’observer la créativité et le positivisme des gens dans une situation de crise telle que nous la traversons. Mais nous nous sentons peut-être un peu tétanisés face à cette multiplication de propositions... Comment choisir, et comment être sûr que tout cela va-t-il vraiment vous aider ?


Pourquoi la multiplication des options nous tétanise : comprendre les mécanismes du choix


 La première chose qui semble ralentir notre capacité de trancher est notre disponibilité mentale… Dans le contexte d’épidémie, nombreux sont ceux qui s’inquiètent un peu pour eux et pour leurs proches, et se posent des questions quant à l’évolution de la situation. On peut alors comprendre que malgré toutes nos envies de nous distraire et d’organiser ce confinement pour qu’il soit confortable, une grande partie de notre attention est captée par le suivi des événements… Les questionnements nous prennent pas mal d’énergie, nous laissant peu de bande passante pour réfléchir aux sujets qui semblent moins essentiels. Difficile alors de prendre des décisions dans ce contexte !


 De plus, il y a eu tellement d’idées géniales proposées que l’on ne sait pas nécessairement par quel bout commencer. Et c’est normal, car il semblerait qu’avoir trop de choix complique nettement le processus de décision chez l’homme. En effet, d’après une étude de l’American Marketing Association en 1974, la surabondance de choix aurait des effets négatifs sur les mécanismes de choix des personnes (Overchoice Effect). Un psychologue américain, Barry Schwartz a lui observé des phénomènes similaires. Il explique que la multiplication des options lorsqu’on doit faire un choix peut avoir deux effets négatifs :

  • Une paralysie : lorsque l’on fait face à trop d’options, il devient complexe de décider

  • Une insatisfaction : une fois la décision prise, les personnes qui avaient à choisir parmi de multiples options ont davantage tendance à regretter leurs choix

 C’est un réel paradoxe, car si on pense que plus d’opportunités sont pour nous le signe d’une plus grande liberté, le tri à faire pour traiter l’info nous tétanise. Un excès d’idées d’activités aurait alors tendance à provoquer… notre inactivité !


 Par ailleurs, d’après les psychologues William Edmund Hick et Ryan Hyman, il existe une relation de cause à effet entre le temps de réaction d’une personne et les possibilités de choix auxquelles elle fait face. Plus les choix possibles se multiplient, plus le temps de décision augmente. Normal dans ce cas-là que nous n’ayons peut-être pas encore réussi à faire le tri de notre côté. La bonne nouvelle, c’est que du temps, nous allons en avoir, alors nul besoin de nous précipiter pour choisir et décider.


Décider ou choisir ?


 Mais d’ailleurs, quelle différence entre choisir et décider ? Pour le philosophe français Charles Pépin, il existe une réelle différence entre les deux verbes :


  • Choisir : choisir se fait rationnellement, en analysant et examinant les données à disposition pour réduire l’incertitude et sélectionner celle qui présente le plus d’avantages. En neurosciences, on pourrait dire que cela correspondrait à favoriser l’option qui apporte le plus de récompense, ou réduirait au maximum l’inconfort ou le niveau de risque.


Ex : entre deux émissions de divertissement, vous choisirez probablement la plus distrayante ou la plus abordable en terme de contenus, afin d’être sûr de passer la meilleure soirée possible


  • Décider : si les différentes options sont également attirantes, c’est là que survient la nécessité de décider, explique le philosophe. Il n’y a alors pas d’élément objectif pour nous aider dans cette sélection; il va falloir agir sans être sûr de prendre la meilleure option ! Et c’est souvent là que nous bloquons…


 Ex : choisir entre deux parfums chez le glacier est une pure affaire de décision


 Il décrit très bien cette différence dans son livre consacré à la confiance en soi, qui est primordial à consolider en ce moment. En effet, pour lui, la confiance en soi est notre capacité à agir même quand tout n’est pas maîtrisé. C’est ce savant mélange entre maîtrise et abandon : on est suffisamment entraînés pour savoir faire face à l’inconnu, l’imprévu. On commence à bien connaître la notion de l’imprévu en ce moment en tout cas !

 Si la question vous intéresse, vous pouvez écouter son intervention sur le sujet dans cette émission de France Inter : écouter l'émission ici !



Faire le tri et suivre son intuition


Beaucoup de temps et pas mal d’idées ou de suggestions d’occupations ? Tant mieux ! Cependant, si le confinement doit durer longtemps, il n’y a pas d’urgence à se ruer sur mille activités. Vous avez le droit de prendre votre temps.
Vous pouvez déjà faire faire un tri dans les différentes propositions pour les réduire en grandes catégories qui les regroupent. Le choix s’en trouvera facilité. Et surtout, vous pouvez faire abstraction de ces informations extérieures pour vous recentrer et réfléchir à ce que vous avez généralement envie de faire en temps normal, de manière instinctive, si vous viviez l’un de ces weekends pluvieux d’hiver qui donnent envie d’hiberner…


 En vous fiant à votre instinct, votre intuition, vous y verrez sûrement plus clair... Pas très rationnel comme mode de décision ? Pas si sûr ! Si la pensée analytique résulte d’une étude détaillée des données pour produire un raisonnement, il semblerait que la pensée intuitive, elle, se forme en lien avec notre mémoire émotionnelle des choses. Donc en fonction de notre expérience, en quelque sorte. Elle a donc toute sa place dans nos mécanismes de décisions !

 Janet Metcalf, responsable du laboratoire métacognition et mémoire à l’université Columbia décrivent bien ces deux « routes cérébrales » : l’une analytique qui fonctionne par étape, et l’autre qui fonctionne à notre insu, à une vitesse remarquable et qui permet d’arriver à une conclusion très rapidement. Le dramaturge Henry Bernstein parle bien de ce phénomène :

« L’intuition est comme l’intelligence qui a commis un excès de vitesse ». Alors, appuyons un peu sur le champignon !

 Conclusion, restons à l’écoute de notre intuition, elle peut vraiment nous aider à y voir clair. Et si nous nous sentons envahis pas les informations, positives et négatives, n’hésitons pas à vous débrancher plusieurs heures par jour de l’actualité. Quitte à ne rien faire !



Cécile Pichon

Sa fiche sur weppsy




Sources :

https://nesslabs.com/overchoice

https://www.ted.com/talks/barry_schwartz_the_paradox_of_choice?language=fr

https://www.usabilis.com/definition-de-loi-de-hick-loi-de-hick-hyman/

https://www.scientificamerican.com/article/can-we-rely-on-our-intuition/

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/intuition-le-cerveau-en-roue-libre_104367

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cerveau-cerveau-prise-decision-predite-11-secondes-avance-75329/

Charles Pépin : La confiance en soi. Allary Editions. 2018



Episode 2 - Challenge confinement & weppsy - Comment la gratitude peut nourrir nos journées? Partager

Ribeyre, Psychologue clinicienne)

par Laetitia Ribeyre, Psychologue clinicienne
le 2020-03-19

Episode 2 - Challenge confinement & weppsy - Comment la gratitude peut nourrir nos journées?

 La psychologie positive est un courant récent et passionnant qui pose une question nouvelle dans l’étude de la santé mentale : que font les gens qui vont bien pour maintenir cet état de contentement ou de bonheur ? Comment “améliorer des vies normales” ? Nos vies ne sont pas vraiment "normales" en ce moment, mais les apports de cette théorie vont nous faire du bien !

Martin Seligman, chef de file de ce mouvement né aux Etats Unis, n’était plus satisfait de “ramener ses patients dépressifs à zéro”, c’est-à-dire de leur apprendre à ne plus aller mal, mais sans qu’ils sachent profiter de la vie, ressentir du bonheur, savourer les moments, etc...

Pour comprendre son cheminement, voici sa conférence.


 Ainsi, avec ce que nous traversons tous actuellement, j'aimerais vous inviter via cet article à réaliser quelques exercices phares de la psychologie positive. Ils sont simples, très efficaces et validés scientifiquement.


Le premier est l’exercice de gratitude. 


 Gratitude en ces temps de confinement ? Je sais que cela peut paraître "dingue", mais écoutez-moi jusqu’au bout ! Vous connaissez peut-être déjà cet exercice grâce au livre de Florence Servan Schreiber, “3 kifs par jour”. Elle a été la première française à introduire cet exercice en France. “Je me rends compte de la quantité de merveilles qui proviennent de l’extérieur de nous”. Elle nous en parle dans cette vidéo


A quoi ça sert ?


 La proposition est simple : le soir, posez vous et trouvez trois choses pour lesquelles vous éprouvez de la gratitude aujourd’hui. L'intérêt de cet exercice est double :


  • nous avons la fâcheuse tendance à conclure nos journées en nous focalisant sur le négatif. Les émotions négatives retiennent davantage notre attention et prennent plus de place dans notre mémoire. Avec cette proposition, vous terminez la journée en vous focalisant sur le positif, l’essentiel. Je suis en bonne santé, ma famille aussi. J’ai eu un bel échange avec mon compagnon, mes enfants. C’est un confinement, mais il n’y a pas de zombies. J’ai réussi à travailler aujourd’hui, d’autres ne peuvent pas le faire, etc.

  • savoir que l’exercice va clore votre journée vous met dans un état de recherche durant la journée: qu’allez-vous noter ce soir ? Vous avez donc une attention toute particulière pour ces moments-là lorsqu’ils se déroulent, et vous les savourez d’autant plus.


 Pour Tal Ben Shahar, autre figure marquante de la psychologie positive, les effets de la gratitude sont exceptionnels ! Comparé à un groupe contrôle, le groupe qui faisait l’exercice de gratitude appréciait davantage sa vie et les gens qui le composaient étaient plus heureux, plus déterminés, plus énergiques et plus optimistes. On ne dit pas non à ça en ce moment, n'est-ce pas? Lui-même fait cet exercice tous les soirs à l’oral avec ses enfants, le transformant en moment de partage. A essayer avec vos enfants, vos colocs, votre compagnon ou vos amis !


 David Steindl-Rast est un moine qui prône aussi l’importance de la gratitude. Comment imaginons-nous notre bonheur, ce but que nous avons tous en commun ? Nous pensons que les gens heureux ont de la gratitude. Mais ce sont les gens qui ont de la gratitude qui sont heureux !

Il estime que la reconnaissance fondamentale vient du fait que chaque moment nous est “offert”, comme un cadeau et détient un immense potentiel, un immense champ des possibilités. Il nous rassure, on ne doit pas ressentir de la gratitude pour un évènement difficile (ouf, on est sauvés !), mais plutôt face à l’opportunité que ce moment difficile nous offre (écrire des articles pour aider le grand public pour nous par exemple !).
 Aujourd’hui, ce confinement fait émerger tellement de créativité, d’élans de solidarité : là est notre opportunité. Pourquoi pas se servir de cette épreuve et lui donner un sens? Au quotidien, cette gratitude nous fait tenir, et ce sens nous fera accepter cette difficulté sur la durée. “L’opportunité, la possibilité, est le cadeau au sein de chaque cadeau”. C’est-à-dire que chaque moment est un cadeau en soit, et que le potentiel qui existe au sein de ce moment est également un cadeau. On aura besoin de quelques jours de confinement pour méditer ces mots puissants ! Ici, pour regarder sa conférence.


Comment je fais cet exercice ?


Je me mets au calme, et j’essaie d'être dans l’instant présent. Je prends l’exercice au sérieux ! 

Un conseil est de visualiser ou d’essayer de tenter d’éprouver à nouveau l’expérience que l’on cite. Par exemple, si je note “mon apéro visio avec mes amis”, j’essaie de me focaliser sur ce moment et de ressentir à nouveau le sentiment de ce moment.

Si vous voulez une application, plutôt que de noter dans un carnet, pour répertorier vos listes de gratitudes vous en avez de nombreuses qui sont gratuites : Bliss, Presently, Gratitude Journal, etc. L’application vous enverra un petit rappel à l’heure que vous souhaitez !


Une chaîne Youtube très originale et drôle, Soul Pancake (Pancake de l'âme, oui oui !) propose des vidéos qui illustrent de nombreux exercices de la psychologie positive d’une façon ludique et souvent poignante. Voici l'exercice de gratitude en action !

Le psychologue norvégien, Atle Dyregrov, rappelle que pour mieux vivre la quarantaine, il faut savoir se rappeler que l’on est en train de mettre en place un comportement civique et altruiste en restant confinés, et nous devons en être fiers.


Laetitia Ribeyre

Profil weppsy de l'auteure

Episode 1 - Challenge confinement & weppsy - Et s'il y avait un cadeau ... bien caché ? Réflexion sur la notion de deuil. Partager

Dufetel-Drouglazet, Psychologue Clinicienne)

par Tiffanie Dufetel-Drouglazet, Psychologue Clinicienne
le 2020-03-19

Episode 1 - Challenge confinement & weppsy - Et s'il y avait un cadeau ... bien caché ? Réflexion sur la notion de deuil.

 Nous sommes face à une situation inédite. Un confinement pour la majorité d’entre nous, avec quelques sorties autorisées. D’autres sont toujours sur le pont, avec autorisation de travail pour continuer un semblant de vie ou maintenir l’aide aux plus fragiles. Il nous faut alors renoncer à nos libertés individuelles au profit d’une cause plus grande que nous, limiter la propagation de ce virus et sauver des vies. Chaque jour apporte son lot de nouveaux cas, de vies volées…Il me semble que la confrontation même indirecte à la mort dans ce contexte mais aussi au renoncement à notre vie d’avant, même temporairement, justifie l’utilisation du mot deuil.


Dans ce contexte, quel cadeau ?


 Pour le comprendre, penchons nous sur les différentes étapes de deuil. En 1975, la psychologue Elisabeth Kübler-Ross, s’intéresse aux processus que nous traversons lorsque nous sommes confrontés à la mort. Elles permettent de comprendre le processus que nous traversons face à la perte. Dans ma clinique, je trouve que cette théorie des étapes du deuil, peut se transporter de manière très aidante, sur de nombreuses situations où nous sommes confrontées à une nouvelle brutale, parfois traumatique mais pas toujours, mais surtout à la situation de changement majeur ou de porte.

Et là nous y sommes…
 Malheureusement, parfois la perte d’un être proche. Et plus fréquemment une période de grande déstabilisation sociale qui induit des bouleversements psychiques : perte de nos repères, perte de nos certitudes, perte de nos convictions, perte de nos libertés, perte d’une forme de spontanéité…Freud ( 1915) définit le deuil : « Le deuil est régulièrement la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction venue à sa place, comme la patrie, la liberté, un idéal, etc… ».

 

Ces phases ne sont pas nécessairement linéaires, la personne peut réaliser des retours en arrière afin de poursuivre son cheminement. De même, des nuances existent. Cliquez ici pour voir un schéma qui permet de mieux comprendre.

Après l’annonce, vient la phase de déni. Il s’agit d’une manière pour le psychisme de se défendre face à un événement non élaborable dans un premier temps.Nous l’avons certains ont continué ou tentent de continuer leur vie comme si de rien n’était et que le coronavirus n’était pas là.


Survient ensuite la colère. Elle peut cibler différentes victimes. La sinophobie s’y inscrit.


Puis la négociation arrive, devant l’incapacité de la colère à solutionner le problème. Il s’agit de marchander avec une entité extérieure toute puissante : Dieu, le hasard, la chance. Peut-être les complotistes peuvent-ils être considérés comme étant bloqués dans cette phase ?


Puis l’impuissance face à la situation, entraine la personne dans une phase de dépression. L’avenir semble irrémédiablement compromis. Nécessaire, elle marque une phase de transition vers l’acceptation du deuil. Une fois la perte assimilée, notre ressenti est moins intense, même s’il peut rester des moments difficiles. Les yeux se tournent alors vers le futur. La situation devient acceptable pour le psychisme.


Puis vient le pardon, l'acceptation : se pardonner à soi-même, renoncer à l’illusion de la toute puissance, puis pardonner aux responsables de la perte.


Enfin, la quête du sens et du renouveau, permettent la révélation du Cadeau caché. Qu’est-ce que ce moment douloureux m’a permis ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Qu’est-ce que j’ai réalisé lors de cette période difficile? Grâce à …. j’ai pu…


Alors dans un premier temps, accueillons les émotions qui nous traversent quelles qu’elles soient. Elles sont légitimes et ont une fonction : nous accompagner vers un nouvel état de sérénité. 
Parlons-en avec nos proches, cela nous aidera à mieux les vivre. Puis, réfléchissons à ce cadeau caché. Trouver du sens aux évènements permet de diminuer le vécu d’impuissance très désagréable et parfois très déstructurant. Comment y voir un cadeau ? Quel sens ? Comment transformer cette situation qui nous est imposée en en faisant quelque chose dans lequel nous avons le « pouvoir » ? Comment agir pour ne plus subir ?


Voici ma réflexion.


 Cela fait des années plus particulièrement des mois, que la situation écologique me préoccupe voire m’alarme et m’angoisse. Malgré des actions concrètes sur le plan personnel et social, le découragement me guettait avec l’impression de vider la mer à la petite cuillère. Quels effets ? Si ce n’est celui d’avoir tenté, de ne pas être resté impassible.

 Aujourd’hui, dans ce quotidien source d’insécurité, de belles nouvelles nous rejoignent toutefois : la pollution atmosphérique a fortement diminué en Chine, en raison de l’arrêt des industries notamment ; nous n’entendons presque plus que le bruit des oiseaux et des rires des enfants ; les canaux de Venise sont propres et des poissons y nagent à nouveaux, des actions de solidarités émergent …


Ce joli texte de Catherine Testa diffusé sur les réseaux m’a beaucoup parlé :


                        "Et les français restèrent chez eux

                        Et ils se mirent à lire et à réfléchir.

                       Et ils n’oublièrent plus de prendre des

                         nouvelles de leurs proches.

                        Dans l’incertitude de demain, ils

                       comprirent enfin ce que voulait dire

                         profiter de l’instant présent.

                      Progressivement les publicités vantant des

                      produits dont ils n’avaient pas besoin leur

                         semblèrent bien vides.

                            Et ils comprirent.

                           Ils n’étaient pas en train 

                         de survivre mais bien de vivre.

                        On venait de leur faire un cadeau

                       incroyable : on leur avait offert du temps.

                       Et la terre les trouva digne d’elle et elle

                        commença à respirer à nouveau"


 Alors malgré les doutes, les incertitudes et la peur, c’est bien pour moi, étrangement peut être mais l’optimisme qui domine.Un autre monde serait-il possible ? Il aura fallu passer par cette pause imp(au)osée pour changer de paradigme : mettre les usines, les avions, les machines et le travail à l’arrêt.Et être forcé de s’arrêter, de ne plus circuler… Papiers s’il vous plaît !

 Se re-centrer sur le privé. Se pauser, penser, respirer… un air presque pur ! Prendre le temps de faire tout ce que l’on n’a jamais le temps de faire. Regarder, observer, être disponible… pour voir la beauté de notre nature, bourgeonnante.  Et alors quelle chance pour nos enfances ce bouton « pause » activé ! Préservons leur innocence de l’enfance, rassurons-les comme nous le pouvons. Malgré les difficultés de télétravailler à leur côté, nous allons pouvoir leur offrir le plus beau cadeau qui soit : la présence. Combien sommes-nous à regretter de ne pas être assez là, assez disponibles, de voir le temps filer et nous lui courir après ? Prenons le temps avec nos enfants. C’est ce qui va contribuer à remplir leur réservoir affectif et à leur permettre de faire grandir leur sécurité interne. C’est cette sécurité affective et émotionnelle qui va les guider toute leur vie durant.


Etre là, juste là.


 Les professionnels de l’enfance et de l’éducation s’accordent tous à dire : on ne peut s’improviser enseignant et un enfant ne peut perdre si rapidement son niveau scolaire. Il lui faudra peut être une semaine pour reprendre le rythme mais qu’importe, ce qu’il aura vécu est une expérience sans précédent. Alors quel cadeau de pouvoir profiter de nos enfants, les voir grandir et devenir sous nos yeux. Oui, c’est fatiguant, parfois éprouvant car l’enfant déstabilisé vient décharger auprès des figures qui sont ses parents, toutes ses ressentis.

 Alors comme nous avons accueilli nos émotions, accueillons les siennes, mettons des mots dessus : « Je vois que tu es…. », « C’est une grosse colère/tristesse »… Décrivez ce qu’il manifeste dans son corps, ce que vous observez. Soyons compréhensifs, c’est difficile aussi pour nous, alors pour nos enfants, dont le cerveau ne sera totalement mature qu’à…. 21 ans ! On imagine le tsunami émotionnel…La verbalisation en miroir, sans jugement, permet souvent un apaisement rapide des décharges émotionnelles intenses. Etre parent pour soi, présent, être là, juste là, malgré les incertitudes, les doutes, la tristesse et la peur parfois.

Être là…. Avec Sénèque qui nous dit dans une toute petite voix : La vie ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie.


Tiffanie Dufetel-Drouglazet

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Sources :

- Kübler-Ross, E., 1975. Les derniers instants de la vie. Labor et Fides, Genève

- Freud, S., 1976. Deuil et Mélancolie. Métapsychologie. Gallimard, Paris.